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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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II - La notion imprécise de lanceur d'alerte

L'évocation moderne et naissante des lanceurs d'alerte est symptomatique de deux phénomènes. D'une part, les menaces nouvelles sur nos démocraties, économies et environnements sanitaires. D'autre part, les erreurs et insuffisances des responsables publics et privés qui, dès lors, instituent des situations contraires à l'intérêt général et collectif.

La désincarnation et le désenchantement du pouvoir politique et économique, le manque d'exemplarité et de déontologie par les décideurs publics et privés, ainsi que toutes les formes de connivence entre argent et pouvoir, ont été autant de facteurs qui ont incité certains citoyens à surmonter la crainte de parler et à s'ériger en défenseur du bien commun et de l'intérêt général.

13 G. DE LAGASNERIE, L'art de la révolte, op. cit., p. 42-209

14 G. CARCASSONNE, « Le trouble de la transparence », Revue Pouvoirs 2001/2 n°97, p.17-23 (consulté le 4 décembre 2015) http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2001-2-page-17.htm

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Différents exemples subsistent à travers le monde15 16. En France, ces individus qui usent de leur liberté d'expression, ont pris le nom de lanceur d'alerte. L'ancrage de cette notion a été lent pourtant aujourd'hui, et ce de manière paradoxale, elle est utilisée tous azimuts. Selon Daniel Lochak « Il y a actuellement un effet de mode qui conduit à labelliser comme « alerte éthique » toute forme de rébellion ou de contestation »17.

Persiste, présentement, une difficulté majeure à définir la notion de lanceur d'alerte (cela a fait l'objet de vifs débats juridiques et doctrinaux) car selon la définition retenue certaines alertes ne seront pas admises et certains individus illégitimes. La définition de lanceur d'alerte a été modifiée à de multiples reprises, réduite ou étendue au fil des différentes crises et scandales qui ont jonché ces trente dernières années18. Le terme alerte ayant même été réfuté par le Ministère du travail qui lui préférait l'expression dénonciation19 alors que la notion alerte éthique était privilégiée par les associations, ONG et organes de presse20. Cependant, selon Gilles Devers « l'éthique n'est pas du droit [...], il est donc inapproprié de valider cette notion d'alerte éthique car cela revient à dire que le droit a épuisé toutes ses ressources, et que le lanceur d'alerte est une sorte de héros moral dans notre société faible et pervertie »21.

C'est sous le prisme scientifique que la réflexion sur ce sujet a débuté. Pionniers en la matière, les sociologues Francis Chateauraynaud et Didier Torny ont été les premiers à consacrer la notion pour définir le comportement d'un citoyen dénonçant des agissements contraires à la loi ou aux droits fondamentaux22.

15 Le 26 avril 1986, la catastrophe de Tchernobyl a engendré le plus grand mensonge et secret institutionnel existant sur un cataclysme environnemental (voir : film documentaire, La bataille de Tchernobyl, 2006 par Thomas Johnson). Alors qu'aucune étude, statistique n'a été effectuée ou rendue publique sur les taux de radioactivité absorbés par les corps humains et les sols, un professeur de médecine Youri Bandajevsky va pourtant tenter, par des recherches scientifiques poussées, de travailler sur les conséquences sanitaires de la catastrophe et d'établir des études sur les maladies des populations des zones contaminées et particulièrement sur les enfants. Les résultats édifiants de ses travaux seront la base d'un documentaire « Le coeur de Tchernobyl » diffusé en 1999 par la télévision biélorusse. Le 13 juillet 1999, le professeur est arrêté, accusé d'avoir reçu des pots-de-vin. Il est condamné par le collège militaire de la cour suprême, en 2001, à huit années de prison. Après plusieurs actions de différentes ONG, il sortira en 2006 et s'installera en France (non autorisé à séjourner en Biélorussie).

16 À la manière de la désobéissance civile (terme analysé ultérieurement), on peut retrouver le mouvement des refuzniks. Ce sont des soldats israéliens refusant de servir Tsahal (l'armée d'Israël) et de remplir leurs obligations militaires sur les territoires palestiniens occupés. Par leur action transgressive, l'objectif est de dénoncer publiquement la politique de leur gouvernement et le comportement de l'armée en Cisjordanie et à Gaza. Le premier ayant refusé toute collaboration avec l'armée a été Jospeh Abileah. Le mouvement va réellement naître en 1979, lorsqu'un autre soldat, Gadi Algazi, va refuser d'effectuer son service militaire dans les territoires occupés de la Palestine. Il sera condamné à dix mois d'emprisonnement.

17 D. LOCHAK, « L'alerte éthique, entre dénonciation et désobéissance », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2240-2261

18 Selon Nicole Marie Mayer, passant de l'alerte professionnelle à l'alerte citoyenne, aux fraudes comptables et financières, à la notion de risque pour autrui - N. MARIE MEYER, « L'alerte éthique ou whistleblowing en France », Rapport janvier 2013 à Transparency International, p. 3-13

19 Circulaire DGT 2008/22 du 19 novembre 2008 relative aux chartes éthiques, dispositifs d'alerte professionnelle et au règlement intérieur

20 La paternité de l'expression « alerte éthique » est attribuée à Transparency International.

21 G. DEVERS, La protection du lanceur d'alerte par la jurisprudence, Tim Buctu Editions, 2015, p. 24-171

22 Voir : F. CHATEAURAYNAUD, D. TORNY, Les Sombres précurseurs : Une Sociologie pragmatique de l'alerte et du risque, Paris, Editions de l'EHESS, 1999, p. 278

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La Fondation Sciences Citoyenne (association fondée en 2002 et tournée vers les alertes scientifiques) précisera par la suite le rôle d'un lanceur d'alerte23 : « Simple citoyen ou scientifique travaillant dans le domaine public ou privé, le lanceur d'alerte se trouve à un moment donné, confronté à un fait pouvant constituer un danger pour l'homme ou son environnement, et décide dès lors de porter ce fait au regard de la société civile et des pouvoirs publics ».

Ce terme, récent en France, existe depuis plusieurs décennies aux États-Unis, sous l'expression de whistleblower. Certains ont exprimé l'idée que le lanceur d'alerte serait une traduction lexicale française du whistleblower américain. Au-delà de l'étude sémantique, le whistleblower est la synthèse littérale de « celui qui donne un coup de sifflet ». Il désigne, à l'origine, les policiers soufflants (blow) dans leurs sifflets (whistle) pour appeler les forces de l'ordre ou pour alerter les citoyens d'un danger.

Selon Transparency International, aux États-Unis, le droit d'alerte, extension de la liberté d'expression, va naître historiquement du droit du travail : il a pour but de protéger le salarié alertant sur des crimes ou faits illégaux24.

Dès 1777, un premier statut protecteur est mis en place par le Congrès américain25. Cette loi affirmait « Qu'il est du devoir de toute personne travaillant au service des États-Unis d'Amérique de fournir sans délai au Congrès ou à toute autre autorité légitime toute information qui serait portée à leur connaissance concernant tout comportement immoral, toute fraude ou tous abus d'autorité commis par des personnes au service des États-Unis »26. En revanche, c'est la loi du 2 mars 1863 False Claims Act qui a permis d'enraciner la protection des whistleblowers, mettant en place un système de récompense pour toute personne dénonçant les fraudes commises par les sous-traitants de l'armée de l'Union. Cette loi est toujours en vigueur et a été complétée27.

23 FONDATION SCIENCES CITOYENNES, « Qu'est-ce qu'un lanceur d'alerte ? », article publié le 29 janvier 2008 http://sciencescitoyennes.org/quest-ce-quun-lanceur-dalerte/

24 TRANSPARENCY INTERNATIONAL France, Guide pratique à l'usage du lanceur d'alerte français, publié sur leur site internet le 23 juillet 2014, p.4-18 https://www.transparency-france.org/wp-content/uploads/2016/03/2014Guide-pratique-à-lusage-du-lanceur-dalerte-français.pdf

25 Cette loi a été adoptée à la suite des poursuites engagées par un amiral de la flotte américaine à l'égard de l'un de ses subordonnés, qui avait dénoncé les agissements de torture perpétrés par ce dernier. Dans le but de protéger les dénonciateurs, le Congrès avait voté la première loi protectrice des whistleblowers.

26 JP FOEGLE, Les lanceurs d'alerte, étude comparée France-Etats-Unis, mémoire de recherche dirigé au sein du Master II Droits de l'Homme à l'Université Paris X, p. 11-167, soutenu le 5 septembre 2014

27 En 1978 par la loi Civil Service Reform Act (qui va protéger les agents fédéraux lanceur d'alerte), en 1989 par la loi Whistleblower Protection Act, en 2009 par la loi Fraud Enforcement and Recovery Acte, puis en 2010 par la loi Patient Protection and Affordable Care Act.

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Quant au terme de whistleblower, il a fait son apparition pour la première fois le 30 septembre 1970, lors d'une conférence organisée par l'avocat américain Ralph Nader28, peu de temps après l'affaire Daniel Ellsberg29, dans le but de différencier les dénonciateurs et délateurs30 et de mettre en valeur ces personnes ainsi que l'importance de leurs révélations31.

Ainsi, de manière précoce, on a assisté aux États-Unis à une reconnaissance et une protection des whistleblowers. Constat antinomique de la manière dont s'est déployée, avec beaucoup de retard en France, la notion de lanceur d'alerte et les garanties accordées à celui-ci.

En France, cette hésitante intention d'aboutir à une définition précise et une protection des lanceurs d'alerte serait liée à la Seconde Guerre mondiale. D'après Nicole Marie Meyer, les traces laissées par les délateurs durant l'Occupation française auraient perduré jusqu'à nos jours, conduisant à une relation conflictuelle avec les lanceurs d'alerte32. Toujours selon Nicole Marie Meyer « Loin d'être un héros, le dénonciateur ne suscite instinctivement que dégoût, parce que la différence entre lanceur d'alerte (intérêt général) et délateur (profit personnel) n'a été ni clairement, ni officiellement établie. En 2007, un haut fonctionnaire n'assimilait-il pas encore publiquement, l'alerte « gangrène des rapports sociaux » et « lit du populisme », à la dénonciation nazie ? »33. Dès lors, créer un statut et établir une définition, partait de l'idée qu'il fallait différencier le délateur du dénonciateur.

Selon le Petit ROBERT 134, le délateur est une personne qui dénonce pour des motifs méprisables (intéressement, bénéfice). Toujours selon le Petit ROBERT 135, le dénonciateur est une personne qui dénonce quelqu'un à la justice, c'est une personne qui attaque en révélant. Le dénonciateur a donc une démarche éthique et son but n'est pas son profit personnel mais une plus-value pour l'intérêt général.

28 Voir : An anatomy of whistleblower, Penguin, 1974. Ralph Nader est devenu une icône dans son combat pour les whistleblowers et la protection des consommateurs. Il a fondé une association Public Citizen en 1971, dont l'une des principales missions est la défense des consommateurs américains. L'association revendique 150 000 membres.

29 Daniel Ellsberg avait fourni au New York Times, 7 000 documents classifiés concernant l'intervention et le processus décisionnel du gouvernement américain durant la guerre du Viêt Nam. Ce qui donnera lieu à l'affaire des Pentagon Papers. Daniel Ellsberg sera poursuivi sur le fondement de la loi de 1917 dite Espionnage Acte mais sera relaxé en mai 1973 par la Cour suprême. Le procès s'est déroulé dans le contexte de l'affaire du Watergate. Affaire déclenchée par un whistleblower le très connu « gorge profonde », qui avait renseigné les journalistes du Washington Post. Des années plus tard, l'identité de gorge profonde sera divulguée, prenant le visage du numéro deux du FBI, W. Mark Felt.

30 JP FOEGLE, Les lanceurs d'alerte, étude comparée France-Etats-Unis, op. cit., p. 13/14-167

31 Voir : NADER, PETKAS et BLACKWELL, Whistleblowing : The report of the conference on professional responsibility, Viking Pr, 1972 (cité par JP FOEGLE, Les lanceurs d'alerte, étude comparée France-Etats-Unis, mémoire Master 2) 32« La résistance culturelle de la société à l'alerte provient d'une confusion politique entre alerte civique et délation totalitaire (syndrome post-Vichy) opérée par les anciens pays occupés, par opposition aux pays demeurés libres » : N. MARIE MEYER, « L'alerte éthique ou whistleblowing en France », Rapport janvier 2013, p. 2-13

33 Ibidem, p. 2-13

34 Petit Robert 1, réédition de mars 1990, Paris, Dictionnaires LE ROBERT

35 Ibidem

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Selon Christian Vigouroux, malgré ces différenciations entre délateur et dénonciateur, il existe encore des réticences à user de l'expression dénoncer. Les différents textes adoptés en France attestent de cette défiance36.

Il y aurait également une autre distinction à faire entre whistleblower et leaking.

Le whistleblower étant représenté comme un lanceur d'alerte et le leaking comme un fuiteur37. Ces deux personnages ont approximativement la même façon de procéder : la transgression d'une norme ou d'une autorité à des fins de divulgation d'informations. La différenciation se trouve dans la vision que ces deux figures se font d'une démocratie et de l'emploi de la transparence. En effet, le leaking estime que la transparence doit être absolue pour qu'une société soit démocratique et par conséquent que l'intégralité des informations doit être divulguée, publiée (sans les éditer ou les trier38)39. Le whistleblower ne partage pas nécessairement cette conception de la transparence puisqu'il décide de diffuser seulement ce qui est indispensable à l'interruption des abus et illégalités opérés40, afin qu'une société demeure démocratique.

Reste le problème, en France, de la définition à octroyer aux personnes lanceuses d'alerte, aucune définition globale n'ayant été adoptée par le législateur français. Dès lors, plusieurs problématiques se présentent. En premier lieu, la question selon laquelle le lanceur d'alerte serait-il personnifié en un seul individu (Edward Snowden, Bradley Manning, Irène Frachon, etc.) ou pourrait-il être vu dans un ensemble plus collectif 41 ? Ensuite, se pose la nature de l'alerte (l'alerte devant porter sur quel type de comportement ou d'infraction ?). Enfin, les modalités de la divulgation (doivent-elles être internes ou externes ?).

36 C. VIGOUROUX, « Déontologie des fonctions publiques », Revue Dalloz 2ème Edition, 14 novembre 2012, p.485 et suivants (dans cet article, C. Vigouroux effectue un long travail sur la question de la terminologie à utiliser en la matière).

37 Le terme leaking ou leaks a été utilisé à différentes reprises en l'associant à une autre expression. L'exemple de l'affaire LuxLeaks (littéralement les « fuites du Luxembourg »), l'affaire VatiLeaks (les fuites du Vatican) ou de WikiLeaks (faisant la liaison entre Wiki, un site internet permettant le partage et la modification d'informations par tout le monde, et Leaks).

38 Un exemple célèbre est Wikileaks. En 2010, ils publient, en collaboration avec différents journaux anglais et américains, 91 000 documents militaires américains sur la guerre en Afghanistan et en Irak et 250 000 câbles diplomatiques entre les Etats-Unis et le reste du monde. Alors que certains préconisaient un tri dans les informations à publier (tels que les journalistes ou Daniel Berg l'un des membres de l'organisation), Julian Assange refuse et décide de tout diffuser sur Internet sans contrôle a priori des informations. Ce qui eut pour conséquence, que l'identité de certains agents militaires ou informateurs afghans et irakiens fut dévoilée (mettant, in fine, leur vie en danger). Dès lors, certains ont refusé d'attribuer à Wikileaks le statut de lanceur d'alerte, estimant que Julian Assange était responsable et que l'organisation était devenue « une officine de délation » (propos tenus par l'ancien membre Daniel Berg).

39 « Dans un article du Washington Post, Floyd Abrams, l'avocat du New York Times dans l'affaire des Pentagon Papers réfutait toute comparaison avec Wikileaks » : P. MBONGO, « Manning, Snowden, deux questions sur les lanceurs d'alerte », Huffingtonpost.fr, 31 juillet 2013 (consulté le 5 mars 2016) http://www.huffingtonpost.fr/pascal-mbongo/manning-snowden-questions-resoudreb3682773.html

40 S. SLAMA, « Le lanceur d'alerte, une nouvelle figure du droit public ? », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2233-2261

41 Les collectifs dénonçant les effets des OGM, les actions de certains « ZADistes », les militants contre l'instauration des fermes aux milles vaches, l'association L.214, etc.

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Dès 2004, Transparency International France avait déploré le manque de lisibilité de la notion et le manque de protection du lanceur d'alerte42. L'ONG avait également avancé une définition : « Le lanceur d'alerte est tout employé qui signale un fait illégal, illicite ou dangereux pour autrui, touchant à l'intérêt général, aux instances ou aux personnes ayant le pouvoir d'y mettre fin ». L'OCDE avait émis des recommandations à l'intention des États afin qu'ils mettent en place des dispositifs de protection pour les lanceurs d'alerte.

C'est sur la base de ces avis que des textes européens ont tenté de produire de la clarté en continuant la réflexion menée43.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a ainsi énoncé, dans sa résolution 1729 de 2010, que le donneur d'alerte « est toute personne qui tire la sonnette d'alarme afin de faire cesser des agissements pouvant représenter des risques pour autrui ».

Le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe a récemment apporté une définition en synthétisant les travaux précédents. Dans sa recommandation du 30 avril 2014, il a adopté la première définition européenne du lanceur d'alerte : « Toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l'intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu'elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé »44. La recommandation donne également une définition de l'alerte : « Tout signalement d'actions ou d'omissions, constituant une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, ou toute révélation d'informations sur de tels faits ». Ce signalement devant être fait soit en interne au sein d'une organisation ou d'une entreprise, soit auprès d'une autorité extérieure, soit être toute révélation publique d'informations (donc par la presse).

En 2014, le Comité des Ministres a, dès lors, posé, selon Jean-Philippe Foegle, la première « ébauche d'un statut du lanceur d'alerte au niveau européen ou, à tout le moins, d'un standard de bonne pratique en matière de protection des lanceurs d'alerte »45.

En France, il n'existe aucune définition globale du lanceur d'alerte, seule une définition partielle a été donnée par la loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin46. Elle est limitée au champ de la santé publique et de l'environnement. L'article 1er énonce que « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser, de bonne foi, une information

42 TRANSPARENCY INTERNATIONA, « Favoriser le déclenchement d'alerte en France », rapport d'octobre 2004

43 Voir Titre I, Section 1, Paragraphe I, A, 1

44 Recommandation du Comité des Ministres du 30 avril 2014 - Recommandation CM/Rec (2014) 7 - élaborée lors de la 1198ème réunion des Délégués des Ministres

45 JP FOEGLE, « Un renforcement en demi-teinte du statut du lanceur d'alerte dans l'Europe des droits de l'homme », La Revue des droits de l'homme, Actualités droits-libertés, 11 mars 2015, p. 3-11 (consulté le 6 janvier 2016).

46 Loi du 16 avril 2013 n° 2013-316 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte « loi dite Blandin », JO n°0090 du 17 avril 2013, p.6465

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concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît peser un risque grave sur la santé publique ou sur l'environnement ». Rappelons qu'une « zone grise » préexiste puisqu'une personne peut toujours dénoncer un comportement qui n'a pas été encadré dans une définition.

Selon Serge Slama, les critères, faisant foi, d'une alerte éthique peuvent se composer schématiquement en six points47.

Premièrement, l'alerte éthique doit viser à la protection d'un intérêt public.

Deuxièmement, le risque d'atteinte invoqué doit être suffisamment grave, imminent, substantiel et tangible (pas seulement purement hypothétique).

Troisièmement, le lanceur d'alerte doit être de bonne foi (c'est-à-dire avec la conviction que l'information qu'il divulgue est authentique).

Quatrièmement, l'alerte doit être désintéressée (le lanceur d'alerte ne doit pas chercher à en tirer un profit personnel en termes matériels, de carrière ou d'avancement mais agir dans l'unique but de mettre fin à une illégalité, une situation de danger ou d'atteinte à l'éthique). Cinquièmement, l'alerte doit être transmise à une autorité ou personne ayant la capacité de mettre fin au danger, au comportement dénoncé.

Sixièmement, les moyens utilisés pour la divulgation doivent être proportionnés (il faut privilégier les canaux de signalement interne avant de recourir aux canaux externes et à la presse).

Ainsi, l'appréhension de la notion de lanceur d'alerte a été un problème ab initio. Et malgré une évolution législative, demeure un terme non précisément défini et un manque de lisibilité48. Cette problématique est d'autant plus difficile à résoudre, que les lanceurs d'alerte peuvent se rapprocher de ce qu'on nomme la désobéissance civile.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe