WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les apprentissages entre pairs: construction d'une identité plurielle

( Télécharger le fichier original )
par Carine Amouriaux-Menou
Université Rennes 2-Haute Bretagne - Master 2 Education, apprentissage et Didactique. Département des Sciences de l'éducation 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.1. Etre entre pairs.

La formation entre pairs désigne donc une modalité d'apprentissage entre les individus d'un même groupe ou d'une même entité. Ce type de formation envisage la possibilité d'apprendre avec ses collègues et confrères. Les situations observées sont des moments pendant lesquels des étudiants travaillent ensemble leurs pratiques professionnelles.

58

90 Problématique du mémoire, p.20.

59

4.1.1 L'étudiant tutoré

4.1.1.1 Acquisition de savoirs

Les étudiants, en formation à l'acte de soin pédicural, sont donc réunis dans une salle contenant douze postes de travail. Chaque poste est équipé d'un fauteuil pour le patient et de deux fauteuils praticiens qui placent les étudiants légèrement plus bas que les pieds du patient. Chaque stagiaire possède un chariot (nommé poste de travail) sur lequel il positionne les différents instruments nécessaires à l'exécution d'un soin.

Lorsque tous les étudiants ont installé leur poste de travail, chaque binôme se rend dans la salle d'attente pour chercher un patient. Des rendez-vous ont été donnés à autant de personnes qu'il y a de groupes d'étudiants. Le patient s'installe dans le fauteuil et se déchausse.

L'étudiant P3 est généralement celui qui prend la parole au début de l'entretien avec le patient. Le P1 est dans un rôle de tutoré, celui à qui on apporte un renfort, un soutien, une aide, un appui, une assistance, une collaboration91.

Le P3 intègre parfois le P1 dans le questionnement de la personne mais rarement : c'est donc le P1 qui observe comment fait le P3, l'écoute aussi (notamment pour connaître le motif de la consultation puis pour décider comment procéder avec le patient). Thom, étudiant P1, explique : « je regarde comment faire, le coup de main, la manière dont procède le P3 et de fil en aiguille, j'essayerai d'appliquer ma méthode [...] on est avec quelqu'un qui a plus d'expérience, il peut nous apprendre à mieux manier les instruments92.» Helena, P3, explique : « je m'installe, mes instruments, mon plateau, et c'est la personne d'à coté [le P1] qui va regarder ce que je fais et qui va faire pareil93.» L'étudiant P1 apprend en essayant de refaire ce qu'il vient de voir faire par un tiers, le P3. Cette intervention par imitation de ce que l'on a observé a été décrite par des auteurs comme Maurice Reuchlin94 et Albert Bandura95. Selon ces auteurs, les apprentissages par expérience directe surviennent le plus souvent sur une base vicariante, c'est-à-dire en observant le comportement des autres et les conséquences qui en résultent pour eux. L'apprentissage vicariant pourrait

91 Définition du Larousse, 2013.

92 Cf. annexes entretiens T.30.

93 Cf. annexes entretiens H.30.

94 M. Reuchlin, Processus vicariants et différences individuelles. Journal de psychologie, volume 2. 1978. pp. 133-145.

95 A. Bandura, L'apprentissage social. Paris. Pierre Mardaga. 1995. 206 p.

60

correspondre, dans ce contexte, à ce que l'étudiant peut apprendre en marge du discours du formateur proprement dit : en regardant faire et en écoutant ceux qui savent faire. Maurice Reuchlin a mentionné l'intérêt pédagogique de ce processus : pour lui, la période d'observation permet au sujet de dégager les aspects pertinents de la situation et de faire porter ses propres essais sur ces aspects. Parce que l'étudiant P1 est à côté d'un autre étudiant plus expérimenté, il a la possibilité de prélever des indices sur le travail à effectuer. Ces prises d'indices permettent au P1 de progresser dans ces apprentissages.

L'apprentissage effectué concerne donc des savoir-faire, comment soigner un patient, techniquement. François, P1, considère que « le tuteur (le P3) montre plus que le formateur les petits gestes de base qu'il faut faire et le tutoré (le P1) se dit que c'est ça les gestes de base qu'il doit faire.96» L'étudiant va apprendre, progressivement, à partir du savoir-faire d'autrui, ce que le formateur a parfois du mal à expliciter. Il incorpore les manières de faire de son tuteur. Dans les premiers temps d'échanges entre étudiants au début de l'année, les savoirs enseignés par le tuteur-étudiant correspondent aux bases du futur métier. On note ici que le P3 a donc un rôle particulier qui est celui d'apprendre quelque chose au P1. Amel, P1, spécifie : «les professeurs nous enseignent mais aussi les P3, ils font le relais des connaissances97». Elle juge l'action d'un P3 très utile : « dans un cours, on écoute, mais on n'enregistre pas forcément tout et le fait qu'ils (les P3) en remettent une couche, je pense que c'est bien.98»

Les mots employés par l'étudiant sont « plus simples » que celui des professeurs, précise François : « quand on (le formateur) nous explique ce qu'il faut que nous fassions avec le patient, c'est un peu théorique. Là, on a quelqu'un (le P3) qui te dit `' ça, on te l'a expliqué, fais gaffe, c'est important, et ça, bon, ça l'est moins `'; ça permet de relativiser ce qu'il faut vraiment savoir99Cela signifie que l'enseignant, c'est-à-dire le formateur, n'est plus la seule interface aux savoirs. Pour l'étudiant P1, observer la réussite ou l'échec d'autres personnes dans une tâche peut jouer sur son sentiment d'efficacité100 par rapport à la tâche (ici, la prise en charge du patient en soin pédicural) surtout si ces personnes partagent avec lui un certain degré de similitude qui

96 cf. annexes entretiens F. 2.

97 cf. annexes entretiens Amel 32.

98 cf. annexes entretiens Amel 36.

99 cf. annexes entretiens F. 4 et 44.

100 A. Bandura, Auto-efficacité. Le sentiment d'efficacité personnelle. Paris. De Boeck Université. 2003.

61

favorise le processus d'identification. Le P1 s'identifie au P3 puisqu'il deviendra lui-même cet étudiant au cours de sa formation. La comparaison sociale est efficace si l'objectif de la tâche est présenté comme une occasion de développer ses compétences ou habiletés101. C'est bien le cas dans ces situations : le P1 apprend du P3. La formation entre pairs crée de fait une interrelation entre les individus : les étudiants sont côte à côte et le formateur n'est pas présent à chaque instant. L'un d'entre eux n'a pas ou peu d'expérience dans l'acte de soigner : il est donc inévitablement invité à regarder comment procède son collègue plus expérimenté pour réussir la mission qui lui est confiée (prendre en charge un patient). Ainsi, le P1 apprend de son tuteur P3, quoi qu'il arrive. Plus ou moins, car les apprentissages vont bien sûr dépendre de ce que dit l'étudiant P3, de ce qu'il montre, donc de la posture qu'il adopte, plus ou moins aidante. Les étudiants P1 l'ont compris et c'est pourquoi ils jugent pertinent de ne pas être en binôme avec la même personne, à chaque stage102. L'institution leur laisse d'ailleurs le choix de changer de personnes et c'est ce que font les étudiants. Ils choisissent leur P3 à chaque début de stage. Comme les groupes d'étudiants changent toutes les trois semaines, chaque P1 remodèle ces savoirs, au fur et à mesure des stages, en fonction de ce qu'il voit et entend.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle