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Les apprentissages entre pairs: construction d'une identité plurielle

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par Carine Amouriaux-Menou
Université Rennes 2-Haute Bretagne - Master 2 Education, apprentissage et Didactique. Département des Sciences de l'éducation 2013
  

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Annexe 1. Guide des entretiens

Les entretiens semi-directifs ont été menés selon une série de questions ouvertes. Ce sont les phrases qui m'ont servi de guide pour conduire mes entretiens ; je ne les ai pas toujours posées de cette façon (je fais ici référence à « l'improvisation réglée » décrite dans mon étude). Voici le type de questions que j'ai posé :

1. Quand vous êtes arrivé sur l'institut de Rennes, de quelle façon vous a-ton demandé de fonctionner en binôme ou en groupe ? est-ce que cela a été confortable ou difficile pour vous de travailler ainsi ?

2. Est-ce un exercice dans lequel vous vous êtes senti à l'aise (l'exercice est expliquer, montrer à ces collègues étudiants lorsqu'on est tuteur, ex. P3 avec un P1, ou avec les P2 en clinique)?

3. Quels sont, pour vous, les qualités nécessaires pour être le tuteur d'un autre ?

4. Selon vous, est-ce que le fait de travailler en binôme ou en groupe créé des situations particulières (comparativement au fait d'apprendre le métier seul, et non en binôme ou groupe ? par rapport à la formation, le métier, humainement... ?)

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Annexe 2. Grille d'analyse des entretiens

Grille de classification par thèmes

Les différents thèmes qui ont permis de classifier les données sont :

- Les acquisitions de savoirs

- L'appropriation de savoirs

- La relation à autrui

- La motivation des étudiants

- Les sentiments

- Etre accompagnateur

- Processus de socialisation

- Une reproduction sociale

- Les limites du processus entre pairs

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Annexe 3. Les entretiens

Chaque entretien a été retranscrit intégralement. Les étudiants sont identifiés par un

prénom que je leur ai attribué, de façon à conserver leur anonymat.

Pour chacun d'entre eux, j'ai récolté des renseignements:

- La date de l'entretien

- Leur nom/prénom

- Leur âge

- Le nombre de frères et soeurs

- Le métier des parents

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue

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Entretien avec Alicia, étudiante en 3ème année. Renseignements recueillis:

- La date de l'entretien : 13 décembre 2011

- âge : 22 ans

- nombre de frères et soeurs : 2 frères

- métier des parents : mère : institutrice/ père : commercial

- formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année

de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : a votre avis, y a-t-il des avantages à travailler en binôme lors des stages de soins à l'institut ?

2. A : je pense qu'il y en a. on peut parler plus librement qu'avec un prof qui est d'un niveau au dessus, on a le même langage, qui n'est pas forcément le même qu'avec une personne plus âgée. On a une différence de niveau avec un autre étudiant qui n'est pas énorme, donc le 3ème année peut comprendre plus facilement les difficultés que rencontre le 1ère année. Pour le 3ème année, on a plus de mal à le faire (travailler en binôme) qu'en 2ème année, car nous somme plus dans notre objectif des 40 mn (temps limite demandé pour une exécution de soins) et ça nous fait perdre du temps. Après, on sait que c'est bénéfique quand on est en P1 d'avoir ça, mais on est peut être moins indulgent et plus stressé que quand nous sommes en P2.

3. C : vous êtes en train de nous dire que de travailler en binôme en P2 signifie qu'il y a moins de pression par rapport à vos objectifs que quand vous êtes en P3 ? Vous avez l'impression de perdre du temps quand vous êtes en P3 ?

4. A : oui, je trouve. En P3, on a plus à faire notre soin en 40 mn tout seul plutôt que d'apprendre à un P1.

5. C : comme vous êtes obligé de travailler en binôme, est ce que vous mettez des stratégies en place pour arriver à donner des informations aux P1 et en même temps atteindre vos objectifs personnels?

6. A : pas spécialement. Moi, je laisse venir les questions ; je dis bien, dès le départ, au P1 qu'il n'hésite pas à poser des questions. Après, moi, je fais mon truc et, si, de temps en temps, « ça va, tu t'en sors ? ». Déjà au début du soin, on évalue ce que lui a à faire, si c'est complexe ou pas et moi je lui demande

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de temps en temps s'il s'en sort mais après, c'est à lui de poser les questions. Je vais pas passer mon temps à regarder ce qu'il fait, sinon, je ne men sortirais pas.

7. C : donc, sur un temps de séance, vous démarrez un soin avec un jeune P1, il y a le patient, comment vous procédez, plus précisément ?

8. A : au départ, j'essaye de mettre le P1 en confiance et lui dire que ça va bien se passer, et de ne pas hésiter à poser des questions quand il a un problème. En général, c'est le P2 ou P3 qui demande le motif de consultation au patient, mais après, moi, je suis partie et lui (le P1) fait à son rythme. Et, à la limite, si moi j'ai fini avant, je vais plus regarder ce qu'il fait, mais pendant que je suis dans mon soin, pas vraiment. J'attends qu'il vienne vers moi. Des fois, il me demande comment faire, alors je lui montre ou je lui dis que je ferai ça après, qu'il fasse ce qu'il peut d'abord. Voilà.

9. C : pour vous, il y a des inconvénients à être tuteur en 3ème année ?

10. A : oui, pour moi, en 3ème année, on perd du temps.et puis, de faire son soins à deux, même si on est deux P2 ou deux P3, ça devient un inconvénient, surtout maintenant, en milieu d'année de 3ème année, avant le DE. Après, en P2, c'est un avantage, je trouve. Là, on voit que nous en P2, on a évolué, en rapidité, etc., et qu'on ne s'en rendrait pas compte tout seul. Quand on commence l'année avec un P1 qui met plus de temps que nous, ça nous met en confiance. Puis on vient d'être tutoré en fait, on est plus dans le rôle de tuteur qu'en P3, je trouve.

11. C : plus aidant ?

12. A : oui. Plus proche du P1 qui débute

13. C : j'avais pensé vous poser la question : que vous a apporté le fait d'avoir été tutoré au cours de votre formation ?

14. A : ça permet d'être plus en confiance, de pas être laissé tout seul, parce que, même si le prof est là, il ne peut pas être derrière tout le monde, tout le temps, c'est bien d'avoir quelqu'un sur qui se reporter, qui est proche de nous et qui est là à tout moment. Je pense que ça met plus en confiance.

15. C : donc, être en confiance quand on est le tutoré, c'est être rassuré car il y a quelqu'un en permanence à côté de vous, de même statut, un étudiant ?

16. A : oui, et qui a plus d'expérience.

17.

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C : et au niveau des apprentissages, que ce soit techniques ou théoriques, dont vous avez besoin quand vous êtes avec un patient, est ce que cela apporte quelque chose d'être en binôme par rapport à ce qui a été enseigné en cours ou TP par les profs ?

18. A : si quand c'est la première fois, en soin, par exemple, tenir un bistouri, un manche de gouge, etc...., comme la première fois qu'on a un ongle incarné, et là ça devient plus complexe, mais après qu'on l'a fait deux ou trois fois, déjà on se débrouille beaucoup mieux. Au niveau du matériel, comment s'en servir, c'est intéressant. Oui, surtout ça.

19. C : et au niveau des binômes, les étudiants changent souvent au cours des semaines de stages car les groupes sont différents; est ce intéressant ou pas ?

20. A : quand on est tutoré, oui, parce que, on ne va pas se le cacher, y a des différences de niveau quand même, entre élèves, quand on est en P1, on ne sait pas comment et avec qui on se place. Et le contact va être différent, meilleur avec certaines personnes. Après, la méthode revient toujours au même, je pense parce qu'on a la même formation, mais le contact peut changer d'une personne à l'autre, oui.

21. C : donc, du côté des apprentissages, le contact humain est important, c'est cela ?

22. A : oui, oui. Comme dans la vie en général.

23. C : et du côté de la technique ou de la théorie, est ce que le fait de changer les binômes, cela change quelque chose ?

24. A : non, je ne pense pas. Dans la méthode, on a les même cours, les mêmes enseignements. Donc, non, ça ne change pas, je trouve. C'est plus le contact qui est différent. Mais, pour le reste, ça change pas grand-chose que les binômes ne soient pas toujours les mêmes.

25. C : le fait que les groupes de travail en soins changent au cours des semaines, est-ce confortable, intéressant ?

26. A : Si on restait toujours avec le même groupe, je ne suis pas sûre que tout le monde serait cent pour cent satisfait de la personne avec qui il serait, donc le fait qu'il y ait un roulement, je trouve que c'est pas mal. Il y a des fois où cela se passe moins bien, c'est sûr, mais tout le monde passera par là.je trouve bien qu'il y a un roulement, aussi bien quand est tuteur que tutoré.

27.

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C : d'après vous, quelles sont les conditions requises pour être un bon tuteur sur cette activité de soins ?

28. A : déjà être en confiance lui-même sinon il transmettra son angoisse au plus jeune, aussi la patience parce que parfois sur un gros soin, cela peut être lourd à gérer, et puis savoir mettre le plus jeune en confiance, lui transmettre notre confiance.

29. C : comment peut-on donner confiance à quelqu'un dans ce type de situation ?

30. A : en ayant confiance d'abord en soi, en donnant dès le départ tous les bons conseils au plus jeune. Si par exemple, on voit qu'il a un gros cor à soigner, on lui dit de commencer de se servir d'abord du bistouri puis après tu prendras la gouge, et ensuite lui dire que tout le monde est capable de le faire si on voit qu'il est angoissé. Après, il y a des personnes qui sont plus à l'aise que d'autres, qui n'ont pas besoin d'être rassurées. Et puis, il faut lui dire de ne pas hésiter à poser des questions, et nous lui donner les bons conseils.

31. C : c'est quoi, pour vous, les bons conseils ?

32. A : Hum...ça dépend de la situation.

33. C : qu'est ce qui vous permet de savoir si ce sont les bons conseils que vous donnez ? Vous lui dite cela, à votre jeune collègue, et vous savez que c'est bien qu'il fasse comme cela ?

34. A : le fait qu'on a eu ces conseils avant et qu'on les a mis en application et qu'on ai vu que c'était positif au niveau des résultats, que le patient était content, qu'il n'avait plus de douleur...

35. C : ça veut dire que ça passe par votre expérience, d'avoir vérifié vous-même que les conseils ou les actions que vous avez menées sont les bons ?

36. A : oui, ça passe par notre jugement sur les conseils qu'on nous a donnés auparavant.

37. C : est-ce que cela veut dire qu'un « bon » tuteur est forcément quelqu'un qui a été tutoré avant ?

38. A : oui, je pense, je pense que c'est très important. Mais il faut qu'il en ait envie aussi. S'il n'a pas envie de transmettre, il ne transmettra pas.

39. C : donc être un bon tuteur veut dire qu'il faut avoir été tutoré et d'avoir envie de transmettre ; c'est cela ?

40. A : oui

41. C : est ce qu'il y a besoin d'autre chose ?

42.

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A : je ne sais pas...

43. C : aujourd'hui, dans l'institut, on vous demande d'être tuteur ?

44. A : oui, c'est demandé, même si on n'en pas envie, on nous demande de le faire

45. C : de quelle façon c'est demandé ?

46. A : de toute façon, déjà le fait qu'il y ait 8 patients pour 16 étudiants, forcément on se retrouve à deux. Et moi, ça ne m'ai jamais arrivée de me mettre avec un autre P3 et de voir deux P1 ensemble, ça paraît pas logique. Donc, oui, on est plus ou moins forcé. Mais c'est vrai que s'il y a trop de patients parfois, on aime bien dire, bon moi, je prends un patient tout seul. Dans le groupe, on essaye de laisser un P3 tout seul quand c'est possible. Mais bon, ce n'est pas toujours possible.

47. C : et quand vous étiez « jeune apprenant » vous étiez tenu d'être avec un plus « grand » ?

48. A : oh oui, oui. Mais là, je pense qu'on l'accepte sans problème. Moi, je préférais être à deux que tout seul, même en fin de 1ère année, moi j'étais plus rassurée d'être à deux.

49. C : ça vous est arrivée de vous retrouvée seule en 1ère année ?

50. A : oui, en fin d'année. Bon, ça se fait mais c'est moins confortable.

51. C : pour vous, quand cela devient-il confortable de travailler tout seul ?

52. A : ça commence à être intéressant quand on commence à être tuteur, qu'on a vu qu'on avait évolué par rapport à celui qui est plus jeune, et que la, notre confiance est augmentée, en deuxième année, après quelques mois, en décembre, par là. Ça permet de voir qu'on a évolué. Moi, la première fois que j'ai eu un P1 avec moi, alors oui, j'ai vu qu'il y avait de la différence alors que je n'en avais pas du tout conscience avant.

53. C : est-ce que cela veut dire que le fait d'avoir réussi vos évaluations de fin d'année ne suffit pas à vous assurer que vous avez évoluée ?

54. A : non, c'est plus les 1ères années qui nous font prendre conscience qu'on a grandit que le prof qui nous laisse passer, en fait. Je sais qu'on en avait parlé, en début de P2, au R.U., » vous ne trouvez pas qu'il y a une différence quand même avec les 1ères années qui viennent d'arriver ? Oh, bah si, on va beaucoup plus vite », alors qu'on en avait pas conscience avant. Que le prof n'est pas là non plus pour nous dire « vous avez gagnez du temps ». Oui, on

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évolue d'un coup, je trouve, une fois que l'on a fait ses premiers tutorats. On voit aussi qu'on plus de connaissances sur le métier.

55. C : cela veut dire que c'est utile d'être tuteur en 2ème année ? C'est rassurant ?

56. A : oh oui.

57. C : et après, quand vous êtes en P3, c'est bien d'être tuteur?

58. A : c'est moins intéressant...

59. C : si vous aviez à décider d'organiser le travail de tutorat sur les trois années, que choisiriez-vous comme type de binômes ?

60. A : je verrais plus des P1 avec des P2 et au maximum, les P3 tout seuls pour apprendre à travailler tout seul, comme en cabinet.

61. C : une autre question : est ce que les apprentissages sont discutés entre les étudiants pendant les soins ?

62. A : non, pas beaucoup, c'est surtout les gestes qu'on regarde, et un peu la façon de parler au patient. On dit souvent au plus jeune, « ça, tu verras ça plus tard » quand c'est au sujet des connaissances. C'est rare qu'on me demande pourquoi je fais ça. C'est plus technique.

63. C : qu'est ce qui change quand vous êtes deux à vous occuper d'un patient au lieu d'un ?

64. A : c'est le plus « âgé » qui parle le plus avec lui, ça se passe toujours comme cela.

65. C : sans qu'on vous le demande ?

66. A : oui, ça se fait comme ça, naturellement. On est plus à l'aise en fin de P1 mais on laisse le tuteur prendre la main.

67. C : et ça, ça ne vous a jamais posé de soucis ?

68. A : Non, ça se fait comme ça. C'est drôle, on ne rend pas forcément compte, c'est en en parlant que je me rends compte.

69. C : vous avez eu les rôles de tutoré et de tuteur, est ce que ça toujours été des rôles confortables ?

70. A : (petit rire) eh, eh, non pas tout le temps. Dans la situation où quelque chose a été mal fait, ça retombe quand même sur le tuteur, c'est normal même si c'est pas lui qui a soigné le pied, on prend la responsabilité du soin. On prend conscience qu'on aurait du faire autrement pour que ça se passe mieux, même si c'est pas moi qui le faisait, j'aurais du regarder pour que ce soit mieux,

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vérifier que le travail est bien fini, rattraper quelque chose avant que le formateur arrive.

71. C : c'est la chose ma moins confortable dans le rôle de tuteur ?

72. A : oui, c'est pas très agréable. Mais bon, ça ne m'ai pas arrivé souvent. Ça se passe plutôt bien en général.

73. C : et donc, pour terminer notre entretien, y a-t-il un élément positif, vraiment, dans la situation de tuteur ?

74. A : oui, comment dire, de se sentir supérieur, meilleur parce qu'on a l'expérience aussi. Le travail porte ses fruits.

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Entretien avec Franz, étudiant en 3ème année.

- La date de l'entretien : Le 13 décembre 2011.

- âge : 26 ans

- nombre de frères et soeurs : 2 soeurs, 1 frère

- Le métier des parents : mère : assistante sociale/ père : gérant de magasin

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une

année de faculté en psychologie, une année de travail en école de musique, une

année de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : d'après vous, y-a-t-il des avantages à travailler en binôme lors de vos apprentissages de soins à l'institut ? D'abord du coté du tutoré puisque vous l'avez été.

2. F : beaucoup d'avantages. Le 1er est qu'on voit d'autres manières de faire ; on voit des erreurs ; on arrive en tant que tutoré à déceler des erreurs et on se dit qu'on ne les refera pas. On entend les corrections des formateurs et on se dit quand je saurais faire les gestes, c'est une erreur que je ne reproduirais pas. On voit l'expérience et du coup, y a pas mal d'échanges en termes de mots ou des gestes plus simples, ça simplifie beaucoup, beaucoup, parfois.

3. C : que veut dire gestes plus simples ?

4. F : c'est plutôt mots plus simples, les gestes ne sont pas forcément plus simples, mais moins techniques, pas forcément aussi précis, donc moins bien effectués et donc ça permet par échelon, de se dire qu'au minima, je peux me retrouver sur ce geste là ; ça peut fonctionner. Ça fait des sortes de niveaux. Bon, y a des défauts la dedans mais on acquiert aussi des défauts d'apprentissages. Mais je pense qu'on acquiert quand même les bons gestes si on est dans une bonne école, et que ceux qui nous montrent savent bien les gestes, ont bien suivi les cours. Si les tuteurs suivent bien les gestes des formateurs, si les tuteurs apprennent bien tout ce qu'ils doivent connaître et font les gestes comme on les leur a enseignés, à priori, le tutoré fera moins d'erreurs. Sachant que le tuteur a lui-même été tutoré avant.

5. C : êtes-vous en train de dire que pour être un bon tuteur, il faut avoir été tutoré ?

6.

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F : oui, et qu'il ait des connaissances suffisantes, en plus d'avoir eu lui-même un bon tuteur, en plus de ses formateurs. Et aussi, l'envie d'être pédagogue, sinon, ça se voit en dehors de la pédicurie, en clinique podologique, ça se voit très très bien, sinon, les gens ne montrent pas forcément les gestes, ils ne dialoguent pas, certains ne dialoguent pas forcément avec le patient. Y a pas forcément d'humour, pas de dialogue entre pairs, y a parfois rien.

7. C : ça arrive, ça ?

8. F : oui, oui, ça arrive. Petites tensions, oui. Donc du coup, ça fait faire plein d'erreurs ; je pense qu'il y a des personnes qui n'emmagasinent pas pareil que d'autres.

9. C : vous êtes en train de dire que ça dépend des binômes ?

10. F : ça dépend de celui qui est tuteur, de ce qu'il a envie de partager, comme un prof et ça dépend du tutoré, ce qu'il a envie d'entendre. Ce qu'il est capable d'entendre. Ça dépend aussi de l'ambiance entre les deux, de la convivialité, s'il se passe quelque chose entre les deux. S'il se passe rien... je pense qu'on choisi d'ailleurs les gens avec qui on se met et si on choisi pas, à ce moment là, il se passe toute autre chose ! Pas forcément bien ou mal, mais parfois c'est excellent, d'autre moins.

11. C : donc, pour vous, y aurait-il des avantages à choisir son tuteur, choisir son tutoré, son binôme de travail?

12. F : ici, dans l'institut, globalement on choisit. Ceux qui n'ont pas choisi prennent ce qui reste. Si on choisi la personne avec qui on est, que ce soit un garçon ou une fille, parfois il ya des liens de séduction et s'il y a ce lien, alors la personne va vouloir tout déballé, tout monter, va les faire les choses en grande pompes. Mais elle ne va pas forcément montrer les choses correctement, certains voudront paraître ou pas mais en tout cas, y a du bien comme du moins bien. Mais je pense que c'est intéressant qu'il y ai ce choix possible. On dit « ah, je me mets avec toi », ça créer une émulation. Donc y a la ponctualité qui est importante pour choisir avec qui on va se mettre, et puis quand on sait qu'on va se retrouver ensemble, le même groupe, on décide parfois avant de travailler ensemble. Si on ne choisit pas la personne avec qui on est, alors... déjà ça veut dire qu'on a du attendre que tout le monde soit pris, ça veut dire qu'on vous a pas choisi tout de suite.

13.

126

C : cela veut dire que, en général, les tuteurs sont choisis et que les tutorés choisissent aussi leur tutoré ?

14. F : oui, oui. C'est un facteur de choisir. Un jour, en tant que tuteur, je me suis mis avec un élève qui était un gros fêtard. Je me suis dit qu'il serait peut être pas très bon, et bien j'ai été très surpris car il était très très fort devant les patients. On s'était choisi par affinité au départ mais le bilan était super. Et puis peut être que la personne voulait bien faire, du coup, comme y avait de l'affinité entre nous, moi je le laissais libre dans ses gestes, il pouvait me poser des questions sans problème ; quand je voyais qu'il faisait moins bien, je lui faisais quand même la remarque. Mais je le laissais faire et poser toutes les questions ; ce qui n'est pas forcément le cas quand il n'y a pas cette affinité. Enfin ça dépend avec qui on est. En tout cas, c'est très très important, cette affinité. Alors après ça se fait naturellement, y a pas besoin de nous dire « mettez vous avec qui vous voulez » ;

15. C : ça pourrait être quelque chose qui vous serait imposé ?

16. F : ça serait marrant parce que je pense que l'ambiance dans la salle ne serait pas pareille. Et donc le patient sera différent et s'il n'est pas bien, les binômes qui soignent ne vont pas être bien et du coup ça va se ressentir. Surtout que les patients viennent aussi pour la bonne ambiance.

17. C : êtes vous en train de dire que l'ambiance entre les binômes peut retentir sur le patient qui est soigné mais aussi sur le grand groupe dans la salle de soins ?

18. F : parce que l'intérêt d'être en binômes, c'est de faire une équipe, plus ou moins soudée et du coup, cette équipe là va dialoguer avec le patient ; s'il n'y a pas d'échange entre le binôme, c'est froid entre eux, il n'y aura pas forcément de lien avec le patient. En tout cas, ce ne sera pas un échange à trois, peut être à deux, mais ce sera difficile. Il y aura des gènes, des malaises. Je pense que ce sera très préjudiciable pour les échanges qu'il doit y avoir entre les pairs. Comment apprendre à travailler avec quelqu'un qui par exemple a des aprioris sur nous ? Par exemple, si notre tutoré nous fait comprendre qu'on est nul ou pas intéressant. Alors ça arrive quand on écoute ce qui se passe sur les groupes d'à coté, on est surpris de voir qu'il n'y a pas, parfois, beaucoup d'échanges. Alors quand on écoute comme ça et qu'on voit que nous ça se passe très bien et que les autres non, je pense que le tutoré pour qui ça se passe pas très bien se dit qu'il aurait du être avec une autre personne.

19.

127

C : le fait que les étudiants peuvent choisir leurs binômes, c'est plutôt mieux, d'après vous. Mais les groupes ne sont pas toujours les mêmes, les binômes changent donc. Est-ce une bonne chose ou faudrait-il avoir le même tuteur ou tutoré toute l'année ?

20. F : bah, non, parce qu'on n'apprendrait pas beaucoup de choses si on ne changeait pas de binôme, si on est toujours avec la même personne. Quand la personne a donné toutes ses connaissances, l'autre n'apprend plus alors qu'il pourrait apprendre autre chose avec quelqu'un d'autre. Et puis si on emmagasine des bêtises, non, non, c'est mieux que ce soit hétérogène. On peut se faire son point de vue en voyant d'autre personne fonctionner, jusque dans sa façon de se présenter avec le patient, d'avoir de l'humour, tout cela.

21. C : donc, d'après ce que vous dite, il y a plutôt des avantages à travailler en binômes ?

22. F : par rapport à l'ambiance, oui. Pour le climat de travail aussi. Et pour tous les gestes de soins. Le tuteur montre plus que le formateur les petits gestes de base qu'il faut faire, et le tutoré se dit que c'est ça les gestes de base qu'il doit faire. Aussi par rapport aux connaissances, comme en pharmacologie par exemple, y a des connaissances de base ; on entend toujours les tuteurs dirent à peut près les mêmes choses qui reviennent, donc on comprend quand on est tutoré que les traitements sont souvent les mêmes.

23. C : c'est plus le tuteur qui fait comprendre au tutoré quelles sont les bases, en termes de gestes ou de connaissances utiles au soin ? Plus que le formateur ?

24. F : oui, souvent. Ça veut dire que le tuteur doit avoir de bonnes bases, qu'il en connaisse, pour que le tutoré puisse se débrouiller par exemple quand il est en examen de soin. Même si il ne sait plus bien son cours, il se rappelle ce qu'il a vu et ce que lui a dit son tuteur. C'est toute la connaissance pratique et ça c'est utile.

25. C : est ce que cela veut dire que le tuteur doit faire le point sur ce qu'il pense être essentiel ?

26. F : oui, savoir ce qu'il donne, ne pas donner en trop grosse quantité, mais surtout d'être sur de ce qu'il donne, sur de la pertinence de ce qu'il diffuse comme info. Ça oblige à faire un bilan de là ou on en est, en tant que tuteur. Ça oblige à se remettre en question, sans se prendre trop au sérieux parce que l'autre le sent.

27.

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C : il n'y a pas un risque, justement, de se prendre au sérieux quand on est le plus grand, le tuteur ?

28. F : si, si, il y a la domination de l'ainé. Parfois, c'est fort. Moi, je ne l'est pas connu mais des amis l'ont vécu, et c'était difficile pour eux. Ça créer des tensions certains jours, car quand on sait qui est trop sérieux et prétentieux, personne ne veut plus se mettre avec cette personne. Celui ou celle qui n'avait pas le choix pense alors que c'est comme un soin de perdu parce que l'ambiance est tendue et du coup, même les gestes sont moins bien. Mais bon, ça montre aussi ce qu'il ne faut pas faire, quand on est tutoré, car un jour on devient tuteur, et on se rappelle.

29. C : si on revient sur le fait qu'on vous demande de travailler à deux avec un patient, ça vous ai demandé de quelle façon ?

30. F : de façon très simple. « vous allez devoir travailler en binômes » voila, y a pas plus d'explication. Par contre, « vous serez avec quelqu'un qui est plus expérimenté que vous ». C'est assez simple ce qu'on nous dit, mais c'est assez précis. Y a pas davantage d'explications, mais je ne pense pas qu'il y a pas besoin. Chacun sait à peu près ce qu'il va falloir faire, puis les rôles se jouent naturellement, je pense.

31. C : chacun sait ce qu'il doit faire ? Ce n'est pas explicité par l'organisme, l'institut ? Comment les étudiants peuvent savoir ce qu'il faut faire pour être tuteur ou tutoré ?

32. F : je pense que ça se fait naturellement car chacun se fait sa propre méthodologie de ce que je vais apprendre, comment je vais faire un soin. Et donc quand on devient tuteur, on a envie de dire comment on a construit sa façon de faire, on a envie de l'enseigner et du coup, on le dit naturellement, oui, je pense que c'est normal. Et puis, c'est surement parce qu'on a été tutoré qu'on sait comment faire pour devenir un tuteur.

33. C : mais il pourrait ne pas avoir l'envie de transmettre sa méthodologie, de donner ses conseils ? Pourquoi les tuteurs donnent sans qu'on les oblige ?

34. F : parce que il y a un intérêt. De gagner du temps quand on est à deux, pour ne pas trop en perdre, on donne sa méthodologie au tutoré, on le conseille ; on cherche à fonctionner de façon sincrome, de pouvoir utiliser les machines chacun son tour.

35. C : donc, il y a un intérêt technique ?

36.

129

F : oui, et puis contrôler ce que fait l'autre, pour nous aussi pouvoir l'évaluer, et ça oui, on nous le demande parfois, certains formateurs nous demande de le faire ;

37. C : est-ce intéressant pour le tuteur d'évaluer le tutoré ?

38. F : oui, ça permet toujours de faire un bilan sur soi, « alors oui, il a fait ça alors faut continuer ou bien, c'est bien fait ». On est obligé d'avoir un avis tranché.

39. Silence

40. F : oui, je pense qu'il faut avoir envie de donner, d'oser et il y a plein de facteurs qui font que ce n'est pas donné à tout le monde. Quand on est tuteur, il faut se sentir apte à aider l'autre. Mais il y a le jugement de l'autre qui va regarder ou nous écouter, et ça, ce n'est pas toujours facile. Et si on a un mauvais jugement vis-à-vis de soi, une estime de soi qui est plutôt faible, ça inhibe tout le naturel de la situation, et prendre son rôle de tuteur serait difficile.

130

Entretien avec Charlène, étudiante en 3ème année.

- La date de l'entretien : Le 14 février 2012.

- âge : 22 ans

- nombre de frères et soeurs : 1 frère

- métier des parents : mère : assistante de direction/ père : ingénieur

informatique

- formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année

de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : d'une façon générale, que vous apporte le fait d'être tuteur de P1?

2. CH : le fait de transmettre, de savoir qu'on a de l'expérience, ça permet d'avoir un peu d'assurance ; c'est agréable de pouvoir aider, quelqu'un ; moi, je le vis comme ça ; c'est intéressant d'aider la personne, de la conseiller, sans vraiment être intrusif dans son soin, laisser faire la personne mais répondre à ses questions, c'est intéressant ; c'est aussi un peu l'aboutissement des trois années, pouvoir apporter nos connaissances aussi ; moi, je trouve que c'est enrichissant d'être à deux, même si parfois on a envie d'un peu d'indépendance, avoir envie d'être tout seul, car on est serré. En fait on est partagé entre ces deux choses là ; être content de transmettre a l'autre et en même temps, faut que je pense a moi, j'vais sortir ; mais on a été bien content aussi d'avoir été conseillé alors, il faut se mettre à la place de l'autre ; enfin, moi, je trouve que je n'ai pas été très bien, enfin , la promo du dessus n'a pas été très attentionnée envers nous. J'ai trouvé ça dommage, ça m'a manqué, qu'ils nous apportent pas ça ; c'est ça qu'on attend en fait de la part de l'autre, de ceux qui sont au dessus.

3. C : donc, le fait d'avoir « manqué », vous fait accepter aujourd'hui d'être dans cette bivalence, le fait d'avoir envie en 3ème année d'être indépendant pour apprendre le métier et en même temps remplir un rôle d'aide pour les plus jeunes ?

4. CH : oui, c'est ça ; et les conseils qu'on a eu d'un prof, on a trouvé que ça marchait très bien, donc le montrer à la personne (P1), elle va arriver à

131

comprendre des choses grâce à ce conseil là ; les profs ne peuvent pas être là tout le temps non plus, donc c'est important.

5. C : donc, ça veut dire que vous, P3, quand vous êtes avec des P1, vous avez l'impression d'être une aide en plus du professeur ?

6. CH : oui, moi je pense comme ça. Après, on n'a pas le rôle non plus du prof, faut rester à sa place, y'a des limites. Faut rester dans le conseil, sans obliger les gens à faire comme nous. Et puis, si on n'est pas sure, moi, je dis, « bah, là, on va montrer au professeur et puis il t'expliquera ou te montrera mieux que moi» ? Quand c'est des gestes plus précis à montrer, par exemple.

7. C : Et si ce sont des gestes que vous connaissez bien, comment vous pouvez vous garantir d'être dans le bon conseil, s'il n'y a pas le professeur qui est là ?

8. CH : ça dépend de la technique dont on a besoin ; ça dépend aussi du moment de l'année en début ou à la fin de l'année ; ça dépend aussi si on a un patient à risque, comme un diabétique, je ne vais pas dire au P1 de dégager dans les sillons, de s'occuper d'une incarnation, incrustation...

9. C : donc, c'est vous qui dite au P1 « tu peux faire ça », l'orienter et lui dire, « ça, tu es capable de la faire » ?

10. CH : oui, mais moi je sens qu'ils (les P1) n'ont pas toujours envie de laisser faire le tuteur ; je sens bien parfois que le P1 n'a pas envie que je touche au soin, et bien je le laisse ; je ne m'impose pas. Après, il faudrait peut être que je m'impose, mais bon, je préfère dans ces cas là que ce soit le prof qui vérifie, ce que je comprends.

11. C : donc, en fait, vous laissez le choix à votre P1 de vous demander de l'aide ou pas, c'est cela ?

12. CH : oui, moi il me demande de l'aide s'il a envie, et autrement, je le laisse, même si moi, j'aurais envie de lui donner un conseil ; je fonctionne comme cela.

13. C : est-ce que c'est confortable de ne pas dire ?

14. CH : non, pas toujours ; mais bon, parfois, faut dire les choses quand même ; quand on a un patient qui présente des risques, c'est aussi notre rôle car nous, on a des réflexes qu'ils (lesP1) n'ont pas encore.

15. C : ça veut dire que parfois vous imposez des choses, même si vous sentez que le P1 ne veut pas trop que vous lui disiez ?

16. CH : oui, parce que je pense qu'on est un peu responsable de ce qu'il fait aussi.

17.

132

C : comment cela se fait-il que vous sentiez responsable du P1 qui travaille avec vous ?

18. CH : par l'accumulation des expériences, des connaissances, forcément on a plus d'assurance, ce qui fait qu'on se permet, en fait, de dire les choses. Mais je pense que c'est un plus pour la personne qui reçoit les conseils, après c'est réutilisé, ce qu'on a pu dire.

19. C : est ce que le fait de conseiller, c'est bien vécu, est-ce que globalement, tous les P1 avec qui vous avez travaillé ont accepté votre rôle de tuteur ?

20. CH : ah oui, parfois on sent un peu d'agacement, en fait, on entend, « moi j'ai mes impressions, toi tu as les tiennes », ça, ce que les P1 peuvent dire et, oui, j'ai vu que les P2 acceptent encore moins bien quand on est avec eux ; ils sont un peu plus réticents, ils aiment moins qu'on leur donne des conseils.

21. C : vous pensez que les P1 acceptent mieux que les P2 d'être conseillé par vous ?

22. CH : oui, les P1 sont plus en demande, les P2, faut plus s'imposer pour dire alors que les P1, ils demandent, même ils viennent, ils posent des questions,

23. C : vous êtes vous retrouvé dans une situation où un P1 n'accepte pas que vous lui donniez des conseils ?

24. CH : non, ça ne s'est jamais passé comme ça ; Non, moi, ça s'est toujours bien passé.

25. C : ça dépend que quoi pour vous, que ça se passe bien ?

26. CH : dans les deux cas, faut pas, quand on est tuteur, faut pas non plus en faire trop parce que, enfin, faut pas dépasser ses limites, et étant tutoré, faut accepter d'être au début et c'est normal de recevoir, comme nous par rapport aux professeurs ; on attend qu'une chose, c'est qu'on nous donne des expériences, je pense que c'est pareil. Et après, ce sont des relations entre collègues.

27. C : est-ce qu'on accepte de la même façon les conseils d'un autre étudiant, de la même façon qu'on l'accepte d'un professeur ?

28. CH : je ne pense pas. Y'a toujours une notion, je ne sais pas si c'est une question de crédibilité ou le statut qui fait que ; mais non, ce n'est pas la même chose, même si je pense que ça peut être tout autant pertinent, le statut fait que. Même si je me souviens, quand j'étais en P1 et qu'il y avait les P3, je ne sais pas, y'a une notion de respect du fait que le P3 a des connaissances, ce sont nos ainés, quoi (rire) !

29.

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C : vous respectiez d'une façon général tous les P3, ou bien y-avait-il des critères qui permettaient d'accepter plus facilement de certains P 3 leurs conseils, leurs réflexions ?

30. CH : oui, y'a des caractères qui font que les gens vont être plus ou moins à l'aise. Y'a des gens qui ont plus ou moins envie de transmettre aussi, y-en a qui n'ont pas forcément envie, oui.

31. C : est ce que cette envie ou pas de transmettre quand on est P3 peut faire que le P1 respecte l'autre différemment ?

32. CH : oui, c'est important cette relation même si, je pense qu'un P1 qui a eu un soin avec un P3 qui lui a donné des conseils, avec qui il a discuté, et tout ça, il va en ressortir quelque chose de positif.

33. C : Quand vous êtes en 1ère année, on vous demande de vous asseoir à coté d'un P3 ; est-ce qu'il y-a une attente systématique de votre part, même si ça n'est pas dit, expliqué par les profs ?

34. CH : oui, moi je me souviens que je n'osais pas forcément poser des questions aux P3, y avait des choses que je ne savais pas faire mais je n'osais pas poser la question.

35. C : est ce que vous osiez la poser aux profs ?

36. CH : oui, la par contre, oui.

37. C : et vous aviez analysé un peu pourquoi vous n'aviez pas demandé aux P3 ?

38. CH : oui, parce que le prof, il a sa place, son devoir entre guillemets d'enseigner, de transmettre, tout ça, alors que le P3, s'il n'a pas forcément envie de nous aider, on n'ose pas lui demander ; j'étais intimidé, je pense.

39. C : plus intimidé par l'étudiant que par le prof ?

40. CH : oui, et là, ça se fait encore ; je le sens entre les P1 et Les P3, que certains n'osent pas me demander, la, cette année que je suis P3.

41. C : et vous vivez cela comment ?

42. CH : moi, ça m'étonne parce que je ne suis pas quelqu'un qui ne communique pas, je communique plutôt facilement avec les gens ; mais oui, je pense qu'il y a ce statut de 1ère année, 3ème année, c'est dans des cases...

43. C : y a des moyens de sortir des « cases » ?

44. CH : oui, moi, généralement, je pose des questions aux P1, j'essaye de mettre une dynamique, en parlant aussi au patient, de demander au P1 « est ce que tu te sens à l'aise maintenant, est ce que tu sens que t'as progressé, est ce que t'as

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peur de couper », des choses comme ça. Pour mettre à l'aise, je pense, c'est ça qu'est important. Parce que si on est à l'aise, après y-aura plus d'échanges. Parce que si le soin commence et qu'on ne se parle pas ... et puis, j'aime bien aussi quand les deux personnes se parlent, le binôme parle au patient ; c'est pas qu'une seule personne qui parle. Faut de l'échange, en fait.

45. C : est ce que, si c'était dit plus clairement que le P3 doit vous aider, en plus de faire aussi un soin, est ce que ça changerait les choses ?

46. CH : oui, je pense, dire aux P3 que aider c'est intéressant, « montrer lui les techniques que vous utilisez, conseillez le, donner lui des astuces », oui, ce serait bien de le dire. Ce serait plus facile pour le P1 après de poser des questions aux P3, d'oser, quoi.

47. C : alors, pour vous, que faut-il en fait pour être tuteur ?

48. CH : Faut être accessible, dans son caractère, faut mettre la personne en confiance, montrer qu'on a envie de partager mais sans juger, pas être moralisateur. Parce que nous, on peut pas ; le professeur peut, dire « ça c'est pas bien », nous, on peut pas. Je pense, le tuteur, il ne juge pas, il oriente, il aide, mais il ne juge pas le travail. Moi, j'vais pas dire « ça c'est pas bien », j'vais dire plutôt « tiens, si t'essayes comme ça ce sera plus facile » ou « là, tu risques de blesser »...

49. C : donc, vous estimez que ce n'est pas votre rôle de dire si c'est bien ou pas ?

50. CH : non, je ne pense pas, c'est vraiment le conseil, sans jugement de valeur.

51. C : ça vous est arrivé quand vous étiez P1 qu'on juge votre travail ?

52. CH : euh, non, je ne pense pas. Plus être frustrée de pas pouvoir faire des choses. Par exemple, en fin d'année ; j'avais eu un ongle incrusté, et le P2 avec qui j'étais avait dit que ça devait être lui qui allait faire les deux pieds ; et moi, ça m'avait vexée (rire)...je me disais, « mais moi, j'ai envie de faire ; si je le fais pas, j'arriverais jamais ; pourquoi je n'ai pas le droit de le faire » ; et là, je me suis dit, mais il est en intrusion !

53. C : est ce que cette expérience vous sert maintenant que vous êtes P3 ?

54. CH : oui, c'est pour ça que maintenant, si je sens que le P1 n'a pas envie que j'intervienne, je le laisse ; je comprends qu'il a envie d'essayer, faut pas le frustrer.

55. C : encore, une question : de quelle façon vous demande-t-on de travailler en binôme ? comment vous percevez cela ?

56.

135

CH : le fait qu'il y a souvent des P1 et des P3 ensemble, c'est aussi une sécurité entre guillemets, parce que, on connaît les règles d'hygiène, on sait comment ça se passe, avec un patient. Maintenant je me rends compte qu'on a un rôle, si on est avec les P1, c'est pas pour rien ; on a vraiment un rôle qui faut pas négliger en fait.

57. C : et avoir ce rôle, que quelle façon on vous l'a demandé ? Quand vous arrivez en 3ème année, qu'est-ce qu'on vous dit ?

58. CH : on nous demande pas trop, en fait ; et je pense qu'il faudrait qu'il y ai un petit topo en disant « bah, voilà, vous êtes avec des P1, vous êtes en binôme, et votre rôle, c'est pas une démonstration, c'est plus une collaboration » ; oui, c'est pas dit... Alors après, c'est au bon vouloir de chacun ; celui qui a envie d'aider son voisin, il l'aide, sinon, il peut très bien faire son soin tout seul...

59. C : ça arrive, ça ?

60. CH : oui.

61. C : donc, quand vous arrivez dans la salle de soin, les professeurs ne vous disent rien sur votre organisation à deux ?

62. CH : bah non, on nous dit rien, on s'installe, on a nos petites habitudes. Pareil, y-a toute la cérémonie de la mise en place des plateaux ; si le P3 dit pas « y a ça à faire », et bien... moi, je me rappelle, la première fois, personne m'expliquait, alors je regardais où on prenait les choses ; alors que moi, la première fois que j'ai eu un P1, je lui ai dit « voilà, tu prends un plateau, faut le nettoyer, là, tu prends des gants » ; et puis après, une fois que c'est enregistré, c'est bon ; ça, c'est un exemple.

63. C : pourquoi, du coup, les P3 s'installent pas entre P3 dans la salle ? en vous observant, j'ai eu l'impression qu'à chaque fois, un P3 s'installait avec un P1 ; je me trompe ?

64. CH : non, c'est vrai ; en fait, ça va de soi ; même quand y a des P2, c'est marrant, y a des P2 qui se mettent ensemble mais, nous, on se met toujours avec un P1 ; on se met ensemble que quand il manque des patients. C'est comme ça.

65. C : Alors, pourquoi l'étudiant donne-t-il des conseils, des explications si c'est pas demandé par l'institut ? ou comment cela se fait-il qu'il donne des conseils ?

66.

136

CH : comme quoi, ça doit être un peu dans les..., pas les réflexes, mais des ..., je ne sais pas comment dire... c'est vrai, on se dit « j'ai des connaissances, donc j'ai ce devoir là, j'ai cette chance de pouvoir transmettre, en fait, à quelqu'un qui va faire la même formation ». être le tuteur, c'est presqu'un devoir... Mais c'est marrant parce que même quelqu'un qui n'y connaît rien à la podologie, on a envie de lui expliquer des choses ; on sait que quand on est face à quelqu'un qui est intéressé, on a envie de transmettre.

67. C : comment ça se fait que vous avez envie ?

68. CH : moi, je dirais que c'est avoir de la pédagogie. Et ça, les prof en ont, ou doivent en avoir. Je trouve que c'est très important.

69. C : et vous, pourquoi avez-vous envie de transmettre, de parler de votre futur métier ?

70. CH : (hésitation) bah, c'est peut être avoir une reconnaissance, en fait. Se prouver quelque chose à soi-même, montrer qu'on est compétent ; c'est aussi se valoriser soi ; y-a une part de partage mais aussi une part d'égoïsme, je pense. Oui, c'est agréable de sentir qu'on a des compétences, qu'on peut expliquer ça à d'autres. En les aidants, on se fait du bien ! (rire)

71. C : est-ce que, quand vous travaillez à deux, les relations entre vous peuvent-elles être différentes, et si oui, est-ce que ça peut modifier votre travail autour du soin ?

72. CH : oui, le fait d'être à l'aise, de sentir que l'étudiant qui est supérieur ne juge pas mais qu'il est là pour aider, mine de rien, ça met à l'aise et ça compte pour le soin parce que c'est quand même des gestes précis. Donc, le fait d'être en confiance, c'est très important. Quand on est en P1, on a envie d'être en confiance, on sait pas trop ce qu'il faut faire, on a peur aussi de ne pas bien faire et de blesser, par exemple.

73. C : donc, vous me dites que si les gens sont en confiance, les gestes techniques de soin vont être plus précis, moins risqués ?

74. CH : oui, je pense. C'est marrant, je trouve, parce que, par exemple, quand on va à l'hôpital (faire des soins aux personnes hospitalisées), et qu'on nous dit, « mettez vous à deux pour soigner un patient », on est content.

75. C : pourquoi ? Comment ça se fait que vous êtes content ?

76. CH : c'est un soutien d'être avec l'autre. Même ici, à l'institut, on est dans notre petit cocon, et pour un P1, c'est ça qui est bien ; on se sent en sécurité.

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Au moins au début, c'est bien de sentir qu'on n'est pas tout seul, qu'on peut nous aider. Après, on a envie de progresser aussi. Oui, je pense qu'il y a deux choses, parfois, on est content de travailler à deux, et puis des fois, on a envie de travailler tout seul. Pour voir qu'on a progressé soi même, voilà, j'ai fais mon pied tout seul, on n'y a pas retouché, ça veut dire que je sais faire, mieux qu'avant.

77. C : être seul à travailler, ça permet d'être plus sûre de soi ?

78. CH : oui, c'est important de pouvoir sentir ça.

79. C : et quand vous êtes à deux, vous sentez moins cela ?

80. CH : non, pas forcément. Quand on est en P3, on attend moins du binôme. Ce qu'il nous apporte (le P1) c'est le fait de lui apprendre quelque chose, mais en échange, il « nous prend un pied », quoi ! (rire) au lieu, nous d'avoir les deux pieds, on doit partager.

81. C : alors, est ce que c'est plaisant en fait d'être à deux à travailler sur un patient ?

82. CH : C'est ambivalent ; y-a vraiment deux choses : y-a aussi le caractère, aimer partager, être accessible, c'est important, je pense.

83. C : et si on vous donnait le choix, pensez-vous qu'il serait mieux d'être tuteur de P1 quand on est P2, ou quand on est P3 ?

84. CH : je pense qu'en 3ème année, c'est plus adapté d'être tuteur. C'est un aboutissement, on est en fin de cursus, on a plus d'expérience que les P2, des cours en plus, donc des connaissances en plus, la clinique aussi (sous-entendu, la maitrise de l'examen clinique, autre technique de prise en charge de patients par des bilans posturaux qui débouchent sur d'éventuelles confection de semelles orthopédiques), ça fait penser autrement, on a d'autres méthodes de réflexion. Oui, je pense que vraiment, si c'est des 3ème années, c'est pas pour rien. Moi, je trouve ça bien qu'on a aménagé d'être tout seul une fois par semaine quand on est en P3, mais c'est bien d'être à deux aussi ; surtout au début, quand on arrive en P3. On sent bien qu'on est les plus grand, on a plus l'habitude, on a nos repères, ça fait longtemps qu'on est là, donc ...

85. C : on pourrait dire que ça fait du bien d'être »grand » ?

86. CH : (rires) oui, c'est ça ! C'est marrant, ça se fait naturellement, je pense que c'est dans la nature humaine de se dire, ça, c'est mon territoire, « moi, je suis là depuis plus longtemps que toi », même si ce n'est pas négatif, ce sentiment ;

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moi, j'ai mes marques. Donc, y-a quand même un rapport comme ça ; mais bon, moi, j'attendrais de quelqu'un qui serait au dessus de moi qu'il se met à ma hauteur, dans ses paroles, dans son ouverture... parce que c'est facile de regarder les gens d'en haut ! y-aura toujours quelqu'un au dessus ; enfin, moi, je n'aime pas les gens qui prennent les autres de haut ; L'échange, j'aime bien, moi. Le fait d'être en binôme avec quelqu'un, je n'ai jamais trouvé ça contraignant. Juste quand même le stress après de se retrouver tout seul en cabinet et devoir faire les deux pieds ! (rire)

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Entretien avec Helena, étudiante en 3ème année.

- La date de l'entretien : Le 16 février 2012.

- Age : 22 ans

- Le nombre de frères et soeurs : un frère, une soeur.

- Le métier des parents : mère : professeur d'anglais/ père : chef de district

ERDF

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une

année de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : que vous apporte le fait d'être tutoré ?

2. H : c'est assez intéressant car ça nous oblige à nous renseigner plus, à s'appliquer, à savoir ; on est obliger de se creuser les méninges pour pas être ridicule à coté de l'autre, et puis à coté, on aime bien aider ; moi, j'aime bien donner des conseils, tout ce que les formateurs peuvent nous dire, comme des petites astuces, c'est bien de les partager, donc c'est pour ça que c'est intéressant d'être à deux. Ce que j'aime bien, c'est que quand ils repartent (les P1), ils retiennent quelque chose de leur pratique.

3. C : vous dites que vous aimez bien cette relation, aider un plus jeune à faire un soin ?

4. H : oui, et puis aussi le laisser tout seul par moment, le pousser à nous demander, parce qu'ils n'arrivent pas forcément, ils peinent un peu donc on les laisse aller jusqu'au bout, se débrouiller, et après on intervient et on leur dit ce qui va pas (rires) et ce qui est bien surtout. Y a un petit échange quand même ; c'est bien pour nous et c'est bien pour eux, je pense... (silence)

5. C : quand vous dites bien, pour vous, ça veut dire que ça vous oblige à quelque chose ?

6. H : oui, ça oblige à revoir tout ce qu'on sait et puis même, ils posent des questions toutes bêtes auxquelles on n'a pas forcément pensé, et on se dit « mince, ça je ne sais pas forcément » donc on cherche ou alors on demande aux formateurs et dans ce cas là, on apprend des choses.

7. C : et pour les P1, à quoi pensez-vous que cette situation puisse leur servir ?

8.

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H : c'est dans les techniques, comment on fait pour aller plus vite, pour être plus efficace, quel instrument on prend, c'est vraiment dans cela. Et puis, même, dans le discours avec le patient. Moi, je me rappelle quand j'étais en 1ère année, j'étais très observatrice, comment ils font, et puis on apprend vite, et on prend la main après.

9. C : donc, ça veut dire que dans la discussion avec le patient, c'est plus le P3 qui parle ?

10. H : au début, oui, mais maintenant, je vois que les P1 sont quasiment aussi à l'aise que nous, alors c'est devenu ...normal.

11. C : c'est davantage les P3 qui montrent comment on parle avec le patient que les profs en salle ?

12. H : Bah oui, largement, parce que c'est nous qui l'accueillons, c'est nous qui lui parlons pendant le soin, c'est nous qui lui donnons des conseils même si, le formateur arrive et il complète, mais on l'a du début à la fin, donc oui, c'est plus les P3 qui montrent ça.

13. C : montrer quel instruments qu'il faut utiliser, comment s'en servir, vous pensez que c'est vous qui leur expliquez le plus ?

14. H : oui, mais en fait, c'est plus eux qui observent que nous qui leur disons, parce qu'on chacun notre technique et c'est à eux de trouver, pour eux, quelle est la bonne. Après, y a le formateur qui peut passer et qui peut rectifier certaines choses. C'est vrai, qu'eux, ils sont plus observateurs, nous, ça va être des conseils mais on ne donne pas d'ordre.

15. C : ça ne se fait pas de dire à un P1 « fait comme ça, c'est mieux » ?

16. H : non. C'est toujours une proposition à faire comme ça pour voir s'il n'est pas plus à l'aise parce que je sais qu'on a chacun notre technique. Et puis, c'est à eux de chercher aussi (rire), ça vient comme ça ; c'est à force de faire qu'on doit trouver tout seul parce que si on met tout sur un tapis, c'est trop facile. Je pense que si on trouve tout seul, on a plus de facilité après quand on utilise des instruments, par exemple. Après, c'est des petits détails qu'on règle.

17. C : donc, vous pensez que c'est mieux pour eux qu'on ne leur donne pas tout, et qu'ils doivent trouver tout seul ?

18. H : oui, c'est comme ça qu'on apprend le mieux. (silence)

19. C : voyez-vous autre chose qui vous satisfasse dans votre rôle de tuteur ?

20.

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H : quand on arrive en fin d'année, on aimerait que ça aille plus vite (rire), on les presse un peu, parce que nous des fois on pense au diplôme, donc c'est vrai qu'on n'aimerait bien pas faire un patient en deux heures, mais plus de le faire en une heure. Oui, ça c'est le gros point noir, mais sinon, on voit la différence entre le début de l'année et maintenant, ils vont plus vite, donc c'est moins gênant.

21. C : si vous aviez le choix, en P3, vous travaillerez tout seul tout le temps, ou parfois en binôme comme en ce moment ?

22. H : moi, je dirais les deux. Je commencerais par des stages en binômes et puis après tout seul parce qu'on a appris des choses et il faut qu'on les mette en pratique, et si on est à deux, on va s'appuyer sur l'autre et on aura moins de pression, donc ça va pas être forcement très efficace. Je vois les P1, on les a formés, maintenant, si on les met tout seul, ils vont avoir plus de pression, donc ils vont aller plus vite. Comme nous, quand on est tout seul, on est plus rapide, plus attentif. Et puis, revenir après leur soins, pour fignoler, et puis, ils auront sûrement d'autres questions parce qu'ils se sont retrouvés tout seul. C'est bien qu'ils nous posent des questions.

23. C : donc, c'est les plus jeunes qui doivent vous poser des questions ?

24. H : oui, c'est eux qui doivent montrer aussi qu'ils ont envie de savoir plus. Moi, je leur donne des conseils mais après, c'est eux qui me posent des questions. Faut qu'ils montrent qu'ils sont intéressés. Parce que, de toute façon, si on dit plein de choses à quelqu'un qui n'est pas intéressé, il ne va pas retenir, alors... Et puis, certains, les premières informations, ça leur suffit, ils verront par la suite. Donc, faut laisser du temps, aussi.

25. C : de quelle façon vous demande-t-on de travailler en binôme ?

26. H : c'est plutôt automatique ; oui, pour les soins, c'est automatique. Depuis qu'on est arrivé, on nous a dit « vous vous mettez avec un plus grand que vous », donc, quand on est plus grand, on se met avec un plus petit (rire), et puis, voilà. On garde ce pli mais ça reste normal. Après, ça parait normal parce que si on mettait deux P1 ensemble, ça prendrait trop de temps pour soigner quelqu'un, donc ce ne serait pas une bonne idée (rire).

27. C : vous pensez que c'est l'unique raison ou il pourrait en avoir d'autres ?

28. H : après ça paraît normal. Moi, je ne me voyais pas toute seule avec un autre P1 à soigner un patient quand moi j'y étais, surtout en début d'année, parce que

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il y a plein de choses qu'on ne sait pas faire, on a plein d'interrogations. Et puis on apprend à connaître les personnes (les P3) parce qu'on les voit pas forcément en journée, donc, y a que là qu'on se voit vraiment.

29. C : comment se passe ces temps de binômes ? Comment cela s'organise ? Ce sont les P3 qui disent aux P1 comment les choses vont se dérouler ?

30. H : non. Moi, je m'installe, mes instruments, mon plateau, et c'est la personne d'à coté qui, soit, va regarder ce que je fais et va faire pareil, soit elle va faire sa technique et je la laisse faire. Sauf si je pense que ce n'est pas bien, là, je lui dis. Mais sinon, je la laisse faire comme elle veut.

31. C : alors, pour vous, qu'est-ce qu'un « bon » tuteur ? les conditions nécessaires ?

32. H : c'est être à la portée, c'est toujours avoir une petite oreille qui traine pour les petits conseils. C'est observer aussi, parce que, on peut tomber sur quelqu'un qui parle pas du tout, et voir si c'est bien, s'il se débrouille, et puis, il faut installer une confiance, une ambiance sereine, tranquille ; et puis, booster à la fin parce qu'on est toujours en retard, mais bon, commencer tranquille et après, on accélère. Mais, ça dépend des gens, s'ils sont stressé, je vais regarder un peu plus comment ils font, sinon, si je vois qu'ils sont sereins, je fais mon pied, et je les laisse faire, mais je suis attentive s'ils ont besoin de moi.

33. C : y-a-t-il des différences entre les binômes, alors ?

34. H : ah oui, y a des différences. Y en a qui ont compris le geste dès le début, d'autres un peu moins ; y a aussi faire deux choses en même temps, parler et travailler (rire), y a la rapidité aussi qu'est pas la même. Y en a qui se débrouille bien, d'autres moins.

35. C : choisissez-vous votre binôme lors de vos stages ?

36. H : non, généralement, moi je pose ma mallette là où il y a de la place, et puis après, je demande qui est tout seul et ça se fait. Mais bon, personne choisi vraiment, ça peut changer au dernier moment, s'il manque des patient par exemple. Moi, je ne suis jamais tombé avec les même P1.

37. C : c'est quelque chose d'agréable de changer de binôme ?

38. H : c'est mieux, parce que si on se met avec les même personnes, y a déjà une confiance, il manque quelque chose, comment dire... ça permet au P1 d'apprendre à aller de l'avant, de demander, de pas avoir peur, et puis ça

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permet au P1 d'avoir plusieurs avis. Et puis nous, ça change de discussion. Ça aide à connaître aussi la promotion. Ça nous force à parler avec tout le monde, et après, c'est plus plaisant, on peut plus rigoler ensemble (rire).

39. C : est ce que les relations entre binôme influence le travail autour du soin ?

40. H : pas forcément. Après un binôme qui s'entend trop bien, pour certaines choses, ça va être plus poussé car le P1 ne va pas hésiter à demander et son soin ne va pas être trop repris après. Mais quand il n'y a aucune discussion dans le binôme, on est peut être plus concentré et peut être plus efficace aussi. Dès fois, ça fait du bien de se faire plus confiance et dire « j'y vais et on verra après », c'est comme si on était seul. C'est vrai que quand on est première année, c'est plus délicat parce qu'on sait jamais trop les limites. Ça permet d'apprendre quand le formateur reprend le soin, « la prochaine fois, je ferais mieux ». Y-a du bon dans toutes les situations, même si c'est mieux quand les gens s'entendent bien, surtout pour le patient. Pour lui, c'est mieux d'avoir deux personnes qui ont le sourire, qui s'entendent bien, qui parlent. Après, un binôme qui s'entend super bien et qui parle entre eux, sans parler au patient, c'est autre chose (rire).

41. C : et d'un point de vue technique pure, vous pensez que ça change quelque chose ?

42. H : non, pas forcément.

43. C : ça vous est arrivé de vous retrouvé avec quelqu'un avec qui ça fonctionnait mal ?

44. H : avec quelqu'un avec qui je ne parlais pas, oui, ça m'est arrivé, en P3. Et bien, je fais mon soin, je suis concentrée, je parle un peu avec le patient et puis après, je regarde quand même l'autre pied, c'est ... parce que quand le formateur arrive, c'est le P3 qu'on regarde. S'il y a vraiment rien de fait du coté du P1, c'est qu'il y a un souci. On a quand même un travail, pour moi, je dois vérifier que le soin du P1 soit correct avant d'appeler le formateur, sinon, le formateur, il va grogner.

45. C : ça, c'est quelque chose qu'on vous demande, de vérifier à la fin le soin de votre binôme, en tant que P3 ?

46. H : (rire) non, on nous le demande pas, mais bon, on le fait. Bon, déjà, le P1 préfère quand c'est le P3 qui regarde pour voir s'il n'y a pas de grosses erreurs.

47. C : pourquoi est-ce qu'il préfère ?

48.

144

H : (rire) parce qu'il peut modifier juste avant, et puis c'est bien de ne pas être repris, ça fait plaisir. Et puis, si nous on peut donner des conseils, il a 5 minutes pour modifier un peu et puis comme ça, y a moins de choses à reprendre pour le formateur.

49. C : vous faites cela pour alléger le travail des profs ?

50. H : (rire) oui, mais bon, s'il y a moins de choses à reprendre, plus on est rassuré sur ce qu'on sait faire ; on se dit qu'on commence à avoir la main, donc on a plus confiance et après, on va plus vite ; Et puis, si le P1 n'a rien a retoucher, et bien , on lui fait le compliment ; moi, je lui dit « c'est bien », et si le formateur le félicite après, ça fait plaisir. Après, que ce soit moi ou le formateur qui finissons le pied, ça montre au P1 que nous aussi, on sait faire. C'est rassurant pour nous.

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Entretien avec Baptiste, étudiant en 3ème année.

- La date de l'entretien : Le 16 février 2012.

- âge : 22 ans

- nombre de frères et soeurs : un frère, une soeur

- métier des parents : mère : contrôleuse de gestion téléphonique/ père :

technicien chez Orange

- formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année

de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : que vous apporte le fait d'être tuteur?

2. B : moi, je pense que ça apporte de la rigueur, parce qu'on est obligé un minimum d'être sûr de savoir de quoi on parle, parce que la personne pose des questions et on est censé savoir répondre. Donc, c'est avoir de la rigueur dans les connaissances, dans l'approche avec le patient, presqu'aussi de la confiance parce que quelqu'un qui nous regarde avec des yeux plus novices, plus ceux qui sont en demande de connaissances, qui nous regardent en ce disant « toi, tu connais plus ». Donc, forcément, ça donne de la confiance, je pense.

3. C : ça oblige donc à être plus rigoureux ?

4. B : oui, sur les connaissances, sur les techniques, et aussi avec le patient, même si, ce n'est pas de la flatterie, mais de la crédibilité par rapport au patient aussi, parce qu'il sent que, moi, je suis dans la position de celui qui apprend à l'autre. Donc, forcément, le patient me regarde avec plus de crédibilité que l'autre.

5. C : vous êtes celui qui sait ?

6. B : oui, voilà, c'est ça.

7. C : confiance ? rigueur et reconnaissance du patient, crédibilité, tout cela est lié ?

8. B : oui, tout cela participe au fait, qu'en P3, on se sent plus fort. Alors que s'il n'y avait pas ça, si on était tout seul, ce serait différent. Tout seul, il faut que tu montres que tu es crédible ; là, d'emblée, sans que tu fasses rien, on te montre que, oui, tu es plus crédible, donc c'est dans ce sens là, la confiance. Ça, c'est confortable. (silence)

9. C : de quelle façon vous demande-t-on de travailler en binôme ?

10.

146

B : ce que j'en ai perçu, c'est que, on nous dit pas, on nous dit rien, en fait ; on nous dit, quand on est en P1, « vous allez être avec des étudiants de 2 ou 3ème année, vous regardez comment ils font, si vous avez des questions, vous leurs demandez, et puis s'ils ne savent pas vous répondre, vous demandez aux formateurs ». Ensuite, en tant que tuteur, on ne nous dit rien ! Je pense que ce sont les tuteurs d'avant qui nous montrent comment on fait avec les autres, et je pense aussi que c'est la façon dont on a ressenti la chose, quand nous, on était tutoré, qui fait aussi qu'on change. Y des choses qui m'ont pas plu, donc, je me suis dit, « moi, je ne fais pas comme ça « et puis d'autres choses qui m'ont plus, donc ça c'était bien » et ça, ça m'a aidé à grandir dans l'apprentissage et je me dis, « ça faut le faire, en tant que tuteur ». Donc, c'est plus (davantage) comme ça ; personne, ni les formateurs, ni le directeur, nous a dit « faites comme ça ». Après je pense que si vraiment un formateur voit quelque chose qu'il ne trouve pas normal, va aller le dire, « non, faut pas faire comme ça ». Mais sinon, c'est vrai que c'est assez autonome et... c'est pas plus mal, je trouve...

11. C : pourquoi ce n'est pas plus mal ?

12. B : parce que sinon, on serait bridé, on se dirait, « ah, non, ça, faut pas que je dise ça, que je fasse ça ». Là, c'est comme on le sent, et moi, « j'ai envie de te dire ça, donc je te le dis » et je pense qu'on partage plus l'expérience parce qu'on n'est pas à se dire « ah, on m'a dit de faire ça et ça... », mais plus, on pense, comme je vous l'ai dit avant, on a vu ce que les autres nous disaient, et ça on a aimé, ou ça, non, donc je fais autrement. Donc, moi je fais à ma manière, quoi ! Et, soit ça plait, soit ça plait pas ; bon, on fait en sorte que ça plaise, parce que le but c'est quand même que ... moi, je me dis « j'ai pas aimé ça », ou certains regards qu'on a porté sur moi. Moi, j'ai envie de montrer que « faut être cool, faut être sympa, faut aider ». On est là pour vraiment aider, quoi ! Donc, je trouve que c'est plus intéressant de faire genre « faites comme vous voulez » et au moins, y-a tout, pas de restriction.

13. C : est-ce que ça sous entend que aider, ou être aider, c'est normal ?

14. B : pour moi, oui. Surement pas pour tout le monde mais, oui, pour moi c'est normal. Et puis, à l'institut, je pense que c'est le but, c'est complètement le but. Un formateur ne peut pas faire ce que le tuteur fait. Parce que lui, il est dedans, il sait, il va avoir un jugement plus objectif que le formateur et que s'il

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y a des défauts dans l'apprentissage, et bien l'étudiant tuteur va le voir parfois plus et pouvoir le dire. Par exemple, il va dire « quand tu vas être examiné par

tel formateur, faut pas dire ça ; ça l'énerve », alors qu'un formateur ne peut pas dire ça ! ce n'est pas possible alors que le tuteur, il peut dire ça. Après, nous, on prend ce qu'il nous semble être bon, bien ; on fait à notre sauce et puis, on se dit, « moi, en cabinet, tout seul, je serais comme ça, mais, là faut pas le faire parce que ... c'est comme ça, ici ».

15. C : c'est presque rappeler les règles aux P1 pour que ça se passe bien ?

16. B : oui, je pense. Et toujours dans l'intérêt pour que ça se passe bien. C'est dire « moi, y a eu des couacs là-dessus, donc fais gaffe».

17. C : est ce que cela se passe avec tout les P1 ou bien cela dépend des personnes ?

18. B : non, moi ça ne dépend pas des gens avec qui je suis. Y a forcément du contact donc y a des gens avec qui on va super bien s'entendre ; donc, on va

beaucoup plus être à l'écoute de la personne et des gens avec qui ça va moins

bien se passer. Mais bon, c'est comme un formateur, on ne peut pas toujours
être impartial, ce n'est pas vrai ; c'est de l'humain, donc forcément y a des

changements entre quelqu'un que je vais beaucoup apprécier et même quelqu'un que je ne vais pas apprécier, il y aura forcément des différences mais ... ce qui change aussi, c'est peut être comment la personne prend les conseils. Moi, je montre que c'est bienveillant que ce n'est pas pour « casser », mais y a certainement des gens aussi, on voit bien qu'ils n'aiment pas les réflexions alors on leur dira un ou deux conseils et après on se dit, « bon, ça sert à rien ». Moi, j'ai envie de le faire de la même façon pour tout le monde mais forcément, je ne le fais pas de la même façon, mais j'essaye de le faire.

19. C : donc, votre relation va dépendre de la façon dont vous percevez comment vos conseils sont reçus ?

20. B : oui. Forcément, ça, ça joue.

21. C : de quelle façon donnez-vous des conseils, des explications aux P1 ?

22. B : Moi, je lui dis directement, dès le départ, « ça va, t'as pas de problème ? ». Ou bien, je ne sais pas, par exemple, je vois un soin qui va être compliqué, je

vais lui demander « tu en as déjà fait » : donc, si c'est oui, bon « t'as pas besoin », et puis suivant la réponse, « si jamais tu as besoin, tu demandes ; de toute façon, avant d'appeler le formateur, quand moi j'aurais fini, je

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regarderais » et puis voilà. Mais bon, oui, je suis dans la position de celui qui sait mais je ne sais pas tout parce que je suis étudiant, donc moi, je dis, « je te regarderais mais je n'ai pas la science infuse donc je vais dire ce que moi, j'en pense mais si cela se trouve, le formateur, il va te dire autre chose.

23. C : est ce que ça sous entend que vous avez un rôle d'apprenant ?

24. B : oui, c'est un peu le pré jugement qu'on fait en tant que P3. Si mon jugement à moi est bon, logiquement, ça devrait bien se passer, ou pas trop

mal. Mais de toute façon, moi, généralement, si je vois qu'il y a quelque chose de pas bien fait, je ne vais pas dire « bah, appelle le formateur », j'vais dire « non, non, l'appelle pas ».

25. C : pourquoi faites vous ça ?

26. B : Parce que, en fait, c'est moi qui est responsable.

27. C : et pourtant, ce n'est pas dit, ça, par l'institut ?

28. B: non, ce n'est pas dit mais c'est implicite, je pense. Et puis on voit bien que , enfin, surement que ça a dû arriver, que j'appelle le formateur et que le soin

n'était pas bien fait et que le formateur s'est tourné vers moi, l'air de dire « bah, alors, vous n'avez pas regardé ce qu'il a fait, le P1 ? », oui, çà a du arriver, donc, j'ai du me dire les fois d'après « ah oui, oui, oui, faut que je regarde avant », oui.

29. C : donc, la réussite de la confection du soin dépend de vous ? Vous vous en sentez responsable, même si vous êtes deux à travailler ?

30. B : c'est vrai, et pourtant, je ne crois pas l'avoir entendu de la bouche d'un formateur, « vous êtes responsable » mais au final, c'est implicite que celui qui

est le tuteur qui est responsable. Et je pense que c'est normal aussi compte tenu du statut de celui qui est plus crédible, comme je disais tout à l'heure, donc c'est lui qui est responsable. On peut pas avoir le statut du plus crédible et dire

« ce n'est pas de ma faute », c'est forcément ... si on assume le statut de « je suis plus crédible », à coté de ça, faut...assurer aussi vis-à-vis du patient qui est

là, mais aussi vis-à-vis de formateur. Mais, du coté du patient, on entend aussi

« ah, ça se sent que vous êtes en 3ème année, le geste est plus sûr », moi, je vais dire « oui, et c'est normal », mais si, à coté, le formateur vient derrière et dit

« c'est nul », ça coince, là. Ça veut dire, oui, je suis plus sûr de moi, mais je suis nul. Donc, non, faut être logique et s'appliquer pour être vraiment crédible.

31.

149

C : et donc, quand le P1 qui travaille avec vous effectue « mal » son soin, vous le prenez pour vous quand le formateur vient vérifier et juge ce qui a été fait ?

32. B : oui, oui. Bon, si le soin n'est pas terrible, ça ne veut pas dire que je suis un mauvais podo, puisque ça n'est pas moi qui ai travaillé sur ce pied, mais ça veut dire que je n'ai pas été un bon tuteur ; c'est pas la même chose. C'est pour ça que c'est dommage, je vais être plus déçu de moi quand je vais sortir de la salle de soins d'avoir raté un soin, et vraiment, ça va me casser, je vais l'avoir dans la tête pendant un moment ; alors que si le pied de l'autre , je l'ai pas regardé, bon, sur le coup, je vais être un peu embêté, et puis après, bon, c'est pas grave, mon boulot de podo, je l'ai fait bien.

33. C : ce sont deux rôles différents que vous avez ?

34. B : oui, oui. Dans le métier, on est tout seul donc... du moment que moi, je me sens apte à faire mon futur métier, ça me va. Et après, tuteur, c'est un rôle qu'on nous donne, faut le faire bien parce que ... si je ne sais pas lui expliquer [au P1], j'ai l'air bête ; je suis sensé connaître des choses, sinon, ça veut dire que je ne suis pas compétent en podo... moi, c'est plus dans le sens « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse », et moi, je veux et j'aime avoir des gens qui sont là pour m'aider et qui le font bien. Donc, ça me parait logique de le faire pour les autres. Donc, c'est plus dans ce sens là que ça va m'embêter, « ah, oui, j'ai mal fait ce boulot là » : bon, ce n'est pas mon futur métier, donc... ce n'est pas comme si je me destinais à être formateur, par exemple. Là, je me dirais, alors, ça va pas, quoi, ou si on venait me dire, « t'es un mauvais tuteur » alors que je voudrais être professeur, alors là je me remettrais en question. Mais ce n'est pas le cas, donc ...

35. C : est-ce que vous aidez parce qu'on vous a aidé avant ?

36. B : pas forcément, enfin, si, c'est un peu pour ça, mais c'est aussi parce que ça me semble ... normal... ça me semble, je sais pas comment dire... je ne sais pas comment expliquer. Je pense que ça vient de l'éducation, moi, c'est comme ça qu'on m'a éduqué, donc, je trouve ça normal. Et pas forcément parce que j'ai envie qu'on le fasse pour moi, même si on le faisait pas pour moi, ça me parait normal d'aider. A la limite, si c'est quelqu'un qu'est pas destiné à çà, ce ne sera pas son métier, je lui dirais « non, n'a pas besoin de savoir ça » ; donc, je ne culpabiliserais pas de me dire, « non, j'ai la flemme de t'expliquer ». Là, je me dis « non, il a besoin de savoir » ... « alors, ça tu ne

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sais pas comment on fait, et bien attend, je vais t'expliquer, moi, je sais » et puis je vais lui montrer, et ça me parait logique.

37. C : d'après vous, en tant que P3, c'est une organisation qu'il faut conserver de travailler en binôme avec un plus jeune ?

38. B : oui. Alors, c'est intéressant en termes de connaissances. Après... oui, c'est intéressant pour connaître les autres promotions ; c'est sympa aussi, car il y a des gens que je ne connais pas, que je n'ai pas vu et de travailler en semble, ça permet de sympathiser, oui. Par contre, c'est pénalisant dans le sens où je pense qu'on n'a pas assez de temps, quand on est en P3, pour faire tout seul. On est trop souvent avec les autres et c'est vrai qu'il y a une grosse, grosse différence entre un P1 et un P3 au niveau du rythme et moi, je pense que, quand je vais être diplômé, bientôt j'espère (rire), et bien je pense que je vais avoir du mal à faire, à tenir dans le temps en cabinet. Quand on va me dire, « et bien maintenant c'est 45 minutes de A à Z », et bien, ça va être ... « chaud ». Au début, ça va être stressant. Je pense que c'est là-dessus où, ici, on n'est pas assez bon.

39. C : est-ce que ça veut dire que les P3 devraient faire des soins tous seuls ?

40. B : non, parce que je trouve que c'est bien, c'est intéressant de mettre un P3 avec un P2 ou avec un P1, enfin, de tout mélanger, P2, P1, donc, je trouve çà très intéressant, mais, faudrait plus de créneaux tous seuls. Là, on a qu'un créneau et je trouve que ce n'est pas assez parce que c'est un créneau ... toutes les trois semaines. Il en faudrait au moins un toutes les semaines si ce n'est deux, enfin, un toutes les semaines, sinon, ce sera dur, ça ferait beaucoup quand même. Mais faut garder çà, le P3 P1...

41. C : mieux P3-P1, que P2-P1 ?

42. B : c'est un peu différent quand c'est P2-P1, parce que, moi, le ressenti que j'avais, c'est que je me sentais moins professionnel quand j'étais P2, « j'ai des connaissances, mais j'ai des lacunes sur les choses d'avant, et en plus, j'ai des lacunes car il y a des choses que je n'ai pas encore vu ». Donc, on sait un peu plus, mais bon, ce n'est pas pareil. Alors que là, en P3, en soins, je vais pas dire que je me sens au top, mais bon, je pense que je suis presque un professionnel donc je suis beaucoup plus sûr pour donner des conseils ; je me sens plus légitime à expliquer ou à montrer que quand j'étais en P2 . Après, est-ce que ça change vraiment les relations de tuteur, je ne sais pas.

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Honnêtement, moi quand j'étais en P1, je faisais même pas la différence si c'était un P2 ou un P3 à côté de moi, pour moi, c'était quelqu'un qui savait plus que moi, donc j'écoutais ce qu'il me disait et voilà. Je pense que c'est plus moi, dans mon ressenti de tuteur que je me sentais moins légitime.

43. C : pensez-vous que les relations entre les binômes influencent le travail autour du soin ?

44. B : bonne question. Je me suis jamais vraiment posé la question...

45. C : si je la pose différemment : vous changez de binôme, vous n'êtes jamais avec la même personne ?

46. B : oui, oui, je change tout le temps.

47. C : donc les relations ont été différentes à chaque fois ?

48. B : oui, forcément.

49. C : il y a eu des situations qui ont été plus confortables que d'autres ?

50. B : ah, oui, j'ai un souvenir où moi, j'étais P1 et avec une P3 et là, c'est sûr que ... je raconte l'anecdote ? ça va vous embêter...

51. C : (rire), non, non, pas du tout, allez y !

52. B : en fait, la patiente était sous anticoagulant et j'ai fait une effraction, donc, ça saigne et l'étudiante à côté de moi, elle a... « pété un câble », quoi. Mais c'était incroyable « mais qu'est ce que tu fais, mais t'as coupé ! » ; « oui, j'ai coupé !». Mais en plus, moi, j'avais déjà quelques semaines avant, coupé un patient qui était sous anticoagulant, donc j'avais eu peur la première fois et on m'avait expliqué, « ce n'est pas grave, ça arrive, bon, ça va être plus long pour arrêter le saignement et tout ça. Elle, elle a « fondu un câble » et moi, je lui ai dit « mais c'est bon !» mais elle « mais stresses toi, là, sérum physiologique, coton », « ouais, bah c'est bon, je prends mon coton », « allez, plus vite, plus vite » et du coup, moi je lui ai dit « tu dégages parce que moi, j'arrête le soin, j'arrête, t'es folle », et la patiente lui a dit « mais calmez vous » et elle est sortie. La patiente m'a dit « mais elle est complètement cinglée votre collègue » et elle est revenue, et après, c'est sûr que le soin, enfin moi, je devais être moins bon qu'avant l'incident. Donc, c'est sûr que ça peut jouer. Quand ça se passe mal, ça peut jouer. Moi, personnellement, ça s'est passé mal qu'une fois, mais en général ça se passe bien, donc là ça joue pas, le soin est le même.

53.

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C : si, par exemple, vous êtes avec quelque pour qui vous avez de la sympathie et un autre avec qui vous en avez moins, ça change quelque chose sur le boulot ?

54. B : je ne pense pas, sur le boulot, non. Après, le contact avec le patient, oui, forcément. Parce que le patient préfère avoir deux personnes qui s'entendent bien, où il y a une bonne ambiance, il le ressente, les patients. On est au bout de leurs pieds. Un échange entre deux personnes, si c'est « électrique », il ne se sent pas bien. Si c'est agréable, si ça rigole, je pense que lui-même, il passe un bon moment et il est content. Si on considère, et moi, je le considère comme çà, que ça, ça fait partie du boulot, le fait que le patient a passé un bon moment et qu'il parte avec la « banane »et qu'il est content, forcément, ça joue. Après le boulot clinique, technique, je ne pense pas. Quand ça se passe bien, non. Et ça se passe quand même généralement bien.

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Entretien Clara, étudiante en 3ème année.

- La date de l'entretien : le 21 mai 2013

- Age : 24 ans

- Le nombre de frères et soeurs : un frère, une soeur.

- Le métier des parents : mère : ophtalmologue/ père : responsable de service SNCF

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, deux années en faculté de médecine, deux années de préparation aux concours paramédicaux.

1. C- Pouvez-vous me parler de cette organisation en soin ou en clinique, dans laquelle vous travailler avec d'autres d'élèves, d'autres promotions ? Qu'en pensez-vous ?

2. Cl- En fait, ça s'est toujours fait comme ça, et je pense que ça fait des années que ça existe. Du coup, c'est naturel quand on est en P1 ou en P3 de travailler avec les autres. Y a pas de raison de se mettre qu'avec un P3 quand on est un P3...je ne sais pas pourquoi, sans doute parce que c'est une habitude, depuis longtemps...

3. C- Est-ce que ça vous a surpris cette organisation quand vous êtes arrivée dans la formation ?

4. Cl- Je n'ai pas été surprise parce que, avant d'arriver, je ne m'étais pas intéressé à comment ça allait se passer. Je ne savais pas comment ça fonctionnait une école de podo. Donc, voilà, on m'a dit ça fonctionne comme ça, donc bah oui (rires), je ne suis pas posé plus de questions. Après, je pense qu'on a tout à apprendre des autres que ce soit en P1, il y a forcément l'expérience des autres et quand on est en P3, comme il y a différents genres de soins, de formateurs, différentes façons de faire, des techniques qu'on apprend avec certains et qu'on ne verrait pas avec d'autres...Moi, je suis d'une fratrie où je suis la plus jeune, mon frère et ma soeur sont plus âgés que moi. Donc, moi, je n'ai pas eu l'habitude d'aider quelqu'un, mais quand j'étais en P1, ça m'a pas gênée, j'ai toujours fonctionné comme ça, mon frère et ma soeur m'aidaient parfois. Donc, ça m'a pas paru bizarre qu'un P3 s'occupe de moi au

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début... Ensuite, j'ai toujours eu des facilités à l'école, depuis toujours, donc j'avais l'habitude d'être avec des gens qui comprenaient moins vite que moi. Et du coup, expliquer aux autres, moi je l'ai toujours fait, ça ne me gène pas, au contraire. Donc, quand je suis passée P3, expliquer aux autres, c'était facile... Et puis, je pense que savoir faire une chose, c'en est une mais pouvoir l'expliquer, le verbaliser, c'est encore mieux : il faut vraiment l'avoir tellement bien compris pour le dire de la façon la plus simple possible. On est obligé de clarifier ses idées. Rien que ça, ça a apporte aussi. Et puis, si un P1 pose une question à laquelle on ne sait pas répondre, on se dit « tiens là, j'ai une lacune, et ça, il faudrait que je le bosse ». Oui, ça m'est arrivé...pas souvent, une fois...

5. C- Et alors ?

6. Cl- Et bien c'est un peu la honte...mais bon, on ne peut pas tout savoir non plus. Après, qu'on soit en P1 ou en P3, se rendre compte qu'on a des lacunes, c'est jamais agréable... quand même, si je ne sais pas lui expliquer [au P1], j'ai l'air un peu bête ; je suis sensée connaître des choses, sinon, ça veut dire que je ne suis pas encore complètement compétente en podo...

7. C- Est-ce la même chose si c'est un prof qui vous pose une question et que vous ne savez pas ou si c'est un collègue étudiant ?

8. Cl- Je m'en veut plus si c'est un prof qui me demande que si c'est un élève. Si c'est un élève, bon on est entre nous, nous lui aussi il aura des lacunes, c'est sur. Du côté du prof, il a plus le jugement, du style, à la fin de l'année, « tiens elle, elle ne savait pas ces cours » (rires). Avec les autres élèves, du coup, on se sent plus libres, mais bon, chacun a sa façon de fonctionner. Par exemple, en examen clinique, je travaille souvent avec L. (étudiante P3) parce qu'on a la même façon de faire, bien carrée et que ce n'est pas le cas de tout le monde dans notre groupe. Donc, on préfère travailler toutes les deux. C'est peut être un tort parce que, du coup, on n'apprend pas des autres mais quand c'est vraiment trop bordélique, ce n'est juste pas possible. Du coup, L. et moi avons beaucoup fonctionné avec les P2 à expliquer, à leurs poser des questions pour les faire réfléchir, notamment à faire des liens, parce qu'on nous demandait d'en faire mais on ne nous donnait pas beaucoup d'exemples. Alors, on a passé du temps avec les autres pour les aider à cela. C'est pour cela que c'est bien de

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changer de groupe, ou de binômes. Chacun a une façon de travailler et on apprend avec les autres...

9. C- Quand vous êtes en soin, qui choisi le binôme ?

10. Cl- C'est plutôt le P1 qui choisi, mais bon, moi j'arrive souvent dans les premières, alors je m'installe et c'est un P1 qui vient nous demander. Après, ça peut être vexant parfois quand on voit les P1 qui passent et qui ne nous demande pas d'être avec eux. Bon, bah y'a personne qui veut se mettre avec moi...

11. C- ah oui, ça arrive, ça ?

12. Cl- oui, oui, ça m'est arrivé ; on s'en remet. Et puis, ça m'a permis parfois de travailler toute seule. Et c'est bien aussi, car, en P3, on n'est pas souvent assez mis tout seul ; forcément, à deux, on partage le matériel, on attend que l'autre a fini, parfois on se gène...et du coup, quand on arrivera en remplacement, faudra tout faire en une demi heure, pas facile...

13. C- Donc, tout a l'heure, vous m'avez dit que d'être accompagnateur, c'était utile pour clarifier les choses, pour savoir si vous maitriser...

14. Cl- Oui, et puis je vois, c'est extrêmement valorisant. Moi, je sais qu'en fin de P1, ça me stressait de me dire, maintenant c'est moi qui va devoir expliquer à d'autres. Et puis quand on commence la deuxième année et que les P1 arrivent et qu'ils savent rien, c'est vachement bien parce qu'on se rend compte qu'on sait plein de choses ! C'est aussi valorisant.

15. C- Est-ce que vous rapprochez cela de vos examens, le fait d'être en 2ème année, puis en 3ème année, d'être avec les plus jeunes ? À quoi ça participe ?

16. Cl- Forcément, j'étais contente d'avoir les examens, mais on sait qu'on est jugé par les professionnels mais avec les autres élèves, on n'est pas dans le jugement. J'ai trouvé presque plus valorisant d'expliquer. Et du coup je me suis plus rendu compte que je savais des choses parce que j'arrivais à les expliquer à un autre étudiant que de réussir mes examens. C'est très valorisant. L'autre se dit « elle m'a appris quelques chose ». Et ça reste. Moi je me souviens encore de la personne, une étudiante, qui m'a appris à faire des raghades...Après, je ne sais pas si les P1 se rappelleront, mais moi, oui, c'était important.

17. C- Serais-ce de l'ordre du modèle, quand on est P3 ?

18.

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Cl- Oui, c'est important parce qu'on a moins peur, même si on n'a pas vraiment peur de demander aux profs, mais c'est moins stressant de demander à un autre étudiant. Après, c'est bien aussi d'avoir le prof qui montre aussi dans certains conditions. Mais pour des petits trucs, oui, car on sait que l'autre est capable de nous montrer. C'est plus facile de demander et en plus, il est juste à coté !

19. C- et en clinique, avec un groupe plus grand, comment ça se passe ?

20. Cl- Non, ce n'est pas pareil, d'abord on est plus nombreux. On ne fait pas la même chose en soin parce que si on est en P1, en P2 ou en P3, y'a des choses qu'on maitrise mieux, mais on fait un soin complet du pied. En clinique, c'est plus sectorisé. Y'a moins d'intimité. Le fait d'être deux, on sait que ...y'a moins la crainte du jugement, on n'est que deux, ça reste entre nous, alors qu'à quatre, par exemple, c'est moins intime, ce n'est pas la même relation. C'est plus vexant, je crois, quand en clinique y'en a un qui pose une question pour faire remarquer qu'on a oublié un truc, ça, ça n'arrive pas en soin, quand on est que deux. Et ça, quand j'étais en P2, y'avait des P3 qui interrompaient tout le temps, avant qu'on termine notre exposé et je ne trouvais pas ça bien et donc, en tant que P3, j'ai fais attention à cela. Dire à l'autre, mais qu'à la fin, « et ça tu as pensé, ou cela, il faut mieux que tu regardes...mais sinon, c'est bien ce que tu as fait » !

21. C- Donc, vous êtes dit, moi, en tant que P3, je me sers de ce que j'ai vécue avant, quand j'étais P1 puis P2 ?

22. Cl- Oui, les années précédentes, elles m'ont servi à cela, dire dès fois ce qu'il m'avait manqué, ou d'une autre façon. Après, c'est ma façon de voir les choses, peut être que ça ne convient pas à tout le monde, mais c'est comme ça que j'ai fait, comment j'aurais moi aimé qu'on fasse avec moi. Et je comprends bien que ça ne peut pas plaire à tout le monde. C'est comme les manières de faires des profs ; à certains, ça convient et à d'autres moins.

23. C- Et vous, auriez pu faire autrement dans ce rôle d'accompagnateur ?

24. Cl- Je ne sais pas.

25. C- Est-ce que, en P3, on vous a dit, pour accompagner, faut être comme ça ?

26. Cl- Non. Mais y'a pas de recette miracle puisque chacun est différent. On peut pas formater quelqu'un, on réagit tous différemment...et c'est ça qui est enrichissant d'avoir, quand on est en P1, différentes personnes qui nous

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expliquent comment faire, car elles n'ont pas toute la même façon de montrer, d'expliquer, donc, on va bien trouver au bout du compte quelqu'un qui va nous expliquer comme on comprend. Après, moi ça m'a jamais gênée d'expliquer aux autres, mais je pense que pour certains qui n'aiment pas faire ça, il faudrait peut entre leur expliquer comment faire. Mais bon, je ne suis pas sure qu'on puisse expliquer comment accompagner...par exemple, si deux personnes travaillent ensemble, entre une qui est très réservée et l'autre qui n'ose pas trop demander, ça peut vite faire quelque chose de « y'a personne qui se parle et c'est moyen ». Moi, ça ne m'est pas arrivé mais je pense que c'est possible. Après, c'est une question de tempérament...

27. C- Et dans votre rôle de P3, cette année, est-ce vous qui « mener la danse »quand vous êtes en binôme ou en groupe ?

28. Cl- En fait, je pense que personne ne définit les règles. Chacun fait son boulot. Mais bon, à chaque fois que j'ai changé de binôme, par exemple, je dis au P1 « t'hésite pas, si tu as besoin de moi, tu me demandes »...donc, oui, c'est vrai du coup, c'est moi qui dit comment on va fonctionner (rire) J'essaye de mettre à l'aise, pour que s'il y a une question, l'autre n'hésite pas. Mais s'il me demande de vérifier, je vais le faire mais s'il ne me le demande pas, je ne le fais pas. Je vais m'imposer. Si on le demande pas, c'est presque vexant, l'autre peut penser « il ne me fait pas confiance ». Après, ça m'est arrivée d'être dans des situations où l'autre ne me demande pas forcément de l'aide, et l'ambiance était pour autant sympa. Sauf une fois, une P1 qui a appelé le formateur en soin pour lui demander une explication alors que j'aurais pu lui dire, moi je savais ! Ce jour là, j'étais un peu vexée, oui ! Car je lui avais dit qu'elle pouvait me poser des questions. Je n'ai pas forcément compris, parce que moi, quand j'étais en P1, j'étais plus à l'aise de demander aux P3 que de demander aux profs. Alors, j'avoue, je n'ai pas bien compris, cette fois...ou alors, c'est qu'elle ne me faisait pas confiance. Ce que je peux comprendre ; les étudiants peuvent se dire, « le prof a eu son DE, je lui fais plus confiance qu'à un autre étudiant », oui...

29. C- Est-ce que vous vous sentez responsable de ce qu'il se passe autour du patient quand vous êtes le P3 avec un plus jeune ou est-ce que c'est partagé ?

30. Cl- C'est plutôt partagé. Après, on a plus de responsabilité en tant que P3, on a la responsabilité d'expliquer, de mettre à l'aise, de rassurer parfois l'autre

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étudiant, par exemple, s'il fait saigner, en soin, et qu'il n'y est pas d'angoisse, surtout devant le patient.

31. C- En parlant des patients, avez-vous vu une différence d'attitude des patients vis-à-vis de vous, quand vous étiez P1 ou P3 ?

32. Cl- Il y a des patients qui ne demandent pas, mais beaucoup, oui. « Et vous êtes en quelle année ? » Du coup, il y a en a qui ne parlent qu'aux P3. Ils doivent croire que l'autre ne sait rien faire...

33. C- Qu'est ce que ça vous a apporté d'être accompagnatrice pendant votre formation ?

34. Cl- Le P1 pose des questions qu'on ne se pose pas ou qu'on a oubliées, donc ça nous fait des rappels, on se rend compte de certaines lacunes, mais on se rend compte aussi qu'on sait des choses, que de les expliquer, ça clarifie dans nos têtes, et on apprend des autres aussi.

35. C- D'après vous, quelles sont les qualités requises pour être un « bon » accompagnateur ?

36. Cl- Déjà, il faut être sociable, ne pas avoir peur de parler aux gens, sinon, ça va être difficile de mettre l'autre à l'aise. Après, faut expliquer sans être trop intrusif dans ce que l'autre fait, il faut attendre que l'autre demande, qu'il se sente en difficulté. Pour qu'il prenne confiance, il ne faut pas être toujours derrière lui en lui disant « fais comme si, comme ça », il faut qu'il fasse tout seul. Il faut trouver la mesure, savoir être souple, ne pas être pas braque, ne pas laisser penser qu'on donne un ordre à l'autre, mais seulement un conseil, pour l'aider. Il faut y mettre du coeur, avoir envie d'aider. Il faut être du coup généreux, pédagogue aussi. Mais ça, ça dépend des gens, y'a aussi des profs qui ne sont parfois pas pédagogues, on en a tous rencontré et c'est compliqué. Je pense que c'est presque inné d'être pédagogue... Il faut surement être humble aussi, pas prétentieux en tout cas. Motivé et bien sur tolérant. Pour moi, c'est une évidence, j'ai été élevé comme ça, dans la tolérance alors parfois je n'y pense plus, mais oui, c'est évident. Il faut aussi être sérieux, pour avoir des choses à transmettre, sinon, on n'est pas à sa place. En tant que P3, c'est évident, par respect pour soi et pour les autres. Si un P2 connaît plus de choses que le P3, on n'est juste pas à sa place...Pour moi, tout cela, c'est des valeurs de base. C'est la façon dont moi aussi j'ai été élevé, donc pour moi, c'est normal.

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Entretien Fanette, étudiante en 3ème année. P3, 22 mai 2013

- La date de l'entretien: le 22 mai 2013

- Age : 23 ans

- Le nombre de frères et soeurs : deux frères

- Le métier des parents : mère : inspectrice en assurance/ père : conseiller

immobilier

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, deux

années de préparation aux concours paramédicaux.

1. C- Durant votre formation, vous a-t-on demandé explicitement de travailler en groupe ?

2. F- en fait, ça va de soi, car dès le début d'année, quand on commence la formation, on nous demande de nous placer un 1ère année et un 3ème année pour soigner un patient. En clinique, c'est le même phénomène puisque qu'on est huit dans un groupe, il y a souvent quatre patients, donc on est forcément on est deux P3 ensemble plus après les jeunes. De la même manière, on fait quelques travaux de groupes, en Santé publique avec des fiches de lectures, pour le TER, ou là, on est à plusieurs... Moi, j'aime bien.

3. C- Vous pouvez préciser comment on vous a présenté cette organisation ?

4. F- C'est surtout en soins, car en clinique, on n'a pas forcément les mêmes choses à faire. Mais en soins, comme tout le monde doit faire son pied, en début d'année, on nous dit qu'il y a les 1ères année qui arrivent, qui n'ont pas d'expérience, et que petit à petit il va falloir qu'il fassent seuls mais que le prof ne va pas être derrière chaque P1 donc que c'est à nous de faire attention à ce qu'ils font et de les aider si y'a besoin...s'ils le demandent.

5. C- Et cela vous semble être demandé assez clairement ?

6. F- En début d'année, oui, avant qu'on commence les soins, on faisant un petit briefing ; pas mal de prof l'ont fait, oui, c'est expliqué.

7. C- Si vous vous rappelez votre arrivée dans la formation, quand vous étiez P1, cette organisation vous a-t-elle surprise, étonnée ?

8. F- Moi, j'ai eu deux frères dont un beaucoup plus grand que moi ; il a dix ans de plus que moi, donc du coup, mon frère s'est toujours occupé de moi. C'est vrai que quand on arrive en soins, c'est pareil, c'est des gens qui ont quatre ou

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cinq ans de plus que nous qui nous coachent. Moi, ça ne me dérange pas du tout, au contraire, j'ai l'habitude de ça, ça me va. Pareil, j'ai l'impression, maintenant quand je vois les P1, de voir mon petit frère, donc moi ça me convient de m'occuper d'eux. Bon, c'est vrai, je me souviens, quand j'étais en 1ère année, je ne savais pas où me mettre en soins, avec qui, pour être à l'aise, parce que j'avais vu que certains P3 parlaient, expliquaient, d'autres moins ; et moi, j'avais besoin, pas qu'on me montre mais qu'on me dise comment faire au début. Et ça, on ne connaît pas les gens au début, on ne sait pas sur qui on va tomber. Y'a quelques soins que je n'ai pas très bien vécu à cause de cela. Un peu la trouille de faire le soin, pas forcément quelqu'un de rassurant à côté de moi, donc du coup, y'a eu quelques expériences pas très agréables pour moi.

9. C- Est-ce que cela veut dire que « devoir » choisir avec qui travailler en binôme était quelque chose d'insécurisant pour vous ?

10. F- Un peu, au début, quand on ne connaît pas encore les gens. Moi, très vite, j'essayais d'aller vers les gens que je connaissais le plus. Je me souviens d'être allé vers ma « grande marraine » parce que j'avais pu discuter avec elle auparavant, je savais qu'elle causait, qu'elle était rassurante, donc je me suis dit qu'avec elle, ce serait bien. Et puis, dès fois, je n'ai pas fait attention avec qui je me suis mise et c'est vrai que, j'ai pas mal vécu le soin mais c'était un soin difficile, je n'avais pas trop d'aide, pas savoir comment m'y prendre, donc, c'est vrai que c'est pas mal de choisir avec qui on se met.

11. C- Est-ce facile de choisir les personnes avec qui vous voulez travailler ?

12. F- Oui, souvent, les P3 arrivent les premiers dans la salle et là, faut demander « est-ce que je peux me mettre avec toi ». Bon après, on n'aime pas forcément ne pas se mettre avec quelqu'un, de peur de froisser, faut essayer de la jouer un peu finaude, d'aller vers les gens avec qui on est le plus à l'aise.

13. C- Ce sont donc les P1 qui choisissent les P3, en soin ?

14. F- Oui, c'est tout le temps, les P3 s'installent, et les P1 « est-ce que je peux me mettre avec toi » et « oui », évidemment. .et justement, c'est tout le temps « oui ». .moi, j'oserais jamais dire à un P1 « non, pas toi », parce que ce ne sont pas des choses qui se font, mais ça ne me choquerait pas non plus sur le fond parce que y'a des gens qui ne sont pas fait forcément pour bosser ensemble. Mais pour le coup, ici, ça ne se fait pas.

15.

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C- Est-ce que les choses changent en cours d'année, quand vous vous connaissez mieux, après les fêtes entre vous, par exemple ?

16. F- Oui, forcément, pendant les soirées, on s'entend bien avec certains, et ils me disaient « tu te mettras avec moi en soin », donc, c'est parfois un peu couru d'avance quand on arrive en soin, mais bon, ça reste quand même toujours le P1 qui va vers le P3 à chaque fois.

17. C- Cela est valable en soins, et en clinique, comment cela se passe-t-il ?

18. F- En stage, y'a le nom des patients au tableau, les P3 se placent d'abord, pour savoir qui prend en charge et les P2 après vont indiquer leur nom à côté du P3 avec qui ils veulent être.

19. C- ça se fait aussi par affinité, ce choix ?

20. F- Déjà, les P2 sont en binôme de travail eux aussi, et du coup le binôme va où il y a de la place...mais moi, quand j'étais P2, je choisissais par affinité, ou alors, par rapport au patient. Par exemple, moi, c'est bête, mais j'essayais d'avoir des patients assez jeunes. Alors du coup, quand je voyais un prénom assez jeune, je fonçais dessus, « ouais, pas un vieux » (rire) ! Mais, bon, c'est souvent les P2 qui vont vers les P3 aussi...

21. C- Donc, c'est toujours le P3 qui est sollicité, celui à qui on demande et qui ne dis jamais non ?

22. F- Oui, c'est ça.

23. C- Et vous maintenant que vous êtes une P3, vous a-t-on expliqué ce que vous deviez faire pour aider vos collègues, les P1 ou les P2 ?

24. F- Non, pas vraiment, on nous dit juste que les P1 sont là et que nous ne pourrons plus être entre nous. Après, c'est sur, on arrive en soin, ils nous demandent quelque chose et parfois on se sent un peu bête, parce que on se dit « mince, comment j'explique ». On ne nous a pas dit de faire très attention à comment on expliquait et on ne fait pas un petit briefing sur les gestes à bien faire, c'est à nous de savoir.

25. C- Cela veut dire qu'il faut que vous sachiez comment aider l'autre ?

26. F- Oui. Moi, j'observe le plus jeune, beaucoup, pour voir quand est-ce qu'il a besoin de moi parce que, moi, quand j'étais en P1, je n'aimais pas trop qu'on fasse pour moi quand je ne savais pas trop encore comment m'y prendre, je voulais apprendre. Donc moi, je regarde, et je dis « si tu as besoin de quelques chose, tu me demandes, mais moi, je ne vais pas te demander toutes les cinq

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minutes si ça va ». Donc, une fois que je vois ou j'entends qu'il se dépatouille pas trop, je lui dis « qu'est-ce tu as comme problème » et on le fait tout le temps en dernier, à la fin du soin. Comme ça, ça le met en confiance qu'il fasse les autres choses avant. Le problème, on le garde pour la fin et j'essaye d'expliquer ma technique à l'autre mais en disant bien que c'est la mienne et que c'est pas la seule façon de faire, même si je pense que je ne me débrouille pas trop mal...par exemple, moi qui suit gauchère, c'est souvent très difficile de montrer comment se servir d'un instrument, mais bon, j'y arrive.

27. C- Donc, c'est vous qui expliquer au P1 comment vous allez faire le soin, tous les deux ?

28. F- Oui, et ça n'arrive pas que le P1 ne soit pas d'accord. Moi je lui montre comment j'ai fait sur un pied, par exemple, et je lui dis « voilà, tu peux faire comme ça, et quand tu auras fini, je regarderais ». Quand les P1 n'ont pas utilisé des outils comme la turbine, je leur propose et on fait ensemble. Et je vois qu'ils sont souvent contents à la fin du soin...Donc c'est moi qui dit comment on va fonctionner ensemble, oui.

29. C- Et en clinique, comment ça se passe ?

30. F- C'est un peu différent car les rôles sont définis à l'avance. Quand ils arrivent en clinique, les P2, ils sont sensés avoir vu un certains nombres de choses et c'est eux qui les font, nous, on est là pour contrôler qu'ils les font bien, et donner des petits conseils s'il y a des choses mal faites. Après moi, le problème que j'ai en clinique, moi je suis à fond dans les cliniques parce que j'adore, je ne sais pas trop comment m'y prendre avec les P2 parfois parce que, parfois je trouve qu'ils n'ont pas envie. Je ne sais pas si c'est la peur de se tromper mais ils ne vont pas crocher dedans ; en fait, j'ai l'impression, dès fois, que plus moi j'en fais, moins eux ils auront à faire. Donc du coup, je leur propose, j'essaye de leur dire « vous n'avez pas envie de faire ça » mais ce n'est pas défini exactement comme en soin où on doit, de toute façon, rendre un pied propre. En clinique, comme c'est nous, les P3 qui allons présenter, au final, le prof ne sait pas forcément ce qu'ils ont fait et du coup...c'est dommage pour eux, je trouve. En soins, on a chacun notre pied, même si moi je vérifie toujours celui qui est fait par le P1 avant le prof, mais je ne refais pas forcément le soin du P1. En clinique, c'est moi qui présente le cas du patient et si le prof me demande une explication, je préfère avoir fait l'examen aussi ou

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l'avoir bien vérifié, si ce n'est pas bon, ça m'embête. Donc oui, c'est un peu différent entre le soin et la clinique. Par exemple, en soin, maintenant que je suis à l'aise, ça ne me gène pas d'être avec quelqu'un qui soigne pas comme moi ; par contre en clinique, quelque un qui voit pas les mêmes choses que moi, qui va pas faire son examen dans le même sens que moi, je trouve cela beaucoup plus compliqué de travailler avec quelqu'un de différent, qui n'a pas la même approche du patient. Par exemple ceux qui sont super à l'aise avec un patient tout de suite, moi, ça me chamboule dans mon examen. Enfin, ça, ça dépend aussi des gens, des promos, tout le monde est différent et c'est normal. Mais, bon, en soin, un P1 accepte qu'on critique son travail, qu'on lui dise comment faire. En clinique, avec les P2, c'est plus difficile. Souvent les P2 pensent qu'ils font bien, et moi, j'étais comme ça, mais parfois on se trompe et c'est plus dure à dire en clinique quand soin pour le P3...

31. C- Pourquoi ?

32. F- Parce que quand on est en P2, on a un peu d'expérience, on a notre façon de faire et on croit que c'est forcément la bonne, donc on accepte moins bien la critique.

33. C- Est-ce que le fait d'avoir été P1, puis P2, aussi bien en soin qu'en clinique, vous a permis de savoir comment faire avec les plus jeunes aujourd'hui ?

34. F- Oui, c'est sur. Ce qu'on nous fait ou nous dit en P1, qu'on trouve bien ou pas bien d'ailleurs, ça nous aide à devenir P3 ensuite. Par exemple, j'ai eu des expériences en soin que je n'ai pas aimé, des choses qu'on a faites à ma place, et je me suis dit « quand moi je serais en P3, je ne ferais pas comme ça, je laisserais faire le plus jeune expérimenté, pas faire à sa place ». Après, je ne sais pas pourquoi, il y a des gens qui se disent « moi, on m'a fait ça, je n'ai pas vraiment aimé, mais bon, il faut passer par là, alors je fais comme on m'a fait, même si c'est un peu désagréable ». C'est un peu comme l'intégration, personne n'aime ça, tout le monde à la fin de l'année dit que c'est nul mais l'année suivante, il faut que l'on le fasse quand même, on en un peu sué et il faut que les autres subissent aussi, comme si c'était un passage obligé. Moi, je n'étais pas d'accord là-dessus ; l'année où nous avons organisé l'intégration des P1, j'ai proposé qu'on fasse des jeux, pas des trucs pourris balancés sur les étudiants. Et bien, on n'était pas nombreux à vouloir que ce soit différent des

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autres années, du coup, y'a eu quelques trucs pourris. Moi, je ne comprends pas bien cette attitude, c'est curieux...

35. C- Et donc, vous en devenant P3, qui devez aider des plus jeunes, au moins dans l'activité soin, comment vous êtes-vous senti dans ce nouveau rôle ?

36. F- Moi, je sais qu'en fin de P2, les profs ne retouchaient pratiquement plus mes soins, donc je me suis dit « ça y est, je peux montrer à quelqu'un comment faire sans lui montrer des bêtises » et ça m'a rassurée. Alors que je me rappelle, en P2, ça m'est arrivée d'avoir un P1 avec moi car il manquait du monde et là, je n'étais pas sure d'avoir encore les bons gestes et de pouvoir bien expliquer. Alors que je réussisse mes examens en fin de P2, du coup, je me suis dit que je pourrais être de bons conseils. Aussi, moi je suis assez patiente, ça ne m'a jamais déranger d'expliquer, de prendre le temps et d'aider. Mais tout le monde n'est pas pareil...

37. C- Justement, à vote avis, que faut-il pour être « accompagnateurs » « tuteurs » en podo ?

38. F- Moi, je pense qu'il faut savoir rassurer la personne, être zen déjà soi-même. Parce que si dès que quelque chose ne se passe pas super bien, c'est la panique du côté du P3, c'est impossible que le P1 ait confiance en lui. Je pense qu'il faut être sur de soi, tranquille et la patience est importante, aussi. Je vois parfois des P3 qui en ont marre en soin car ils ont fini leur pied depuis longtemps, du coup, ils finissent presque le soin du P1. Pour moi, faut pas faire ça. S'il faut attendre, moi j'attends, je regarde si l'autre a besoin de moi, je suis là...

39. C- Qu'est-ce qui fait que vous êtes patiente ? Que retirez-vous de votre rôle d'accompagnatrice ?

40. F- Je crois que j'ai toujours été accompagnatrice de quelqu'un, de mon petit frère, mon père ayant eu pas mal de problème de santé... c'est moi, la soignante de la famille. Comme personnes n'est médecin chez moi, et que j'ai quelques connaissances médicales, ça me donne ce rôle là facilement. Et puis, j'ai coaché aussi au basket des petites, donc j'ai toujours eu ce rôle là en fait. J'aime bien. Je ne me force pas. Moi, ça m'a servit beaucoup d'avoir coaché des équipes, d'abord d'avoir fait partie d'équipe au basket. Quand j'ai eu fait dix années de basket, on m'a dit « maintenant tu peux t'occuper d'une équipe, tu vas expliquer tous tes gestes à des petites de sept ans » ; j'ai dit ok. Au

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début, en expliquant le plus simplement possible et quand j'ai vu que ça fonctionnait, j'ai trouvé ça super, donc on continue. Là, j'ai arrêté car je n'ai pas le temps mais dès que je pourrais, je reprendrais une équipe, j'adore ça, je trouve que c'est mieux que de jouer, presque (rire)...

41. C- Quand vous dites « équipe », pensez-vous qu'il y ait quelque chose de cet ordre à l'institut ?

42. F- Oui, c'est sur, mais pas avec tout le monde. Du coup, ça joue beaucoup d'avoir fait partie d'une équipe de sport avant d'arriver ici parce que, moi, les gens dont je suis le plus proche, pour bosser, c'est aussi des gens qui connaissent ce type de fonctionnement. Par exemple, les gens vont penser à prendre tes instruments pour le lendemain, pour t'aider, sans qu'on leur demande. D'autres, ce n'est pas méchant mais ils n'y auront juste pas pensé. Je retrouve ça chez des gens qui ont fait des sports collectifs, qui se sont pas mal occupé des autres avant. Moi j'ai remarqué que les gens avec qui je m'entendais le mieux, c'était ceux qui avaient des frères et soeurs, des familles assez soudées, ce qui est le cas chez moi aussi. On a donc plus de facilité à se comprendre, je crois. A l'institut, je pense que ça fonctionne un peu comme ça.

43. C- Que pensez-vous de ce travail collectif ou en binôme dans votre formation ? Est-ce que la formation serait la même si vous n'étiez qu'entre P1 ou P2 ou que des P3 ensemble ?

44. F- Moi, je trouve que c'est bénéfique, pour un P1 d'être aider pour pouvoir faire un soin tout seul mais d'avoir un oeil bienveillant à coté ; je trouve que c'est important. Et puis aussi, quand on nous explique ce qu'il faut que nous fassions avec le patient, c'est un peu théorique. Là, on a quelqu'un qui te dis « ça, on te l'a expliqué, fais gaffe, c'est important, et ça, bon, ça l'est moins » ; ça permet de relativiser, en fait, ce qu'il faut vraiment savoir, et le reste... Après, d'être un P3, c'est bien de coacher car c'est une manière de voir si on a bien compris ce qu'on faisait. Pour moi, j'ai de meilleures notes cette année en soin, à l'oral, j'arrive mieux à expliquer, à justifier ce que je fais et mes choix. En fait, nous, on l'explique aux P1 et aux P2 quand on est en stage, et ça aide à savoir pourquoi on fait telle chose. On est obligé de mettre des mots sur nos actions. Moi, je trouve que je me suis améliorée depuis que j'aide les autres, au moins à l'oral. Expliquer aux autres, ça entraine. Après, dans la formation, je pense qu'il manque une dernière étape, c'est d'être davantage seul pour être

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autonome, de A à Z, en soins et en clinique. On est trop rarement tout seul. Ce serait bien que la dernière année de formation, on est davantage de créneaux où l'on soit seul. Parce que, c'est sur, après on est libéral donc tout seul, et il faut qu'on sache se débrouiller. Alors sur les soins, c'est bien de travailler avec les P1, je trouve ça enrichissant mais il faut aussi savoir si on est capable de travailler seul; par contre, en clinique, je vois moins l'intérêt de travailler en groupe, avec des P2 ; parce que on explique moins aux P2 en clinique, peut être parce qu'on maitrise moins aussi, et les gens sont moins demandeurs en clinique. En soin, y'a plus de risque si on fait mal le boulot, alors qu'en clinique, si on fait une mauvaise mesure, ce n'est pas trop grave. En soins, on voit tout ce qu'on fait, ou pas, alors qu'en clinique, c'est facile de se planquer, les profs ne voient pas forcément. Ça joue aussi sur l'ambiance, sans doute. Et peut être que si on était en binôme en clinique comme en soin, ce serait différent, plus comme en soin. On délimiterait bien qui fait quoi dans l'examen, que le P2 n'aurait pas le choix que de faire sa partie, alors ce serait différent, plus riche sans doute. Et puis, quand on est deux P3 ensemble avec des P2, on a sans doute plus intérêt à demander conseil aux collègues P3, donc on oublie un peu les P2, qui ont l'impression de ne servir à rien. J'ai remarqué que quand je me suis retrouvée toute seule en P3 avec deux P2, les choses se passaient mieux. Donc, je pense qu'on gagnerait plus à être en binôme en clinique que plusieurs P3 avec des P2, par exemple.

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Entretien Chris, étudiant en 3ème année.

- La date de l'entretien : le 24 mai 2013

- Age : 26 ans

- Le nombre de frères et soeurs : deux frères, une soeur.

- Le métier des parents : mère : vendeuse/ père : retraité de la Marine Nationale-cuisinier

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, deux années en faculté de mathématiques, trois années de formation en pédicurie-podologie dans un autre institut que celui étudié.

1. C- Quand vous êtes arrivé sur l'institut actuel, de quelle façon vous a-ton demandé de fonctionner en binôme ou en groupe ?

2. CT- moi, on m'a rien demandé.je suis arrivé ici de façon « éclair », parce que je m'attendais pas à arriver ici. Je voulais arrêter la podologie parce que l'école de M., ça un peu dégouté. Je voulais travailler et passer mon diplôme d'état en candidat libre. Et un professeur de M., qui est parti de l'école, qui était très compétent. M'a dit « je te déconseille de faire ça, cherche une autre école, ne retourne pas à M.». Excusez-moi mais je raconte un peu mon parcours avant d'arriver ici. Du coup j'ai envoyé un message à Marie et Mathieu (étudiants issus de l'institut de M. ayant effectué une 4ème année à l'institut étudié), qui m'ont répondu et m'ont dit « viens à R. ». Alors, moi j'étais du Sud, je me suis dit « non, ce n'est pas possible », je ne vais pas aller à R., là-bas il pleut, je ne connais pas la vie, je ne connais pas la région, et Mathieu m'a dit « fais-moi confiance ». Alors du coup, j'ai appelé le directeur de R., et agréablement surpris, j'ai atterri ici. Donc, au début, ça fait bizarre car ici, y'a du mouvement, y'a beaucoup d'étudiants, l'école est immense, y'a beaucoup de professeurs, d'élèves. Ça semble familial et en même temps, professionnel. Enfin, comment dire... on est en même temps autonome, et en même temps encadré. Ce n'est pas comme à M., on était encadré mais c'était très prescriptif. Du coup, on avait peur de faire les choses. Et quand on a peur de faire les choses, on a peur de faire des erreurs et on ne disait pas les choses. Et du coup, je suis arrivé ici où on travaille en binôme. J'ai appris qu'on travaillait tout le temps en binôme, les mémoires, c'est en groupe, l'examen clinique, c'est en

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groupe aussi et c'est à l'opposé de l'école de M. Là-bas, on fait tout tout seul. Le soin c'est tout seul et le plus rapidement possible, l'examen clinique c'est pareil, le mémoire c'est aussi tout seul, et du coup, j'étais un peu chamboulé au début. On ne m'a pas dit qu'il fallait que je le fasse, je l'ai fait naturellement. Y'a quelqu'un qui m'a dit « je peux me mettre avec toi ? », je n'allais pas lui dire « non » (rire). Au début, ça me semblait bizarre, parce que, en général, on veut être seul, enfin ,moi, j'étais habitué comme ça, à être seul, à travailler le plus rapidement possible, parce que on parlait beaucoup d'argent à M., qu'il fallait faire du chiffre, et qu'il fallait être rapide, aller directement au but. Alors d'être ici où il faut vraiment aller au motif de consultation, prendre bien en charge le patient et en même temps avoir une autre personne à côté de soi. Avoir un 2ème année ou un 1ère année, c'est-à-dire un 1ère année qui connaît rien ou un 2ème année qui connaît certaine chose, moi, il fallait que je me positionne en tant que 3ème année, mais qui arrivait de M.. Ça veut dire que la personne qui était à coté de moi ne connaissait pas mes compétences donc du coup, il n'avait aucune confiance en moi. Donc, j'étais obligé en même temps de bien faire, en même temps d'expliquer, et ...comment dire, faire valoir ce que je savais faire. Il fallait que je prouve des choses. Enfin, c'est normal. M., elle n'a pas une super réputation. Donc du coup, j'entendais « moi, je suis en 2ème année mais bon toi tu viens de M.... » Donc c'était un peu bizarre. J'ai donc été obligé de montrer que je savais des choses et au fur et à mesure, le 2ème année, il redescend un peu d'un étage et donc ça se passe bien. En fait, c'est juste cette barrière en début d'année, où il faut montrer que ce qu'on appris à l'école de M., y'avait des choses bien , des choses pas bien et heureusement parce que sinon...Et à partir de ce moment là, on se met en mode où on va essayer de faire apprendre des choses aux 2ème années, des choses un peu différentes et en même temps des choses qu'on appris dans cette école et dans celle de M....

3. C- est-ce que ça, ça été difficile pour vous ?

4. CT- au début, oui. Parce que, il fallait...comment dire...en fait, il fallait prendre son temps. Et moi, je n'avais pas l'habitude de prendre mon temps, j'avais l'habitude d'aller vite et de pas faire attention aux autres. Et là, faire attention aux 1ères et aux 2ème années, ça change. Alors au début on fait notre soin, par exemple sur le pied, on voit qu'on a fini et le 2ème année, il finit pas :

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donc au début, on est impatient et on est limite énervé. Après, on voit les autres autour, les autres P3 qui ont l'habitude de discuter, de parler, « fais ci, fais ça, et si tu faisais comme ci ou comme ça », et ils étaient zen, en fait. Ils étaient zen et ils n'avaient pas la pression des professeurs qui étaient là en train de dire « faut que tu bouges là » ; ceux de Rennes, ils sont plus là ...enfin, les étudiants lèvent la main, appelle le prof « voilà, là j'ai ça, est-ce que vous pouvez m'expliquer les choses ? ». Bah, ça, je n'avais pas l'habitude alors au début, c'était difficile et puis après on s'adapte. Alors, je me suis dit, « alors là t'es à Rennes, calme, tu te poses, tu expliques comment tu fais, tu regardes ce que fait l'étudiant à coté de toi et tu essayes de donner des conseils. Et voilà. (6 mm 37)

5. C- C'est donc le fait d'être en salle de soin, d'entendre, de voir les autres P3 faire, que vous vous êtes dit « c'est comme ça qu'il faut faire ? »

6. CT- Oui, parce que personne ne m'a vraiment expliqué comment faire avec le P1 ou le P2 qui se trouve à coté de moi. Mais bon, c'est sympa, c'est moins académique. On fait des choses un peu comme on a envie. Et puis, les soins en pédicurie, y'a rien de mathématique. Alors on utilise les instruments qu'on veut...Mais, devant un 1ère année ou un 2ème année, on est obligé de montrer l'exemple, et puis lui dire, « tu fais comme ça, tu fais ci », « faire saigner, c'est pas grave » ; la prise en charge du patient , c'est comme ça, faut que tu comprennes pourquoi tu fais ça...Donc, ça remet les idées en place...

7. C- c'est-à-dire ? comment ça remet les idées en place ?

8. CT- Déjà sur les connaissances, sur les techniques, des choses qu'on a oubliées. Les P1 nous parlent de pathologies, notamment de pathologies pédicurales qu'on voit en 1ère année, qu'après on revoit plus trop, donc du coup, ça nous oblige à revoir le cours. Ça permet l'échange. Après, on essaye de donner des techniques aux autres pour aller plus vite, pour faire des liens...Après, y'a pas que ça. On est en groupe, en soins, en clinique. Mais ici, c'est aussi une ville étudiante, et souvent avec les évaluations, comme on se connaît, on travaille ensemble le soir avec certains, sur ce qui faut faire pendant l'examen, les pièges à éviter...et ça, c'est sympa, y'a des échanges qu'il n'y avait pas à M.

9.

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C- Donc, vous me dites qu'ici, il y a des échanges, nombreux, avec vos collègues étudiants, aussi bien en pratique, mais aussi au cours de soirées. C'est cela ?

10. CT- Oui...

11. C- Et à M., il n'y avait pas ce type d'échange ?

12. CT- (rire) oui, forcément, y'a toujours des échanges, mais après... (hésitation)

13. C- Si c'est différent, à quoi est-ce dû, d'après vous ?

14. CT- En fait, ce que je veux dire, c'est que quand j'étais à M., la curiosité, j'avais arrêté. Et j'ai repris gout à cette curiosité ici. Et qui dit être curieux, dit faire des recherches, s'intéresser aux choses, discuter...tout le monde ici est curieux ; c'est ce que j'ai remarqué. A l'extérieur, on discute de cas qu'on a vu ensemble, en stage. Et du coup, ça éveille, ça rend curieux. Et puis c'est plaisant, parce que du coup, c'est des connaissances. Ici, à Rennes, c'est ça. Le fait de travailler en groupe, ça éveille la curiosité. Et ça va avec la motivation, du coup.

15. C- Donc, vous me dites que travailler en groupe, avec des plus jeunes professionnellement parlant, créer de la curiosité et de la motivation en tant qu'étudiants ?

16. CT- oui, oui, mais pas que quand on travaille avec des P1 ou des P2. Aussi quand on travaille avec les autres de sa même promotion. Moi, je vais plus vers les P3 aussi parce que ils ont appris des choses que je n'ai pas vu à M., alors c'est intéressant pour moi. Après, je sais pas comment les autres P3 se positionnent...

17. C- Est-ce que vous, vous avez eu l'impression de recevoir et donner dans ces situations ?

18. CT- Je pense beaucoup recevoir. Et donner, j'espère un peu (rire)...

19. C- Si vous comparer à votre activité à l'école de M., travailler tout seul souvent vous a apporter des choses. Lesquelles ?

20. CT- ça m'a permis d'essayer d'être rapide, techniquement, et de percuter vite. Et il faut percuter vite sinon, on est mal. Et il faut comprendre pourquoi on ne percute pas suffisamment vite. Par exemple, trouver des raccourcis pour faire telle ou telle chose. Donc, on est obligé d'être efficace.

21. C- Est-ce que le fait de travailler en groupe limite cette efficacité que vous parlez ?

22.

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CT- Il y a être efficace rapidement et efficace lentement. Ça dépend de la mentalité. Si on faire du fric, vaut mieux être efficace rapidement. Nous, la prof, elle nous disait si je fais un soin en 20 minutes, je suis efficace. Alors, c'est un travail un peu à la chaine, un patient sort et un autre rentre. Donc, « vous devez être rapide et efficace. Les finitions, plus tard ». Enfin, on les faisait beaucoup en 1ère année et après, moins. Ici, on réfléchit plus à pourquoi il y a ci, cela. Et je crois que d'être avec un P1 ou un P2 nous oblige à faire des liens entre ce que l'on fait, ce que l'on voit. Au lieu de foncer, on a une vision plus globale. Du coup, je pense que c'est bien d'avoir les deux. Travailler tout seul pour être rapide techniquement, et en groupe pour mieux comprendre ce qui se passe.

23. C- Ce travail en groupe, d'après vous, est différent de ce que vous avez connu, me dites vous. Qu'est-ce que cela génère du point de vue professionnel, humain ?

24. CT- Humainement, on est moins dans la concurrence. Moins dans le vouloir être le meilleur. Après, moi ce que j'ai remarqué, c'est que dans le milieu de la podologie, tout le monde est un peu dans son coin, chacun essaye de récupérer des patients à droite, à gauche. Alors qu'ici, à l'école, ça fait plus comme une grande famille, même si on ne s'entend pas avec tout le monde, ce serait trop beau. Après, quand j'étais à M., j'avais du mal à faire confiance, même aux profs, pour plein de raisons, et même entre les élèves. Certains avaient des infos qu'ils ne donnaient pas forcément aux autres. Mais quand il y a la peur de l'échec, on ne peut pas partager ; on garde le maximum d'infos pour soi, on veut ne pas partager.

25. CT- cela veut dire qu'ici, il n'y a pas la peur de l'échec ?

26. CT- C'est une autre peur : on a peur parce qu'on pense aux cours qu'on doit connaître mais on ne pense pas à l'image qu'on va donner aux professeurs. On est soi même. Et les professeurs sont différents, ils sont eux-mêmes aussi. A M., les profs semblaient avoir peur, c'était chacun pour soi. Ici, quand un professeur a son idée, on voit bien qu'il en discute avec les autres profs, et ce n'est pas le plus fort qui l'emporte ! (rire) Et à partir de là, ça change tout.

27. C- Vous êtes en train de dire que le travail collectif entre les profs, vous le ressentez en tant qu'étudiants ?

28.

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Oui, moi je sens qu'ici on peut facilement discuter, donner notre avis, ce qui va, ne va pas, on sent qu'il y a toujours une remise en question de l'école, de ce qui est fait. Donc, moi je n'ai rien à dire. Certains étudiants ici critiquent. Moi, je leur dit, « allez voir à M., et ensuite vous verrez »...parce que, ici, on se sent plus libre. Et ça éveille la curiosité. On va plus facilement vers les livres, vers les profs, on pose plus facilement des questions parce qu'on est face à des gens plus ouverts ; donc, même en groupe, ça créer une dynamique. Les étudiants échangent, « tiens moi y'a un prof qui m'a dit ça », on se passe les infos et du coup, on sait qu'on peut aider comme en clinique ou en soin. On dit à l'autre, « tiens y'a ça qui va mais ça tu peux faire autrement, ou là, tu te trompes ». ainsi, tout le monde s'interroge sur comment faire, et même les P1 ou les P2, quand on est en groupe, voient des choses qu'ils n'ont pas encore appris et ça leur donne envie d'avancer.

29. C- Pourquoi pensez-vous que ça fait avancer ?

30. CT- Les P3 aident les autres à faire des liens et inversement ; les P2, par exemple en clinique, vont me dire « mais pourquoi t'as fait ça, c'est quoi le lien », donc nous, les P3, ça nous fait réfléchir. On l'exprime à l'oral et ça nous entraine ; parce que les choses qu'on explique aux P2, on doit savoir les expliquer aux patients et à nos professeurs. Du coup, ça nous fait avancer.

31. C- Est-ce que c'est un exercice difficile d'expliquer à ces collègues étudiants ?

32. CT- oui, parce que c'est difficile de réfléchir (rire). En début d'année, pour moi, c'était difficile d'expliquer aux autres ce que je faisais et pourquoi je faisais comme ça. Après, je pense qu'il faut être ouvert, pour entendre que l'autre ne fait pas tout à fait comme soi. On fait un mix de ce que je sais et ce que l'autre fait et dit. Après, on s'imprègne de la formation, on prend le positif de ce qu'on a pris à droite, à gauche, on en parle avec les autres étudiants qui vont te dire « et, ce n'est pas idiot ce que tu dis, c'est une bonne idée, je fais faire ça moi aussi ». ça c'est agréable. Et puis, c'est plus sympa d'être ensemble que de se sentir tout seul. Enfin pour moi, parce que je sais qu'il y en a qui aiment bien être seul.

33. C- Que pensez-vous des étudiants qui sortent d'ici et de M., sachant que d'un côté, il y a beaucoup d'apprentissages entre étudiants et de l'autre, davantage des apprentissages qui se font tout seul ?

34.

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CT- C'est différent. Par exemple, l'association des anciens étudiants est moins forte à M. qu'ici. Déjà, M. n'est pas une ville étudiante ; donc, pour sortir, se retrouver à la B.U, dans les appartements des uns ou des autres, c'était moins facile. M., c'est pas toujours bien fréquenté, alors qu'ici, c'est plus tranquille. Et comme on avait beaucoup de contrôles-surprises, comme au collège (rire), on sortait moins. Même si on ne bossait pas plus, on sortait moins. Y'avait pas une super ambiance. Ce qui manquait, c'était ces temps de sortie, de discussions. Et puis, comme on est souvent ensemble, on ne discute pas forcément que de la podologie, on parle d'autre chose, donc ça créé des liens. Donc, y'a les deux, la ville qui est plus facile et l'ambiance de l'école qui donne envie de se voir en dehors.

35. C- Quels sont, pour vous, les qualités nécessaires pour être le tuteur d'un autre ?

36. CT- De la patience, d'abord, des connaissances, bien sur, des qualités humaines...

37. C- C'est-à-dire ?

38. CT- Compliquée, votre question...c'est avoir une personnalité. On peut être sérieux et être un bon tuteur, on peut aussi aimer rigoler avec les autres...je ne sais pas si il y a un profil type du bon tuteur... bon, faut quand même avoir envie d'accompagner un autre, ça oui. Qualités humaines... ça peut être le partage, être généreux parce qu'on a envie de donner. Mais certains peuvent ne pas avoir envie de donner parce que c'est un concurrent. Mais ici, ce n'est pas comme ça. Le fait de travailler en groupe, ça nous permet aussi de ne pas avoir peur de discuter avec les autres en général ; ça nous apprend à parler avec les autres professions de santé, les kinés et les ergothérapeutes, qui travaillent à côté, à savoir qui on est et qui ils sont. Et ça, ça peut aider à pouvoir ensuite travailler ensemble, dehors, quand on sera diplômé.

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Entretien Lucien, étudiant en 3ème année.

- La date de l'entretien : le 16 octobre 2013

- Age : 26 ans

- Le nombre de frères et soeurs : un frère et une soeur.

- Le métier des parents : mère : laborantine/ père : cadre-administrateur dans le bâtiment.

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année en faculté de médecine, trois années de formation en pédicurie-podologie dans un autre institut que celui étudié.

1. C. Quand vous êtes arrivé sur l'Institut de Rennes, de quelle façon vous a ton demandé de fonctionner en binôme ou en groupe ? Est ce que cela a été confortable ou difficile pour vous de travailler ainsi ?

2. L. Quand je suis arrivé à l'IFPP de Rennes, on m'a demandé de travailler en binôme de manière implicite pour les soins, et on m'a expliqué comment fonctionneraient les examens cliniques en groupe. Concernant les soins, cela n'a pas été évident pour moi. J'étais habitué à travailler seul depuis le début de ma formation. La plus grande difficulté est de travailler rapidement, tout en conservant un niveau de qualité de soin élevé. Je trouve cette façon de travailler en binôme moins bien. Elle ralentit le soin, l'émulation entre étudiant peut-être négative car tout est plus lent, et la qualité du soin moins poussée. Etre avec des étudiants P1 et P2 moins qualifiés peut donner un sentiment de suffisance car on soigne mieux qu'eux, alors qu'on peut être loin de l'objectif DE et du niveau d'un professionnel. Lorsque ces derniers posent des questions, leur répondre ne m'apporte rien. Cependant ils osent davantage poser des questions à un P3 qu'aux professeurs pourtant très accessibles, et les questions techniques ou de connaissances peuvent aussi bien être posées au professeur directement lors de la validation du soin, et ils auront la réponse ou verront le geste technique en direct d'un professionnel expérimenté, alors que la réponse d'un P3 peut encore être défaillante.

3. C. Vous ne pensez pas qu'un P3 peut avoir la bonne réponse ?

4. L. Si, bien sur, mais ce ne sera jamais aussi sur que celle du formateur. Alors pourquoi s'en priver...

5.

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C. Donc, la situation en binôme, vous en pensez quoi ?

6. L. Moi, je trouve que fonctionner en binôme n'est pas bien, sauf en tout début de P1 pour être rassuré. Ensuite il y a une gêne dans le soin, la gestion du temps, l'auto-évaluation (serai-je capable de soigner 2 pieds en 45min ?), une qualité de soin pouvant être altérée par mimétisme du binôme vers le bas. Lorsqu'on est seul avec le patient on s'en occupe, on lui parle, il y a un dialogue. Quand on est deux, les étudiants ont plus tendance à parler entre eux et à oublier le patient.

7. C. Et quand vous êtes en groupe, en examen clinique, est-ce pareil ?

8. L. Concernant les examens cliniques, j'ai également trouvé désagréable le fait de travailler en groupe. Une passivité s'installe, même lorsque je prends en charge le patient. Ce n'est plus mon patient, mais un cas clinique que je ne m'approprie pas. Lorsque je prends le patient en charge, ce n'est pas moi qui fait l'interrogatoire, ni les manoeuvres cliniques, je regarde le patient, je laisse la consultation se dérouler. J'ai le sentiment d'être accessoire et d'attendre de devoir restituer des données que je n'ai pas recueilli moi même et dont je ne suis pas sur de la véracité. On a une distance avec le patient, alors qu'on devrait avoir un contact. Pour moi c'est le ressenti qui prime lors de la manipulation du patient, et en P3 on ne le fait pas. Pourtant on est responsable du patient. Du fait d'être à plusieurs, les étapes de l'interrogatoire sont figées, et bloquent le patient dans ses dires. On n'obtient en général pas toutes les informations. C'est désagréable. Lorsqu'il y a des hésitations, le consensus se fait souvent en fonction de la facilité, et par le questionnement mutuel, il n'y a pas de positionnement clair. C'est comme les réunions dans les entreprises qui ont pour but premier de ne pas vraiment prendre de décision, et de se couvrir pour pouvoir dire je ne suis pas le seul à avoir pensé ça. On n'est pas du tout dans une approche professionnelle. Je trouve qu'être en groupe bloque la réflexion personnelle et le cheminent intellectuel, et la responsabilisation. C'est en étant responsable qu'on retient, pas en étant spectateur, ce qui est très fortement le cas lorsqu'on est le deuxième P3 à prendre en charge le patient. Personnellement je n'arrive pas à suivre la consultation, à m'approprier le patent lorsque je ne le prends pas en charge de A à Z...

9. C. Donc, pour vous, ce n'est pas un mode qui vous convient, d'être à deux ou en groupe avec un patient ?

10.

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L. Non. Le travail en groupe me gène, je pense qu'il vaut mieux voir moins de patients mais les prendre en charge complètement. On se rapprochera alors plus d'une démarche professionnelle qu'étudiante, ce qui est le but en P3. Mais bon, faut dire que je n'ai jamais été habitué à travailler en groupe, aussi...

11. C. Pour autant, être en binôme est-il un exercice dans lequel vous vous êtes sentis à l'aise, c'est-à-dire montrer, expliquer à ses collègues étudiants?

12. L. Je me sens à l'aise dans la démarche de tutorat, mais cela ne m'apporte rien. Au contraire j'ai l'impression de ne pas me préparer correctement à mon objectif personnel qui est de s'entrainer pour le DE, et agir en praticien professionnel. Mais bon...

13. D'accord... Mais pour vous, quelles sont pour vous les qualités nécessaires pour être le tuteur d'un autre ?

14. L. Je pense que pour être un bon tuteur il faut à la fois, maîtriser ses connaissances, être clair dans sa tête, ne pas avoir de priorités plus importantes à gérer, avoir le temps ...et sans doute être sécurisé dans son statut, ses connaissances.

15. C. Selon vous, est ce que travailler en binôme ou en grouper créer des situations particulières, comparativement au fait d'apprendre le métier seul, et non en binôme ou groupe ? Par rapport à la formation, le métier, humainement?

16. L. Oui travailler en binôme ou en groupe créer des situations particulières. Par rapport au métier, je trouve inadapté à la pratique de la profession, où on sera seul à devoir résoudre la plainte du patient. Par rapport à la formation, un ralentissement de la réflexion et de la capacité de prise en charge autonome du patient, de la responsabilisation. De plus je trouve un ralentissement des actions, le temps libéré pourrait être mieux exploité. Humainement, ce n'est pas selon moi sur le temps de travail à l'institut, de plus avec des patients, que se travaillent les relations humaines amicales.

Entretien de Thomas, étudiant en 1ère année.

- La date de l'entretien : le 18 mars 2013 - Age : 21 ans

- Le nombre de frères et soeurs : Un frère

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- Le métier des parents : mère : professeur des écoles/ père : ingénieur informaticien

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : Que vous apporte le fait d'être tutoré ?

2. T : C'est une bonne chose en soi, parce qu'on en est avec un troisième année ou un deuxième année, avec quelqu'un qui a plus d'expériences, il peut nous apprendre à mieux manier les instruments, à s'en servir de façon moins académique. C'est très bien car on voit différentes facettes qu'on ne verra pas en cours. On nous explique que chaque instrument à sa fonctionnalité propre, alors qu'avec un troisième ou un deuxième année qui a plus d'expériences et qui a pu apprendre auprès d'autre professeur, comme par exemple Mr Leparoux, va se servir d'autres instruments pour faire le travail de manière similaire voire plus efficace par moment. Et en même temps ils nous apprennent à aller plus rapidement, à avoir des mouvements plus efficaces et ils nous donnent des « trucs » sur des pathologies, nous conseillent d'appliquer telles ou telles méthodes ; c'est plus simple, plus rapide, plus efficace et corriger certaines lacunes que l'on peut avoir. Pour moi, c'est la finition des ongles essentiellement et c'est de travailler pour avoir une meilleure finition. Les deuxièmes ou troisièmes années m'ont quand même donné quelques astuces pour y arriver.

3. C : Quand vous dites astuces, « trucs », c'est des choses que seules les étudiants peuvent vous donnez, ce ne sont pas les professeurs qui peuvent donner ce genre de chose ?

4. T : Par forcément, les professeurs peuvent également nous les donner, mais vu que l'on est principalement avec les deuxièmes et troisièmes années, ils nous en apprennent un petit peu plus.

5. C : Donc c'est le fait que vous soyez beaucoup avec eux ou de façon très proche avec les étudiants, qu'il y a plus de choses qui se passent qu'avec le formateur ?

6. T : Oui, mais vu que l'on est avec eux durant le soin et non après, on peut leur demandé directement comment faire pour arriver à tel résultat, et ils peuvent

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nous montrer tout de suite sans que l'on est besoin d'attendre que le professeur viennent pour ensuite lui demander. Il nous donnera les mêmes astuces mais ce sera toujours en décalé, tandis qu'avec le deuxième ou troisième se sera toujours au moment où l'on rencontre le problème.

7. C : Est-ce que ça veut dire que votre tuteur, le troisième année, est d'avantage disponible que le formateur?

8. T : Oui, parce que l'on a directement sous la main.

9. C : Est-ce que d'être juste à côté du troisième année va vous permettre de lui poser plus facilement des questions ?

10. T : Oui, ça favorise les échanges. Et vu que l'on est sur le même patient, la discussion vient plus facilement sur comment résoudre tel problème.

11. C : Et cette notion de « truc », astuce, c'est plus des échanges entre étudiants ? Est-ce que les formateurs vous donnent des « trucs » et des astuces ?

12. T : Les formateurs nous donnent des « trucs » et des astuces mais c'est toujours en gardant à l'esprit que tel instrument à tel fonctionnalité. Cela reste comme même assez académique. Même si par moment on s'en éloigne un petit peu du côté académique, mais ça reste toujours assez centré. Tandis que les étudiants par exemple vont nous dire qu'avec une fraise boule, si tu as des cors profonds, tu y vas avec, alors qu'en cours on nous dit plutôt que sur la peau, on prend une fraise à peau.

13. C : Du coup ça veut dire que le discours des « trucs », les astuces des étudiants sont moins académiques quelque part que ceux des professeurs, du coup il y a un côté plus pratique ?

14. T : Voilà, c'est ça.

15. C : Ça c'est possible parce que ce sont d'autres étudiants ?

16. T : Oui mais j'imagine que les professeurs doivent connaître toutes ces astuces, simplement à mesure où ils ont leur statut de professeur et qu'ils doivent nous enseigner les pratiques de manière académique, c'est leur rôle, donc ils se cantonnent, ils nous l'enseignent comme cela et ils essayent des fois de nous donner des petites astuces sans pour autant rentrer dans le « bricolage ». Mais certains professeurs le font.

17. C : Est-ce que vous pensez que la situation du tutoré est une situation confortable ?

18.

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T : Oui, parce qu'ils nous apportent une aide et nous enseignent un certain savoir-faire. Donc même s'ils ont une critique à faire si elle est constructive, c'est toujours bien pris. Tandis que s'ils font une critique pour le plaisir de faire une critique, ce sera souvent sous la forme d'une boutade ou quelque chose comme ça, mais il y aura toujours quelque chose derrière. S'ils vont se moquer, par exemple, si l'on a fait un soin dégoutant, et ils vont dire que l'on a « taillé un steak », c'est immonde, ce sera comme même pour préciser qu'il faut lisser tout ça, que ce soit joli, harmonieux. Parce que même si l'on a soigné le patient, si on lui laisse un pied dans un état ragoutant, bon...

19. C : Ça se passe ainsi ? Vous me dites que c'est confortable parce qu'il y a de l'aide. Mais est-ce qu'il y a-t-il critique et si oui, comment c'est formulé ?

20. T : S'il y a des critiques, elles sont toujours là dans un but constructif. Je n'ai jamais eu à faire à un deuxième ou un troisième année qui me critiquait sans qu'il n'y est rien de constructif derrière, sans vouloir m'apporter aucune aide. C'était toujours : « tu as fait ça, c'est bien mais là, tu l'as fait comme ça, ce n'est pas bien, là il aurait plutôt fallu que tu le fasses comme çà » ou alors il vient, il prend les instruments et il nous montre : « voilà comme ça c'est mieux, c'est mieux fini, c'est plus pratique, on soulage mieux le patient».

21. C : j'ai vu que vous changiez de binôme ; ça se passe bien avec toutes les personnes avec qui vous avez pu travaillez ?

22. T : Quelques soit les individus, même ceux qui parle peu, dès qu'on leur demande de l'aide, ils ne vont jamais nous envoyer « bouler », ils sont toujours d'accord pour nous apporter leur savoir. Il y en a qui sont plus loquace que d'autres. Mais même ceux qui ne parle pas beaucoup, dès qu'on leur demande de l'aide, ils nous l'apportent et ceux qui parle beaucoup, ce n'est pas tout le temps pour nous donner de l'aide mais ils vont aussi nous donner de l'aide sans aucun problème, et ils vont des fois essayer d'anticiper sur les questions que l'on va leur poser.

23. C : Qu'est-ce qu'est le plus confortable ? Pour vous, quelques sont les situations où çà été le plus simple ?

24. T : Personnellement, ça ne me dérange pas d'avoir soit quelqu'un qui me parle à côté ou quelqu'un qui ne me dit pas grand-chose. C'est assez rare, quand même, vu qu'en soin, on parle beaucoup entre nous. C'est plus gênant quand c'est le patient qui reste dans sa bulle, tandis que notre binôme généralement,

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sauf si c'est quelqu'un d'assez effacé et introverti, ce qui est assez rare quand même, la discussion s'installe facilement. Et même s'il n'y a pas de discussion, ce n'est pas gênant en soi.

25. C : Ce n'est pas gênant parce que ça ne vous pose aucun problème de poser une question à quelqu'un, à un autre étudiant ?

26. T : Non, si j'ai besoin de poser une question, je la pose. Ça ne me gêne pas de poser des questions et vu que j'attends toujours une aide, donc ça me permet d'améliorer ce que j'ai à faire.

27. C : J'aimerais savoir comment les tuteurs vous donnent des conseils, des explications ? Comment ça se passe ? Par exemple, quand vous êtes arrivé en première année ?

28. T : La première fois que j'ai eu soin, j'ai eu un patient qui avait des cors et j'étais avec un troisième année, et lui aussi avait des cors donc je lui ai demandé comment faire, parce qu'on avait vu en théorie comment retirer les cors, comment soigner la pathologie, mais il manquait le coup de main ; parce que c'est bien la théorie mais il faut aussi le coup de main. Le troisième année m'a simplement proposé de regarder comment lui faisait. Je l'ai regardé extraire un cor ensuite j'ai essayé de faire exactement pareil et il regardait ma manière de procéder et il me conseillait « aller cherche plus en profondeur, un petit plus en largeur...

29. C : Donc, le troisième année vous proposait de le regarder un peu ?

30. T : Je lui avais demandé si ça le dérangeait pas de le regarder. Enfin, c'est chacun qui voit sa méthode, moi personnellement je regarde comment faire, le coup de main, la manière dont procède une personne ensuite j'essaye de reproduire, puis je regarde la manière d'une autre personne et de fil en aiguille, j'essayerai d'appliquer ma méthode.

31. C : Et ça se passe toujours bien ?

32. T : Oui, je n'ai pas de souvenir de soin qui se soit pas mal passé.

33. C : J'aimerai bien savoir ce que vous pensez : qu'est-ce qu'un bon tuteur pour vous ? Qu'est-ce qu'il faut ?

34. T : Faut avoir des connaissances ; si le tuteur à moins de connaissances que le « tutoré », c'est gênant et dans ce cas-là les rôles s'inversent mais c'est jamais le cas. C'est la principale qualité. Qu'il apporte des critiques constructives et pas négatives ou par plaisir de critiquer, mais ça n'arrive pas ou c'est des

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boutades, de l'humour mais dans ce cas ce ne sont pas des critiques, ce sont juste des boutades.

35. C : Ca veut dire qu'il faut être bienveillant, gentil ?

36. T : Il ne faut pas non plus que ce soit de la pitié. Il faut aussi qu'il soit moins académique que les professeurs parce que s'il est aussi académique, se sera toujours bien parce qu'il pourra nous apporter des connaissances mais dans ce cas-là on pourrait très bien demander au professeur exactement les mêmes choses. Durant le soin, dès qu'on demande à un professeur de venir parce qu'on a un souci, il nous apporte un point de vue correct, très professionnel et académique. Je dirai que si le tuteur, deuxième ou troisième année, est très académique en soi, on pourra lui demander parce qu'il est sous la main mais autant aller demander à un professeur parce qu'il a plus d'expériences et de savoir-faire.

37. C : Etes-vous entrain de me dire que c'est complémentaire d'avoir un tuteur ?

38. T : Oui, même s'ils ont moins d'expériences, ça reste quand même complémentaire.

39. C : Est-ce que vous pensez que les P3 ont tous envie de vous aider ?

40. T : Je dirai, que déjà le fait de venir dans cette formation signifie que, quelque part, on a envie d'aider les autres donc partant de ce principe, j'imagine que le fait d'apporter des critiques constructives, un certain savoir-faire, reproduire un savoir, c'est quelque chose qui n'est pas gênant et que chacun, je suppose, apprécie de faire.

41. C : Vous pensez que, rentrer dans une formation paramédicale comme podologue, ça sous-entend que les gens sont forcément des gens qui aiment bien aider les autres?

42. T : S'ils sont venus dans le but d'aider les autres, ce qui est quand même la majorité des cas ici et pas juste pour avoir un métier qui leur apporte de l'argent, oui. Et puis vu qu'il y a un certain contact humain, même si le but premier n'était pas forcément d'aider les autres, il y a forcément ce contact qui vient et au bout des trois années, le contact est là et ils font avec, et donc d'apporter la connaissance et aider les autres, c'est quelque chose de quotidien et de naturel. Personnellement je voulais faire un métier paramédical pour aider les autres donc aider les autres par le soin ou aider les autres en leur apportant

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une certaine connaissance est quelque chose qui est normal pour moi et appréciable...mais ensuite il ne faut pas prendre la grosse tête.

43. C : Ça c'est une autre qualité qu'il faut voir, ne pas être prétentieux ?

44. T : Tout à fait, car c'est toujours embêtant d'avoir à côté de soi quelqu'un qui pense toujours mieux savoir que tout le monde.

45. C : Donc un peu d'humilité est intéressante ?

46. T : Oui, car ça peut être gênant pour le première année qui se retrouve à côté de quelqu'un qui dit « mais non ce n'est pas comme ça qu'on fait, regarde c'est comme ça qu'on fait, tu fais mal, c'est comme ça, moi je sais et toi tu ne sais pas ». Que les professeurs soit comme cela, c'est tout à fait normal parce qu'ils sont là pour nous prodiguer un certain savoir-faire, parce qu'ils ont de l'expérience, du vécu. C'est normal qu'un première année face à un professeur qui a 20, 30 voire 40 ans d'expériences, on peut partir du principe que si le professeur dit « moi je sais et toi tu sais pas », il y a une certaine légitimité, même si ce sera mal perçu parce qu'on dira que le professeur n'est pas très pédagogue, mais il reste une certaine légitimité. Tandis que le troisième année, il n'a juste que deux ans d'expériences de plus que nous, donc ça ne sera pas très bien et il va se recevoir des boutades et tout le monde va se moquer de lui.

47. C : A l'inverse, que faut-il d'après vous comme qualité pour être un bon tutoré ?

48. T : Savoir écouter, ne pas avoir peur de poser des questions sous divers prétextes, par exemple parce qu'on n'a pas envie de passer pour quelqu'un de stupide, quelqu'un qui ne sait pas, mais c'est assez rare. Il ne faut pas être susceptible car certains deuxièmes ou troisièmes année ont une manière de prononcer les choses qui seront parfois un peu brusque, donc si on prend tout de suite la mouche, ça peut être gênant parce qu'on risque de ce braquer et de devenir hermétique à tout conseil et que l'on verrait comme de la condescendance ou certaine forme de pitié, ce qui n'est jamais très apprécié.

49. C : Ce sont des choses que vous avez ressenti ?

50. T : J'avais remarqué que certain donnait des conseils d'une manière un petit peu brusque, par exemple : « non, arrête tu fais n'importe quoi » et qui après rectifiait le tire en nous indiquant comment faire. Vu qu'il y avait quelque chose de constructif derrière, j'essayais de ne pas trop m'arrêter sur la forme et plutôt me concentrer sur le fond, mais j'imagine que certaines personnes qui

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accordent beaucoup d'importance à l'emballage risqueraient d'être un peu gênées.

51. C : Vous pensez que c'est important d'être quelqu'un de relativement aimable et de précautionneux finalement dans les conseils ?

52. T : Il faut aussi faire attention à la personne que l'on a à côté de nous. Si c'est une personne qui est assez susceptible, il faudra parfois prendre des pincettes et si c'est quelqu'un qui n'est pas susceptible ou beaucoup moins, ils pourront se « lâcher » un petit peu plus.

53. C : Est-ce que c'est plus simple de travailler avec des gens que l'on connaît un peu ?

54. T : Une fois que l'on connaît quelqu'un, c'est beaucoup plus simple parce qu'on hésite moins à poser une question, même stupide, on a beaucoup moins d'appréhension et la personne aura plus tendance à prendre des pincettes ou à le dire les choses sur le ton de l'humour plutôt que de le dire d'une façon assez sèche et direct.

55. C : Est-ce que, travailler avec un P3, ça peut servir à autre chose que l'apprentissage du métier ?

56. T : Oui, on peut toujours leur poser des questions sur tout et n'importe quoi mais ensuite on est plus sur un modèle de tuteur/tutoré, là c'est plus un pied d'égalité vu que c'est des questions qui ne touche pas forcément la profession. Dans ce cas-là, il n'y a plus vraiment de raison qu'il y en ait un qui prodigue des conseils et l'autre qui écoute sauf si on se pose des questions externes au métier, dans ce cas-là on est plus sur un pied d'égalité.

57. C : Est-ce que ça permet de se connaître entre promotion ?

58. T : Oui, mais généralement ce genre de question ne se pose pas dans la salle de soin, ou alors au niveau du secteur de décontamination des instruments ou dans les vestiaires, rarement devant le patient.

59. C : est-ce que le fait de se retrouver, à un certains moments, obligé de travailler ensemble permet des relations entre vous?

60. T : Oui, s'il n'y avait pas ces temps ensemble, je pense que l'on resterait plus entre promotion, même si certaines personnes iraient voir plus loin.

61. C : Est-ce qu'il y a un autre moment où vous pouvez être avec les autres promotions ?

62.

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T : Pour connaître les autres promotions il y a les salles de soin, les examens cliniques...les fêtes organisées !

63. C : Est-ce que cette situation en soin sert à connaître un plus les autres ?

64. T : Oui, ça sert à connaître mieux les autres promotions. Sinon, on les croise pas en cours, on les croise rarement pendant les pauses, on les croise dans toutes les petites fêtes mais les liens se tissent principalement dans les travaux inter-promotions comme les soins, les examens cliniques à ce que j'ai pu voir et sinon c'est pendant les soirées ou quand il y a des redoublants qui connaissent déjà les autres promotions.

65. C : Donc ce genre d'organisation favorise d'après vous le fait qu'il y ait des liens inter-promotions ?

66. T : Oui, vu que l'on travaille ensemble, ça créé forcément des liens.

67. C : Comment l'institut vous propose de travailler à deux ? Quand vous êtes arrivé la première fois en salle de soin, est-ce qu'on vous a donnez des consignes ?

68. T : Oui, on nous avait bien sur indiqué que l'on allait travailler en binôme avec un deuxième ou un troisième année, enfin du moins quelqu'un qui a beaucoup plus d'expérience que nous, si on avait des soucis, on pouvait demander soit à l'intervenant, donc au professeur qui était dans la salle de soin, soit justement à notre binôme qui était là pour ça.

69. C : Les gens de l'institut vous dise « voilà c'est comme ça que ça se passe » ?

70. T : Tout à fait, ils nous disent « vous serez avec un binôme et il va vous guider et vous enseigner beaucoup de savoir-faire ». Parce qu'on a l'enseignement théorique, ça c'est avec tous les professeurs et ensuite on a vraiment tout ce qui est pratique, disons que l'on a moins souvent l'occasion d'observer un professeur en train de faire un soin ou autre qu'un autre étudiant. Pour la salle de soin, le professeur sera essentiellement là pour vérifier que l'on a bien fait le soin et éventuellement corriger si on a fait des erreurs ou alors nous indiquer quelles erreurs on a commise pour pouvoir justement les rectifier donc on a pas tout le temps l'occasion de les voir à l'oeuvre.

71. C : est-ce que d'après-vous les relations entre les binômes peuvent, d'après vous, entrainer des modifications autour du soin ? Est-ce que ça change l'exécution du soin ?

72.

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T : Je pense que ça joue quand même. On a une vision du soin qui est le soignant et le patient qui forme un petit peu un tout donc, quand il y a deux soignants, ça reste tout de même un groupe, donc si jamais le contact passe bien entre les élèves, ils auront plus tendance à parler aussi avec le patient tandis que s'il y a un silence qui s'installe directement, j'imagine que le patient sera moins à l'aise donc il parlera un peu moins. Ensuite au niveau de la qualité du soin, je ne pense pas que ça joue beaucoup.

73. C : Vous disiez tout à l'heure que si c'est difficile pour un première année de poser des questions à d'autre, on va peut-être moins apprendre ?

74. T : Si on ose moins, oui. Mais c'est plus vraiment au début de l'année quand on commence les soins, que l'on ne sait pas, que l'on ne connaît personne donc on peut hésiter à poser des questions. Mais après, au fil du temps, vu qu'on commence à les connaître et il y a aussi plein de « grande famille », tous les podologues, ensuite il y a différentes « familles », entre promotions et entre les groupes aussi, mais chaque fois c'est assez soudé.

75. C : Donc ça veut dire qu'il y a une « famille » podologue ?

76. T : Une « famille », c'est peut-être un grand mot mais oui, c'est vraiment un groupe.

77. C : Il est comment ce groupe ?

78. T : Il y a de tout, il y a la « grande famille » IFPEK notamment quand on fait tout ce qui est match de rugby et puis ensuite à l'intérieur de l'IFPEK des fois, on s'envoie des piques entre les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et les podologues et puis aussi entre les podologues, on s'envoie des piques entre les premières, les deuxièmes et les troisièmes années et au sein même des années, on s'envoie des piques entre les groupes. C'est comme ça mais ça reste quand même assez bonne enfant, c'est soudé.

79. C : Ce n'est pas par hasard que vous avez employé le mot « famille » ?

80. T : Oui, c'est une sorte de relation assez forte.

81. C : Est-ce c'est une notion qui est importante pour vous ?

82. T : Oui, c'est important parce qu'après, notamment grâce à l'ordre des podologues, ça réunit quand même tous les podologues, ce n'est pas chacun dans son coin et chacun pour soi, c'est vraiment tous les podologues tout comme les médecins ; on peut dire que tous les médecins forment en sorte de « grande famille » des médecins. Ensuite il y a la « grande famille » des

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métiers de soin, et la « grande famille des kinésithérapeutes, des aides-soignants, des infirmiers... Ça reste dans le même schéma de groupe. Et c'est plutôt bien en soi, ça évite l'individualiste en outrance : « voilà moi je fais ça comme ça, dans mon coin ». Non, c'est vraiment un groupe et il faut travailler ensemble. Le travail pluridisciplinaire pourrait très bien illustrer ça. On pourrait dire que ça part du principe que l'on est vraiment dans une « grande famille » de métiers de soin, donc il ne faut pas hésiter ou avoir d'appréhension pour envoyer un patient chez un collègue qui ne fait pas forcément notre métier ou un collègue qui fait notre métier mais qui fait un facette de notre métier un petit mieux que nous, par exemple si on se spécialise en pédicurie et que le patient a besoin de podologie, il ne faut pas hésiter à l'envoyer chez le collègue ; donc je dirai que le travail pluridisciplinaire reste vraiment dans cette optique : tous les soignants sont là pour faire le métier de soin et pas « je suis podologue, je suis avec les podologues », « je suis médecin, je reste avec les médecins », c'est vraiment « je suis médecin, je suis dans un métier de soin ». C'est la vision que j'ai ; on est là pour aider le patient donc ensuite les petites querelles internes...ce serait bien qu'il y en ait moins.

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Entretien d'Amel, étudiante en 1ère année.

- La date de l'entretien : le 19 mars 2013

- Age : 20 ans

- Le nombre de frères et soeurs : un frère, une soeur

- Le métier des parents : mère : professeur d'anglais/ père : opticien

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une

année de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : Que vous apporte le fait d'être tutoré cette année ? Est-ce que c'est une situation confortable ?

2. Am : Selon moi, le fait que l'on soit accompagné par un P3, je trouve ça plus confortable, en tout cas pour les débuts que d'être avec un professeur, c'est moins stressant parce qu'il a une vision qui va lui permettre de nous dire que ce qu'on fait ce n'est pas bien, mais c'est vrai que l'on a l'impression qu'on a plus le droit à l'erreur. Après, moi je trouve ça bien parce qu'il y a quand même les professeurs qui sont là derrière donc on a comme même l'avis des professeurs et la vision du P3 va pas forcément être la même que celle du professeur et donc si le P3 est dans l'erreur c'est bien des fois de nous recadrer aussi. Donc c'est bien parce qu'on n'est pas qu'avec le P3. J'ai essayé pour les évaluations de soin le fait d'être toute seule et c'est vrai que c'est plus confortable au niveau « espace » mais après c'est plus stressant parce que si on fait une erreur c'est nous et c'est à nous de rattraper, sans personne pour nous aider mais en même temps ça nous responsabilise et au final au cabinet on sera tout seul donc c'est bien aussi.

3. C : Comment vous sentez-vous quand vous êtes avec un P3 par rapport à des situations où vous êtes seule ?

4. Am : Plus détendue, et c'est vrai qu'on est très stressé au niveau des soins. A mon premier soin j'étais très stressé et le fait que justement ce soit un P3 m'a peut-être plus détendue, je pense que si ça avait été un professeur, j'aurai plus eu peur de mal faire alors que ça ne change rien.

5. C : Est-ce qu'un P3 juge votre travail ?

6. Am : Non, en tout cas moi je ne me sens pas jugée quand je suis avec eux.

7. C : Alors comment ça se passe quand vous êtes avec eux ?

8.

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Am : Déjà ça à évolué depuis le début de l'année de toute manière parce que moi je sais faire des choses maintenant qu'au début de l'année je ne savais pas faire donc au tout début j'étais avec une P3 qui m'avait vraiment accompagné, elle m'avait dit comment elle faisait, comment fallait faire, elle m'avait vraiment accompagné et montrer les gestes. Maintenant c'est un peu différent, des fois on fait un briefing au départ, on regarde ce qu'il y a à faire, le P3 dit « je pense qu'il y a telle chose » et il me laisse faire et si j'ai une question par contre je n'hésite pas à demander et généralement ils disent « n'hésite pas à demander ». Parce qu'il y a peut-être des personnes qui n'osent pas forcément mais je n'ai pas eu de problème par rapport à ça et j'ai toujours demandé, il n'y a jamais eu de problème.

9. C : Quand vous dites « il n'y a pas eu de problèmes », vous avez osé demander au P3 et on vous a toujours répondu quel que soit les gens avec qui vous avez travaillez ?

10. Am : Oui, et je voyais que ça ne les dérangeais pas.

11. C : Les choses se sont passées de la même façon quelque soient les P3 avec qui vous avez travaillé ?

12. Am : Oui, même avec un P2 ça m'est déjà arrivé et c'était pareil. On m'a toujours mise à l'aise, on m'a toujours épaulé, accompagné, on m'a toujours répondu avec plaisir et je trouve qu'on voit qu'ils aiment ce qu'ils font, du coup ça ressort.

13. C : De quel façon on vous demande à l'institut de travailler à deux, en binôme ? Est-ce qu'on vous a expliqué les choses, est-ce qu'on vous a dirigé ?

14. Am : Les professeurs nous ont dit qu'on était en binôme, ensuite c'est le P3 qui a pris le relais et qui nous a expliqué ce qu'il fallait prendre et qui nous a guidés ensuite. Je me rappelle avoir suivie la P3 et j'ai fait pareil en fait.

15. C : Ce sont les P3 qui vous ont dit après quoi faire ?

16. Am : Les professeurs passaient de temps en temps pour voir si ça allait, et si ça n'allait pas ils nous aidaient mais s'ils voyaient que ça se passait bien et que le P3 faisait son « job », ils laissent faire, mais ils surveillaient toujours. Il y a toujours quelqu'un de présent si on a un problème ou quoi que ce soit. Mais c'est plutôt le P3 qui a pris le relais, les professeurs ne peuvent pas être avec sept P1 en même temps sur sept postes différents.

17.

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C : Est-ce que c'était confortable les premières fois où on vous a dit « vous vous installez où vous voulez » et c'est tout ?

18. Am : Moi ça ne m'a pas gêné. Je ne connaissais pas les P3 de toute manière donc si on m'avait dit de choisir par préférence, j'aurai été embêté donc ça a été au hasard et au final ça a fait bien les choses.

19. C : Donc pour vous ça a été suffisant ?

20. Am : Oui.

21. C : Et après, comment s'est passé la séance de soin entre vous et le P3 ?

22. Am : Je ne sais pas s'il y a eu un briefing avec les P3 parce qu'ils avaient l'air de savoir qu'il fallait nous épauler, parce qu'ils ont été à notre place aussi mais je ne sais pas s'il on leur en a parlé mais ils avaient l'air de gérer et de savoir quoi faire. C'est vrai qu'au début, moi je n'osais pas forcément parler et elle m'a mise en confiance.

23. C : Du coup c'était confortable ?

24. Am : Tout à fait, oui.

25. C : Comment les tuteurs, les P3, vous donnent-ils des conseils, des explications ? Comment ça se passe ?

26. Am : Ca dépend parce que des fois c'est moi qui demande. Je préfère toujours demander, dès que j'ai un petit doute je n'hésite pas donc quand je demande ils m'expliquent par moment ils me montrent sur le pied sur lequel je travaille. Sinon ça m'est arrivé deux trois fois qu'ils me donnent des conseils juste comme ça pendant que je suis en train de faire et souvent il demande si ça va, ils sont très à l'écoute. Ça m'arrive que ce soit un petit peu long parce qu'on est encore en première année et tout de suite ils demandent si ça va, si on veut qu'ils reprennent la main, qu'on les laisse faire un peu plus si on est stressé. Au début ils nous demandaient ce qu'on voulait faire et ce qu'on n'osait pas encore faire.

27. C : Avez-vous perçu une forme d'attention des P3 pour vous ?

28. Am : Oui, comme s'il me prenait sous leurs ailes en fait. Moi j'ai vraiment l'impression que c'est ça. C'est agréable et c'est pour ça que ça me fait un peu mal de dire que quelque part quand je suis toute seule j'aime bien avoir ma place, mon espace parce qu'à côté de ça j'adore sentir qu'ils sont là. C'est un petit peu ambiguë, d'un côté j'aime bien qu'ils soient là et de l'autre côté j'aime bien être seul.

29.

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C : Pour vous, qu'elles sont les conditions requises pour être un bon tuteur ?

30. Am : Déjà, aimer ce que l'on fait, c'est la condition principale pour moi et pouvoir se mettre à la place de l'autre, être déjà passé par là du coup, ne pas oublier que le patient est là parce que c'est vrai que des fois on parle entre nous et je trouve ça pas forcément bien parce que le patient est là et qu'au final le patient passe en premier, à mes yeux en tout cas et le fait que l'on parle des fois ensemble, si le patient est présent et que l'on sent qu'il écoute ce que l'on dit je pense que c'est mieux de discuter avec le patient après c'est vrai que lorsqu'on est à deux c'est difficile parce qu'il y a forcément un des deux qui prend le pas sur l'autre, une discussion à trois c'est plus difficile surtout quand il y a un P3 et un P1 parce que le patient écoute forcément plus le P3.

31. C : Est-ce qu'aimer son activité, aimer ce qu'on fait suffit pour donner des explications et des conseils ?

32. Am : Non, c'est aussi oser soit même faire les choses, parce que si on est avec un P3 qui n'ose pas lui-même, nous on ne va pas se sentir en confiance et avoir un minimum de connaissances parce que les professeurs nous enseignent mais aussi les P3, ils font le relais des connaissances.

33. C : Donc quelque part ils enseignent aussi ?

34. Am : Moi je trouve, parce que si on a la version du professeur et la version du P3 qui est différente, il y a un moment où l'on ne sait plus donc je pense qu'il faut qu'il connaisse bien leur cours pour pouvoir nous le répéter. Je pense que s'ils ne savent pas, qu'ils ne connaissent pas la théorie en pratique, ça ne marche pas non plus.

35. C : Alors pour vous, redonner de la formation théorique, est-ce que c'est quelque part transmettre et enseigner ?

36. Am : Moi je pense, parce que dans un cours on écoute mais on n'enregistre pas forcément tout et le fait qu'ils en remettent une couche, je pense que c'est bien.

37. C : Est-ce que redonner de l'information vous semble quelque chose d'indispensable pour remplir un rôle de tuteur ?

38. Am : Oui, sinon je ne serai pas à l'aise si je voyais que l'on ne m'expliquait pas...

39. C : Est-ce que vous vous êtes retrouvé dans une situation où vous pouviez sentir que l'étudiant, le P3, aimait son travail mais qu'il n'avait pas forcément envie de vous donner des conseils, des explications ?

40.

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A : Non, ça n'est pas arrivé.

41. C : Et si cela s'était passé ?

42. A : Je pense que ça me gênerait un peu, je ne me sentirai pas forcément appréciée, pas à ma place, j'aurai l'impression que le P3 veut être tout seul.

43. C : Donc du coup il ne serait pas un bon tuteur? Il faut qu'il vous donne quelque chose ?

44. Am : Oui, il faut qu'il ait envie de nous aider. C'est un échange, moi je suis là pour apprendre mais j'apprends aussi ce qu'il me dit, ce qu'il me montre. Apprendre tout seul, c'est difficile.

45. C : Donc, avoir envie de donner, de transmettre, ça fait partie des conditions pour être un bon tuteur ?

46. A : Oui, et un bon podologue.

47. C : C'est-à-dire, un bon professionnel ?

48. Am : Oui, un bon professionnel de la santé parce que si on a envie de donner au patient, on a envie de donner au P1 aussi.

49. C : Est-ce que vous pensez que les relations entre les deux étudiants peuvent modifier le travail autour du soin ? Est-ce que vous pensez que le type de binôme peut faire varier le travail technique et relationnel avec le patient ?

50. Am : Le relationnel avec le patient, oui, j'en suis persuadée parce que si le patient sent que les deux étudiants ne s'entendent pas, il ne sera pas forcément à l'aise. Après au niveau du travail, je ne sais pas, ça ne m'est jamais arrivé. Au début, oui parce que du coup nous on n'est pas sûr en tant que P1, on n'est pas sûr de ce qu'on fait et donc on se sent mal à l'aise et le patient va le ressentir aussi, après maintenant, je ne sais pas.

51. C : Vous m'avez dit que ça c'était bien passé, mais est-ce que ça a toujours été pareil ou c'était différent ?

52. A m: Non, après il y a des gens plus timides... La personne la plus timide à qui j'ai eu à faire c'était lors du premier soin et au final, ça c'est bien passé, elle m'a expliqué certaines choses, elle n'osait peut-être pas beaucoup mais au final, ce qu'elle m'a dit était suffisant parce qu'au premier soin, il ne faut pas non plus en donner trop parce qu'on se sent dépassé ; sinon, donc au final pour moi, c'est très bien tomber et puis au fur et à mesure j'ai eu des personnes qui était un peu plus extraverties et qui m'ont donné plus d'informations et finalement, c'était bien parce que j'en voulais plus justement. Par contre si je

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dois retomber sur une personne qui ne me donne pas trop de choses maintenant, je ne sais pas si justement ça me dérangerais parce que j'en attends plus ou si ça ne me dérangerais pas justement parce que maintenant je sais faire ; mais je ne sais pas tout faire non plus, donc si j'ai un soin pas trop difficile, je pense que ça ne va pas me gêner qu'on ne m'explique pas plus de choses mais si j'ai un soin que j'ai jamais fait ou autre, là je pense que j'attendrai plus d'information et un vrai retour du P3. Donc oui, je pense que ça peut modifier le soin, le déroulement du soin le fait que l'on s'entende plus ou moins.

53. C : Est-ce que l'échange avec le P3 peut avoir une influence sur votre propre prise de confiance dans vos apprentissages ?

54. Am : Ça joue beaucoup, pour moi oui. Ça m'est déjà arrivé que le P3 regarde ce que j'avais fait et me dise « c'est bon » et ça fait du bien. C'est très appréciable. Je pense même que c'est super important qu'on nous dise que c'est bien. Qu'on sache dire quand ce n'est pas bien mais aussi quand c'est bien.

55. C : Ressentez-vous la même chose quand c'est l'étudiant avec qui vous travaillez qui vous dit « là ce que tu as fait, c'est bien » et quand le professeur vous félicite sur votre soin ?

56. Am : Non, ce n'est pas pareil. Quand le P3 te dit « c'est bien », ça fait plaisir et quand c'est le professeur, on se sent fière parce qu'il y a toute l'expérience derrière, c'est différent, ce n'est pas juste l'avis d'un élève. Y a un regard vraiment avec l'expérience, on sait que si le professeur dit que c'est bien, c'est bien. Si c'est le P3 qui nous dit que c'est bien, alors on peut penser que « oui, c'est pas mal », mais j'attends quand même le regard du professeur.

57. C : Pour quelle raison ?

58. Am : Je pense qu'il y a une hiérarchie.

59. C : Qu'est-ce qui pourrait faire que le P3 vous dise « c'est bien » et que vous n'êtes pas sûre de son jugement ?

60. Am : Du coup, il perd un peu de sa crédibilité si moi je trouve que ce n'est pas top et qu'il me dit que c'est bien, j'ai l'impression que c'est un travail bâclé, en fait...

61. C : C'est-à-dire ?

62.

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Am : Je peux penser qu'il s'en fout... Ou alors que ce n'est peut-être pas un très bon P3. Après, on a tous le droit à l'erreur ; ça m'est déjà arrivé de trouver que mon travail était bien et qu'en fait non, donc ça arrive à tout le monde.

63. C : Est-ce de se mettre en binôme avec quelqu'un avec que vous connaissez, qui est peut être un ami, est-ce que ça modifie votre façon de travailler ou ce qu'il se passe entre vous ?

64. Am : Par rapport à la conversation avec le patient, je vais plus oser prendre la parole parce que je vais me sentir plus d'égal à égal avec le P3, après au niveau des soins, est-ce que ça joue réellement, je ne sais pas parce que le fait que je sois ami avec le P3 ne change pas au final mon travail...

65. C : Est-ce que vous avez vu une différence suivant les binômes ?

66. Am : Entre le début de l'année et maintenant, ils donnent peut-être un peu moins de conseils parce qu'on sait le faire au fur et à mesure ; mais est-ce que c'est dû au fait qu'on se connaisse mieux maintenant ou est-ce que c'est dû au fait que l'on sache mieux faire, ça je ne sais pas ; je ne saurai pas dire si c'est le relationnel entre le P1 et le P3 qui joue, ou pas.

67. C : Est-ce que c'est évident d'être tutoré ?

68. Am : Pas toujours, parce que je pense qu'en troisième année ils ont pris leurs habitudes et il y a sans doute des choses qu'ils ne font plus forcément exactement dans les règles et c'est très difficile pour nous d'arriver et de dire « tu le fais pas bien », c'est quasiment impossible en fait. On n'a pas notre mot à dire, sur notre travail on a notre mot à dire mais sur leur travail, non. En tout cas je ne me permettrai pas de juger parce qu'ils ont des connaissances que moi j'ai pas et c'est pas mon rôle de dire que ce qu'ils font n'est pas bien ou alors il faudrait vraiment dans ce cas-là que ce soit devenu vraiment un très bon ami et encore, il y a des P1 à qui je n'oserai pas le dire. Donc non, ce n'est pas toujours évident. C'est une position agréable quand on nous explique mais quand nous on a quelque chose à dire, c'est moins évident.

69. C : Et de recevoir des conseils, c'est facile ?

70. Am : Moi ça ne me gêne pas, j'aime bien. Je pense que la vision de chacun est bonne à prendre. J'aime bien que l'on me donne des conseils, ça veut dire justement que l'on prête attention à ce que je fais. Après c'est vrai que quand je fais mon truc et que je suis sûr de moi y a des moments où je me dis que je n'ai pas besoin de ça mais au final j'aime bien.

71.

194

C : C'est une situation confortable d'être « les petits » comme certains professeurs vous appellent ?

72. Am : Oui, encore une fois quand on dit « les petits » c'est synonyme de, justement, qu'on nous couve un peu en fait donc on se sent en sécurité. Moi pour l'instant ça me plait. C'est très sécurisant. Mais je pense qu'il va falloir à un moment aussi que je coucoune quelqu'un. Je sais que ça va me plaire aussi.

73. C : Alors justement, le faire d'avoir été « coucouné », vous donne envie de « coucouner » quelqu'un d'autre après ?

74. Am : Mais oui, mais après je ne sais pas si c'est le cas de tout le monde. Parce que j'ai envie que quelqu'un se sente aussi bien que moi j'ai ressenti. Pouvoir expliquer... Mais c'est aussi parce que j'aime ce que je fais, quand j'aime faire un truc, j'aime bien montrer aux autres comment on fait et voir que l'autre aussi aime ça. Moi ça me donne envie de montrer l'année prochaine à ceux qui vont arriver, surtout qu'il y en a la moitié qui ne vont pas forcément aimer ça tout de suite, et pouvoir montrer qu'en fait c'est vachement bien et les faire changer d'avis...Dire que nous podologues on fait ça, j'aime bien.

75. C : Pour avoir cette attitude, que faut-il comme qualité ?

76. Am : Pour être tuteur dans le cadre des soins, il faut être généreux mais aussi parce que c'est une profession paramédicale donc de toute façon il faut que l'on soit généreux avec les patients et aussi entre nous. C'est important je pense d'avoir envie de donner, se sentir important et pouvoir faire en sorte que l'autre se sente bien.

77. C : Est-ce que l'ambiance de salle est différente suivant les jours?

78. Am : Pas tellement, parce qu'il y a toujours des patients qui parlent, il y a toujours des patients qui ne disent rien pendant une heure et demi, il y a toujours des rires et il y a toujours des personnes super sérieuses, super concentrées. Mais l'ambiance reste toujours à peut-près la même quel que soit les étudiants, le professeur, quel que soit le jour, que ce soit le matin ou l'après-midi...

195

Entretien de François, étudiant en 1ère année.

- La date de l'entretien : le 20 mars 2013

- Age : 21 ans

- Le nombre de frères et soeurs : une soeur

- Le métier des parents : mère : professeur en gestion et tourisme / père : directeur marketing

- Les formations antérieures à celle de pédicure-podologue : Bac série S, une année en faculté de médecine, une année de préparation aux concours paramédicaux.

1. C : Qu'est-ce que vous pensez du fait d'être tutoré ? Qu'est-ce que ça peut apporter ?

2. F : Je trouve ça très bien, ça permet au début d'année de mettre en confiance parce qu'on est pas à l'aise face au patient et puis de faire des soins, on ne sait pas utiliser les instruments, on ne sait pas comment se comporter, on ne sait pas trop comment faire, on a même pas les bases et le fait qu'il y ait quelqu'un à côté de nous, ça rassure, on peut se dire qu'il pourrait éventuellement rattraper les gaffes parce que lui sait le faire et il a le niveau pour au pire rattraper les bêtises que l'on fait. Oui, ça rassure beaucoup en début d'année et, au fur et à mesure, on apprend beaucoup du tuteur, des techniques qu'on n'aurait pas forcément eu l'idée, des instruments et à cette période-là de l'année, c'est très agréable surtout quand il dit « t'as fait du bon boulot », c'est gratifiant.

3. C : Donc ça veut dire qu'ils ont ce rôle-là aussi, les P3, de pouvoir dire « c'est bien » ou « ce n'est pas bien » ?

4. F : Oui, je demande toujours.

5. C : C'est vous qui demandez ?

6. F : Oui, et parfois il me dit « oui, c'est pas mal ».

7. C : Et si c'est moins bien, ils le disent aussi ?

8. F : C'est pareil, ils le disent aussi.

9. C : Et ils l'ont le droit de faire ça ? Vous l'autorisez ?

10. F : Si je demande, c'est que j'attends une réponse.

11. C : Et quand vous demandez et que ça arrive ?

12.

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F : Oui, moi ça ne me gêne pas qu'on me dise franchement les « trucs ». De toute façon je le sais si je fais un « truc » pourri, moins bien ou quand je ne suis pas fier de moi, et en plus ça se voit. Donc après, ça ne me gêne pas qu'on me le dise vu que je suis déjà au courant.

13. C : Si je comprends bien, le tuteur vous aide à faire, vous apprends des choses ; est-ce que c'est différent, similaire par rapport au travail des professeurs ?

14. F : Non, c'est différent. Moi je vois surtout au niveau des professeurs, c'est assez théorique pour l'instant, par exemple en pathologies pédicurales, on voit toutes les pathologies et les moyens de les traiter mais on ne voit pas en cas congrès sur le patient. On ne voit pas comment on met un traitement, le proposer suivant le patient qu'on a en fasse. Là c'est très pratique, on est devant le patient et vu qu'on ne sait pas trop faire, « là je proposerai bien çà ou çà mais lequel ? - Celui-là je l'ai déjà proposé et il marche très bien et surtout avec les pieds qu'il a et il ne peut pas se baisser... Ça marche bien. - Ah bon, d'accord. Celui-là. »

15. C : Donc c'est le P3 qui vous aide dans ces situations ?

16. F : A choisir, pour l'instant. Au fur et à mesure de l'année, on prend un peu plus d'autonomie mais je sais qu'au début, je n'étais pas capable de voir tous les détails.

17. C : Donc le P3 c'est lui qui aide, qui fait la transition entre la théorie et la pratique ?

18. F : Oui, qui peut éventuellement aider dans les choix. Après il ne faut pas lui demander de faire tout le boulot, ça ne sert à rien.

19. C : Est-ce qu'il y a des différences de langage quand vous êtes avec un P3 et quand vous êtes avec des professeurs ?

20. F : Ah oui, on est beaucoup plus proche des P3 parce qu'on a déjà fait des soirées ensemble, on les connait. Et après il y a toujours la barrière professeur/élève. Même si l'on peut demander des choses au professeur, on ne va pas leur parler comme on parle au P3.

21. C : Est-ce que ça ça permet de poser d'avantage de questions à un autre étudiant ?

22. F : Oui. Surtout des questions que je trouve un peu « bêtes », ou les questions où j'ai un trou... Je vais pas trop aller le demander à un professeur parce que des fois que ça passe mal, mais à un P3, je n'ai pas de problème.

23.

197

C : Donc le fait d'avoir à peu près le même statut d'étudiant facilite les rapports ?

24. F : Le statut d'étudiant aide beaucoup, oui. Et le fait de savoir qu'il risque de connaître la réponse, c'est pas mal.

25. C : Justement, d'après vous c'est quoi un bon tuteur ?

26. F : C'est d'abord quelqu'un qui est capable d'arrêter son soin pour venir nous aider alors qu'on est en difficulté, de répondre aux questions sans se creuser la tête.

27. C : Est-ce que ça sous-entend qu'il faut qu'ils aient envie de vous aidez?

28. F : Il faut qu'ils aient envie de répondre aux questions mais il ne faut pas qu'ils se sentent obligés non plus. Après, il faut amener la question comme il faut aussi. Un bon tuteur, c'est quelqu'un d'ouvert, qui accepte de donner des critiques et qui a envie de nous apprendre aussi ce qu'il sait faire.

29. C : Tout à l'heure, vous avez parlé des connaissances, en disant que si vous posez une question il va pouvoir vous répondre. Donc ça veut dire quoi pour vous concrètement ?

30. F : il faut que le tuteur connaisse son cours.

31. C : Qu'il ait plus de connaissance que vous ?

32. F : Oui, à chaque fois c'était ça. Surtout les P3, ils connaissent les cours de pathologies, les pieds... Ils connaissent tout cela par coeur.

33. C : Donc un tuteur doit avoir systématiquement plus de connaissance qu'un tutoré ?

34. F : Pas forcément d'avantage, mais de savoir mieux les exploiter. C'est surtout cela, car pour moi ils ont plus d'expériences, du coup, si je leur propose par exemple, « là à ton avis, je fais quoi ? - Ah moi je fais comme ça », alors que je n'avais vu qu'on pouvait le faire comme cela.

35. C : Vous me parler d'expérience technique ?

36. F : Oui, mais c'est une application des connaissances. Savoir quel instrument prendre dans tel cas, quel traitement proposer, reprendre si je fais mal un geste. J'appelle cela l'application des connaissances, l'accumulation de l'expérience qu'eux, on eu en trois ans et que nous ne faisons que cette année.

37. C : Est-ce que ça pourrait être de l'ordre des choses d'astuces, des choses comme cela ?

38.

198

F : Oui, c'est des astuces, c'est ce qui leur convient le mieux à eux, ce qu'ils ont éprouvé, fait plusieurs fois, ils ont testé leurs procédés et eux ça leur convient après c'est à nous de choisir si on veut faire pareil ou pas mais pour moi, ce que j'ai vu à chaque fois, par exemple pour le traitement d'un ongle incarné, c'était un des professeur qui avait fait ça au burin et la deuxième fois que j'ai vu quelqu'un le faire autrement et avant on faisait une entaille avec une pince à ongle pour faciliter la coupe de l'ongle et je n'avais pas compris pourquoi on faisait comme ça ; l'étudiante avec qui j'étais m'avait expliqué et c'était clair.

39. C : Est-ce que ça veut dire que parfois le P3 va vous expliquer de façon plus claire les choses ?

40. F : Pas forcément, c'est pas une question de clarté d'utiliser le burin ou à la gouge, mais c'est avec différent mot, vu qu'il n'y a pas la barrière professeur/élève, on est très direct et on enjolive pas les choses.

41. C : Il y a d'autre condition pour être un bon tuteur ?

42. F : Il faut être capable de bien s'entendre devant le patient, avoir une bonne relation avec le patient, parce que s'il y a ça, après ça permet de faire accepter plus de chose au patient. Par exemple si l'étudiant va regarder le pied et que le patient n'est pas à l'aise avec cette personne-là, pour lui ça ne va pas passer et nous en tant que P1, on le sens un peu quand le patient est un peu réticent.

43. C : Est-ce que la relation qui se passe entre les binômes peut modifier ce qui se passe en dehors du soin, de la technique ?

44. F : Je suis tombé sur des patients assez différents et il y en a où l'on ne peut rien faire, surtout une patiente que j'ai eu où l'on en pouvait rien faire et où elle hurlait tout le temps, on en pouvait pas la toucher. Dès que le P3 faisait quelque chose, moi je ne devais rien faire parce que sinon elle ne pouvait plus se concentrer sur la douleur. Mais la P3 avait amené sa façon à lui expliquer qu'il fallait avancer un petit peu mais gentiment, clairement et c'était bien passé. Et à l'inverse, il y a des patients on peut tout leur faire, ils lisent un livre et ils s'en fichent complètement et après c'est un métier où il y a une relation avec le patient qui doit se faire, et là, le fait d'être en binôme parfois on parle un peu entre nous, plus qu'avec le patient, et moi en tant que patient, deux personnes qui parlent entre eux ça ne me plairait pas forcément. La plupart du temps les P3 disent « au fait, vous venez d'où, vous faites du sport ? », ils

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cherchent un sujet de conversation ou au lieu de faire une conversation en duo, ça passe avec le patient et du coup, après il est plus réceptif au soin, accepte mieux que l'on fasse éventuellement une bêtise. Par exemple, « je vous mettrai un petit pansement à la fois du soin. - Oh, c'est pas grave ».

45. C : Donc les relations qui se passent dans cette espèce de trio peuvent être différentes en fonction des personnes ?

46. F : Oui, des personnes et des soignants aussi.

47. C : Tout à l'heure vous m'avez donné vos idées sur le fait d'être un bon tuteur, et inversement, pour vous c'est quoi être un « bon » tutoré ?

48. F : Quelqu'un qui est d'accord de recevoir des remarques, qui écoute ce qu'on lui dit et qui essaye de faire mieux la fois suivante c'est-à-dire, qui s'adapte aux remarques qu'il reçoit. Quelqu'un qui a envie d'apprendre un peu du tuteur, qui est intéressé par les soins en général, qui est là pour apprendre des choses des professeurs et du P3 qui est à côté s'il y a besoin d'apprendre un « truc » sur le coup ; et il ne faut pas qu'il est peur de poser des questions.

49. C : Est-ce que ça pourrait vouloir dire que pour des gens qui seront extrêmement timide, ça serait compliqué ?

50. F : L'avantage c'est que, même pour des gens timides, c'est un peu plus simple de poser des questions parce que c'est des personnes que l'on connait à partir du début de l'année. On peut choisir nos binômes, c'est un moyen de connaître des gens. Moi je connais quelques P3 parce que je l'ai ai eu en soin dans l'année...

51. C : Donc ça sert à ça ou ça peut servir aussi à ça ?

52. F : Il y a un relationnel aussi avec les P3 et ça fait que si on les revoit après même dans les couloirs « ah tient, j'ai une question », et si on les recroise après dans la salle de soin, on ose clairement : « la dernière fois tu m'as dit qu'il fallait faire ça ; par contre là, il y a toujours un petit problème, tu ferais comment là ? ». On ose plus facilement, il n'y a pas ou moins de barrière, même si c'est des P3 et même avec des P2 vu qu'on est entre étudiant. Après si c'est quelqu'un de timide en général, il aura moins de mal à poser sa question plutôt que d'aller voir un professeur. çà permet aussi de travailler un peu le relationnel entre étudiant et pas forcément de se libérer complètement de sa timidité mais d'adapter et de lui permette d'oser poser des questions.

53.

200

C : Comment ça se passe généralement, parce que vous avez déjà un peu d'expérience sur les binômes, vous n'êtes jamais tombé avec le même P3, ça changeait régulièrement ?

54. F : Oui, je change tout le temps de binôme.

55. C : Est-ce que les relations sont toujours les mêmes ?

56. F : En règle générale, je m'entends toujours bien avec le P3 mais après selon le jour, l'humeur et la personnalité, ça n'accroche pas forcément toujours aussi bien. Mais on ne va pas se taper dessus après un soin.

57. C : Est-ce que vous avez remarqué de la part de votre tuteur, des façons de faire un peu différentes dans la façon d'interagir ?

58. F : Oui, dans les techniques et dans les types de travail. Il y en a qui vont toujours commencer par la coupe d'ongle ensuite le reste, d'autre vont d'abord traiter la zone douloureuse et si on a le temps on fait le reste. Dans une technique et dans l'approche avec le patient, c'est différent moyen d'approche et d'autre qui ne parle pas du tout avec le patient et qui préfère nous montrer à nous, d'autre qui parle exclusivement avec le patient et peu avec nous mais quand on a besoin d'aide, ce n'est pas un problème. Mais ils ont tous une personnalité différentes et ils font tous différentes choses et c'est ça qui est sympa à voir...

59. C : Vous trouvez ça intéressant ?

60. F : On apprend plus de chose quand restant toujours avec le même modèle, même si après on peut juger et choisir de faire comme ça plutôt que de cette façon-là...

C : Est-ce que cela pourrait être confortable d'être toujours avec le même tuteur...

61. F : Moi je préfère en voir des différents. Après je choisis quand même à chaque fois des personnes avec qui je m'entends bien. Mais je préfère voir différents tuteurs comme ça pour chaque technique, ils ont tous une façon de faire différentes et c'est agréable, ça change un peu aussi.

62. C : De quel façon on vous demande de travailler ensemble ? Est-ce que vous vous souvenez comment l'institut vous propose cette pratique-là à deux en soin?

63. F : C'est proposé...

64. C : Imposé ?

65.

201

F : Ce n'est pas imposé parce que ce n'est pas forcément gênant mais on nous dit « vous allez travailler avec un P3, il va vous montrer comment il faut faire, il va vous dire quand ça ne va pas, rattraper vos bourdes en début d'année ».

66. C : C'est ce que les professeurs vous disent ?

67. F : C'est ce que j'ai compris, oui. Ce n'est pas imposé mais on n'a pas forcément le choix non plus. C'est que ça sera comme ça, « t'es pas d'accord mais ça sera comme ça quand même ». Mais après ce n'est pas plus mal parce que, moi, au début, devant le patient, je ne savais pas où me mettre, surtout que le premier soin, on ne fait rien, on est juste là en tant qu'observateur et tu te dis « heureusement que je ne fais rien parce que je ne sais même pas ce qu'il faut faire ». C'est clair dès le début qu'il y aura toujours quelqu'un avec nous pour faire les soins.

68. C : On vous le dit qu'il y aura un plus grand qui est là pour vous aider, pour vous donner des conseils... Du coup vous savez quand vous êtes avec un P3 que vous avez le droit de poser une question ?

69. F : Oui, on nous amène ça de façon à ce qu'on puisse faire des soins dès le début de l'année alors qu'on ne sait pas très bien utiliser les instruments, même si on ne fait pas tout le soin.

70. C : Est-ce que le fait d'être accompagné par un plus grand, vous vous pensez que c'est utile sur toute une année ?

71. F : C'est utile surtout au début, même encore maintenant, après c'est plus agréable qu'utile.

72. C : C'est confortable. Au début, c'est nécessaire ?

73. F : Oui, c'est nécessaire parce qu'on tremble devant le pied, et on a besoin de poser des questions toutes les cinq minutes. Maintenant et depuis l'évaluation, j'ai vu que c'est quand même agréable d'être tout seul même si on ne fait pas forcément ce qui était demandé, c'est quand même assez agréable de ne pas être tout serré, de faire son pied, on a plus de place, d'espace donc c'est aussi une autre approche qui n'est pas déplaisante.

74. C : Est-ce que derrière le plus de place, c'est physique mais aussi mental ? Quelle place vous avez quand vous êtes le « jeune » avec le patient ?

75. F : Quand on est tout seul face au patient, d'un côté c'est plus de responsabilité mais c'est aussi pas forcément plus agréable, mais quand on est avec le P3, on est le P1 qui apprend, on est toujours le « petit » qui apprend. On a un statut de

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« jeune » qui est là en apprentissage. C'est logique. D'un côté, ils disent ça pour nous excuser si on fait des bêtises mais quand on est tout seul, c'est un avantage parce qu'on a aucune excuse et ça permet d'avoir une autre relation avec le patient aussi. Même si on sait bien faire, même si on ne fait pas trop de bêtises, on reste toujours dans l'ombre du P3.

76. C : Et quand vous êtes tout seul, c'est vous qui géré le soin ? ça veut dire que quelque part qu'on on vous autorise à faire ?

77. F : Oui, çà veut dire qu'on est capable, et avec le P3, on n'est pas responsable du soin et dès qu'on a une décision à prendre, on demande au P3 avant.

78. C : Vous ne dites jamais « je pense que sur mon pied, y-a ça », sans demander au P3 ? Ça ne se fait pas?

79. F : Si, sur mon pied mais je trouve que ça ne se fait pas de critiquer le travail du P3 devant le patient ou le prof, même si j'aurai plutôt proposé tel traitement, je lui aurais plus demandé pourquoi il ne propose pas un autre traitement que celui qu'il fait là.

80. C : Et vous n'allez pas dire d'emblée, là il y a une mycose et vous parlez avec le patient « voilà y a une mycose donc je vais vous proposer tel traitement », ça ne se fait pas ça ?

81. F : Tant qu'il y a le P3, non. C'est lui qui prend la décision. Depuis le début et à chaque fois que j'avais un problème...

82. C : Vous n'envisagez pas de dire ? parce que désormais, vous avez des connaissances?

83. F : Oui mais je ne sais pas si ça se fait, en fait. Ils sont là pour m'aider depuis le début de l'année, et maintenant que je sais faire, je ne vais pas pourrir leur soin.

84. C : Donc vous respectez le P3 ?

85. F : Oui. Déjà, je ne suis jamais sûr à cent pour cent, et entre deux traitements différents, je ne pourrais pas forcément choisir le bon et du coup, vu que l'on pense qu'il sait toujours mieux que nous, et le fait qu'il soit là dès qu'il a une décision importante, je lui demande d'abord.

86. C : Est-ce que vous vous êtes retrouvé dans des situations ou vous n'étiez pas forcément d'accord avec ce que proposait le P3 ?

87. F : L'avantage, c'est que l'on a chacun un pied. Je n'ai pas eu beaucoup de traitement à proposer, c'est plus en rapport avec la théorie mais j'essaye et si

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ça convient pas, j'arrête. S'il me dit « fait plus comme ça, moi je n'utiliserai pas celui-là », et non je veux que ça reste mon « morceau » à moi et je fais ce que je veux dessus, même si je fais une bêtise, j'aurai le droit à un « je te l'avais dit, ce n'est pas grave » mais ça reste mon problème.

88. C : L'autre peut vous donnez un conseil mais si ça ne vous convient pas...

89. F : On est en droit de ne pas le suivre et ça n'a jamais posé de problème mais après il faut accepter les critiques, « tu as fait une connerie, tu assumes ».

90. C : Est-ce qu'il autre chose qui vous semble importante par rapport à ça ?

91. F : J'ai bien aimé être à chaque fois avec un tuteur mais le fait d'avoir goûté au soin tout seul en fin d'année, j'aimerai bien, même si ce sont des soins faciles, être tout seul pour voir si je suis capable de gérer un soin du début à la fin ne serait-ce que hors évaluation, parce que c'est assez stressant, c'est un cadre autre que le soin les évaluations.

92. C : Etes-vous en train de dire que le fait d'être accompagné, globalement c'est quelque chose de confortable mais qu'à un moment, on a envie de le lâcher un peu pour mieux voir ce sur quoi on a progressé ?

93. F : Oui, et là où l'on a toujours des problèmes.

94. C : Donc, d'après vous, ça pourrait être intéressant d'avoir des périodes où vous êtes à deux, et d'autre un petit peu tout seul et revenir ensuite à un travail à deux ?

95. F : Oui, en début d'année d'être toujours à deux et bien accompagné et qu'au milieu de l'année, ils nous laissent faire nos soins et qu'ils n'interviennent que si besoin, et maintenant qu'ils nous laissent ne faire qu'un soin tout seul, que l'on puisse voir de quoi on est capable hors évaluation et même avant les évaluations.

Annexe 4 Résumé :

Devenir un professionnel de la santé nécessite des enseignements spécifiques, techniques et théoriques pour une prise en charge thérapeutique. L'apprentissage du métier de pédicure-podologue est un processus qui met en relation des individus avec des statuts différenciés : enseignants, patients et étudiants. Certaines situations de formations à l'acte de soins, instituées en binômes, créent de l'interrelation transpromotionnelle entre étudiants. Que se passe-t-il dans ces moments de stages ? Existe-t-il un intérêt à favoriser un travail coopératif ? Qu'en pensent les étudiants pédicures-podologues ?

Mon travail a donc été d'observer et questionner les individus concernés. Cette enquête de terrain a permis de récolter des perceptions et des représentations. La confrontation de ces informations avec les différents concepts des champs de la sociologie, de la psychologie, de la pédagogie, les analyses des entretiens auprès des étudiants, m'invite à voir, dans ces situations apparemment banales, un phénomène de l'ordre de l'identitaire. Sommes-nous face à une identité professionnelle en construction ? La recherche à visée scientifique est certainement le moyen de le découvrir. Les analyses développées dans ce mémoire s'emploient à le définir plus précisément.

Mots clés : apprentissage entre pairs, socialisation, accompagnement, construction identitaire professionnelle

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry