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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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B- Le secteur médico-social.

En juin 2008, Patrick Braouezec, député de la Gauche Démocrate et Républicaine, a questionné le gouvernement sur le thème Langue des signes et bilinguisme au motif que « la reconnaissance de la langue des signes ne se traduit pas dans la pratique par l'obligation de l'enseignement et le développement des lieux d'usage de cette langue 200». A l'automne, le gouvernement a formulé la réponse suivante : « la contribution des Services de soutien à l'éducation familiale et à l'intégration scolaire (SSEFIS) est déterminante. Ces services relèvent du ministère chargé des relations sociales et sont destinés aux élèves de 3 à 20

198 Certificat d'aptitude professionnel pour les aides spécialisées et la scolarisation des élèves handicapés.

199 Entretien avec Pierre-François Gachet.

200 Journal Officiel du 17 juin 2008.

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ans 201». Le gouvernement reconnaissait par la même son intention de ne pas mettre en oeuvre un enseignement bilingue au sein du système éducatif ordinaire. Il s'en remet au Ministère chargé des affaires sociales, placé sous l'autorité du Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité et de la Ministre de la santé et des sports. Ces établissements spécialisés chargés de l'éducation des jeunes Sourds peuvent dispenser un enseignement de et en langue des signes, mais ils ont aussi pour mission de rééduquer les Sourds. Cependant, la loi de 2005, qui donne la priorité à la scolarisation dans le système de l'éducation nationale, va contribuer à en faire des établissements subsidiaires.

1/ Bilinguisme contre rééducation.

Depuis 1976, la langue des signes a été réintroduite dans les établissements spécialisés et, nous l'avons vu, la loi de 1991 a permis aux parents de choisir entre l'enseignement en français, uniquement, et un enseignement dit bilingue mais qui recourt aussi au français oral. Cela s'explique par le fait que ces établissements relèvent du secteur médico-social. L'enseignement dispensé par les établissements spécialisés comprend donc un volet médical. Ces établissements sont le lieu de la rééducation, par l'orthophonie notamment, pour apprendre aux Sourds à oraliser. La loi de 2005, qui reprend dans son article 19 les termes de la loi de 1991, n'a donc rien changé au sein des établissements spécialisés. Un enfant accompagné dans sa scolarité par un établissement spécialisé doit toujours être rééduqué et recevoir un enseignement du français oral. En effet, la seule définition du bilinguisme qui exclut le français oral est celle qui est issue du groupe de travail organisé par le Ministère de l'éducation nationale. Mais les établissements spécialisés, qui sont placés sous l'autorité du Ministère des affaires sociales, ne sont pas concernés par cette réglementation. Et le Ministère des affaires sociales n'a pas suivi l'éducation nationale dans sa définition, il n'a pris aucune mesure réglementaire en la matière.

201 Journal Officiel du 18 novembre 2008.

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En définitive, comme l'éducation nationale n'a pas organisé l'enseignement en langue des signes, les enfants dont les parents ont fait le choix d'une éducation bilingue, n'ont pas d'autre alternative que l'établissement spécialisé. Mais la contrepartie, c'est la rééducation, l'apprentissage du français oral. La loi de 2005 n'a produit aucun changement. Quant aux Services de soutien à l'éducation familiale et à l'intégration scolaire, cités par le gouvernement, ils consistent à détacher des enseignants spécialisés au sein des écoles, quelques heures par semaine, près de chaque enfant scolarisé individuellement. Dans cette dernière hypothèse, l'intervention sporadique des enseignants spécialisés, liée au fait qu'il faut un enseignant par enfant, ne permet pas un enseignement bilingue. L'intervention d'un SSEFIS convient aux enfants pour lesquels leurs parents ont fait un choix de communication orale, puisque l'enfant est immergé dans un milieu où enseignants et élèves parlent français. Les enfants sourds sont donc contraints de poursuivre leur scolarité au sein de l'enseignement spécialisé pour recevoir un enseignement dans leur langue. Mais le secteur médico-social suppose, comme son nom l'indique, un volet médical. Les établissements sont en partie financés par la sécurité sociale, laquelle fait l'objet d'une politique de restrictions budgétaires.

2/ Des établissements subsidiaires.

Depuis la loi de 2005, les enfants handicapés sont prioritairement scolarisés dans l'école la plus proche de leur domicile. En conséquence, les établissements spécialisés deviennent des lieux de scolarisation « subsidiaires 202». Pour autant, à lire le premier rapport de Paul Blanc, on s'aperçoit que d'autres problèmes viennent justifier la décision de rassembler tous les enfants à l'école de la République. Le manque important d'enseignants spécialisés est évoqué, le fait que ces établissements soient des lieux de ségrégation, ou encore le manque de places disponibles au sein des services médico-sociaux. Notons sur ce dernier point, que les chiffres de la DREES,

202 Rapport de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Paul Blanc, 2007. P58.

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présentés dans le même rapport de 2002, font pourtant état de 1000 places vacantes en 1998 au sein des Instituts de Jeunes Sourds. Mais les chiffres retenus sont des chiffres globaux, qui tiennent compte de l'ensemble de la population handicapée. Le problème principal, que Paul Blanc développe particulièrement dans son premier rapport, est économique. En effet, durant le premier mandat de Jacques Chirac, période marquée par la troisième cohabitation, les prestations relatives à la prise en charge en établissement sont en forte augmentation, tandis que d'une manière générale, l'Etat français fait le choix politique de se désengager progressivement du financement de la politique du handicap. Pour preuve la diminution des prestations sociales consacrées au handicap qui passent de 2.1% du PIB en 1985 à 1.7% du PIB en 2001203. La Haute Autorité de Santé, à l'occasion d'une étude sur le dépistage néonatal de la surdité, que nous évoquerons plus loin, a clairement indiqué pour ce qui concerne la scolarisation des Sourds que «l'impact économique de la surdité se caractérise par un surcoût important pour la société (...) dû principalement aux dépenses d'éducation en milieu spécialisé et aux pertes de productivité 204». En 2008 enfin, à l'occasion du séminaire d'échange sur les ARS (Agences Régionales de Santé), créées pour mieux maîtriser les dépenses de santé, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, annonce la « fongibilité des enveloppes (budgétaires) » entre le sanitaire et le médico-social, à la demande de Nicolas Sarkozy205. Les établissements spécialisés vont devoir se conformer à la politique de rationalisation des dépenses de santé et les enfants scolarisés au sein des établissements spécialisés vont être considérés comme des patients, des personnes « lourdement handicapées 206». Mais qui décide qu'un enfant est lourdement handicapé ? Ce sont les Commissions des droits et de

203 Rapport d'information de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Paul Blanc, 2002.

204 Rapport de la Haute Autorité de Santé, Evaluation du dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale, Synthèse et perspectives, Janvier 2007, P8.

205 Discours de Roselyne Bachelot lors du séminaire d'échanges sur les ARS. www.sante-jeunesse-sports-gouv.fr,

206 Rapport d'information de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Paul Blanc, déposé le 24 juillet 2002 : « Les progrès de la scolarisation en milieu ordinaire vont inévitablement conduire les établissements médico-sociaux à recentrer leur activités sur les enfants les plus lourdement handicapés » ainsi que la déclaration de Laurent Wauquiez citée plus haut.

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l'autonomie207. Les décisions sont motivées et susceptibles d'appel mais l'accès à l'éducation spécialisée reste sous contrôle de l'Administration.

La priorité est donc donnée à la scolarisation dans l'école la plus proche du domicile de l'enfant. Peut-on s'autoriser à se poser la question de l'avenir de l'enseignement spécialisé ? Le législateur en 2005 a supprimé du vocabulaire toute référence au mot spécial. Les établissements spécialisés deviennent ainsi des « établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social 208». Peut-être que ce représentant de la Direction

interministérielle aux personnes handicapées y répond en partie : « Les établissements craignent pour leur survie et s'interrogent sur leur avenir alors qu'ils peuvent légitimement se prévaloir d'avoir pendant de nombreuses années contribuées à une prise en charge efficace et dévouée des jeunes handicapés 209».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe