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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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III- LA BIOLOGISATION DE LA POLITIQUE.

Avant même la question de la compensation, des ressources, de l'accessibilité, de l'accès à la citoyenneté, dès le titre 2 de la loi de 2005 il est fait référence à la prévention, la recherche et l'accès aux soins, comme dans la loi de 1975. La loi de 2005 prévoit la mise en oeuvre de politiques de « prévention, de réduction et de compensation des handicaps », pour la « limitation des causes du handicap » et le « développement de la capacité de la personne handicapée 210». Elle envisage de « développer des actions de réduction des incapacités et de prévention des risques » grâce à la recherche médicale211, de former les professionnels « aux innovations thérapeutiques,

207 Article 21 loi 2005.

208 Article 21-III de la loi de 2005. Article L351-2 du code de l'éducation.

209 Allocution d'un représentant de la DIPH lors de la journée académique du 24 janvier 2007 sur le thème de l'unité pédagogique d'intégration, intitulé Projet de vie et parcours de scolarisation. Site internet de l'Académie de Lyon.

210 Article 4 de la loi de 2005.

211 Article 6.

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technologiques 212» tandis que des expertises médicales sont instituées pour s'assurer que les personnes handicapées « bénéficient de l'évolution des innovations thérapeutiques et technologiques pour la réduction de leur incapacité 213». La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est assistée d'un Conseil scientifique qui a pour rôle d'évaluer les besoins des personnes handicapées et les aides techniques disponibles214. Dans son Programme de travail de l'observatoire du marché et des prix des aides techniques défini en juin 2007, la commission va se fixer quatre actions prioritaires, dont trois d'entre elles concernent directement les Sourds. Le suivi statistique relatif à la fabrication et à l'innovation en matière d'aides techniques, la prévision d'une étude comparative européenne des prix et enfin une enquête sur le service rendu et la qualité des audioprothèses215. Comme au XIXème siècle, le politique va avoir recours à la médecine pour inclure le Sourd à la société des semblables.

A- La surdité, un problème de santé publique.

La commission des affaires sociales du Sénat, dans le cadre du rapport déposé en 2002, a auditionné diverses personnalités dont la présidente de l'UNISDA (Union Nationale pour l'Insertion Sociale des Déficients Auditifs), qui déclare qu'

« actuellement, les tests pour les petits enfants sourds ne sont pas systématiques, ce qui a pour conséquence que la surdité est souvent dépistée tardivement 216». Par un arrêté du 19 novembre 2003, le Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées crée un groupe de travail sur le dépistage néonatal de la surdité.

212 Article 7.

213 Article 8.

214 www.cnsa.fr, présentation du conseil scientifique.

215 Ibid.

216 Rapport d'information de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Paul BLANC, 2002, www.legifrance.fr.

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1/ Le dépistage précoce de la surdité.

Le 28 janvier 2004, le ministre Jean-François Mattéi annonce lors d'une conférence de presse la généralisation du dépistage de la surdité bilatérale et congénitale de l'enfant, qui entraîne des difficultés d'oralisation à la naissance. Des expérimentations vont être menées dans six départements pilotes217. Ainsi, la surdité va être dépistée au même titre que cinq maladies rares, comme la mucoviscidose par exemple. Quel peut-être l'intérêt de dépister précocement la surdité ? La Haute Autorité de Santé, créée en août 2004 par la loi relative à l'assurance maladie, considère que «la pathologie concernée est génératrice de handicap définitif et d'une altération de la qualité de vie 218» et que « l'histoire naturelle de la maladie a révélé que, en l'absence de diagnostic et de traitement, la surdité (...) dans la moitié des cas, s'accompagnait de difficultés cognitives, comportementales, ou sociales 219». Pourtant les Sourds ne se considèrent pas comme des malades, leur surdité ne met pas leur vie en péril. D'ailleurs, la DREES dans son étude sur Le handicap auditif en France a constaté qu' « en l'absence de déficience associée, les déficients auditifs ne déclarent pratiquement jamais d'incapacité sévère dans la vie quotidienne 220». Mais, comme au XIXème siècle, la médecine est appelée à guérir les Sourds : « le dépistage systématique avant la sortie de la maternité favorise le repérage des enfants sourds congénitaux et augmente les possibilités de diagnostic et de traitement avant l'âge de 6 mois 221». La loi de 2005 consacre son titre II à la prévention, recherche et accès soin. Il n'est donc à priori pas seulement question de prédire la surdité, mais aussi de la prévenir, d'agir, de restaurer la fonction auditive : « avoir une attitude prévisionnelle nous place dans la perspective d'une réflexion et d'une

217 Rapport de Jean-François Mattéi au premier ministre, Mesures pour améliorer la vie sociale des personnes handicapées », www.archives.handicap.gouv.fr.

218 Synthèse du rapport d'évaluation de la Haute Autorité de Santé, Traitement de la surdité par pose d'implants cochléaires ou d'implants du tronc cérébral, Mai 2007, P9.

219 Rapport de la Haute Autorité de Santé, Evaluation du dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale, Synthèse et perspectives, Janvier 2007, P7.

220 Etudes et Résultats de la DREES, Le handicap auditif en France : apports de l'enquête Handicaps, incapacités, dépendances, 1998-1999, Août 2007, P5.

221 Rapport de la Haute Autorité de Santé, Evaluation du dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale, Synthèse et perspectives, Janvier 2007, P12.

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analyse, dans un contexte donné et en vue d'une action. La prévision inclut la décision et l'action, pas seulement le « dire » auquel peut se limiter la prédiction. (...) Ainsi à travers ce simple changement de mot, ce n'est plus un résultat de test qui se profile mais un ensemble complexe tant dans ses aspects individuels que collectifs 222». Le traitement qui pourrait être prescrit aux Sourds avant l'âge de 6 mois, c'est l'implant cochléaire.

2/ La science au service de l'inclusion.

Dernière grande innovation technique en matière de prothèses auditives, les implants cochléaires ont pour fonction de pallier à la surdité, au moyen d'électrodes implantées dans l'oreille interne. La Haute Autorité de Santé estime que «l'implantation cochléaire apporte une amélioration de la qualité de vie de la population concernée, a un impact positif sur la scolarisation des enfants (données non confirmées en France cependant), et se révèle coût-efficace. (...). Compte tenu de ces éléments, on peut considérer que l'implantation cochléaire a un impact en santé publique 223». Deux arguments s'avèrent intéressants. Tout d'abord, celui de la scolarisation. Dès 2001, la direction de l'hospitalisation adressait à certains établissements hospitaliers une circulaire relative au « soutien financier exceptionnel », évalué à près de 4 millions d'euros, « pour conforter la technique des implants cochléaires », indiquant que « l'objectif est de permettre de surmonter le handicap par une insertion ou une réinsertion du patient dans un circuit de vie normale, ce que permet cette technique dans la majeure partie des cas 224». L'objectif reste, comme au XIXème siècle, de normaliser l'anormalité pour inclure les Sourds à la société des égaux. Par ailleurs, ces implants, nous dit la Haute Autorité de Santé, sont « coût-efficaces ». Mais efficaces pour qui ? La même année, le Comité Consultatif National d'Ethique, créé en 1983, déclare que les résultats des

222 Anne Cambon-Thomsen, Emmanuelle Rial-Sebbag, Anne-Marie Duguet, Recherche en génétique et santé publique : place de la réflexion éthique dans Ethique de la recherche et santé publique : où en est-on ?, 2006, P28.

223 Synthèse du rapport d'évaluation de la Haute Autorité de Santé, Traitement de la surdité par pose d'implants cochléaires ou d'implants du tronc cérébral, Mai 2007, P59.

224 Circulaire du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Direction de l'Hospitalisation, 25 octobre 2001, P2.

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implants cochléaires « sont encore loin d'être parfaits 225». Mais le marché des technologies pour la santé est un marché porteur. La Haute Autorité de Santé indique que les ventes de prothèses auditives « couvrent moins de 10% des besoins mondiaux 226 ». La France se situe dans cette moyenne, seul 1/10ème des Sourds déclare utiliser des prothèses auditives227. L'étude prospective commandée par l'Agence nationale de la recherche la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie révèle que le marché mondial est évalué à 185 milliards d'euros et connait une croissance de 5 à 6% par an228. Mais la France est « loin derrière 229» les Etats-Unis et l'Allemagne. Les pouvoirs publics français, dans la perspective de rattraper leurs concurrents, vont encourager la recherche et l'innovation, notamment par l'intermédiaire de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR). Cet établissement public à caractère industriel et commercial, transformé en société anonyme en juin 2005, est détenu à 100% par l'EPIC OSEO, placé sous la double tutelle du Ministère de l'Economie et du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche230. Les pouvoirs publics ont confié à OSEO une mission d'intérêt général, celle de soutenir les projets innovants des PME et d'en garantir le financement231. Parmi ces projets, on peut noter que sont cités les implants cochléaires ou les tests de dépistage précoce232. Ainsi, l'Etat français finance des entreprises privées pour qu'elles puissent développer leurs produits et conquérir des places de marché en France et à l'étranger.

225 Avis N°103 du Comité Consultatif National d'Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, décembre 2007, P14.

226 Rapport d'évaluation de la Commission d'évaluation des produits et prestations (CEPP) de la Haute Autorité de Santé ( has-sante.fr), Les appareils électroniques correcteurs de surdité, avril 2008. P21.

227 Etudes et Résultats de la DREES, Le handicap auditif en France, Août 2007. P7.

228 Etude prospective sur les technologies pour la santé et l'autonomie, Alcimed, à la demande de l'Agence Nationale de la Recherche et la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, octobre 2007. P55.

229 Ibid.

230 Rapport d'information du sénateur Maurice Blin, au nom de la commission des finances du Sénat, L'ANVAR, une gestion à l'envers, N°220, 11 avril 2007.

231 www.oseo.fr

232 Plaquette commerciale Innovation, P23-24.

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La science est à nouveau mise à contribution par le politique. La loi du août 2004 relative à la politique de santé publique dispose que « les critères utilisés pour apprécier l'importance d'un problème en termes de santé publique doivent être définis de façon explicite. Ils comprennent : d'une part, des éléments décrivant le retentissement du problème sur la santé en termes de morbidité et de mortalité évitables, de limitations fonctionnelles et de restrictions d'activité ou de qualité de vie des personnes atteintes ;d'autre part, l'expression de valeurs de notre société à un moment donné, en termes d'importance relative accordée à différents événements de santé ou à différents groupes démographiques et sociaux ».

Cette politique à l'attention des Sourds ne serait-elle pas conditionnée, en définitive, par la seule « expression de valeurs de notre société à un moment donné » ? Mais certains médecins s'élèvent contre cette politique médicale. En 2005, à l'occasion d'une audition publique sur l'expertise scientifique, le Professeur Arnold Munnich, membre de l'Académie des sciences, déclare : « Si l'on prend des décisions sur la base d'une conception génétique, on s'expose à d'énormes erreurs. Il y a dans cette salle des gens qui ne seraient pas parmi nous s'ils avaient été l'objet d'un diagnostic prénatal. Beethoven (qui était sourd) aurait probablement été l'objet d'une interruption médicale de grossesse en raison d'une malformation d'un gène de l'oreille interne 233». Un an plus tard, le docteur Benoît Drion, praticien hospitalier, déclare qu'il n'existe « pas d'autres exemples d'une communauté humaine à ce point en danger du fait des soins qu'on veut lui apporter234 ».

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault