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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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ANNEXE 5

Mouvement OSS (Opération de Sauvegarde des Sourds)

Patrick BENISSEN
Jean-François BURTIN
Eric DALOZ
Jeudi 2 avril 2009
Durée
: 1h15

Comment est né le mouvement OSS, pourquoi une grève de la faim en juin 2007 ?

Les manifestations, c'est bien mignon mais jusqu'à présent elles n'ont rien changé pour les Sourds. Après le vote de la loi de 2005, les Sourds étaient plutôt contents. Mais, dans les faits, la reconnaissance de la langue des signes n'existe toujours pas. C'est même pire qu'avant avec l'intégration individuelle des enfants à l'école. Et puis, il y a toute cette agitation autour du dépistage précoce, et l'image de la déficience qui va avec, la promotion des implants...

La loi de 2005 n'est qu'un mensonge. La promotion de la LSF (Langue des Signes Française), c'est tout le contraire de la loi. En fait, on est aujourd'hui dans la même logique qu'avec la loi Fabius de 1991, tout est fait dans l'urgence et au final, il ne se passe rien.

Au moins, la grève de la faim nous a permis d'ouvrir des portes. On a rencontré Patrick GOHET de la DIPH (Délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées). Notre objectif c'est la mise en place d'un Observatoire des Affaires Sourdes, avec des groupes de travail sur la LSF, qui traiterait des problèmes de communication et d'information, d'éducation.

Il existe d'autres associations représentatives des Sourds. Pourquoi avoir créé votre propre mouvement ?

Si tu étais membre du MLF, tu accepterais d'être représentée par un homme toi ? Je ne crois pas non...

Et bien nous c'est pareil. On ne veut pas être représenté par des entendants.

A l'UNISDA (Union Nationale pour l'Insertion Sociale du Déficient Auditif)... Ils s'appellent les déficients auditifs... Mais nous, nous ne sommes pas des déficients auditifs ! En fait on a voulu se démarquer de ceux qui défendent la loi de 2005 et ses concepts de déficience, d'intégration individuelle et de ceux aussi qui font la promotion de l'implant. Le gouvernement ne connaît rien aux Sourds et il est conseillé par l'UNISDA, les déficients auditifs. Notre objectif, c'est de franchir deux étapes : changer la loi puis travailler ensemble à l'amélioration de la condition des Sourds.

Et dans l'éducation des jeunes Sourds, la loi elle ouvre des perspectives ?

Il y a une chose à ne pas confondre, c'est le choix de communication et le choix d'éducation. La loi offre un choix de communication, mais qui décide de l'éducation dans une école ? Qui décide que l'enseignement se fera en langue des signes ? Certainement pas les Sourds, ni leurs parents.

Cette idée de parler d'école bilingue aussi, ça porte à confusion. Quand on pense bilinguisme, on pense oral. Si on parlait d'une école sourde, ce serait plus clair. Et puis, il y a trop de choix : la langue des signes, le LPC, l'oral, avec même la possibilité de changer en cours de route. Il n'y a pas de continuité. Dans ces conditions, l'éducation des Sourds, elle ne va pas s'améliorer.

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Il y a moins de Sourds qui signent ?

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Dans les années 1970, il y a eu le « réveil Sourd ». Les Sourds apprenaient la langue des signes, défendaient leur langue. Quand on se promenait on rencontrait partout des Sourds qui signaient. Aujourd'hui, c'est différent, c'est comme une maison qui s'écroule. Les jeunes Sourds ne signent pas tous. Notre langue est en train de disparaître.

Votre grève de la faim a été particulièrement médiatisée. Vous avez gardé des contacts avec des journalistes ?

Non, les journalistes ne font rien. Pour eux, la grève de la faim c'est terminé. Et puis, de toute façon, les Sourds apparaissent toujours comme ceux qui ont des problèmes. Mais c'est quoi notre problème, c'est quoi ce handicap ? Pourquoi on dit toujours que c'est le Sourd qui a besoin d'un interprète ? Et pourquoi on ne dit jamais que c'est l'entendant qui a besoin d'un interprète, pour nous comprendre ? Ce serait bien de renverser les rôles. Le problème c'est que, dans les Instituts, les Sourds sont sous tutelle des entendants. On ne leur a jamais appris à faire de la politique.

Opération de Sauvegarde des Sourds

Monsieur le Président de la République

Palais de l'Elysée

55, rue du faubourg Saint-Honoré

75008 Paris

Quincay le 9 mai 2008

Monsieur le Président de la République,

Vous êtes le Président de tous les Français. Vous êtes aussi le Président des Sourds.

Dans votre allocution à l'occasion du 47ème congrès de l'UNAPEI, le 9 juin 2007, au Palais des Congrès de Tours, vous avez dit une parole essentielle pour penser le handicap :

« Le handicap c'est la rencontre entre deux réalités. Entre un individu et la société. Il y a, d'un côté, les incapacités qu'une personne peut connaître. Mais il y a également, de l'autre côté, et on ne le dit pas suffisamment, l'inadaptation de l'environnement, c'est-à-dire l'inadaptation de la société. Le handicap c'est donc, avant tout, l'attention portée par la société à l'ensemble de ses citoyens. »

C'est sur cette pensée que nous interpellons votre haute autorité sur notre situation de personnes Sourdes.

En ce qui nous concerne, la société est inadaptée. En témoigne le mal-vivre que nous expérimentons dans notre quotidienneté et notre difficulté à exercer véritablement notre citoyenneté. Et, pour cause, les chiffres de l'échec de l'éducation dispensée parlent d'eux-mêmes : 80 % d'entre nous avons un niveau de CE2 en langue française (selon le rapport « Les 115 propositions pour le droit des sourds » de GILLOT).

Et, ce n'est que la face reconnue. Nous sommes pour la plupart en situation de semi-linguisme. Cela veut dire que nous ne possédons même pas la langue des signes. Or, c'est la seule langue qui nous soit pleinement accessible, qui nous permet de développer au plus haut point notre potentiel de pensée, de parole et d'action. Elle permet donc l'exercice plein de notre citoyenneté.

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Et, aussi, ce n'est que la face émergée. Car les aspects cachés, en tout cas moins facilement repérables, de l'échec se traduisent en somme dans notre vécu par de grandes difficultés à vivre dans le monde : manque d'autonomie, rapport conflictuel à soi-même et à l'autre, troubles psychologiques, socialisation problématique, etc.

Cette situation n'est pas inéluctablement liée à notre surdité. D'autres pays l'ont compris. Leurs citoyens Sourds ont un niveau socioprofessionnel nettement meilleur. Curieux revers de l'Histoire, ces pays suivent l'exemple de l'Abbé de l'Epée, premier pédagogue au monde à avoir utilisé, au 18ème siècle, la langue des signes pour l'instruction des jeunes Sourds. Il avait compris que pour en faire de « bons chrétiens et de bons travailleurs », la meilleure façon, c'est justement d'utiliser leur « langue gestuelle ».

La raison de notre situation est que notre langue, appelée officiellement langue des signes française, n'est pas vraiment reconnue.

Votre gouvernement a enterré l'héritage de notre illustre bienfaiteur en 1884 quand le gouvernement a entériné les conclusions du congrès de Milan en 1880 en posant l'interdiction de la langue des signes et l'injonction de « la méthode orale pure » comme principes directeurs de l'éducation des Sourds.

Cela a duré un siècle. Nous avons été interdits de vivre pendant un siècle !

Cette interdiction a été à peine levée dans le courant des années 1970 sous la pression d'un mouvement militant de Sourds, professionnels et parents, auquel se sont joint quelques chercheurs de diverses branches acquis au bien-fondé de la langue des signes dans le développement des Sourds. Pourtant, nous ne sommes pas encore arrivés à sa reconnaissance pleine et entière et encore moins à son application étendue dans l'enseignement. Depuis lors, ce n'est que timidement que cette langue a fait son entrée dans les textes législatifs par la loi 1991 de Fabius (article 33) qui prône le libre choix des parents entre une éducation bilingue ou une éducation oraliste. La loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées confère à notre langue le statut de langue à part entière.

Cette reconnaissance inscrite dans les textes ne se traduit pas dans la pratique par l'obligation de l'enseignement et le développement des lieux d'usage de cette langue notamment pour les enfants Sourds. En effet, la politique de l'intégration scolaire en écarte un nombre croissant d'enfants et les empêche de s'épanouir dans un environnement linguistique approprié à leurs capacités perceptives et communicationnelles. Au nom d'un désir légitime d'intégration sociale, cette pratique les place dans une situation constante d'efforts qui constitue une « désintégration » identitaire.

La loi est en principe favorable au bilinguisme, mais dans les faits, l'oralisme associé presque systématiquement à l'implant cochléaire est souvent prôné comme la meilleure solution par les médecins. Mais force est de constater que cette « solution » a souvent une incidence néfaste pour l'intégrité physique et psychologique de l'enfant et elle n'apporte pas les résultats qu'on serait en droit d'exiger d'une intervention lourde. En effet, l'interaction homme-machine est encore mal maîtrisé par la science et peut engendrer de graves problèmes de santé.

Monsieur le Président, ce que nous vous disons là est très grave. Ce sont des vérités, c'est notre parole. Les pratiques institutionnelles conçues pour nous, nous les avons expérimentées dans notre chair et notre âme et si nous donnons notre verdict, c'est que

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nous savons de quoi nous parlons. Si nous n'avons rien dit jusqu'à présent, ou seulement murmuré, c'est que justement à cause d'une éducation hautement déficitaire, nous avons été amputés de nos outils pour penser, parler et agir normalement.

L'erreur de base du système éducatif français qui est source non seulement d'un amoindrissement de nos capacités à l'autonomie et à la citoyenneté, mais aussi d'une grande souffrance est de nous considérer exclusivement, comme c'est la tendance actuelle, comme des malades, des déficients auditifs. Cette focalisation sur notre déficit sensoriel occulte les ressources extraordinaires de notre vision et notre corporalité dont la langue Sourde est la pierre angulaire. Une erreur qui, il faut bien le dire, a un coût exorbitant pour le budget de l'Etat. La prise en compte des dimensions linguistiques et culturelles des Sourds comme éléments fondateurs de leur insertion dans le réel et dans la société est le gage de la simplicité, de l'efficacité et aussi de l'économie pour le traitement institutionnel du public Sourd.

L'Abbé de l'Epée, figure emblématique de la France, l'avait compris. D'autres pays l'ont compris et poursuivent la voie qu'il a tracée. La Fédération Mondiale des Sourds qui représente 123 pays, à laquelle la Fédération Nationale des Sourds de France est affiliée, prône la reconnaissance pleine et entière de la langue des signes dans tous les aspects de la vie des Sourds, y compris notamment dans l'éducation.

En somme, nous refusons l'arbitraire éducatif, la confusion et la barbarie dans lequel sont placés les enfants Sourds quand on les empêche d'accéder à la langue source de leur développement. Nous refusons l'hégémonie de la médecine qui, au mépris de nos réalités de vie, en occultant nos dimensions linguistiques et culturelles, détruit nos vies.

Alors, Monsieur le Président, écoutez-nous, les Sourds, plutôt que les « spécialistes et les experts entendants de la surdité ». Nous sommes bien placés pour proposer un modèle d'éducation, qui soit digne du pays des droits de l'homme et permette aux enfants Sourds de devenir des citoyens à part entière, pleinement conscients et de prétendre au bonheur.

Nous attendons :

? que l'Etat s'engage dans la réforme en profondeur, et dans leurs multiples aspects, des pratiques institutionnelles concernant la population Sourde, notamment celles de l'éducation. Cet engagement se concrétisera par la création d'un Observatoire des Affaires Sourdes, sous l'autorité de la Fédération Nationale des Sourds de France, dirigé par parité de chercheurs de toutes disciplines (scientifiques, philosophes, juristes, etc.), indépendants de tout rattachement commercial et médical, et de représentants de la communauté Sourde. Cet observatoire aura pour mission de faire une étude approfondie, exhaustive et basée sur le long terme, sur les pratiques existantes. Cette recherche en dégageant les principes fondamentaux d'une conception saine (non médicale !) de la personne Sourde dans sa globalité et son écologie, servira de base pour l'élaboration d'une nouvelle politique permettant aux Sourds une véritable citoyenneté par l'exercice du plein potentiel de pensée, de parole et d'action.

? que l'Etat encourage la création et le développement, sur tout le territoire français, de lieux d'enseignement où cette langue peut être pleinement enseignée et pratiquée pour que tous les enfants Sourds puissent recevoir une éducation digne de ce nom.

Monsieur le Président, nous vous demandons de nous accorder votre attention. Nous vous demandons votre haute protection.

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Monsieur le Président, cette lettre est un appel. Nous sommes déterminés à ce qu'il aboutisse.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en notre dignité et en notre profond respect.

Pour l'équipe OSS-2007 PatrickBELISSEN

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS 2

INTRODUCTION 3

PARTIE 1 : LA NATURALISATION DES SOURDS 6

CHAPITRE 1 : L'INVENTION D'UNE CATEGORIE. 6

I- LA REVOLUTION FRANCAISE ET LE PARADIGME DE L'INCLUSION

SOCIALE. 7

A- De l'unité républicaine à l'unification linguistique. 8

1/ L'égalité ou « la passion de l'inclusion ». 9

2/ La politique d'unification linguistique. 10

B- Le projet de l'abbé de l'Epée, conforme au nouvel ordre. 12

1/ L'instruction au service de l'unification. 13

2/ La méthode gestuelle, une méthode révolutionnaire. 14

II- LA CONSOLIDATION DE L'INCLUSION. 16

A- La « biologisation » de la politique. 16

1/ Emergence de l'éducation spécialisée. 16

2/ De la surdité à la déficience intellectuelle. 18

B- Le congrès de Milan et l'interdiction des signes 20

1/ La proclamation de la parole pure. 21

2/ Le réorganisation des Instituts. 22

CHAPITRE 2 : LA REVENDICATION D'UNE IDENTITE SINGULIERE. 24

I- UN COMBAT POLITIQUE POUR L'INTEGRATION. 25

A- Un problème porté dans l'espace public. 26

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1/ Contre l'universalisme républicain. 26

2/ Pour une meilleure représentation politique. 27

B- L'invention des Sourds. 29

1/ Le sourd, un déficient auditif. 30

2/ Le « Réveil Sourd », une action collective pour la reconnaissance. 32

II- LA RECONNAISSANCE DE LA LANGUE DES SIGNES. 33

A- Une reconnaissance encadrée en 1991. 35

1/ Un problème porté par le politique. 35

2/ Une reconnaissance limitée et extrêmement encadrée. 36

B- Une reconnaissance influencée en 2005. 38

1/ L'inscription de la langue des signes sur l'agenda politique 38

2/ Le rôle des porteurs d'intérêts. 39

PARTIE 2 : QUEL CHANGEMENT POUR LA LANGUE DES SIGNES ? 44

CHAPITRE 1 : LA LOI DU 11 FEVRIER 2005. 44

I- UNE LOI POUR L'INCLUSION SOCIALE. 45

A- Une loi globale. 45

1/ La définition médicale du handicap. 46

2/ Une particularité fondue dans la globalité. 47

B- Une loi pour l'inclusion sociale. 48

1/ Du Welfare State au Workfare State. 49

2/ Une rénovation du paradigme de l'inclusion. 51

II- LA MISE EN OEUVRE DE LA DECISION. 52

A- La nouvelle gouvernance. 53

1/ Un « gouvernement à distance » ? 54

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2/ Des institutions locales déstabilisées. 55

B- L'inertie politico-administrative. 56

1/ Une politique des priorités. 57

2/ Les relations interministérielles. 58

CHAPITRE 2 : LES RESISTANCES AU CHANGEMENT. 59

I- L'ECOLE, LE LIEU DE L'INCLUSION. 61

A- L'école de la République. 62

1/ Une liberté de choix encadrée. 63

2/ Une mise en oeuvre retardée. 64

B- Le secteur médico-social. 66

1/ Bilinguisme contre rééducation. 67

2/ Des établissements subsidiaires. 68

III- LA BIOLOGISATION DE LA POLITIQUE. 70

A- La surdité, un problème de santé publique. 71

1/ Le dépistage précoce de la surdité. 72

2/ La science au service de l'inclusion. 73

B- Un déni de reconnaissance. 75

1/ Le choix des acteurs dans les consultations. 76

2/ Le déni de reconnaissance de la langue des signes. 78

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote