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La loi handicap du 11 février 2005 - quelle reconnaissance de la langue des signes française?


par Magali Leske
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes - Maîtrise Droit Public et Science Politique 2009
  

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ANNEXE 4

Mouvement des Sourds de France

René BRUNEAU, Président
Jeudi 2 avril 2009
Durée : 45 minutes

Monsieur Bruneau, pourriez-vous me présenter vos missions au sein de l'UNISDA et au sein du Mouvement des Sourds de France ?

Bon alors, mes missions... C'est que je suis secrétaire général de l'UNISDA depuis 2004 et je suis aussi président du Mouvement des Sourds de France depuis mars de l'année 2008. J'ai été vice-président jusqu'en 1994, en 1994 je suis devenu secrétaire général jusqu'à 2008 où je suis passé président.

Pourquoi le Mouvement des Sourds de France est fédéré au sein de l'UNISDA et pourquoi cette division au sein du mouvement des Sourds avec d'un côté l'UNISDA qui fédère des associations de Sourds et la FNSF qui fédère de son côté d'autres associations ?

Euh... Bonne question et je crois que vous avez mis le doigt exactement sur... C'est-à-dire que le Mouvement des Sourds de France s'est créé en 1985. Et pourquoi il a été créé ? Tout simplement c'est parce que la Fédération Nationale des Sourds de France, bah... elle ne faisait rien. Je vais être critique mais de toute façon c'est de notoriété donc euh... je ne vais rien raconter. Elle se contentait de faire des réunions de temps en temps dans l'année et d'encaisser, d'empocher les dons qu'elle pouvait recevoir puisqu'elle est reconnue d'utilité publique. Et de cet argent là elle n'en a jamais rendu compte et il y a des personnes sourdes qui se sont fâchées, qui ont dit « y'en a marre », leur rôle c'est de défendre le droit des personnes sourdes, ils ne font absolument rien si ce n'est se promener avec l'argent des dons. Euh... je vous citerai

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pas où ça allait mais ça allait dans des endroits euh... bon, bref. Et donc bah c'est une personne qui s'appelle Jean KACZMAREK qui a décidé de fonder le 28 novembre 1985 le Mouvement des Sourds. J'ai adhéré en 86, donc trois mois après j'ai adhéré au Mouvement des Sourds. On a fait une importante manifestation un 1er février 1986 à Paris, nous étions environ 4000 personnes sourdes à défiler. Donc c'est de là qu'a démarré le Mouvement des Sourds. C'est vrai que la Fédération a tout fait pour nous sabrer, pour pas qu'on existe, parce qu'on devenait concurrent. On a joué notre rôle, on a rencontré les partis politiques, on a rencontré les responsables administratifs et les responsables gouvernementaux. Il s'est trouvé que beaucoup d'associations se sont affiliées chez nous parce qu'elles ont trouvé qu'on était à la pointe de la bataille et en 1989 nous avons changé de titre en mettant Mouvement des Sourds de France. Nous sommes devenus association nationale, dont la première association qui s'est affiliée chez nous est l'association des Sourds de La Persagotière...

D'accord et...

C'est la première association qui s'est jointe à nous. D'autres après bien sûr. Ensuite, et bien, nous avons continué notre travail, nous avons été dans l'amendement Fabius, bah le fameux amendement Fabius... nous avons été l'association principale qui nous sommes battus avec un Monsieur BOUILLON à l'époque de l'Education Nationale pour faire reconnaître la langue des signes à l'école, l'enseignement de la langue des signes à l'école. Euh... Fabius dans un DMOS a, c'était d'ailleurs la veille d'un Noël 90 je crois, euh... a donc fait une Décision Modificative d'Ordre Social qui disait que la langue des signes devait être enseignée à l'école, enfin bref, tout ce que nous avons sur la loi de 1991 sauf qu'il n'y a jamais eu de décret qui sont parus par la suite. Donc l'Education Nationale n'a jamais pris en compte... ça a été... bon, disons que Monsieur FABIUS a voulu nous faire plaisir peut-être mais enfin en attendant rien n'a été fait. Nous avons continué le combat, le combat aussi pour la télévision, on s'est battu pour les sous-titrages à la télévision hein en 92-93, nous avons saisi les

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autorités, nous avons eu des promesses, nous avons eu... enfin bref, euh je vais pas tout vous raconter... Et il s'est trouvé que la Fédération, plutôt que de jouer le jeu de partenariat avec nous, ou tout au moins de nous accompagner d'une manière parallèle a continuellement euh... s'est continuellement battue contre nous. Je ne vous citerai pas la pléthore de présidents qu'ils ont eue, euh la pléthore de problèmes qu'ils ont eu, de problèmes financiers avec des faillites avec des euh... mise en tribunal, enfin bref. Et puis il y a même des gens qui se sont barrés avec la caisse, hein si des fois vous avez le temps vous vous renseignerez là-dessus. Bref, avec la Fédération nous n'avons jamais été en odeur de sainteté. Malgré tout, dans les dernières années, il y a un rapprochement qui s'est fait. Euh, le rapprochement le plus important qui s'est fait c'est avec l'actuel président, euh qui est euh... mais bon ça reste toujours euh... disons un rapprochement euh disons de politesse. Hein, on pourrait dire ça. Mais il se trouve qu'à l'intérieur de la Fédération, il y a des gens qui ne nous aiment toujours pas, bon. Malgré tout le président de l'UNISDA, Jérémie BOROY a été membre du Mouvement des Sourds de France pendant de nombreuses années et, il y a trois ans, a décidé de rejoindre le Conseil d'Administration du Mouvement des Sourds de France. Donc il est administrateur au Mouvement des Sourds de France. Et pour ne pas faire de polémique a accepté aussi d'être administrateur à la Fédération et ensuite est passé secrétaire général de la Fédération.

D'accord. L'objectif c'était d'unir un peu ce mouvement ?

Voilà. Euh... avec nous deux nous avions l'intention euh... à peine déguisée d'essayer de nous rejoindre. C'était une sorte de pont qui était jeté. En fait ce pont que Jérémie BOROY a entamé du côté de la Fédération et moi du côté du Mouvement des Sourds de France n'a jamais été un pont bien solide. C'était un pont provisoire et euh chacun dans son coin et personne bouge. Voilà, hein... C'était un peu ça. Alors que nous nous étions prêts à faire des actions communes et tout, on n'a jamais eu de réponse, on n'a jamais eu de retour là-dessus.

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L'UNISDA a été créée...

Alors l'UNISDA a été créée, alors je vais y venir, l'UNISDA a été créée voici plus de trente ans, et dont la Fédération Nationale avec le BUCODES (Bureau de Coordination des Associations de Devenus Sourds et Malentendants), avec euh... l'Association Nationale des Parents euh l'ANPEDA (Association Nationale des Parents d'Enfants Déficients Auditifs) étaient fondateurs. Malheureusement il s'est trouvé qu'il y a eu un... des problèmes. La Fédération a posé des problèmes à l'intérieur de l'UNISDA, c'était en 98, euh elle ne payait pas ses cotisations. Malgré qu'elle ait de l'argent elle ne voulait pas payer des cotisations. A fait une sorte de discrimination négative en disant qu'elle ne voulait pas être avec des Entendants ou des Malentendants parce qu'ils n'étaient pas vraiment sourds. Et puis bah y a eu alors, une autre chose, c'est qu'il était prévu qu'il y ait un poste tournant de président au sein de l'UNISDA mais ça ne s'est pas fait quand ça a été au tour de la Fédération. Là aussi effectivement ils avaient raison quand même de protester parce que bon euh à l'époque ceux qui étaient à la Fédération n'étaient pas crédibles. Et on sait une chose, c'est que pour prendre des responsabilités au sein de l'UNISDA il faut être crédible.

Pourquoi ils n'étaient pas crédibles ?

Bah parce que les comptes n'étaient pas nets. Tout le temps en redressement judiciaire, avec des problèmes financiers quoi, bon. Donc ceux qui étaient vraiment les gardiens de l'UNISDA ont dit on ne va pas confier la responsabilité de l'UNISDA à des gens qui ne savent pas gérer leur propre association. De la sagesse, hein, bon. Bref, alors la Fédération a claqué la porte et nous, nous avons posé notre candidature et nous sommes rentrés à l'UNISDA en 1998. Donc c'est nous qui avons remplacé la Fédération, puisque eux représentent les Sourds gestuels et que nous aussi on représente les Sourds gestuels. Et le premier représentant à l'UNISDA, c'était moi. Ensuite on a eu droit à un siège supplémentaire. Nous sommes deux à siéger au sein

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de l'UNISDA en tant qu'administrateurs. Dont le vice président est Jacky CORREIA, qui était ancien président du Mouvement des Sourds de France et qui est maintenant vice-président du Mouvement des Sourds de France. Donc nous nous avons toujours un travail parallèle : un travail commun avec l'UNISDA et qui n'est pas du tout contradictoire parce qu'il est complémentaire, dans notre spécificité, puisque l'UNISDA regroupe toutes les personnes sourdes ou malentendantes, y compris les parents d'enfants sourds.

C'est la raison pour laquelle dans le mot UNISDA on retrouve Déficient Auditif et pas Sourd ?

La surdité c'est une déficience auditive, après c'est un catalogue d'échelles.

Alors c'est quoi justement être sourd ? Etre sourd c'est de plus rien entendre. C'est être handicapé, malade...

C'est l'équivalent d'aveugle et de malvoyant hein. On est malvoyant on voit mal euh... Si j'ai des lunettes c'est parce que je vois mal hein. Je suis malvoyant jusqu'à un certain degré. Mais je ne suis pas malvoyant tel que d'autres qui pourraient à peine distinguer des visages ou distinguer des ... Ils voient que des ombres. C'est des malvoyants. Mais ils voient quand même quelque chose, alors que l'aveugle vous pouvez mettre dans les yeux le phare de je ne sais pas quel coin de France, il ne verrait rien du tout. Bon. Un Sourd vous pourriez le mettre au pied de la cloche de Notre Dame, il entendrait pas la cloche. Il la sentirai puisque ça vibre, avec la caisse de résonnance de l'air dans les poumons, enfin ils entendent avec leurs pieds on dit, on dit qu'ils entendent avec leurs pieds. Mais ils entendraient pas la cloche. Bon, donc, ça c'est les Sourds. Le Sourd il est sourd. C'est comme si il n'avait pas du tout

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de conduit auditif. Parce que malentendant, c'est celui qui a des restes auditifs, le malentendant.

La FNSF est très attachée quand même à ce...

Alors voilà. Elle dit que les vrais Sourds ce sont eux et les autres ce sont des faux Sourds. Bah oui euh... le vrai français c'est celui qui est depuis cinquante générations sur le territoire français, celui qui y est que depuis quatre, cinq générations, c'est pas un vrai français. On pourrait raisonner de la même manière. Euh... nous on appelle ça de la discrimination, de la ségrégation, nous ne l'acceptons pas ça. Nous disons bah on naît sourd, on naît sourd mais on le devient aussi... avec l'âge, on devient sourd par accident, par maladie euh pour différentes raisons. Mais quand on est sourd on est sourd. On est confronté exactement aux mêmes problèmes. On recherche pas l'origine. Et eux ils ont tendance à dire, non le vrai Sourd c'est celui qui est sourd de naissance.

Ils considèrent qu'ils appartiennent à une minorité linguist...

Mais on est tous des minorités. Euh, le, le... Il y a environ 10% de la population française qui est malentendante. Et dans ces 10%, il y en a 0,5%, je dis bien 0,5% de ces 10% qui pratique la langue des signes française. Donc qui sont sourds profonds. On peut considérer 99% qui sont sourds profonds, de naissance. Voilà.

Est-ce que vous considérez qu'on peut tout de même parler des Sourds comme d'une catégorie qui relèverait de la médecine. Est-ce...

Non, le Sourd n'est pas un malade. Il va falloir un jour que ça cesse. Le Sourd c'est pas un malade. C'est un sens qu'il n'a plus. C'est pas une maladie qu'il traîne. La surdité n'est pas une maladie. C'est un handicap de naissance que la personne elle a,

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hein. Il y a le toucher, l'odorat, la vue, l'ouïe euh... le cinquième, le cinquième... Et le goût, voilà. Bah là c'est l'ouïe, point, c'est tout. C'est pas une maladie.

D'acc...

Donc, euh, vous m'excuserez parce que là vous touchez à l'endroit où je suis très sensible. Moi les docteurs je veux les voir à 50 000 kilomètres d'ici. Je ne veux pas voir un seul médecin s'occuper des Sourds. Ils s'occupent des Sourds quand... « ah oui, vous êtes sourd à 70%, à 70 décibels, à 90 décibels... », là d'accord. Les audiogrammes c'est leur secteur, ok. Ils évaluent et puis après : « au revoir ». Ils ne sont pas chargés d'éducation, ils ne sont pas chargés... rien ! Et l'orthophonie, ok. Bah les Sourds sont pas obligés de passer par l'orthophonie, s'il a pas envie de parler. Vous allez pas obliger quelqu'un à parler si il a pas envie de parler, bon. Quelque part, on a tendance à imposer sous prétexte que, que... Moi je comprends qu'une opération du coeur à un enfant en bas âge, parce que si il a plus de coeur il meurt, il n'existe plus. Mais un Sourd, alors quand il naît sourd, bah... des Sourds toute leur vie, ça les empêche pas de vivre comme tout le monde. J'ai des tas de preuves, des wagons de preuve moi, hein. Alors quand on dit il faut les implanter très jeunes : dégagez là. Vous voulez faire du fric sur la surdité parce que je sais, moi j'ai vu des films et tout. J'ai discuté avec le professeur MORGON de Lyon... Il en arrive même à dire : « bah on leur apprend quand même la langue des signes parce que de toutes façons ça nous aide ».

Quel est l'intérêt d'implanter alors ?

Bah de faire du fric. Ca coûte très cher à la sécurité sociale, la rééducation c'est cinq ans. Un enfant qui est opéré, il est pris pendant un mois à l'hôpital, il sort mais bon, c'est tous les jours pratiquement. Mais un enfant, il ne vient pas tout seul par taxi, il vient avec ses parents, alors sa mère ou son père peu importe. Mais si elle travaille, c'est pris en charge par la sécurité sociale. Ensuite, c'est tous les mois pendant un an,

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c'est tous les jours, ensuite c'est tous les deux mois, ensuite c'est tous les trois mois, après tous les six mois et après tous les ans. Pendant cinq ans. La rééducation, les réglages et tout. Alors rééducation orthophoniste, réglage des appareils, et après qu'est-ce qui se passe ? On vous dit, bon, c'est réussi, tant mieux. C'est pas réussi, tant pis on recommence. Et n'oubliez pas que l'implant cochléaire, on met un fil qui vibre à l'intérieur de la cochlée. Et ces appareils sont garantis dix ans. Un enfant qui naît et qui vit jusqu'à quatre-vingt ans, c'est huit fois sur le billard. Vous pensez qu'au bout de huit fois la cochlée elle est encore intacte ? On nous prend pour quoi là ? Pour des imbéciles. Par contre, il y en a qui se sont fait du fric pendant ce temps là. Ca coûte, un enfant euh... une fois implanté jusqu'au moment où il est censé être en autonomie complète, c'est de trente mille à quarante mille euros, que ça coûte à la sécurité sociale.

Et le dépistage précoce, qu'en pensez-vous ?

Alors le dépistage, ça peut avoir un avantage, alors là, là... je serais très favorable, je vais vous dire pourquoi très, parce que un enfant qui naît, quand il ne parle pas, on dit : « ah bah tiens, il fait de l'autisme ». Combien d'enfants sourds ont été pris pour des autistes. C'est pour ça qu'il est nécessaire de dépister. S'il entend, même si il veut pas parler, il réagit aux sons. Vous savez comment ça se passe, quand on fait du dépistage de surdité, on leur fait passer des fréquences, on leur fait passer... et puis bon ils ont des réactions, on voit avec l'histoire du ludique, du jeu, du train qui passe dans un tunnel, qui ressort ou qui ressort pas... y a un petit « tut tut », vous regardez les yeux de vos enfants, bon il entend ou il entend pas. Il y a d'autres tests aussi, hein, bon. Déjà voir ça. Si il entend, bon là il peut y avoir un problème d'autisme, d'accord. Mais si le môme il est distrait pas autre chose et pis que bon... il entend pas point. Moi j'ai ma... ma fille, qui a eu ma petite fille qui a sept ans maintenant. Parce que ma fille elle travaille... Vous allez rester longtemps ici ?

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Non, non, je repars demain.

Parce que ma fille, elle exerce à la Salpêtrière. Elle fait l'accueil sourd ma fille. J'aurais des tas de choses à vous raconter là-dessus. Bref. Ce monde des Sourds j'y vis depuis ma naissance, parce mes parents étaient sourds-muets, et j'ai ma technique perso pour savoir si l'enfant est sourd ou pas, parce que je connais bien la réaction d'un enfant sourd.

(Le téléphone sonne, la discussion est interrompue)

Donc, dans l'idée du dépistage précoce il y a l'intention de faire un dépistage immédiatement, dès la naissance.

Oui, dans la semaine, dans les semaines qui suivent, dans les semaines... hein, bon. C'est pas à un jour près. Oui, mais moi je pense que c'est nécessaire. Parce que la surdité, plus tôt on la prend en charge, mieux ça vaut pour l'enfant. Le prendre en charge, ça veut dire on considère que l'enfant il est sourd mais on sait pas à quel niveau de surdité. Après on peut lui faire des tests, des tests pour savoir bah... il réagit à telle fréquence, il réagit à telle hauteur de décibel, bon vous voyez... parce qu'il y a un problème de fréquence et un problème de puissance, hein, dans le petit test. Donc ils peuvent entendre certaines fréquences et pas d'autres, hein. C'est pas linéaire, hein. Ca fait comme ça, hein. Ils ont parfois des courbes descendantes, hein. Ca c'est une chose. Et à partir de là vous pouvez adapter son éducation. L'éducation orale moi je suis pour. Mais il faut pas que ce soit la priorité. Parce que le côté cognitif d'un enfant, avant qu'il parle, avant qu'il comprenne, il a ses yeux. Il comprend par les yeux. Vous savez un enfant qui a un mois, deux mois, vous lui faîtes voir un biberon, hein, et vous lui dîtes rien. Il sait que c'est pour boire, il sait bien que c'est pas... bon. Donc les yeux, pour un enfant sourd, c'est très, très important. Tout ce qu'il voit, il l'enregistre et il lui donne une signification. Donc la communication elle doit passer par le geste. C'est ce que je défends depuis des

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décennies parce que je sais, et de toute façon, je ne changerai pas là-dessus, parce que je sais que c'est pas par la parole puisqu'il n'entend pas. C'est pas en parlant, parlant, parlant... en croyant qu'il va comprendre. Bon, c'est tellement simple que de parler, hein. Vous savez c'est par les yeux, c'est la communication par les yeux et par l'image, par l'image en fait.

Alors justement, la loi de 2005 elle reconnaît la langue des signes...

Alors là la loi de 2005. Alors je vais vous raconter quand même parce que c'est très important. Bon, il y en a quelques uns qui savent, parce qu'ils ont été aussi partie prenante avec moi. Mais bon, il s'est trouvé que depuis la loi de 2005 j'ai préparé, enfin avec les députés et tout... j'ai été en amont de cette loi de 2005 avant qu'elle soit présentée d'abord au Sénat, puis elle a été présentée à l'Assemblée Nationale. Elle a été présentée en première lecture au Sénat, ensuite elle est venue à l'Assemblée Nationale, et en deuxième lecture au Sénat et après retour à l'Assemblée Nationale. C'est l'opération inverse qui s'est fait, bon. Donc, quand nous sommes allés pour la présentation au Sénat, donc la Fédération avait proposé, on avait rencontré, moi j'étais pour, on était pour, la reconnaissance officielle de la langue des signes. Euh, c'est un député du Loiret, euh... monsieur... je ne me rappelle plus de son nom, enfin bref, qui est député du Loiret, qui avait fait la proposition... euh qui était sénateur du Loiret, pas député mais sénateur du Loiret, qui avait fait la proposition, nous on va pas faire une deuxième proposition du moment qu'il y a une proposition, nous on est pour. Effectivement, le projet de loi avait été accepté. Verdict : donc la reconnaissance officielle de la langue des signes. Moi je dis bah c'est très bien, bon. C'est arrivé sur le bureau de l'Assemblée Nationale, bon très bien. Moi j'ai participé pratiquement à tous les débats. J'y allais presque tous les jours. Et bon, des fois c'était le matin, des fois c'était l'après-midi parce qu'il y avait un truc urgent alors il faisait passer ça le lendemain, mais bon. Des fois c'était pas toujours facile d'y aller. Donc euh... j'y suis allé et, bah puisqu'elle avait été votée, connaissant pas trop les

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méandres de... Elle a pas été citée à l'Assemblée Nationale. Donc je me suis dit bah si elle n'a pas été citée, c'est parce que on revient pas dessus. Ca a été voté, ils vont pas la rediscuter. Discuter de cet article reconnaissant... En fait ils l'avaient escamoté. Et je m'en suis pas rendu compte tout de suite. Ce n'est que trois jours avant l'ouverture au Sénat en deuxième lecture, quand j'ai regardé la présentation au Sénat de tous les textes, je me suis rendu compte que la langue des signes elle était squizzée.

Et vous avez eu des explications ?

Aucune... Quand j'ai vu ça j'ai prévenu monsieur FOURASTIE, qui était le président de la Fédération à l'époque. Et monsieur FOURASTIE était surpris lui aussi parce qu'il ne s'en était pas rendu compte. C'est moi qui l'avais averti. Et avec l'ancien président du Mouvement des Sourds qui était Patrick LIGER, euh, moi j'ai dit il faut qu'on se batte là-dessus. Donc euh... nous sommes allés au Sénat le jour où la loi a été... le premier jour nous sommes allés. J'ai rencontré la, comment dire euh... un sénateur du... ancien maire d'Orléans... euh Monsieur SUEUR, Jean-Pierre SUEUR, qui est sénateur maintenant. Je l'ai rencontré accidentellement. Il était en train de manger, de boire son petit café et de manger ses petits croissants dans un bistrot juste devant le Sénat. Le connaissant puisque j'allais souvent à Orléans, le connaissant j'ai été le trouver. Je lui ai dit « voilà le problème », je lui explique. Il m'a dit « mais mon bon monsieur, vous me prenez en retard là, c'était il y a quinze jours, il y a quinze jours j'aurais pu réclamer, demander à ce que ce soit rajouté, mais moi en tant que sénateur je ne peux plus du tout intervenir là-dessus. Si l'Assemblée Nationale s'est prononcée, c'est terminé. Ca a été retiré, personne n'a rien dit, à moins que nous quinze jours avant... on dit on rajoute, on rétablit ». J'ai dit « attendez euh... ». Il a dit « bon, je vais essayer de voir ce que je peux faire pour vous ». Très bien. On rerentre au Sénat et avant de rentrer au Sénat, moi je connais bien le groupe communiste, parce que bon, j'ai des affinités de ce côté-là, vous m'excuserez hein... euh... depuis très longtemps d'ailleurs. Donc j'ai été voir Michelle DEMESSINE, qui est sénatrice,

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et Michelle je lui ai exposé exactement la même chose que Jean-Pierre SUEUR et elle m'a dit « je veux bien moi t'aider à essayer d'intervenir auprès... Y'a que le gouvernement qui peut faire quelque chose. Si le gouvernement dit il faut le rétablir, il peut le faire ». Seul le gouvernement pouvait le faire ça. Et alors euh... et à l'époque c'était Madame MONTCHAMP et j'étais très bien avec son Cabinet et Monsieur MILANO qui était son Chef de Cabinet. Serge MILANO. Et je suis aussi toujours très bien d'ailleurs, oui, toujours, Madame MONTCHAMP aussi, bien qu'on n'ait pas la même couleur politique mais on s'entend très bien. Et monsieur euh... Patrick GOHET (Délégué Interministériel aux Personnes Handicapées). Et donc il y a eu une interruption de séance en matinée et donc Michelle DEMESSINE, d'en bas, elle me fait signe pour que je descende. Donc je suis descendu, j'étais dans les tribunes, je suis descendu et elle m'a dit : « on va aller au bar pour essayer d'arranger ça. On va voir s'il y a du monde qui puisse... ». Effectivement, nous on peut pas rentrer au bar mais si on est invité on peut y aller au bar. Alors le bar... Vous l'avez jamais vu le bar ?

Non.

Bon, le bar du Sénat, c'est euh... cinquante mètres de long hein. Bah oui, il y a quand même quatre cents sénateurs, s'ils doivent tous se mettre au bar... hein, bon, bref. C'est un bar. Et donc on commence à étudier le dossier et tout. Elle me dit je ne peux absolument rien faire, il va falloir qu'on voit. Et moi j'aperçois donc Monsieur GOHET et Monsieur MILANO, Serge MILANO, qui était le Chef de Cabinet de Madame MONTCHAMP. Alors je lui dis « mais y a du ponte là, on pourrait peut-être voir avec eux ? ». Elle m'a dit « Oui, bonne idée ». « Vous les connaissez ? ». « Ah bah oui je les connais ». Hop, j'prends le dossier sous le bras, j'vais au bout du bar, ils étaient au fond, carrément au fond hein. J'y vais. Bon, salut tout. « Ah bah qu'est-ce que vous faîtes là ? ». « Bah vous savez la loi... ». « Bah oui c'est vrai ... » Voilà, très bien. Monsieur MILANO, je lui dis voilà y a un problème, comment se fait-il que - et

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là je ressors bien sûr le texte qui avait été voté au Sénat - et là, il a l'air... tombé du ciel apparemment. Bon, tombé du ciel. Monsieur GOHET dit « oui, c'est pas normal, c'est pas normal. Les sénateurs ont voté et là ça a été supprimé, on sait pas pourquoi. Il y a eu un squizzage quelque part, je voudrais pas accuser qui que ce soit, je ne sais pas hein, mais ça a été squizzé quelque part, y a quelque chose... ». Bon. Alors je lui dis « écoutez qu'est-ce qu'on fait maintenant ? ». J'ai dit « maintenant... d'après ce que je sais.. ». Alors Madame euh... comment dire euh... Michelle DEMESSINE me rejoint, elle me rejoint avec le président, d'ailleurs le président de la Fédération FNSF était là, et le président du Mouvement des Sourds était là. Alors j'ai dit « voilà, y a deux président de deux importantes associations nationales, ils sont pas contents du tout ». Alors MILANO il dit « bon bah oui, oui, non, mais... attendez... nous on y est pour rien, y a quelque chose. Je vais en parler à la ministre. Vous pouvez me laisser vos dossiers ? ». « Pas de problème, je vous laisse mes dossiers, tout ». Et je lui en parle à savoir ce qu'on peut faire. Il va la trouver, on voit d'ailleurs en haut des tribunes, on voit, il discute avec elle sur le banc là, du gouvernement. Il discute, il ressort tout. Trois minutes après, il était déjà arrivé... un huissier vient me chercher : « Monsieur BRUNEAU, y a monsieur MILANO il veut vous parler ». Donc Monsieur MILANO il me dit « Bon bah écoutez, Madame euh... Madame MONTCHAMP est d'accord, elle veut bien rétablir mais elle ne sait pas exactement dans les termes. Faudrait que vous puissiez faire les termes exacts et on discutera sur les termes exacts. » Donc c'était nous qui étaient chargés de la rédaction qu'on voulait ! ». Bah oui... Ce qui y a, c'est que vous êtes au Sénat, pas d'ordinateur sous la main, rien du tout, vous faîtes quoi ? Quand vous voulez rédiger quelque chose. Elle dit vous l'envoyez, une fois que vous l'avez rédigé vous l'envoyez par fax au ministère et le ministère vous renvoie le texte, parce qu'on ne pouvait pas directement. Donc il fallait envoyer ça au ministère pour qu'il nous le renvoie. Bon... on avait de la chance, c'est que parmi les visiteurs sourds, un monsieur Jean-François LABBE, vous n'en avez pas entendu parler de Jean-François LABBE ? Toujours un monsieur entre deux eaux hein... ça c'est mon neveu par alliance. Mais bon, je vais pas raconter toute

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ma famille. Et alors donc Jean-François il monte et il dit « alors ? ». Je lui dis « écoute je suis emmerdé » en expliquant. Il me dit « ah ! j'connais une sourde qui travaille au Sénat, dans un bureau, on va aller la voir ». Je lui dis « bah attend euh... ». « Mais te casse pas la tête, allez suivez moi ». On est sorti du Sénat, passé le côté de la rue, dans les bureaux du Sénat, elle s'occupe de la vérification des dépenses des sénateurs pour les rembourser. Bon, un rôle subalterne. Donc, on va, on monte, bon elle parle la langue des signes, tout. Donc on bavarde. Et elle me dit « bon, bon, pas de

problème ». « On peut accéder à internet ? ». « Oui, oui ». Moi sur internet j'ai tout de suite retrouvé les textes et tout, j'ai pu reprendre, j'ai fait un copier-coller comme on dit, j'ai repris un texte avec word. J'ai fait lire aux deux présidents du Mouvement des Sourds et de la Fédération. Ils m'ont dit « ouais, ouais, très bien. Bon bah faudra peut-être rajouter ça ». Bon j'ai rajouté pour que ce soit bien, bien dans le contexte quoi. Et avec le numéro de fax qu'on m'a donné, moi j'ai dit j'vais voir parce que je voulais savoir où il atterrit. Je compose le numéro et puis je prends le téléphone. Et j'entends quelqu'un qui décroche. Oui ici le ministère de la Santé, enfin bon, personnes handicapées, à l'époque c'était ça. J'ai dit « bah je suis monsieur BRUNEAU euh... Monsieur MILANO m'a demandé de vous transmettre un fax parce que... ». « Ah bah oui justement on l'attend, dépêchez-vous, avant midi », qu'elle me dit. Donc, il y avait quand même une continuité, hein. « Je vous l'envoie tout de suite. Je raccroche et je vous l'envoie ». « Pas de problème ». Je l'envoie, bon, très bien. L'après-midi, on reprend à trois heures, parce que les sénateurs il faut qu'ils aient le temps de manger hein. Ils arrêtent à midi et ils reprennent à trois heures. C'est trois heures... ah oui... bon. Et alors à trois heures tout le monde reprend et tout. Et vers quatre heures et demie, cinq heures, je vois Monsieur... Madame euh... Michelle DEMESSINE me fait un signe, elle me fait comme ça (pouce en l'air), Jean-Pierre SUEUR il fait comme ça (pouce en l'air), alors les huissiers distribuent des papiers dans tout l'hémicycle, à tous les sénateurs. Bon très bien et puis bon, mais Monsieur MILANO rien, il ne nous regardait pas, rien du tout. Par contre j'ai bien vu qu'il y avait quand même avec Monsieur MILANO et puis

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Madame MONTCHAMP, que ça discutait entre eux. Et arrive eux... huit heures moins le quart du soir euh... Madame MONTCHAMP prend la parole et dit :

« Mesdames, Messieurs les Sénateurs, il s'est trouvé que vous avez voté en première lecture la reconnaissance de la langue des signes article tant... », enfin bon je me rappelle plus. Enfin, elle fait tout son exposé, moi je l'ai encore ce texte, je l'ai pas là mais je l'ai chez moi, je pourrais vous l'envoyer ce texte. J'ai tout... la minute comme on l'appelle, l'extrait. Je l'ai hein. Oui, oui, non mais c'est intéressant à lire, hein. Vous allez voir. Elle dit « voilà alors écoutez Mesdames, Messieurs les Sénateurs euh... d'ailleurs les président des associations de Sourds sont actuellement dans les Tribunes en train de vous regarder ». Et moi j'étais là je traduisais en langue des signes, hein. « Alors je vous demande de bien vouloir rétablir le texte que vous ont distribué les huissiers, de bien vouloir rétablir parce que c'est pas normal. A l'Assemblée Nationale il semblerait que ça a été supprimé, on ne sait pas à quel moment. Et on aimerait que votre premier vote soit confirmé par un deuxième vote, pour remettre cette loi de reconnaissance de la langue des signes ». Et tout le monde a dit « ah oui bien sûr ». Y'en a même un il a dit oui et il faudrait même reconnaître le braille ! On voit à quel niveau ça plane des fois, hein. Oui, oui, non mais c'est comme ça. Faudrait même reconnaître le braille ! J'vois pas. J'vois pas la logique, bref. Et donc, très bien, et ça a été voté je vous jure, à l'U-NA-NI-MI-TE, pas une seule abstention. Pas une seule abstention, ni un vote contre. A l'u-na-ni-mi-té. Il était vingt heures dix, du soir. Et puis il y a eu même des applaudissements en plus de ça. Alors bon bah nous on était... Et alors, et ben on est descendu comme ça a dû se clôturer, il était... D'ailleurs après ils ont été mangé parce qu'après, c'était le dernier article qui passait, après il fallait qu'ils aillent manger parce que là...euh, bon. Après ils reprenaient, hein, ils reprenaient dans la nuit hein parce que... ils ont tendance quand même à aller tard, hein, jusqu'à deux heures du matin des fois, quand même hein. Ils reprennent à dix heures jusqu'à deux heures du matin. Bon, et là donc à huit heures alors Monsieur Jean-Pierre SUEUR et comment elle s'appelle, Michelle DEMESSINE, nous ont attendu en bas, nous ont félicité, et tout, et tout... Et monsieur

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Jean-Pierre SUEUR nous a offert une bouteille de champagne qu'on a bu au bar. Et j'ai même des photos, faut que je les retrouve d'ailleurs. On est en train de boire le champagne avec eux. Voilà la petite histoire de cette reconnaissance de la langue des signes.

Merci.

Donc, j'ai été largement bah... parce que j'ai jamais accepté qu'on puisse comme ça, d'un coup de trait de plume ou je ne sais pas trop quoi euh... supprimer quelque chose où je me battais moi déjà depuis le début quoi... voilà, ça s'est passé comme ça.

Et les conséquences alors de cette reconnaissance... (Le téléphone sonne, Monsieur BRUNEAU décroche).

On parlait donc de la reconnaissance de la loi de 2005 et de la langue des signes. Quelles conséquences a la reconnaissance de la langue des signes au niveau de l'éducation des enfants sourds ?

Alors là, bonne question. Je vais encore broder parce que c'est utile. C'était encore le sujet d'hier soir chez Madame euh...Machin.

Madame LETARD ?

Madame LETARD, euh... l'Education Nationale veut bien enseigner la langue des signes à l'école parce que la loi l'y oblige. Par contre elle ne veut pas enseigner le LPC (Langage Parlé Complété).

D'accord.

Et le LPC gueule, ils disent « pourquoi vous faîtes de la discrimination ? » « C'est pas nous c'est la loi. La loi elle vous a oublié » donc euh..., a dit que il faut respecter

toutes les formes de communication et dans l'éducation des jeunes sourds, la liberté de choix entre, entre... mais euh...

C'est le bilinguisme langue des signes, français écrit.

Voilà, voilà. Et donc euh... voilà. Alors donc l'éducation a été posée par le représentant de la LPC, en disant euh... « c'est pas normal, il y a une

discrimination ». Voilà. Moi j'y peux rien, c'est le législateur. A moins qu'on change la loi, mais... tout au moins l'article de la loi qui... de l'éducation. Mais pour l'instant l'Education Nationale ne veut pas... elle veut rien faire. Et c'est vrai, hein.

Et l'Education Nationale vous la sentez motivée, prête à agir sur...

Obligée, pas motivée, obligée. Donc euh... elle passe que la première, elle veut pas passer la seconde.

Il semblerait qu'il y ait des pôles ressources qui soient envisagés dans chaque...

Oui

... au niveau de chaque académie.

Oui, oui, ils ont des tas de projets, oui. Mais bon, il faut donner les moyens pour les faire fonctionner. Ils ne les donnent pas. Y'a toujours de bonnes raisons pour dire « bah non, c'est pas... c'est l'année prochaine ». Oui, oui, y'a pas... et bon... ils sont assez... c'est le mammouth hein, j'suis désolé hein... mais bon... j'pourrais faire bouger là d'dans moi, pfff....

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Et l'intégration individuelle, vous en pensez quoi ? Parce que, en fait, cette loi...

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Le mot intégration ça veut dire beaucoup de choses et rien dire à la fois. On intègre quoi euh... Vous mettez un chien avec un chat, c'est deux mammifères, bon... et on voit ce que ça donne hein. Non, moi l'intégration je suis pour... le vivre ensemble je suis pour, mais à partir de là, après du moment... Alors après si vous voulez faire la ghettoïsation... On va pas faire la ghetto... On va pas mettre euh... trois portugais, trois chinois, et trois je sais pas trop quoi ensemble, ils discuteront jamais ensemble si ils ne connaissent que leur propre langue. Un moment, on a beau les mettre ensemble, ils vont pas, bon... On va essayer de voir, vivre un peu ensemble mais ils communiqueront dans leur langue maternelle, c'est pareil les personnes sourdes euh... Bon, alors donc moi je suis pour l'intégration mais à certaines conditions. C'est-à-dire que, il faut euh qu'il y ait euh... euh... des enfants... on sait au départ que c'est un enfant sourd, il faut lui donner une éducation. La priorité c'est ça. Bon. Qu'ils comprennent, parce que, ça suffit pas souvent, les Sourds lisent mais ça veut pas dire qu'ils comprennent. Ils savent lire, ah oui, donc ils savent lire donc il va comprendre. Bah non, j'suis désolé. Même un Entendant, il sait lire des lignes. Il va dire blablablablabla... Ca veut dire quoi ? Euh, bah euh...Voilà. Alors un Sourd c'est pire. Donc c'est pas le tout de leur apprendre à lire. Faut leur apprendre à comprendre, ce qu'ils lisent. Et ça c'est pas évident. Et c'est pas en articulant, en articulant à un Sourd, c'est la langue des signes, c'est une langue unique, c'est une langue imagée, comme une communication qui est vraiment bien adaptée pour comprendre les choses. Alors j'ai des Sourds des fois ils me demandent un texte en français, je leur traduis en langue des signes et après je rajoute ce qu'il faut pour compléter et après ils ont compris, ils ont compris le sens. Même le sens figuré. Alors que le sens figuré, ils le comprennent pas, hein, en lecture, les Sourds. Le sens figuré, les sous-entendus tout ça, ils comprennent pas. Donc il faut leur expliquer. C'est d'ailleurs le but ici. Je vais les former, on va travailler avec internet, google... un mot, n'importe quoi, on va travailler... vous voulez le savoir, vous allez cliquer et vous avez les explications éventuellement et tout et tout.

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Et cette loi c'est d'une part la reconnaissance de la langue des signes et du bilinguisme à l'école et d'un autre côté elle prévoit d'intégrer les enfants, j'utilise ce mot d'intégration parce que c'est celui qui est employé dans la loi, elle prévoit que chaque enfant soit intégré individuellement. Est-ce qu'on peut...

Oui, c'est ça...

Est-ce qu'on peut en faire autant pour les Sourds ?

Bah oui, mais non. Qu'est-ce qui va se passer ? On va intégrer un Sourd, allez deux, allez trois Sourds, dans une classe de trente élèves. Bon, allez, on en met vingt. Ca existe pas déjà au départ, hein. Trois Sourds dans une classe de vingt. Qu'est-ce qui va se passer ? L'enseignant, qu'est-ce qui va faire ? Il va dispenser son cours d'une manière oralisée. Les personnes sourdes, elles vont pas pouvoir suivre. Si un élève au fond de la classe qui pose une question, l'enfant sourd il sait pas qu'y a une question qui est posée. Tout de suite, l'enseignant il va dire, oui bah écoute euh... ta question est bonne, viens ici l'expliquer. Et là ils auront pas compris. Donc c'est pas... non, l'intégration j'en veux pas moi, j'en veux pas. Ils participent pas... C'est pas possible. Alors, ils ont eu l'idée de créer des AVS, j'étais là moi il y a trois ans, au ministère de l'Education Nationale, sous la direction d'ailleurs de Patrick GOHET, qui était là aussi. Ils ont dit « on va embaucher des AVS, des Auxiliaires de Vie Scolaire, alors soixante heures de formation, euh voilà, nien nien... ». Soixante heures, moi je lève le petit doigt : « Et concernant les enfants sourds, la formation est de combien ? ». « Ah la formation elle est de quatre heures ». Alors là j'ai dit : « non, écoutez on n'en veut pas ». « Bah, c'est-à-dire que les handicapés... c'est des enfants handicapés ». « Oui mais les Sourds, non. Quatre heures, c'est pas une formation. C'est la communication chez eux, c'est pas... il s'agit pas de pousser le petit chariot ou de leur donner euh... le petit livre qu'ils ont besoin. C'est la communication. Si vous avez pas de personnes compétentes pour communiquer avec eux, pour aider à la communication, c'est pas

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la peine ». Alors, voilà. C'est ça, ça a commencé comme ça il y a deux ans. On s'est battu, on a même été reçu par le ministre, comment... je pêche... Qui a pris une veste d'ailleurs, il était, il s'est présenté comme député dans la Manche, et il a pris une veste...

Philippe BAS...

Voilà... C'est Philippe BAS. Dans le bureau, dans son propre bureau, au cinquième étage du ministère de la Santé, sixième étage c'était. Philippe BAS qui était là. Y avait Jérémie BOROY et y avait moi : « Monsieur BOROY je souhaiterais que vous fassiez un effort de signer le papier ». Il voulait nous faire signer un papier pour les AVS ! Y a trois associations qui ont signé, y'en a qu'une qui n'a pas signé, c'est l'UNISDA. On n'a jamais accepté de signer ce papier. Jamais on n'a accepté. Jamais, aucun. Y'a bien quatre cases, trois de signées mais pas notre signature. Non, non... Nous ce qu'on veut c'est réellement des euh... des enseignants ou des anciens qui maîtrisent la langue des signes, qui connaissent bien la communication envers les enfants sourds quoi, suivant le libre choix des parents euh... Le fameux questionnaire « Projet de Vie » pour les Maisons Départementales, le précédent questionnaire il y avait alors... « faîtes votre projet de vie », tout, et puis et bon, voilà. Mais à aucun moment on disait euh... si vous voulez, dans l'éducation des jeunes sourds, alors que la loi le dit bien, la liberté de choix et tout dans l'éducation de leur enfant, et bien c'était même pas porté dans ce projet de vie. On a obligé la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie), mais il a fallu l'attaquer. Moi j'ai fait partie de la commission au CNSA pour qu'ils le mettent dans les nouveaux questionnaires qui sont en fonction depuis le mois de janvier là.

Une dernière question ? Votre sentiment sur l'avenir de la langue des signes en France... c'est quoi ?

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Bah, j'ai de l'espoir, beaucoup d'espoir. Sauf que, bah ça suffit pas, l'espoir d'une chose, mais il faut mettre les moyens derrière. Si y a pas des moyens pour que la langue des signes elle puisse se faire accep... être connu de tous, quoique il y a de plus en plus de... d'émissions qui ... « L'oeil et la main »... on en parle de plus en plus de cette langue. Ce qu'il faudrait c'est qu'il y ait de plus en plus d'émissions à la télévision, en langue des signes, pour pouvoir justement vulgariser cette langue qui est une langue de la communication, que je dirais universelle, parce que de toute façon même si on ne parle pas la même langue des signes en France, qu'en Allemagne, en Italie ou dans d'autres pays, euh, au bout de vingt minutes on se comprend. Moi je suis allé, je sais pas si on peut le mettre ça, m'enfin... je suis allé il y a quinze ans en Thaïlande, et je parle pas le Thaï ! Avec ma femme on a rencontré à Bangkok des Sourds, un groupe de Sourds, donc j'ai dit on va aller les trouver. « Bonjour vous êtes Sourds ? ». « Ah oui, oui ». Alors ça c'est facile à se comprendre. Voilà, au bout de vingt minutes on se comprenait, je savais s'ils avaient du boulot ou pas, s'ils avaient des enfants ou pas, s'ils étaient mariés, tout et tout, je savais tout, au bout de vingt minutes, et j'parle pas l'thaï. Voilà, c'est un bon exemple. Mais oui, non mais, les gens me... quand je leur dis... mais la langue des signes c'est une langue universelle, on se comprend. Parce que les gestes sont pratiquement les mêmes et on arrive à se comprendre. La vue, les mimiques, ça y est, on a trouvé le geste qui correspond à ce qu'on avait besoin quoi. Ah non, non. Moi je suis un ardent, un fervent défenseur de la langue des signes, moi de toutes façons, là-dessus...

Vous l'aimez cette langue.

Ah oui, oui... ah oui, oui, oui. Je l'ai toujours aimé et puis bon, je la défends parce que s'il y avait pas ça euh... faut quand même penser... c'est que quand la langue des signes elle est arrivée, bon l'abbé de l'Epée, je vais pas refaire son histoire mais, à l'époque, on considérait les Sourds comme des imbéciles, comme des idiots. L'abbé de l'Epée qui est le premier instituteur gratuit pour les Sourds, hein, euh... Bien sûr

enseignait la bible, bien sûr les prières, mais on s'est rendu compte qu'il les a démutisés d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils ont pu communiquer. Et on s'est rendu compte qu'ils étaient pas bêtes, qu'il suffisait d'adapter le langage avec eux et on pouvait se comprendre. Bon, voilà. Et ça, l'abbé de l'Epée a su le faire, y'en a eu d'autres hein, des sommités au XIXème siècle, des sommités... Laurent CLERC qui est parti aux Etats-Unis, c'était quand même quelqu'un d'important. Y'a eu SICARD, l'abbé SICARD, qui étaient vraiment des gens compétents en Sourds et tout hein. Alors euh... bon maintenant un peu moins parce qu'il y a eu le Congrès de Milan en 1880 qui a fait que, qu'il y a eu carrément le noir quoi, l'obscurité. Mais les Sourds ont continué à communiquer en langue des signes. Ce qui prouve que... à travers les associations sportives surtout. Parce que bon, il y avait pas encore la loi de 1901 sur les associations, alors ils étaient mis dans des associations sportives parce qu'ils voulaient communiquer en langue des signes entre eux, et échanger entre eux. Sans ça c'était interdit quoi. Dans les écoles et tout, hein. Moi j'ai ma belle-mère qui était du Nord, elle était d'Arras, quand elle était petite on lui attachait les mains dans le dos pour pas qu'elle parle en langue des signes. Chez les bonnes soeurs c'était ça. Elle prenait des coups de règle sur les mains et tout, à chaque fois qu'elle était surprise en train de parler en langue des signes. Ma belle-mère... c'était comme ça. En Bretagne, beaucoup, Fougères euh... il y avait beaucoup d'écoles... d'ailleurs ils sont très oralisés en Bretagne, mais maintenant la langue des signes elle revient en Bretagne. Et pendant longtemps ils étaient oralisés hein. Y'a que dans les INJS où on pouvait autoriser la langue des signes. Dans les INJS c'était toléré. Mais dans les écoles privées euh... c'était des écoles de curés... parce que le Congrès de Milan c'est des sommités catholiques qui, en Italie, qui... qu'ont dit « non, il faut... c'est la langue des singes, la langue des signes c'est la langue des singes »...

201

Il y a eu du chemin de fait...

202

Oh oui, il y a eu du chemin, et puis il faut que ça continue, hein. Faut que ça continue, hein...

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault