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Le monitoring des élections présidentielles au Cameroun de 1992 à  2011.

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par Jean Pierre Loic NKULU ATANGANA
Université de Douala - Master II Recherche  2012
  

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Paragraphe 2 : Les mérites de forme du monitoring des élections présidentielles

La mise en place d'institutions électorales indépendantes par les gouvernements apparaît comme une réponse appropriée à la méfiance manifestée à l'égard des administrations électorales formatées dans la culture du système du parti unique, de fait ou de droit, et des régimes militaires d'exception310. Qualifiées par certains comme étant la manifestation de l'imagination africaine en matière d'ingénierie juridique311, ces nouvelles institutions, quel que soit le nom qui leur est attribué (d'une part l'ONEL (A) et d'autre part ELECAM (B)) sont venues appuyer et enrichir le décor institutionnel et politique de la troisième génération de la plupart des régimes politiques africains en général et du Cameroun en particulier 312.

A. L'Observatoire National des Elections (ONEL)

L'élection est l'unique mode de dévolution du pouvoir dans tout système qui se réclame de la démocratie313. Elle est une période charnière de la vie politique de tout Etat pendant laquelle le citoyen exerce l'un de ses droits constitutionnellement reconnus, le droit de vote, et un autre de ses attributs non moins importants, la liberté de candidature. Le Cameroun se veut un Etat dans lequel ces libertés fondamentales sont reconnues au citoyen et dans lequel un contentieux peut être ouvert à la suite des consultations électorales. Ce contentieux est au premier abord un contentieux complexe, car assorti de multiples spécificités. Dans ce contexte de crise de confiance à l'égard des organes traditionnels devant assurer la régularité des élections au Cameroun, le législateur crée le 19 décembre 2000, par une loi n° 2000/016, une structure sensée apporter un souffle virginal au processus électoral, l'Observatoire national des élections du Cameroun (ONEL). Ce texte est d'emblée perçu comme « un énième monument d'illusionnisme normatif et de remplissage institutionnel »314 qui institue une structure « mort-née ». C'est que l'ONEL naît alors

309 Idem.

310 El Hadj Mbodj, « Faut-il avoir peur de l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? » p. 32.

311 Du Bois de Gaudusson (J.), «Les élections à l'épreuve de l'Afrique », in Cahier Constitutionnel, no 13 /2002, p. 11.

312 La première génération correspond aux régimes directement hérités de la colonisation, la seconde génération aux régimes politiques monolithiques civils ou militaires, alors que la troisième est celle des régimes pluralistes nés de la vague de démocratisation de la dernière décade du second millénaire. Voir Somali (K) Le parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique : essai d'analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Thèse de Doctorat en Droit Constitutionnel, Université de Lille 2, 2008, p. 11.

313 Ndoumou, (F.D), Op. cit., p. 178.

314 Olinga, (A.D), « L'ONEL : Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d'un Observatoire national des élections », Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2001, p. 7.

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qu'aucun consensus entre le gouvernement et l'opposition sur la structure à retenir n'est observé, pas plus qu'on observe une participation de la société civile à cette édification d'une structure sensée garantir la sincérité des scrutins au Cameroun315. Cette institution reçoit alors un accueil mitigé auprès des milieux politiques, en raison de l'ambiguïté de son statut et de sa structuration, mais surtout des difficultés

liées à sa mission dans le processus électoral camerounais. Le statut et la structuration de l'ONEL, la loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 crée l'ONEL, et

censé garantir à tous les citoyens, électeurs comme acteurs politiques, la sincérité et la transparence des scrutins. Or, de l'avis d'Alain Didier Olinga,

« une institution est charpentée en fonction de l'idée d'entreprise qui lui sert de boussole, de principe actif et de régulateur. Entre l'idée d'oeuvre et la structure de la faire accéder à l'effectivité, il y a une relation dialectique forte : l'idée n'est rien sans une institution de concrétisation adaptée, l'institution n'est rien sans une idée qui lui insuffle une âme »316.

S'agissant du statut de l'ONEL, on peut être amené à penser que l'idée pionnière était d'en faire une structure autonome de l'administration. L'article 1er de la loi est à cet égard révélateur puisqu'il énonce qu'il est institué une structure indépendante317 chargée de la supervision et du contrôle des opérations électorales et référendaires, dénommée ONEL. C'est l'article 3 en ses alinéas 1 et 2 qui énonce la durée du mandat de l'institution qui débute dès la convocation du corps électoral et

s'achève une fois les résultats proclamés, soit par la Commission Communale de Supervision (CCS) pour les élections locales, soit par le Conseil constitutionnel pour les élections nationales318.

Cependant, quand on s'attarde sur sa dénomination, l'institution est un observatoire, c'est-à-dire, selon les termes d'Alain Didier Olinga, « une structure de vigilance de l'ensemble du processus électoral, avec un rôle de rassemblement de l'information utile à transmettre aux décideurs, à l'effet d'éclairer leurs décisions et démarches futures »319. Sa nature juridique dans l'ordre juridique camerounais est dès lors évidente ; c'est un organe consultatif qui de par sa structuration officie comme une juridiction, car pouvant connaître des réclamations non examinées au niveau des commissions mixtes de supervision. Le problème de l'indépendance de l'institution semble alors se poser avec acuité, un problème qui aura un impact

315 Lors de la 1ère législature de l'ère multipartite en 1992, l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) avait déposé une proposition visant à l'institution d'une Commission électorale nationale autonome (CENA) qui restera lettre morte. Par la suite, en 1997, les différents partis de l'opposition rassemblèrent les signatures de leurs élus en vue de proposer une révision de la Constitution à l'effet d'y insérer une Commission Electorale Indépendante (CENI). Proposition une fois de plus contrecarrée par le président de l'Assemblée nationale. Sur ces propositions d'instauration d'une Commission électorale au Cameroun, voir Olinga, (A.D), Op. cit., pp 7-13.

316 Olinga, (A.D), «Art. cit.», p. 13.

317 C'est nous qui soulignons.

318 Bedjoko Mbassi, « Le vote au Cameroun depuis 1992 : Exigences normatives et pratiques sociales », in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9 p. 142.

319 Olinga (A.D), «Art. cit.», p. 14.

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évident sur la conduite de sa mission320. Au regard de la structure de l'ONEL, qu'elle soit centrale ou déconcentrée, aucun rattachement formel à une autre structure de l'Etat n'est observé, ce qui dénote d'une relative autonomie vis-à-vis de toute structure étatique. Cependant, l'ensemble des membres est nommé de façon discrétionnaire par le président de la République, même lorsque ce dernier est candidat à sa propre succession, ce qui est critiquable et pour le moins incohérent. Une garantie est toutefois offerte aux membres, relativement à leur mandat, car celui-ci court tout au long de celui de l'institution et qui plus est, ils sont inamovibles. Mais, ainsi que le relève Alain Didier Olinga, ils n'ont aucune garantie de retrouver leur poste à la prochaine mise en place de l'institution321. Le pouvoir discrétionnaire du président de la République sur l'institution est prépondérant, car il peut nommer, selon son bon vouloir, des membres pour une année électorale précise et ceux-ci forcément ne seront pas reconduits lors de la mise en place prochaine de l'institution. N'ont-ils pas ainsi intérêt à oeuvrer pour la stratégie mise en place par le pouvoir en place afin d'espérer être reconduits à leur poste ? Les membres de l'ONEL bénéficient d'immunités pour les opinions ou actes commis dans l'exercice de leurs fonctions et il est prévu un certain nombre d'incompatibilités à l'exercice de celles-ci, ce qui, en principe, est susceptible de renforcer l'indépendance de la structure. Toutefois, certaines incohérences de la loi de 2000 remettent en cause cette autonomie de l'institution322. Au plan financier et matériel, la totalité des moyens mis à la disposition de l'ONEL viennent de l'Etat. Son budget est inséré dans le budget général de l'Etat, ce qui a conduit Alain Didier Olinga à écrire que « l'Etat maîtrise intégralement les moyens de l'indépendance de l'ONEL »323. L'institution n'a pas la possibilité de s'autofinancer ou de procéder à des appels de fonds étrangers à ceux de l'Etat camerounais324 et les indemnités allouées à ses membres ainsi que les frais de mission qu'ils perçoivent sont accordés sur des conditions fixées par décret « du président de la République vraisemblablement », précise Alain Didier Olinga325.

Si dès lors on peut effectivement admettre que le président de la République a un pouvoir important en ce qui concerne la nomination des membres de l'ONEL et que l'Etat est le principal bailleur de fonds de l'institution, on est amené à penser que l'ONEL doit, par son propre engagement et des actions concrètes, bâtir progressivement son indépendance. Elle a eu à le faire, au demeurant, en s'acquittant de sa mission lors de certaines consultations électorales. C'est l'article 2 de la loi de 2000 qui éclaire sur la mission de l'ONEL. Celle-ci, aux termes de cette disposition, est de « contribuer à faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, l'impartialité, l'objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs, ainsi qu'aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits ». L'ONEL, qui se greffe aux différentes structures existant déjà dans le processus électoral, devrait s'assurer que l'ensemble de ces structures font ce que les

320 De l'avis des membres de l'opposition camerounaise, l'ONEL ne peut qu'être une structure inféodée au pouvoir en place, au regard de l'autorité qui nomme les membres, de l'origine des moyens qui lui sont alloués et de son mandat.

321 Olinga (A.D), «Art. cit.», p. 21.

322 Dime Li Nlep, (Z.P), La garantie des droits fondamentaux au Cameroun, Mémoire de DEA en Droit international des Droits de l'Homme, Université Abomey-Calavi, Bénin, 2004, pp.80-87, disponible sur www.memoireonline.com consulté le 19 juin 2014.

323 Ibidem. p. 21.

324 A l'inverse de cette situation, la CENI au Tchad peut compléter son budget par des concours financiers extérieurs, cité par Olinga, (A.D), Op. cit., p. 22.

325 Idem.

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textes prévoient. Pour Célestin Sietchoua Djuitchoko, il ne fait « que s'ajouter, par sédimentation, au dispositif électoral existant déjà... »326. L'ONEL a ainsi une mission de supervision et de contrôle de l'ensemble du processus électoral et ses pouvoirs d'action sont sensés lui permettre de mener à bien cette mission. Il a, à cette fin, des pouvoirs d'injonction aux autorités administratives en vertu de l'article 12 alinéa 2 de la loi de 2000 et peut même saisir les juridictions compétentes en matière de contentieux électoral dans les cas de violation de la loi électorale. Lors des élections municipales et législatives du 30 juin 2002, l'ONEL a aidé à signaler de graves irrégularités qui ont justifié l'annulation des élections dans le département du Nkam, en vertu de l'article 12 alinéa 3 de la loi de 2000327. C'est ce rôle-là qu'il a joué à l'occasion de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004.

Du reste, l'ONEL a, malgré ces difficultés, des actions dans le domaine de la protection des droits électoraux des citoyens camerounais. Ainsi, afin de mener à bien sa mission de supervision et de contrôle des opérations électorales au Cameroun, et pour la sincérité du double scrutin présidentielle du 11 octobre 2004, cette institution avait demandé et obtenu que les bureaux de vote ne soient pas installés dans des domiciles privés328. Il a pu se déployer sur l'ensemble du territoire national, recruter des délégués pour le jour du vote et a véritablement procédé à une campagne d'information à l'attention du public329, participant, à n'en point douter à un contrôle strict de la transparence du scrutin et partant, de la sincérité du vote des électeurs camerounais. Mais si l'ONEL veut participer à la construction d'un processus électoral crédible au Cameroun, il doit pouvoir, de l'avis de Bedjoko Mbassi, « être une structure permanente, dotée de moyens propres en vertu d'une loi votée par le Parlement. Une telle autonomie, poursuit-il, le conduirait non seulement à être indépendant vis-à-vis du pouvoir, mais à intégrer dans son programme la formation de cadres électoraux indépendants et du personnel de soutien, immédiatement opérationnels, une fois que les circonstances l'exigent »330. Ces différents critères lui permettront d'acquérir son autonomie et de pouvoir former son propre personnel qui serait ainsi rompu aux complexités de la chose électorale. Mais, la transparence des consultations électorales, qui voient la consécration du principe « un électeur, une voix »331, passe au Cameroun par une nécessaire implication de tous les acteurs concernés par le processus électoral : les électeurs, les candidats, l'administration qui organise les élections, les commissions mixtes à caractère non juridictionnel, les juridictions compétentes en matière de contentieux électoral, l'ONEL, pour ne citer que ceux-là. Elle nécessite aussi, à notre avis, une relecture par le juge constitutionnel des différentes lois électorales en vigueur et qui ne lui ont pas été déférées, afin que soient expurgées de l'ordre juridique les normes non conformes à la loi fondamentale332. En effet, celles-ci contribuent grandement à fausser la compétition électorale et, partant de là, violent les droits fondamentaux des citoyens. Il est à noter toutefois que de toutes les différentes structures de vigilance du

326 Sietchoua Djuitchoko, (C), « Introduction au contentieux des élections législatives camerounaises devant la Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel », Juridis périodique, n° 50, Avr.-Mai-Juin 2002, p. 92.

327 Selon cette disposition, « les manquements commis par les partis politiques, les candidats ou les électeurs peuvent (...) être portés par l'ONEL devant les autorités judiciaires », cité par Olinga, (A.D) « Art. cit», p. 75.

328 Lire à ce sujet, Observatoire National des Elections (ONEL), Rapport général sur le déroulement de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004, p. 134.

329 Ibidem, p. 77.

330 Bedjoko Mbassi, «Art. cit. », p. 143.

331 Dime Li Nlep, (Z.P), Op. cit., p.79, disponible sur www.memoireonline.com, consulté le 19 juin 2014.

332 Dime Li Nlep, (Z.P), Op. cit., pp. 90-101.

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processus électoral, l'ONEL est la seule composée de personnalités indépendantes. Il lui revient donc d'écrire ses lettres de noblesse à chaque fois que l'occasion lui est donnée, notamment lors des différentes consultations électorales et pourquoi pas en dehors, en se forgeant par-là un caractère de quasi-permanence. Cette caractéristique de permanence est tout de même affectée à un autre organe nouvellement entré en vigueur : ELECAM.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"