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Le consensus en droit électoral camerounais


par Rodrigue Stéphane Agathon Ondoa
Université de Douala - Master 2 2017
  

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PARAGRAPHE 2 : L'AFFIRMATION DE DEUX PROCÉDURES CONCURRENTES

L'idée de concurrence dans la mise en oeuvre du consensus est consécutive à l'existence de méthodes aux allures opposées. Cette concurrence s'évalue dans l'admission de procédés parlementaires (A), et aux côtés desquels se déploient aussi les procédés usités par l'exécutif (B)

A- Les procédés parlementaires

Dans la recherche de la manifestation du consensus en droit électoral, le Parlement dispose des moyens spécifiques. C'est en effet dans l'institutionnalisation du débat parlementaire et de l'existence d'un double examen des textes qu'il faut mesurer la pertinence d'une telle prétention.

Sur le premier point, notamment le débat parlementaire, c'est la modalité qui lie le travail parlementaire. Le débat parlementaire est échelonné à divers stades de la procédure depuis le dépôt des textes sur le bureau de l'Assemblée Nationale et du Sénat, jusqu'à leur adoption finale en assemblée plénière199 en passant par une seconde lecture éventuellement200. Et ce n'est qu'à la

197 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.33.

198 La « procédure est synonyme d'un processus, de progression. C'est une trajectoire à suivre destinée à obtenir un résultat » : ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit., p.74.

199 Article 29 (1) de la loi constitutionnelle de 1996.

200 L'article 19 (3) de la loi constitutionnelle de 1996 dispose qu'« avant leur promulgation, les lois peuvent faire l'objet d'une demande de seconde lecture par le Président de la République (...) ».

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fin de ce débat que le Parlement, par une délibération c'est-à-dire par une résolution collective, prise à la majorité des voix, adoptera définitivement le texte. Telle est du moins la lecture faite par le Doyen MAURICE HOURIOU201. En conséquence, la législation qui émerge du Parlement à de particulier que son contenu est déterminé, selon ÉRIC LANDOWSKI, « par une confrontation préalable entre parlementaires (...) à travers l'échange d'arguments et de contre-propositions, de démonstrations et de réfutations »202.

Cette apologie du débat parlementaire prend-t-elle en compte la réalité de l'environnement politique qui conditionne le fonctionnement du Parlement ? À vrai dire, l'éloge fait au débat parlementaire ne prend pas en compte certaines considérations pratiques car la vitalité et la pertinence de celui-ci dépend entièrement de l'équilibre politique de l'institution parlementaire. C'est dire autrement que la pertinence du débat parlementaire est largement tributaire de la configuration politique même du Parlement. En clair, le poids du débat parlementaire ne prend une résonnance objective que si les deux camps qui s'affrontent sont équilibrés. Dans le cas contraire, on aura un débat à sens unique, c'est-à-dire, « une suite de monologues disjoints »203 . Tout se passera alors comme si la tribune parlementaire était un lieu réservé à ceux de la majorité qui ont en commun les mêmes intérêts, qui parlent d'une même voix ; les dissidents étant proscrits. Quoi qu'il en soit, l'issue de ce débat est sanctionné par ce que ÉRIC LANDOWSKI204 appel « l'arbitrage quantitatif » qui conduit à l'adoption d'un texte en considération de la règle majoritaire. Cette règle fondamentale qui a été propulsée au rang de légitimation du pouvoir politique en régimes démocratiques à la fâcheuse vocation à faire taire l'opposition205, même si ALAIN FENET fait remarquer que les actes législatifs et notamment ceux illustrés dans la matière électorale ne sont pas par essence arbitraire, dans la mesure où ils ont à l'origine une base sociologique206.

Pour le dire, il suffit simplement de se remémorer les propos de l'ancien porte-parole du Gouvernement KONTCHOU KOUOMEGNI AUGUSTIN qui en substance déclara que « dans aucun régime démocratique au monde d'aujourd'hui la majorité n'a l'obligation d'aller s'entendre avec la minorité pour venir ensuite gouverner(...) Et je ne sais pas si actuellement dans l'une des grandes démocraties occidentales le gouvernement est fondé sur l'entente entre la majorité et l'opposition »207. Cette vision rétrograde et à la limite « fantaisiste » pour reprendre le

201 Cité par Jean GICQUEL et Eric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Domat Montchrestien, 21e édition, 2007, p.631.

202 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire (...) », op.cit., pp.433-434.

203 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire (...) », op.cit., p.441.

204 LANDOWSKI (Eric), « Le débat parlementaire (...) », op.cit., p.438.

205 SADRY (Benoit), Bilan et perspectives de la démocratie représentative, Thèse, op.cit., p.321.

206 FENET (Alain), op.cit., p.99.

207 Voir Cameroon Tribune, n°6438 du lundi 22, septembre 1997, pp.3-4. Propos analysé par OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun(...) », op.cit., p.40.

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Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, illustre fort bien le sort réservé à la minorité politique en générale et celle parlementaire en particulier. Il conviendrait alors d'échauder des politiques d'équilibre pour corriger et atténuer les imperfections du paradigme majoritaire208 qui cantonnent la minorité à une insignifiance certaine209. L'objectif étant à long terme, de guérir le « mal de consensus » dont souffriraient selon MILACIC SLOBODAN210les démocraties contemporaines, puisque le vote majoritaire, en dernière analyse, dénature l'idée véritable de consensus au point d'en diluer la consistance. De toute évidence, dans une situation où une classe politique fusse-t-elle majoritaire s'accorderait sur les termes d'un texte au dépend d'une autre, il ne sera pas étonnant que la doctrine le qualifie de « consensus biaisé »211. Cependant l'on doit rester lucide sur la pratique réelle de ce mécanisme, car même s'il est admis que la discussion d'une loi électorale est d'un enjeu politique de première importance, il serait naïf, comme le souligne le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA de penser que le discours sur la nécessité du consensus est politiquement désintéressé212.

Sur le second moyen, le double examen des textes comme on la indiqué est la conséquence de l'adoption par le Cameroun d'un système bicaméral. Ce bicamérisme qui s'entend dans l'existence de deux chambre au Parlement induit que tous les textes soit examinés à la fois par le Sénat et l'Assemblé Nationale. Cette exigence a pour avantage de densifier les débats avant toute adoption finale des textes, et des règles électorales au cas d'espèce. Mais comme l'a relevé plus haut, la configuration déséquilibrée du Parlement camerounais qui produit déjà un résultat mitigé du débat parlementaire, tend aussi à édulcorer la sincérité du double examen des textes en même temps qu'elle éloigne la perspective d'une navette. Relativement à la navette parlementaire, certaines précisions méritent d'être faites.

Dans la recherche du consensus autour des textes législatifs, il a été institué dans les Parlement des mécanismes particuliers. Ceux-ci, essentiellement axés sur le débat parlementaire s'échelonne comme on l'a déjà précisé, à divers stade de la procédure législative. Il est à noter que théoriquement, ce débat peut être prolongé par ce qu'il est convenu d'appeler « navette

208 NJOYA (Jean), « Etats, peuples et minorités en Afrique sub-saharienne : contraintes anthropologiques et défi démocratique », 4e Forum Mondial des droits de l'homme (Thème Identités et minorités : vivre et agir ensemble dans la diversité), Nantes-France, 28 juin 1er juillet 2010, p.16.

209 Ibidem.

210 Cité par NJOYA (Jean), « Etats, peuples et minorités en Afrique sub-saharienne (..) », op.cit., p.16.

211 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun (..) », op.cit., p.38.

212 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun (..) », op.cit., p.38.

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parlementaire ». Ainsi, cette exigence qui s'origine du texte constitutionnel et réitéré par le règlement intérieur des assemblées permet d'aboutir à une « écriture » objective de la loi. Dans le cas qui nous préoccupe, il faudrait préciser d'entrée de jeu que la navette parlementaire qui figure au rang des grandes innovations du travail parlementaire au Cameroun, doit son avènement à un réajustement du système parlementaire effectué par le constituant camerounais de 1996213. Ce bref aperçu permet donc d'établir avec KAMO TIEKWE que l'avènement de la navette parlementaire et le système bicaméral sont consubstantiellement liés214. Bien plus, suivant le raisonnement de COLIN JEAN-PIERRE, elle favorise la recherche du consensus démocratique215 puisqu'elle a vocation à prolonger les débats entre les deux chambres réunies en commission mixte. Elle a alors le mérite de redorer d'un point de vue théorique les débats au sein du Parlement.

Seulement, lorsqu'on aborde la question pratique de son exercice, on découvre la réalité d'une institution laissée à la merci de la conjecture politique. Il en est ainsi parce que le jeu de la navette parlementaire n'est ouverte qu'à partir du moment où il n y a pas accord absolu entre les députés, après rejet de tout ou partie du texte par les sénateurs, et le Président de la République peut convoquer la réunion d'une commission mixte paritaire216. C'est dire toute la contingence de cette procédure. Or les Parlements tel qu'on les connaît dans le monde sont composés d'individus partageant les mêmes convictions, et regroupés suivant leur sensibilité politique de telle sorte que d'un côté il y a une majorité et de l'autre une minorité. Cette configuration presque constante crée un déséquilibre conséquent au sein de l'institution parlementaire, rendant alors le déclenchement de la navette quasiment improbable. Et c'est à cette idée qu'elle confirme son caractère éventuel, tout en marquant une rupture dans la recherche du consensus.

Déjà minée par la force du nombre, l'idée d'un processus législatif consensuel n'est-elle pas définitivement larguée par l'adoption d'une garantie qui étrangement subit le même sort que l'illusion entretenue autour de la séance plénière. En conséquence, il n y a plus lieu de faire la surenchère d'une procédure dont la mise en oeuvre est subordonnée à la survenance d'un éventuel désaccord entre les parlementaires de la majorité. La conclusion qui s'impose alors est que le

213 Cf. KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), La navette parlementaire au Cameroun, Mémoire de DEA, Droit Public Interne, Université de Douala, 2013/2014, p.32.

214 KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), Mémoire, op.cit., p.30.

215 Cité par KAMO TIEKWE (Idrys Sorel), Mémoire, op.cit., p.13.

216 Article 30 (3.c.) de la loi constitutionnelle de 1996.

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débat parlementaire aussi bien que la navette qui l'accompagne, éventuellement, ne sont que de belles institutions qu'on a malheureusement vite fait de couronner en droit parlementaire camerounais.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard