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Le consensus en droit électoral camerounais


par Rodrigue Stéphane Agathon Ondoa
Université de Douala - Master 2 2017
  

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PARAGRAPHE 1 : LA DÉRIVE DU POUVOIR LÉGISLATIF

Par dérive, il faut entendre au sens du Dictionnaire Hachette Encyclopédique227« l'évolution incontrôlée et dangereuse d'un phénomène ou de l'action de quelqu'un », ou « le fait de ne pouvoir se diriger, de se laisser aller, d'être sans volonté ». Parler alors de dérive du pouvoir parlementaire revient à envisager l'incapacité pour ceux qui l'incarne à pouvoir affirmer leur autonomie dans le jeu institutionnel, et notamment dans leur capacité à assumer leur rôle de

224 L'article 24(1) dispose que « le Directeur Général et le Directeur Adjoint des Elections sont nommé par décret du Président de la République pour un mandat de (5), éventuellement renouvelable, après consultation du conseil électoral ».

225 Il est admis dans la tradition jurisprudentielle que les actes de gouvernement s'apprécient en considération de la matière à laquelle ils se rapportent. Ils doivent donc être pris dans des domaines bien précis. C'est en effet à la suite de quatre affaires distinctes (KOUANG GUILLAUME-CHARLES c/ Etat du Cameroun, Jugement rendu en date du 31 mai 1979 ; ESSOMBA MARC-ANTOINE c/ Etat du Cameroun, Jugement 29 mars 1980 ; ESSOUGOU BENOIT c/ Etat du Cameroun, 24 avril 1980 et 19 mars 1981) que le juge administratif camerounais sur les pas de son homologue français, va définitivement fixer le contenu des actes de gouvernement. Voir MAURICE (Kamto), Actes de gouvernement et droits de l'homme au Cameroun, Lex Lata, n°026, mai 1996, pp.9-14.

226 Cité par BEGNI (Bagagna), « Les ambiguïtés du bicamérisme en Afrique (..) », op.cit., p.153.

227 Cf. MBALLA OWONA (Robert), « Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe (..) », op.cit., p.93.

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représentants. L'instrumentalisation dont-ils font l'objet, (A) déteint sur la séance plénière (B).

A- L'instrumentalisation228 des assemblées parlementaires

Lorsqu'on se penche sur la condition réelle des institutions politiques « rénovées » ou « consolidées » au lendemain des transitions politiques des années 1990, il est frappant de constater avec MATHURIN C. HOUNGNIKPO229 que « le vent du renouveau a simplement manqué d'apporter du vrai nouveau, car dit-il, Øles mordus du pouvoir' en Afrique ont eu le temps de jongler avec l'histoire ». On se rend compte en effet que le grand ménage institutionnel annoncé, n'a en réalité été effectué que dans le sens d'accroitre la sphère d'influence du Chef de l'État230. Aidé par le jeu trouble de certains acteurs dans le débat politique, les manoeuvres présidentielles ont considérablement affaiblies les mécanismes classiques de la représentation politique puisqu'elles agissent comme des forces contraignantes sur les représentants de l'opinion231. Mais comment comprendre l'instrumentalisation dont la représentation du peuple fait l'objet ? À la base, BENOIT SADRY explique que le système mis en place par les partis est tel que, avant de pouvoir être candidat, un individu doit rechercher au préalable l'investiture de l'une de ces entités pour bénéficier d'un soutien politique et financier pour assurer sa campagne électorale232. En sus de l'investiture du parti, une poignée de parlementaires, à l'instar des sénateurs sont nommé par le Président de la République233. Cette nomination si elle ne constitue pas aux dire du Professeur ALAIN DIDIER OLINGA234 une violation du principe général de non contradiction, force est de reconnaître que les mécanismes actuels mis en place pour assoir la représentation politique créent un lien de dépendance du parlementaire vis-à-vis du Président de la République, mais aussi des partis politiques. D'ailleurs pour BÉGNI BAGAGNA, la

228 L'instrumentalisation peut être entendue comme une « action, pour un système politico-économique, de considérer l'Homme comme le moyen d'atteindre des objectif qui ne correspondent pas à ses intérêts matériels et moraux », MIGNARD (Patrick), L'illusion démocratique : Essai sur la politique à l'intention de celles et ceux qui doutent ... Toulouse, AAEL, janvier, 2003, p.106.

229 MATHURIN (C. Houngnikpo), « L'illusion démocratique en Afrique », L'Harmattan, 2004, p.7.

230 Lire ONDOA (Magloire), « La dé-présidentialisation du régime politique Camerounais », in Solon, Revue Africaine de parlementarisme et de démocratie, vol. II, n°1, 2003, PP.1-40.

231 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.118.

232 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.120.

233 L'article 20 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

234 Cité par BEGNI (Bagagna), « Les ambiguïtés du bicamérisme en Afrique (...) », op.cit., p.154.

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nomination des sénateurs réalise une inféodation du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif235. Pour BERNARD CHANTEBOUT, ce système va plus loin. En ce sens, les partis politiques interfèrent aussi, sur la représentation par l'encadrement des groupes parlementaires (...). Les représentants restent dépendant de leur famille politique tout au long de leur mandat et, par ce biais, les partis tiennent les assemblées236. Acculés en outre par la discipline du parti, les parlementaires et notamment ceux de la majorité sont réduits à des porte-parole de l'exécutif dominé par le Président de la République, président du parti majoritaire. C'est ce qui fait dire à BENOIT SADRY que les décisions dans ce contexte paraissent bien arrêtées en dehors du Parlement, celui-ci n'étant plus le lieu privilégié de la discussion délibérative237. Au-delà de cette considération, le lien presque inébranlable entre le parlementaire et le parti politique débouche sur le développement de la « partitocratie ». Le phénomène de la partitocratie qu'il est donné d'analyser dans le contexte africain en rapport avec la production du droit électoral, est en réalité une problématique qui préoccupe les pays du vieux continent. Ce n'est donc pas un problème proprement africain. Nous allons néanmoins nous focaliser sur le site qui est le nôtre pour révéler la portée de la logique « partitocratique » dans le système de fabrication des règles du jeu politique.

Alors que le pluralisme s'obtenait à l'arraché238, la société politique africaine allait bientôt faire face à un système partisan miné par un développement exacerbé de la partitocratie. Cette dernière, ayant favorablement nourrit les fantasmes du parti unique devait curieusement refaire surface à l'avènement proclamé du multipartisme dès les années 1990. D'après MICHEL HEINTZ239, « le régime des partis » tel que pensé à l'ère du politique contemporain a abouti à un gel du jeu politique au point d'empêcher l'émergence d'une alternative franche, preuve que ce système s'est emparé des rouages institutionnels. C'est que la prise en otage des processus décisionnels par les partis240 a conduit à un «verrouillage » institutionnel déversant sur ce que JEAN-LOUIS BRIQUET241 appel le « clientélisme des machines politiques » pour assurer leur maintien au sommet de la chaîne politique.

235 BEGNI (Bagagna), « Les ambiguïtés du bicamérisme en Afrique (...) », op.cit., p.154.

236 Cité par SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.121.

237 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.123.

238 AKA LAMARCHE (Aline), « L'évolution du régime représentatif dans les Etats d'Afrique francophone, Jurisdoctria, n°9, 2013, p.132.

239 HEINTZ (Michel), « D'une partitocratie tempérée », avril 2006, pp.43-44.

240 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.118.

241 BRIQUET (Jean-Louis), « Le clientélisme politique dans l'Italie contemporaine », HAL, 16 décembre 2013, p.4.

Le consensus en droit électoral camerounais

Le clientélisme de parti242 duquel émerge le « phénomène partitocratique » constitue une véritable « anomalie » politique243 qui affecte largement les mécanismes de sécrétion du droit en dénaturant la « sincérité » du débat parlementaire. Et comme on le verra plus bas, il explique en partie le déclin de la séance plénière. Dans ce sillage, on comprend que, les parlementaires (surtout ceux de la majorité) plus soucieux de la sauvegarde des intérêts des partis dont leurs carrières dépendent, se livrent à des montages juridiques orientés. La loi qui émerge dans ce contexte perd-t-elle toute signification objective, au point de laisser les illustres BRUNO OPPETIT et CARBONNIER sur un air nostalgique. Pour ces derniers, la loi est devenue une technique de « pilotage à vue » devant servir les intérêts immédiats 244 . Cette consistance sommaire des implications de la partitocratie sur le fonctionnement normal des institutions étatiques montre bien que la représentation politique est sous l'emprise d'« un gouvernement occulte »245.

Au totale, le Parlement au Cameroun est encore dominé par un exécutif fort. Cette position qui a la particularité de déteindre sur ses missions n'atteste-t-il pas du « déclin » de cette institution. Cette dérive parlementaire qui est au coeur de nos propos affecte principalement la séance plénière.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci