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Collectes de fonds humanitaires (fundraising) : comment élaborer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.


par Guillaume Dubus
Université Jean Moulin Lyon 3 - IAE Lyon - Master 2 Management et Communication 2019
  

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3.3. Une professionnalisation qui nourrit la professionnalisation

Aujourd'hui, le fonctionnement structuré des services de communication, organisés autour de professionnels a fait ses preuves au profit d'une diffusion plus étendue et de collectes plus rentables. Nous l'avons vu, les recettes croissantes de dons récoltés ont accéléré la professionnalisation des « entreprises humanitaires58 » et on peut se demander si ce n'est pas cette professionnalisation elle-même qui nourrit aujourd'hui la nécessité de communiquer sur la cause, à défaut d'un pur objectif d'information, de témoignage ou de dénonciation. À ce propos, Pascal Dauvin note que les communicants « réussissent à convaincre les responsables des ONG de l'intérêt de développer leur activité59 ». Il mentionne aussi que « le succès non démenti du discours des ONG a nourri son institutionnalisation et l'émergence d'un corps professionnel capables de justifier la nécessité de communiquer sur la cause60 ». En d'autres termes, les professionnels participent eux-mêmes à créer le besoin de communiquer sur les causes et en apportant une réponse à ce besoin, trouvent le moyen de justifier leur poste auprès de leur hiérarchie et de négocier de futurs budgets.

56 Brauman, La communication des ONG humanitaires, 150.

57 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.14

58 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.9

59 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.14

60 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.9-10

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PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire

Nous terminerons cette sous-partie en rappelant que dès leur déploiement, les services dédiés à la collecte des ONG humanitaires ont dû se structurer pour pouvoir solliciter les donateurs de façon plus efficace. Il a fallu changer d'échelle en recrutant des personnes qualifiées et en investissant dans des outils performants qui tirent pleinement parti des nouveaux moyens de communication. Des méthodes de marketing direct à l'exploitation de la puissance des bases de données, le fundraising a poursuivi son évolution à travers le numérique qui a ouvert de nouveaux canaux d'acquisition et a bouleversé la discipline.

4. Les coproducteurs du discours humanitaire

Le passage d'une communication engagée à une communication professionnalisée a suscité des débats surtout lorsqu'elle a commencé à être utilisée pour générer des dons. La collecte de fonds renvoie une mauvaise image, c'est pourquoi ce « sale boulot» pour reprendre l'expression de Pascal Dauvin, est souvent sous-traité aux agences. Dans ce cas, la volonté d'externaliser le travail n'est donc pas seulement liée aux compétences qu'elles pourraient apporter mais bien à un problème interne lié à l'éthique, nous y reviendrons plus tard. Ce qui nous intéresse ici, c'est la relation entretenue par les différents acteurs qui in fine participe à la création du discours humanitaire.

Nous avons évoqué les agences de communication qui tiennent un rôle central dans la communication humanitaire mais d'après Christophe Ayad, grand reporter au service international de Libération, les organisations humanitaires cultivent une relation ambiguë avec un autre acteur majeur : les médias. Dans un article intitulé Journalistes et humanitaires : sous-entendus, malentendus, il détaille plus précisément le rapport et les similarités qui les lient : leurs parcours d'études, leurs valeurs, leurs références culturelles. Comme nous c'est le cas aussi entre les agences, certains passent d'un milieu à l'autre pendant leur carrière, d'autres se côtoient dans les mêmes cercles et ceux qui ont eu une expérience commune sur le terrain continuent de se fréquenter à la fin de leur mission. Ces liens dépassent largement la relation habituelle entre une source et un média.

Sur le terrain, les correspondants utilisent les capacités logistiques des ONG pour accéder à des zones de conflit. Ces dernières sont des sources privilégiées pour les journalistes car elles sont bien intégrées dans le tissu local et connaissent parfaitement la situation du moment. Pascal Dauvin confirme que les grands reporters ou les correspondants locaux tissent un système de relations privilégiées avec les chefs de mission des ONG. Pour lui, cela a une incidence sur le discours humanitaire qui n'est pas fabriqué en autarcie : « il est le résultat de collaborations à la fois confiantes et méfiantes entre journalistes et ONG et entre ONG et agences de communication61. » Denis Maillard, auteur et philosophe politique, parle de « lien consubstantiel de l'humanitaire et de la communication62 » pour expliquer pourquoi l'ONG a autant besoin du journaliste que le journaliste de l'ONG.

C'est vrai sur le terrain, mais en France aussi les relations sont constantes : les journalistes sollicitent fréquemment les ONG pour leur expertise, leurs données statistiques ou leur réserve inépuisable d'histoires, qu'il s'agisse de témoignages de l'équipe ou de success-stories à propos des bénéficiaires.

61 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.17

62 Maillard, La communication des ONG humanitaires, p.69

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PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire

Ce terme est défini dans le Larousse par le « Récit ou analyse, à la fois chronologique et synthétique, de la réussite d'une personne, [...] d'une opération63. » De leur côté, les communicants envoient des dossiers et des communiqués de presse anglés à une sélection de journalistes stratégiquement choisis.

De cette collaboration, les ONG tirent aussi leur bénéfice car elles cherchent à soigner leur image et à être visibles. Pour Pascal Dauvin, « le discours humanitaire est le résultat d'une offensive des communicants en direction des journalistes64 ». Parmi les pratiques humanitaires, il n'est d'ailleurs pas rare que des ONG proposent, organisent et financent le déplacement de journalistes sur le terrain. Ces derniers le font parfois sur leur temps libre pour développer leurs contacts et s'imprégner de la réalité du terrain. À leur retour, ils écrivent pour l'association ou vendent à des rédactions des reportages dans lesquels sont mentionnées les activités de l'association. Est-ce un hasard pour les purs besoins de l'article? Est-ce une manière pour les journalistes de rendre la pareille aux ONG ou est-ce un prérequis formulé par les associations?

Les voyages de presse officiels sont des pratiques quasi similaires qui sont aussi soumises au questionnement. Certaines ONG les ont d'ailleurs bannis de leur pratique. Il s'agit d'organiser le déplacement pour emmener une délégation de journalistes sur un terrain. C'est souvent le cas pour les crises d'urgence, lorsque les ONG sont déjà en place et qu'elles mettent à disposition leur logistique. En retour, il est fort probable que les journalistes écrivent des articles citant l'ONG. Pour les associations, quoi de mieux qu'une publication dans la presse pour mettre en avant leurs activités et leur marque à moindre coût. Mais dans ce cas, il est intéressant de se demander où se trouve la limite entre la commande, le publireportage et le journalisme.

Si cette relation gagnant-gagnant apporte de nombreux bénéfices, elle peut aussi créer une dépendance nuisible si une des parties manipule l'autre pour servir son propre intérêt. Hormis ce risque, nous pouvons affirmer que la relation ambiguë entre humanitaires et journalistes tout comme celle entre humanitaires et agences de communication a une influence directe sur le discours produit. C'est pourquoi Pascal Dauvin parle de « coproducteurs du discours humanitaire65 ».

Il est intéressant de considérer l'espace médiatique pour comprendre ce qui définit les énoncés humanitaires. L'humanitaire intéresse les médias car il correspond aux attentes du public et tout média s'attache à satisfaire les attentes de son audience. Ainsi, d'après Pascal Dauvin, « dans cette logique de marché, la presse écrite ou télévisée traite l'humanitaire selon des angles ajustés à ses cibles, en privilégiant l'analyse et souvent l'émotion66 ». Dans une certaine limite, il y a donc une volonté d'adapter le message pour qu'il « plaise » ou qu'il soit compris par une audience donnée.

Le choix des sujets couverts par une rédaction est par conséquent affecté par cette même logique. Dans un rapport intitulé Souffrir en silence, l'ONG CARE dresse le bilan des crises oubliées en 2016. Un article de Damien Roustel paru en janvier 2017 sur le site de l'Humanité en fait le résumé et évoque la crise alimentaire en Érythrée comme la moins citée dans les médias avec seulement 91 articles sur 250 000 analysés, bien que cette crise ait affecté plus de 2 millions de personnes. D'autres, comme au Burundi ou la situation autour du lac Tchad, ont pratiquement été inexistantes du paysage médiatique cristallisé à cette époque par le conflit syrien, irakien et la crise européenne des réfugiés.

63 Éditions Larousse, « Définitions : success-story, success-stories - Dictionnaire de français Larousse », (consulté le 29 juillet 2019), https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/success-story_success-stories/75166

64 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.19

65 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.16-17

66 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.19

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PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire

Selon CARE, « ce manque de visibilité dans les médias porte préjudice aux victimes car l'attention des médias influence la levée de fonds nécessaires pour répondre aux urgences. Être informé invite à s'engager et à faire un don, c'est «l'effet CNN»67 ».

Le choix des médias quant aux sujets qu'ils traitent a donc une influence directe sur les bénéficiaires des aides humanitaires car les programmes bénéficiant d'une couverture médiatique plus large, seront mieux financés que les autres.

D'un autre côté, les ONG, qui comptent sur les médias pour relayer leurs informations, ajustent leur communication en fonction de la demande médiatique. Ainsi, si l'attention est centrée sur telle crise ou sur telle région du globe, les organisations humanitaires s'emploient elles aussi à communiquer sur les mêmes thématiques.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus