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L'enseignement de l'histoire en Bolivie

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par Julian Saint-Martin
Université Paris 7 Paris Diderot - Master 2018
  

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III-B/ L'histoire dans le programme et les manuels scolaires de la loi 1565.

Dans la loi 1565, l'article sur l'identité nationale et celui sur l'interculturalité et le bilinguisme se succèdent, ceci n'est pas anodin. En effet, il s'agit de bien énoncer que ces dernières nouveautés ne remettent pas en question ni en péril l'identité nationale bolivienne. La reconnaissance des identités et cultures indigènes soulèvent des craintes de balkanisation de la Bolivie. A partir de ce moment, l'enseignement de l'histoire acquiert le rôle crucial d'éduquer les indigènes à la fois sur leur propre

pobladores para la formación de la conciencia nacional a través de un destino histórico común. »

129 Articulo 1,6, Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994 :« Es intercultural y bilingüe porque asume la heterogeneidad socio cultural del país en un ambiente de respeto entre todos los bolivianos, hombres y mujeres. »

130 Articulo 2,4, Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994. : « Fortalecer la identidad nacional, exaltando los valores históricos y culturales de la Nación Boliviana en su enorme y diversa riqueza multicultural y multiregional. »

131 Articulo 2,8 et 9, Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994.

132 Articulo 30,3, Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994 : « grupo sociocultural específico, su país, su región, y del sentimiento de pertenencia a su su continente y al género humano en general. »

133Articulo 30, 4 Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994.

134 Entretien avec Ana Evi Sulcata,sociologue de l'éducation, spécialiste travaillant pour les C.E.P.O. Lundi 20
mars 2017, La Paz.

135 Entretien avec Monica Sahoneno, sociologue de l'éducation. Mercredi 29 mars 2017 La Paz.

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histoire mais aussi de les maintenir dans un sentiment d'appartenance à la nation. L'éducation doit « construire l'unité dans la diversité 136».

La réforme éducative de 1994 donne comme mission à l'histoire de parvenir à une meilleure connaissance des évolutions et héritages des peuples, à l'aide d'un travail systématique sur trois plans : la Bolivie, l'Amérique Latine et le Monde. L'histoire telle qu'elle est présentée dans la loi semble vouloir développer un esprit critique tout en expliquant les processus historiques pour pouvoir se projeter dans le futur137. Le rôle identitaire de l'enseignement de l'histoire prend désormais tout son sens pour les indigènes. Les connaissances historiques doivent se baser sur des expériences de la vie quotidienne et du milieu de l'enfant. Ainsi, les expériences personnelles, familiales, scolaires et communautaires servent de support pour l'enseignement de l'histoire. Cela dans le but de créer le sentiment d'appartenance à un groupe social et d'en comprendre ses spécificités tout en connaissant les autres peuples qui composent la Bolivie138.

Pour parvenir à cette éducation historique adaptée au contexte de l'écolier, le ministère de l'Éducation déploie un tronc commun, un curriculo base, un programme de base qui peut être complété par un curriculo diferenciado, un programme différencié selon le contexte. Ce dernier doit prendre en considération les spécificités ethniques, culturelles mais aussi environnementales pour rendre l'enseignement concret et utile pour l'enfant. Dans un but de participation des différents acteurs de l'éducation, les programmes sont conçus par les écoles, les juntes scolaires139 et par des spécialistes en pédagogie 140 . La réforme de 1994 institue également les Conseils Éducatifs des Peuples Originaires141 (CEPOs), au nombre de quatre, qui représentent les peuples aymaras, quechua, guarani et l'ensemble des peuples amazoniens. Ces conseils assument la mission de participation sociale des peuples originaires dans l'éducation en tant qu'auxiliaires des juntes scolaires. Ces instances sont le fruit des luttes sociales pour une éducation indianiste, entamées dans les années 1970 par les kataristes, et poursuivies par les syndicats indigènes dans les années 1980. Les CEPOs doivent participer aux politiques publiques pour l'application de l'éducation interculturelle et bilingue142.

Cependant, dans le but de conserver le sentiment d'appartenance à la nation bolivienne avant leurs origines indigènes ou régionales, un tronc commun est imposé à l'ensemble du pays. Une fois encore, cette réforme de l'éducation constitue une véritable révolution en reconnaissant le rôle des indigènes dans l'histoire bolivienne. En effet, l'analyse du programme révèle de nombreuses évolutions dans l'enseignement historique en Bolivie. Le programme historique différencie désormais la culture occidentale et la culture sud-américaine. Ainsi, dans le programme de second cycle du primaire, qui correspond aux années 4,5 et 6 (9, 10 et 11 ans) l'enseignement historique se divise entre l'histoire de l'humanité, l'histoire de l'Amérique et l'histoire de la Bolivie. L'histoire de l'humanité regroupe, entre autres, les énoncés suivants : « La datation historique dans le monde occidental à partir de la naissance du Christ143.», « ...les périodes classiques de l'histoire européenne (Antiquité, Moyen Age, époque Moderne et époque contemporaine)144. », « Les périodes de l'histoire américaine :

136 Articulo 30, 7 Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994.

137 Articulo 43 Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994.

138 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

139 Les « juntas escolares » sont les associations de parents d'élèves qui se doivent de s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants et dans le fonctionnement de l'école selon la loi 1565 (et 070).

140 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

141 Consejos Educativos de Pueblos Originarios.

142 Ministerio de Educación. Reforma Educativa. Plan y programas de estudio para el nivel primario: segundo ciclo. Ministerio de Educación. La Paz, 2003.

143 Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994

144 Ibid.

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précolombienne, coloniale et indépendances.'45» Ce programme historique réparti en trois années de primaire montre bien une volonté de connaître le monde occidental mais aussi de comprendre que la Bolivie n'en fait pas partie. Cette introduction des historiographies permet de comprendre que certaines normes occidentales sont en vigueur en Bolivie sans pour autant les assimiler comme fondamentalement boliviennes.

L'histoire de l'Amérique présente le peuplement des Amériques puis les grandes civilisations précolombiennes : Mayas, Aztèques, Aymaras, Incas et Guaranis et enfin le système d'étages écologique des peuples andins'46 . L'histoire de Bolivie aborde la période coloniale incluant les soulèvements indigènes. Le XIXème siècle permet d'étudier les conflits entre les communautés et les haciendas dans les régions andines et dans l'Orient. Durant le XXème siècle, les mouvements sociaux, telles que les insurrections paysannes, doivent être étudiés. Ainsi contrairement à précédemment, les indigènes sont étudiés dans toutes les périodes, que ce soit dans l'histoire américaine comme nationale. Pour la première fois aussi, l'Orient fait partie du programme de base.

Finalement, le programme de sciences sociales, qui inclut les enseignements d'histoire, doit aussi présenter certains thèmes rattachés à la culture et à l'identité. Pour ce cycle, il s'agit de l'apprentissage des symboles de la patrie, mais aussi des autres cultures en Bolivie. Enfin, cet enseignement a aussi comme nouvelle vocation de démentir les stéréotypes à la base du racisme, du machisme et du classisme, toujours dans une recherche de plus d'équité et de respect mutuel'47. Les sciences sociales sont les matières les plus adéquates pour développer les thèmes de la diversité et de l'interculturalité. Ces thématiques s'observent notamment dans les contenus sur les présentations des espaces ruraux et urbains, sur les nouvelles revendications sociales des groupes ethniques. Néanmoins, il est à noter que l'enseignement de langue sert aussi en grande partie de support pour l'enseignement de la diversité et de l'interculturalité'48.

La réforme de 1994 s'est surtout illustrée par la gigantesque production de matériel scolaire avec la bibliothèque de la réforme éducative, « les dix millions de livres '49» produits par l'État et les maisons d'éditions de manuels scolaires tel que Santillana.'50 En effet, la coopération avec l'UNICEF'5' et l'UNESCO'52 ainsi qu'avec la Banque Mondiale, apportent leurs expériences et un financement, ce qui rend possible la production de nombreux manuels qui remplissent les bibliothèques des écoles'53.

Des maisons d'édition telles que Santillana et La Hoguera publient de nombreux manuels scolaires qui servent de support aux enseignants, et qui constituent le plus souvent, la base du cours. Ces manuels ne prennent en compte que le tronc commun du programme de la réforme éducative de 1994, le contenu ne comprend pas d'éléments des programmes diversifiés. Dans l'étude qui suit, les textes analysés sont ceux des années de 4ème, 5ème et 6ème de primaire.

145 Ibid.

146 Les peuples andins produisaient et échangaient différentes denrées complémentaires sur les plateaux, le littoral et les vallées.

147 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

148 Ibid.

149 Expression pour qualifier l'ensemble des productions de la loi 1565.

150 Un conseillé présidentiel souhaitant rester anonyme, 2017.

151 United Nations International Children's Emergency Fund : Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance

152 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization : L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.

153 Entretien avec Juan Martinez, ancien vice-ministre de l'éducation,Santa Cruz, le lundi 17 avril 2017

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Santillana

Santillana est une grande compagnie espagnole présente dans de nombreux pays hispanophones. Il s'agit du principal producteur de manuels scolaires en Bolivie. Cette maison d'édition s'est introduite en Bolivie en 1994 dans le cadre d'une coopération avec l'État pour produire les livres de la réforme. Santillana regroupe des spécialistes de diverses nationalités afin de produire des ouvrages d'une grande qualité mais aussi d'un prix élevé154. Ces manuels sont avant tout destinés aux enfants d'écoles privées. Bien qu'on puisse trouver des points de distribution dans les principales villes du pays, basée à La Paz, Santillana est proche du gouvernement et donc de la culture andine155.

De manière générale, les textes de Santillana sous la réforme de 1994 cherchent à suivre les principes de la loi 1565. Ainsi, ces manuels abordent des thématiques de l'éducation pour la démocratie, l'équité, la diversité et l'interculturalité de manière transversale. Pour ces deux derniers points, il existe une section « tenemos la palabra 156», un récit fictif d'un enfant qui présente sa culture, sa région et les caractéristiques de son peuple157.

Les manuels furent étudiés aux archives du siège de Santillana qui regroupé les manuels édités en 1995 et en 2003. Les manuels scolaires de sciences sociales de 5ème et 6ème année de primaire, édités en 1995 par Santillana permettent de constater l'accent mis sur la découverte de la diversité de la Bolivie. Ces ouvrages s'adressent clairement à des enfants issus de milieux urbains. Ainsi le monde rural est présenté bien plus longuement que le monde urbain, ce qui constitue une nouveauté. Cependant, l'analyse de ces deux ouvrages révèle une histoire nationale encore très importante, qui ne vise pas spécialement à développer le sens critique des élèves. De plus, les femmes sont très peu représentées dans l'histoire enseignée dans ces manuels158.

Le manuel de 6ème année de primaire de Santillana publié en 2003 est un bon exemple du respect à outrance de l'enseignement de la diversité. En effet, la place consacrée à l'histoire sert ici à présenter les peuples indigènes et leurs moeurs. Cependant, les histoires des Aymaras et des Quechuas sont développées en profondeur, établissant ainsi l'histoire préhispanique de la Bolivie comme fondamentalement andine. Un seul chapitre regroupe tous les peuples des terres basses et les présentent de manière englobante comme des chasseurs cueilleurs sylvicoles. Pire encore, il présente les cultures des basses terres comme sous-développées en comparaison aux Aymaras et aux Quechuas. Les auteurs de ces manuels affirment à propos des peuples des basses terres que « Aucun d'entre eux n'ont réussit à développer une technologie agricole complexe. 159»

Ainsi, douze pages sont consacrées aux Aymaras contre un paragraphe pour les Guaranis, comme pour la plupart des autres peuples, qui sont, de ce fait, présentés comme de seconde importance. L'établissement de l'interculturalité ne passe pas par la fin de l'andinocentrisme pour Santillana, au contraire, interculturalité rime ici avec supériorité de l'importance des indigènes andins sur les autres.

154 Environ 100 Bolivianos par ouvrage, soit 13 euros, une somme importante pour un pays où le salaire minimum est d'environ 150 euros. En comparaison, un repas coûte 15 Bs.

155 Entretien avec Carolina Loureiro, Directrice de Santillana à La Paz. Jeudi 16 mars,2017 La Paz.

156 « Nous avons la parole. »

157 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 1995.

158 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 1995. Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 5, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 1995.

159 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2003.

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La Hoguera

La Hoguera est une maison d'édition de Santa Cruz de la Sierra qui met en avant son origine bolivienne. Cette compagnie présente des moyens plus réduits mais aussi des prix plus abordables que ceux de Santillana160. Plus encore, La Hoguera oriente sa production pour répondre aux différents moyens financiers des écoles et des élèves en produisant trois types de manuels. La Hoguera, la version la plus complète présentant une discipline et des activités pédagogiques. La Siembra, une édition sans activités et donc plus courte et plus économique. Et enfin, la moins onéreuse, Multitexto, un manuel qui regroupe quatre disciplines. Ainsi, les écoles publiques de Santa Cruz regorgent de manuels de La Hoguera161 . Les textes de La Hoguera appliquant la loi 1565 furent étudiés aux archives du siège de La Hoguera à Santa Cruz de la Sierra. Cette archive regroupait les manuels de 4eme, de 5eme et de 6eme années de primaire publié en 2004, en 2005 et en 2007.

Ces derniers ne prennent pas autant en compte la diversité culturelle que ceux de Santillana. La présentation de la diversité est ici abordée sous l'angle du folklore, délaissant ainsi les caractéristiques culturelles des différents peuples. L'enseignement de l'histoire dans ces ouvrages reste très factuel. A l'inverse des ouvrages de Santillana qui ont recours à des activités pédagogiques, les ouvrages de La Hoguera n'actualisent pas l'enseignement historique selon les directives de la loi 1565. Pire encore, La Hoguera, basée à Santa Cruz de la Sierra ne présente les indigènes des terres basses, c'est à dire les indigènes de la région, sur une seule page du manuel de 5ème année de primaire162. Et il en est de même pour la ville de Santa Cruz, qui n'apparaît que sur 6 lignes lors de l'indépendance. Ainsi, La Hoguera répète l'histoire andinocentrée afin de suivre le programme163. L'enseignement de l'histoire permet de présenter la diversité du pays mais comme l'histoire n'est pas rattachée au présent, cet enseignement ancre les peuples originaires dans le passé.

Les ouvrages de La Hoguera publiés en 2004 et 2005 pour les années de 4eme, 5eme et 6eme mettent en place des activités et réflexions sur l'égalité des genres, sur la compréhension historique mais aussi un nationalisme à travers l'étude de fêtes et chants civiques164. Certains éléments révèlent la différence des enjeux pour une maison d'édition de Santa Cruz en comparaison à une maison d'édition de La Paz. Ces manuels présentent la diversité du pays dans sa totalité, pas seulement par la diversité des cultures indigènes, mais aussi entre les cultures métisses des différentes villes boliviennes. Dans le manuel de 5ème, les cultures aymara (appelées colla) et inca ne sont pas présentées aussi longuement que dans les manuels de Santillana165. Plus encore, la civilisation de Tiwanaku est présentée comme une première grande civilisation de l'Occident et non pas du pays. Ainsi, la vision dichotomique de

160 Selon le type d'ouvrage, les prix oscillent entre 40 et 70 Bolivianos, soit environ entre 5 et 10 euros.

161 Entretien avec Edgar Lora Gumiel, Assesseur Pédagogique pour La Hoguera, 10 avril 2017, Santa Cruz.

162 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, La Siembra, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2003.

163 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

164 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 4, La Hoguera, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2004.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, La Hoguera, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2004.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, La Hoguera, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2004.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, Multitexto,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2005.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Multitexto,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2005.

165 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, La Hoguera, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2004.

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l'Orient166 et Occident et le sentiment de deux histoires distinctes pour les orientaux s'affirme à travers les manuels de La Hoguera. Dans l'ensemble des ouvrages de La Hoguera pour les années 2005 et 2007, les thèmes de la découverte des Amériques et de l'époque coloniale gardent un point de vue très européen167. Le sujet semble être abordé de manière objective, sans jugement mélioratif ou péjoratif. L'histoire reste cependant factuelle et centrée sur les dirigeants.

Illustration 3: La Hoguera, une histoire très factuelle.

Le manuel de 6eme de primaire de La Hoguera présente une histoire factuelle et centrée sur des acteurs individuels, ici, une liste des présidents du XXème siècle, et de leurs actions ,2007.

(Photo : Saint-Martin)

166 L'Orient regroupe les départements de Santa Cruz, le Béni et le Pando.

167Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, Multitexto,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2005.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Multitexto,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2005.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, La Hoguera,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2007.

Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, La Hoguera,, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2007.

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El Pauro

La maison d'édition El Pauro, comme La Hoguera, fut fondée à Santa Cruz de la Sierra. Les livres étudiés regroupent l'ensemble des disciplines pour les 5emes et 6emes années de primaire, publiés en 2007. Ces ouvrages débutent par un remerciement à Dieu en introduction, rappelant ainsi l'impossible dissociation du catholicisme et de l'école dans les faits. Cette introduction rappelle aussi la liberté de positionnement religieux des maisons d'édition. Dans l'enseignement de l'histoire de la Bolivie pour les 5èmes, on retrouve l'idée de hiérarchisation des indigènes en faveur des civilisations andines : « les peuples sédentaires étaient déjà plus évolués. 168 » Le progrès technologique reste l'indicateur de développement dans ce manuel scolaire : « Cependant, ils n'arrivèrent pas à connaître la roue ni l'écriture.169». Ainsi, même les civilisations andines sont rabaissées en comparaison au modèle de civilisation qu'est l'Europe, qui apporte ces technologies. Dans cet ouvrage, les premières civilisations sont illustrées par l'image d'un indigène mâchant la coca, une représentation tout à fait contemporaine des indigènes ruraux, rattachant ces derniers aux antiques civilisations.

Illustration 4: La représentation stéréotypée des Indigènes.

Le manuel de El Pauro pour les 5eme de primaires illustre les premières civilisations avec l'image d'un indigène mâchant la coca, ce qui correspond au stéréotype du paysan indigène contemporain, 2007. (Photo : Saint-Martin)

Les périodes historiques de Tiwanaku, des seigneuries aymaras ou encore de l'empire Inca sont présentées comme des événements sans liens historiques. Il s'agit plus d'une liste de cultures du passé. Ce livre offre un savoir encyclopédique sans réelles réflexions sur les processus historiques

168 El Pauro, 5eme de primaire, multitexto, Santa Cruz, 2007 : « Los pueblos sedentarios ya eran mas evolucionados. »

169 Ibid : « Sin embargo, no lograron a conocer ni la rueda ni la escritura. »

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menant au présent. Dans ces manuels aussi, l'histoire reste très factuelle et centrée sur le récit de vie de héros. Enfin, une carte de la répartition de certains grands peuples indigènes en Amérique du Sud révèle l'inexactitude de cet ouvrage, plaçant les peuples aux mauvais endroits'70. Le manuel scolaire dédié à la 6eme révèle d'autres informations douteuses. Ce livre présente ainsi une théorie du peuplement israélien par les européens'7'. Cet ouvrage se rattache à l'Orient, Tiwanaku est présenté comme une culture parmi les autres cultures précolombiennes, et 4 pages sont réservées à la présentation des Guaranis. Il s'agit de l'histoire Guarani la plus développée parmi tous les manuels de La Hoguera ou de La Santillana. Il s'agit bien d'un travail historique et non pas d'une simple présentation ethnographique'72.

La réforme de 1994, à travers la reconnaissance de la diversité, permet de découvrir l'Orient bolivien. Pour la première fois, les cultures d'Amazonie et des plaines sont étudiées dans l'éducation nationale. Ainsi, la Bolivie découvre une identité autre que Andine, une identité bien plus variée. Cependant, le point de vue andin de l'histoire enseignée persiste'73. Cela s'observe dans le programme, avec le presque inexistant contenu réservé à l'histoire des régions et des peuples originaires de l'Orient en comparaison à la part consacrée aux régions andines'74. L'observation des manuels scolaire de La Hoguera et de Santillana rend bien compte de cet andinocentrisme. Les connaissances de la fin du XXème siècle ne permettent pas d'établir une histoire aussi précise pour les peuples andins que pour les peuples de l'Orient. Ainsi, les terres basses ne sont que peu prises en compte dans l'histoire de la Bolivie. Ces cultures sont associées au passé et leur présentation est biaisée par un point de vue civilisateur. Les intellectuels qui ont participé à la rédaction du programme et des manuels de Santillana sont soit étrangers, soit originaires de La Paz, ce qui explique cet andinocentrisme'75. Pour ce qui est de La Hoguera, la nécessité de répondre au programme et le manque de matériel historique à disposition mais aussi le racisme inhérent à Santa Cruz peut expliquer le manque d'informations sur les peuples des terres basses.

De manière générale, le contenu de ces manuels présente une histoire linéaire qui reste une histoire de personnages, de héros, au détriment d'une histoire de groupe'76. De la même manière ; les indigènes sont incorporés dans l'histoire nationale à travers des figures héroïques comme Tupac Katari. L'histoire indigène est surtout valorisée par la reconnaissance du passé indigène de la Bolivie. Néanmoins, il est remarquable de constater l'écart dans les approches du contenu historique ainsi que dans la qualité et le respect à la réforme des manuels scolaires selon leur maison d'édition.

Il est intéressant de noter que l'éducation interculturelle et bilingue s'est appliquée de manière très inégale dans le pays, surtout pour ce qui est du bilinguisme. En effet, comme il a été dit, certains peuples indigènes sont démographiquement plus importants que d'autres en Bolivie et de manière générale, le bilinguisme s'est appliqué pour les langues aymara, quechua et guaranis, les langues les plus parlées après l'espagnol. De même la conception d'histoire propre à chaque peuple indigène n'a pas eu lieu pour les peuples « minoritaires » qui présentaient une faible population et des moyens financiers et intellectuels quasi inexistant, du fait de leur marginalisation dans la société bolivienne. Il est ici surtout question des peuples sylvicoles de l'Amazonie'77. Si les nations quechuas et aymaras

170 El Pauro, 5eme de primaire, multitexto, Santa Cruz, 2007.

171 El Pauro, 6eme de primaire, multitexto, Santa Cruz, 2007.

172 Ibid.

173 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

174 Ley 1565 , La Paz, 7 juillet 1994.

175 Entretien avec Paula Peña Hasbun, historienne et archiviste et directrice du musée d'histoire de Santa Cruz. Le 7 avril 2017, Santa Cruz.

176 SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural.

177 Entretien avec Ana Evi Sulcata, sociologue de l'éducation, spécialiste travaillant pour les C.E.P.O. Lundi 20 mars 2017, La Paz.

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ont reçu un traitement privilégié du fait du caractère andin du gouvernement, le peuple guarani par exemple a mené une lutte de revendications politiques et sociales pour bénéficier de cette nouvelle éducation178. Les ONG jouent un rôle fondamental dans la constitution de matériel pédagogique et d'histoire locale. Les Guaranis Izocenos par exemple ont pu bénéficier d'une histoire locale179, grâce au travail sur place de l'anthropologue Isabelle Combes, financé par l'UNICEF. La production de matériel historique et bilingue constitue donc désormais un enjeu politique pour les peuples indigènes.

Malgré les énormes efforts consacrés à la mise en place de cette réforme de l'éducation, ce projet éducatif se heurte à plusieurs difficultés. L'un des principaux problèmes de cette réforme est sa mise en place annuelle par classe. C'est à dire que chaque année, une nouvelle classe était réformée, en commençant par la 1ere année de primaire. De ce fait, la mise en place effective de la réforme éducative est lente et fastidieuse180. Pire encore, le secondaire n'étant pas réformé, il continue de suivre les programmes de la loi de 1973, qui est totalement opposé à la réforme de 1994, notamment sur le thème de la reconnaissance de la diversité et sur l'identité nationale. Un autre problème qui lui est souvent reproché réside dans le manque de formation des enseignants181. Les efforts de la réforme de 1994 se sont concentrés sur le plan technique, sur la réalisation d'un ensemble de matériel pédagogique et d'un programme cohérent, mais la formation des enseignants n'a pas été réformé comme il aurait fallu pour une transformation si importante de l'éducation. Les enseignants, baignant encore dans les héritages du colonialisme, ont du mal à appliquer une éducation interculturelle et à promouvoir l'égalité des genres ou des ethnies. Enfin, le dernier point, sans doute le plus problématique, est l'opposition des enseignants à ce projet. En effet ceux-ci sont furieux car ils n'ont pas été consultés pour la réalisation de la loi 1565. Néanmoins, ce rejet se comprend principalement par le contexte. Le syndicat des enseignants, d'influence trotskiste, se place en opposition contre le gouvernement libéral de Gonzalo Sánchez de Lozada. Or, en ces années de renforcement de l'influence des syndicats, les enseignants écoutent et suivent les prérogatives de leur syndicat182 . Finalement, le chaos des années 2000 met fin à tout espoir d'établissement réel de la réforme de 1994. Pourtant, le projet qu'il porte, issu d'un long processus, ne s'éteint pas malgré l'élection du syndicaliste cocalero Evo Morales le 18 décembre 2005. Son élection, suite à des vagues de contestations sociales très violentes, notamment de la part des indigènes qui se sentent toujours défavorisés économiquement, met fin aux régimes néo-libéraux en place depuis 1982183. Le nouveau président, qui s'inscrit dans la tradition révolutionnaire du MNR des années 1952, souhaite transformer profondément la Bolivie, c'est pour cela qu'il établit une nouvelle constitution en 2009 et qu'il souhaite réformer l'éducation en 2010 à l'aide de la loi 070 Avelino Sinani - Elizardo Perez.

178 Entretien avec Esther Aillon, historienne de l'éducation en Bolivie au XXème siècle, le 22 mars, La Paz et CNC CEPOs, Una Educación desde la identidad, 2017 in : https://youtu.be/nuMBau9G7Xw

179 COMBES Isabelle, Arakae historia de las comunidades Izocenas, Proyecto KAA- YIA, Santa Cruz, 1999.

180 Entretien avec Monica Sahoneno, sociologue de l'éducation. Mercredi 29 mars, La Paz et Daniel Armando Pasquier Rivero, directeur de l'école privée Santo Tomas de Aquino lundi 10 avril 2017, Santa Cruz

et SOUX Maria Luisa, SOUX Maria Eugenia, WAYAR Marianela, Diversidad cultural, interculturalidad e interacion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, Bolivia, 2006.

181 Ibid.

182 Entretien avec Juan Martinez, ancien vice-ministre de l'éducation,Santa Cruz, le lundi 17 avril 2017 183ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

42

Chapitre IV : A partir de 2005, l'histoire pour revaloriser le caractère indigène de la Bolivie.

IV- A/ La révolution démocratique d'Evo Morales et du MAS : le déploiement d'une nouvelle idéologie.

Evo Morales Ayma base sa crédibilité sur son origine indigène, car il se revendique aymara, et sur son origine paysanne, comme en témoigne son ascension via le syndicat des cocaleros, le CSUTCB.184 Très marqué par l'ingérence américaine dans la guerre contre les narcotrafiquants dans les années 1980 et 1990, il construit un discours indianiste basé sur le rejet des étrangers qui exploitent les ressources du pays et contre l'impérialisme américain185. En quelque sorte, il inverse le discours du gouvernement libéral du début du XXeme siècle. Dans son raisonnement, la Bolivie est affaiblie non pas par sa population indigène, mais bien par tous les blancs et étrangers qui ont détruit ce pays dans le but de l'exploiter. De ce fait, la Bolivie doit être décolonisée pour qu'elle redevienne un pays indigène et prospère, car seuls les indigènes sont aptes et en droits de gérer les ressources du pays justement186. Cependant, le président indigène ne souhaite pas pour autant exclure les blancs et métis de la société bolivienne, il souhaite une coopération. Son parti politique, le Movimiento Al Socialismo (MAS) est en fait un regroupement des forces sociales du pays. La décolonisation de la Bolivie occupe une place centrale dans le projet d'Evo Morales. Tout ce discours est clairement orienté vers la base de son électorat, les masses paysannes indigènes qui n'ont jamais eu autant d'influence qu'au cours de ces dernières années, grâce à leurs puissants syndicats. La «décolonisation» de la Bolivie laisse miroiter aux indigènes une amélioration de leurs conditions économiques et sociales.

Il s'engage à respecter dans les institutions de l'État les valeurs capitales de l'empire des Incas de «Ama Suwa, Ama Kella, Ama Llulla», expressions quechua qui signifient ne pas être voleur, ne pas être paresseux et ne pas être un menteur. Mais aussi le principe de de «ivimaraei»187 un mot guarani qui signifie terre sans mal, un concept regroupant les valeurs guaranis188.

Evo Morales veut faire une révolution culturelle pour décoloniser la Bolivie. Il met en application son projet décolonisateur avec plusieurs mesures. Sa première grande décision est de nationaliser les entreprises étrangères qui exploitaient les ressources gazières et pétrolifères du pays en 2006. Le président indigène ne peut les chasser du territoire car il ne peut se passer de leur maîtrise technologique pour exploiter ces ressources. Néanmoins, cela lui permet de mettre en avant ses efforts pour l'indépendance de la Bolivie face aux puissances étrangères. Pour révolutionner le pays, Evo Morales crée une nouvelle constitution qui instaure l'Etat Plurinational de Bolivie le 7 février 2009189. La Constitution Politique de l'État permet surtout d'inscrire dans la constitution bolivienne l'importance de la reconnaissance de la diversité et du caractère indigène de la nation bolivienne.

La décolonisation de la Bolivie vise à briser la hiérarchisation ethnique de la société bolivienne mise en place par la colonisation. La valorisation des cultures et connaissances indigènes font donc parti des grands projets d'Evo Morales. Pour changer les mentalités, Evo Morales souhaite

184 Confédération Syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie.

185 ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

186 CANESSA, Andrew. « Les paradoxes des politiques multiculturelles en Bolivie: entre inclusion et exclusion. » Problèmes d'Amérique latine. 2014.

187 MORALES Evo, Constitución Política del Estado , El Alto, 2009 : « ... facultad deliberativa, fiscalizadora y legislativa departamental en el ámbito de sus competencias y por un órgano ejecutivo. »

188 CAUREY Elias, Arakuaa Jembo (Educación, Lengua y Cultura de la Nación Guaraní), APG, Camiri, 2014.

189 LAVAUD, Jean-Pierre. « La Bolivie d'Evo Morales: continuités et ruptures. » Problèmes d'Amérique latine. 5 octobre 2012. N° 85.

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s'appuyer sur l'éducation. C'est pourquoi il travaille dès les premières années de sa première présidence à l'élaboration d'une réforme de l'éducation. Ce temps d'élaboration est l'occasion pour Evo Morales d'afficher les limites de la radicalité de son projet. En effet, en 2007, il renvoie son ministre de l'éducation Felix Patzi qui prévoyait une éducation où les langues indigènes s'enseignaient au détriment de la langue espagnole et plus encore, où les religions chrétiennes serait interdite à l'école. Or, cette dernière interdiction semble inacceptable pour la population bolivienne, largement chrétienne190. Ces travaux aboutissent le 20 décembre 2010 avec la publication de la loi numéro 070 qui est nommée loi Avelino Sinani - Elizardo Perez (ASEP) en hommage aux fondateurs de l'école Warisata qui opérait dans l'organisation sociale privilégiée d'Evo : l'ayllu. Le gouvernement d'Evo Morales légitime la nécessité d'une réforme de l'éducation par des critiques de la réforme de 1994. Suivant l'idéologie du MAS le gouvernement dans son programme de base édité en 2012 décrit la réforme de 1994 en ces mots : «...développant les compétences individuelles [...] formation de ressources humaines comme main d'oeuvre peu chère pour engrosser les industries, usines et entreprises transnationales privatisées par l'État, en réponse aux politiques économiques du Fond Monétaire International et de la Banque Mondiale 191 .» On retrouve ici le discours classique nationaliste, qui accuse les étrangers d'exploiter les ressources au détriment du vrai peuple. Cette critique envers la loi 1565 permet de légitimer de nouveau le gouvernement d'Evo Morales qui vient libérer les indigènes. Elle permet aussi et surtout de justifier la mise en place d'une nouvelle réforme de l'éducation, toujours dans ce but « décolonisateur ». Le MAS reproche à la loi 1565 d'être une production de la Banque mondiale, conçue uniquement par des spécialistes étrangers selon des plans internationaux de développement et de mondialisation et surtout sans prendre en compte les principaux acteurs de l'éducation en Bolivie192

Pour se démarquer du gouvernement néolibéral et pour aller plus loin dans la participation sociale dans l'éducation, le MAS charge la Commission Nationale de la Nouvelle Loi de l'Éducation Bolivienne (CNNLEB) de produire la nouvelle loi éducative. Cette commission regroupe ainsi 40 personnes représentant 22 institutions étatiques et syndicales, qui comprennent, entre autres, des syndicats indigènes et du corps enseignant193. Contrairement à la loi de 1994, le gouvernement d'Evo Morales instaure une formation obligatoire pour les enseignants, le Programa de Formación Complementaria para Maestros y Maestras194 (PROFOCOM). Cette formation, sur deux ans, est censée expliquer le projet éducatif aux enseignants de manière à ce qu'ils puissent appliquer correctement la réforme. Dans les faits, le PROFOCOM est avant tout une formation qui présente le positionnement politique du MAS. Le PROFOCOM manque de contenu méthodologique et technique195. Le PROFOCOM est obligatoire et permet d'obtenir le statut de « licenciado196 », ce qui offre des avantages financiers et un meilleur statut. Le but de cette formation semble donc de formater les enseignants selon les pensées du MAS197 . Le gouvernement d'Evo Morales critique même la production intensive de livres de la réforme de 1994. N'ayant pas les moyens de produire autant de matériel pédagogique, certains intellectuels proches du gouvernement accusent ces livres d'avoir été commandés à Santillana, ce qui aurait donc surtout profité aux établissements privés et urbains.

190 VILLARROEL Edith, « Historia de La Educación En Bolivia », Calameo in : http://www.calameo.com/read/0006773922ebc426d9c9e [accessed 29 September 2016].

191 Minsiterio de Educacion, Curriculo base de educacion regular, La Paz, 2012: «... desarrollando competitividad individualizada [...] formación de recursos humanos como mano de obra barata para que engrosen las industrias, fábricas y empresas transnacionales privatizadas por el Estado, respondiendo a las políticas económicas del Fondo Monetario Internacional y el Banco Mundial.»

192 Decret Suprême 28 725

193 Entretien avec Ana Evi Sulcata,sociologue de l'éducation, spécialiste travaillant pour les CEPO 20 mars, La Paz.

194 Programme de Formation Complémentaire pour Maîtres et Maîtresses.

195 Entretien avec Weimar Ino, Enseignant chercheur en science de l'éducation à l'UMSA Lundi 27 mars, La Paz.

196 Diplômé

197 Entretien avec Juan Martinez, ancien ministre de l'éducation et de nombreux enseignants et directeurs, 2017 Santa Cruz.

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Faisant de la réforme de 1994 une réforme orientée pour les riches, à l'inverse de celle de 2010 qui oeuvrerait pour les ruraux et les plus démunis198. Or dans les faits, cela n'est pas vrai, on retrouve des ouvrages de 1994 même dans des écoles rurales démunies de tout le reste199. Ainsi, un discours de décrédibilisation de la réforme néo-libérale se construit afin de légitimer la réforme de 2010 et afin de la valoriser.

Pourtant, la loi 070 ASEP reprend grandement la loi loi 1565 et l'approfondit. Par exemple, si la loi 1565 promouvait une éducation interculturelle et bilingue, désormais la loi 070 ASEP instaure une éducation interculturelle, bilingue et intraculturelle. L'intraculturalité de l'éducation consiste à tirer une utilité pour la vie de l'enfant de l'apprentissage des autres cultures qui composent la Bolivie200. Concrètement, l'intraculturalité se traduit par le soutien pour le développement des cultures des Nations ou Peuples Indigènes Originaires Paysans (NPIOC) et par l'incorporation de leurs connaissances et leurs cosmovisiones 201 dans le programme de base. La connaissance des cosmovisiones indigènes est un enjeu important dans cette nouvelle réforme. Cette nouvelle loi établit des principes qui ne sont souvent pas réalistes ou qui ne s'accompagnent même pas de tentatives de mise en place. C'est le cas par exemple de la laïcité de l'école, qui est loin d'être effective202. La loi ASEP utilise la base de la loi précédente et elle y insère l'idéologie portée par le MAS, de nombreux intellectuels opposés au MAS dénoncent ici une « idéologisation ». C'est à dire que les textes officiels de cette réforme de l'éducation servent surtout de support pour illustrer la représentation et la place des indigènes dans la société bolivienne contemporaine plutôt qu'à offrir un texte technique et précis permettant d'appliquer convenablement un projet éducatif203.

Le caractère indigène de ce gouvernement est omniscient. Ainsi, l'éducation doit oeuvrer pour le « vivir bien », un concept andin de société harmonieuse, et pour le respect de Pachamama204 . L'éducation doit aussi respecter les principes fondamentaux quechua et guaranis déjà évoqués précédemment pour les institutions étatiques205 . L'établissement du nouvel État plurinational se déroule grâce au développement de nouveaux symboles nationaux. Il fait par exemple de la feuille de coca, une denrée pourtant principalement cultivée et consommée par les indigènes andins, un symbole « panindigène». La feuille de coca représente la lutte pour la préservation des cultures et droits indigènes face à la répression des occidentaux, incarnée par la lutte des États-Unis d'Amérique contre la cocaine206 . Un autre exemple important est celui du Wiphala, le drapeau des peuples andins. Comme pour la coca, ce symbole andin est projeté à l'ensemble des peuples indigènes et finalement il est érigé en symbole national, puisqu'il est présent à côté du drapeau national dans les musées, sur les mairies et autres monuments étatiques. Evo Morales crée de nouveaux symboles pour la nation bolivienne. Ceci révèle un paradoxe de sa politique, tout en prétendant promouvoir la reconnaissance de la diversité des indigènes, il développe des références communes indigènes prenant comme modèle la culture andin dominante qu'il érige en symboles nationaux207.

Certains symboles nationalistes n'ont pas évolué en revanche. C'est le cas de la guerre du Pacifique, la revendication de l'accès à la mer est ici même instaurée dans les objectifs de l'éducation208. Pour

198 Un conseillé présidentiel souhaitant rester anonyme, 2017.

199 Bibliothèque de l'école de Charagua et de Rancho Viejo.

200 Entretien avec Elias Caurey, sociologue guarani, membre du C.E.P.O.G. Vendredi 17 mars, La Paz.

201 Visions du monde

202 Articulo 1,6 Ley 070, La Paz, 2010.

203 Daniel Armando Pasquier Rivero, Gustavo Pinto, Cecilia Salazar, Marianela Soux, Monica Sahoneno.

204 Pachamama est la terre mère dans les mythologies quechuas et aymaras, Articulo 4,8 Ley 070, La Paz, 2010.

205 Articulo 4,13 Ley 070, La Paz, 2010.

206 SUAREZ Hugo José et BAJOIT Daniel, Bolivie / La Révolution Démocratique, Charleroi, Couleur Livres, 2009.

207 CANESSA, Andrew. « Les paradoxes des politiques multiculturelles en Bolivie: entre inclusion et exclusion. » Problèmes d'Amérique latine. 2014.

208 Articulo 4,10 Ley 070, La Paz, 2010 et BRUSLE Laetitia Perrier. « La Bolivie, sa mer perdue et la construction nationale ». Annales de géographie, no 689, 2013.

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ce qui est de la construction de l'identité nationale, la loi 070 encourage le développement de l'unité et de l'identité des Boliviens comme membre de l'État Plurinational, et il en est de même pour les identités des NPIOC. Cependant, les identités métisses, régionales ou urbaines ne sont jamais évoquées209. Dans la conception de l'identité du MAS il ne semble y avoir que l'identité indigène et bolivienne.

L'école doit être « unique, diverse et plurielle 210». Un programme de base est censé assurer une école unique dans sa qualité que ce soit dans le public comme dans le privé ou à la ville comme à la campagne. Elle est aussi diverse et plurielle car elle doit s'adapter au contexte. Ainsi la loi ASEP instaure une coexistence du programme de base, qui est interculturel, et des programmes régionalisés et diversifiés qui sont intraculturels211. La loi 070 définit les programmes régionalisés sous ces termes : « Le programme régionalisé fait référence à l'ensemble de plans et programmes (scolaires), objectifs, contenus, critères méthodologiques et d'évaluation dans un sous-système et dans un niveau éducatif donné, qui exprime la particularité et la complémentarité dans l'harmonie avec le programme de base du système éducatif plurinational212 ». Les programmes régionalisés sont des outils qui permettent l'incorporation de données du contexte culturel, historique et linguistique dans l'éducation. Ils sont élaborés par les Conseils Éducatifs des Peuples Originaires, fondés en 1994, avec la collaboration des acteurs de l'éducation. Ils doivent ensuite être acceptés par le Ministère de l'Éducation puis harmonisés avec le programme de base213. Cependant, l'article 80 de la loi révèle une inégalité de droit important entre les autonomies régionales et municipales d'une part et les Autonomies Indigènes Originaires Paysannes (AIOC). En effet, si les deux premières autonomies n'ont de droit sur l'éducation que de la financer, les autonomies indigènes ont bien plus de droits, dont la réalisation de programme régionalisés et l'application de l'éducation particularisée214. Cette inégalité révèle une fois encore que la loi 070 et plus généralement, le nouvel État plurinational d'Evo Morales favorise les indigènes ruraux sur les autres autonomies et sur l'autre part de la population.

Cet écart est révélateur de la nouvelle vision du pays fournie par l'Etat, si la diversité des cultures urbaines est reconnue par le gouvernement dans l'éducation, le prisme de l'indigène occulte beaucoup de choses.

IV-B/ La loi 070 dans les programmes et les manuels scolaires : une « indigénisation » de l'histoire.

Dans sa quête prétendument décolonisatrice, l'éducation réformée accorde à l'histoire une grande importance. En effet, il s'agit de revaloriser les connaissances, langues et traditions indigènes mais aussi leurs histoires et leurs places dans l'histoire nationale. Le programme de base de l'éducation régulière de l'année 2010 insère les sciences sociales et donc l'histoire dans le processus de la révolution culturelle. L'histoire doit être un outil de transformation des mentalités mais aussi un outil de compréhension du « développement sociocommunautaire215 ». Ainsi, les sciences sociales doivent officiellement développer un esprit critique tout en promouvant les actions du gouvernement en place. La discipline se base sur les savoirs et cosmovisiones des NPIOC afin de « consolider la

209 Articulo 5,3 Ley 070, La Paz, 2010.

210 Articulo 4,4 Ley 070, La Paz, 2010.

211 Articulo 63,2 Ley 070, La Paz, 2010.

212 Articulo 70 Ley 070, La Paz, 2010.

213 Articulo 63,3 Ley 070, La Paz, 2010.

214 Articulo 80 Ley 070, La Paz, 2010.

215 Minsiterio de Educacion, programme base de educacion regular, La Paz, 2012

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révolution démocratique et culturelle216 ». Dès lors, l'instrumentalisation de l'histoire pour appuyer le projet politique du MAS est assumée. En effet, le MAS se fonde sur les principes du katarisme mais aussi de la révolution de 1952. De ce fait, le MAS rejette à la fois le concept d'État nation homogénéisant aussi bien que l'oligarchie, qui est à nouveau qualifiée d'anti-nation217. Comme le MNR, le MAS utilise l'histoire afin de légitimer son pouvoir. De nouvelles fêtes et célébrations s'ajoutent au calendrier des actes civiques218. Le MAS s'appuie grandement sur l'école pour instaurer cette nouvelle histoire indigène nationale mais aussi pour en faire le coeur du nationalisme avec la réalisation d'actes civiques par les enfants dans les écoles et sur l'espace publique.

Avec cette réforme, l'enseignement s'effectue en quatre dimensions : être, savoir, faire, décider219. Le programme de la 3eme année de primaire propose une visite de l'institution publique de l'autonomie de l'enfant (régionale ou municipale) pour y apprendre l'histoire de la province. Le programme présente donc bien un effort d'activités faisant participer l'entourage pour une histoire locale.

Dans le programme de 4eme année de primaire en revanche, les élèves doivent transcrire des histoires et contes locaux en langue originaire. Cette activité semble déjà adaptée pour des enfants indigènes ruraux plus que pour des enfants urbains qui n'ont pas forcément les moyens d'accéder à ces informations. De même, l'apprentissage de l'hymne national s'effectue à la fois en espagnol et à la fois en langue originaire correspondante à la région. Finalement le contenu historique à proprement parler traite de l'histoire républicaine, qui comprend les résistance et rébellions des peuples originaires durant la période coloniale et la révolution du MNR En 1952. Le programme de l'année de 6ème est le plus révélateur car il montre l'évolution de la terminologie et de la manière de présenter certains événements historiques. En effet, il n'est plus question de découverte et de conquête de l'Amérique d'un point de vue européen. Désormais, ce chapitre est nommé ainsi : « Invasion Européenne de Abya Yala, conséquences néfastes sur les cosmovisiones220 ». Ce simple titre renverse totalement la manière d'aborder ces thèmes. Les Européens ne sont plus des grands explorateurs mais bien des envahisseurs qui détruisent une société présentée comme stable et harmonieuse. L'emploi de l'expression Abya Yala est très politique, il s'agit d'une expression en langage indigène qui a été choisie pour qualifier l'Amérique en opposition à ce terme imposé par les Européens. Il s'agit du même processus pour le mot « originaire », qui est bien plus mélioratif que le mot « indien », terme rabaissant et attribué à tord par les espagnols. Cette évolution terminologique rend compte d'efforts qui visent à s'éloigner de l'historiographie européenne. Décoloniser l'histoire passe donc par réécrire l'histoire d'un point de vue indigène.

Ce travail historique se constate dans les manuels de La Hoguera et de Santillana qui furent édités en suivant les principes de la réforme.

Santillana

Pour ce qui est des manuels de Santillana, la fonction nationaliste de l'histoire est toujours de mise comme le montre le premier enseignement historique que reçoivent les enfants à l'école. En effet, les chapitres sur La Guerre du Pacifique, La perte du littoral et Eduardo Avaroa sont parmi les premiers chapitres étudiés dans le manuel de 3eme année de 2017221, ce qui correspond à l'initiation

216 Ibid. : « consolidar la revolucion democratica y cultural. »

217 LAVAUD, Jean-Pierre. « La Bolivie d'Evo Morales: continuités et ruptures. » Problèmes d'Amérique latine. 5 octobre 2012. N° 85.

218 Journée de la loi contre le racisme et la discrimination, célébration de Tuapac Katari...

219 Articulo 80 Ley 070, La Paz, 2010. « estar saber hacer decidir »

220 Ministerio de Educacion, Ley 070, La Paz, 2010.: « Invasión Europea al AbyaYala, consecuencias nefastas en las cosmovisiones. »

221 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 3, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2017.

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à l'histoire. L'effort pour l'interculturalité se fait parfois au détriment de l'histoire. Ainsi, le manuel de 4eme année de Santillana publié en 2017 ne contient pas un seul chapitre sur l'histoire, il s'agit d'une présentation des régions et des peuples indigènes qui les occupent222.

Les versions de 2013 de Santillana sont assez similaires au niveau du contenu que celles de 2017. On trouve en 5eme année une présentation des périodes historiques de la Bolivie, de la préhistoire à la période coloniale puis de l'indépendance jusqu'à la période contemporaine, sans traiter la période préhispanique223. En effet cette période est devenue la plus importante, puisqu'elle est la seule à être étudiée dans le manuel de 6eme année. Cinq chapitres lui sont consacrés. Le passé indigène de la Bolivie est développé afin de bien répandre l'imaginaire d'une Bolivie idyllique qui existait avant que les espagnols viennent tout détruire. L'histoire qui se veut décolonisatrice, cherche donc à montrer ce qui a été colonisé, là ou auparavant, les manuels expliquaient en profondeur les processus de colonisation et ce qui en découlait. Il s'agit d'une réelle « indigénisation » de l'histoire, qui se fait au détriment de l'histoire républicaine224.

La différence majeure dans le contenu entre les versions de 2013 et de 2017 réside dans l'ajout de de deux chapitres d'histoire dans la dernière version : « Peuples indigènes d'Amérique : période coloniale 225 » et « Peuples indigènes d'Amérique : du XIX ème siècle à aujourd'hui226 .» Ces évolutions sont révélatrices de l'approfondissement du point de vue indigène qui est imposé sur l'Histoire. Les indigènes, qui étaient jadis exclus ou cachés de l'histoire bolivienne, sont désormais au centre de l'apprentissage de l'histoire. Un élément secondaire permet de constater cette évolution. Dans le manuel de 6eme de 2017, il est rare d'observer un personnage blanc et les tenus sont bien plus diversifiés que dans les manuels des années précédentes227. L'enseignement de l'histoire vise à donner un caractère indigène à la Bolivie, occultant ainsi les autres identités et les réalités des périodes. Cependant, dans le manuel de Santillana de 3eme année de primaire de 2017, sur le thème « connaissons notre histoire » on peut observer dans les illustrations, des enfants dans l'ensemble assez blanc, et vêtues de manière très européennes. Cela permet aux enfants de se projeter, car ces livres sont dans l'ensemble réservés à l'élite urbaine du pays, qui reste assez blanche et proche des coutumes occidentales.

De plus cette nouvelle histoire indigène sert à légitimer le MAS. Ce révisionnisme historique n'est pas sans rappeler celui MNR qui appliquait son prisme à l'histoire afin de se présenter comme l'aboutissement d'un long processus révolutionnaire pour arriver à un gouvernement libérateur et juste. Le MAS reproduit cette utilisation de l'histoire en développant une histoire d'oppression des indigènes dans les deux nouveaux chapitres. Les indigènes sont oppressés et exploités sous la colonisation, jusqu'à leur libération, entamée par le MNR et aboutie par Evo Morales qui les mène vers le « vivir bien ». Par la même occasion, le MAS se place en héritier historique de la révolution du MNR228.

Autre fait que révèle ce manuel, l'histoire indigène ici enseignée correspond à une histoire avant tout andine. Les civilisations de Tiwanaku et de l'empire Inca sont alors désignées comme le glorieux passé de la Bolivie. L'urbanisme est présenté comme un critère d'évolution. Ainsi, les Moxos, un des rares peuples des basses terres considérés comme une civilisation, sont qualifiés en ces termes : « Tandis que Tiwanaku s'était déjà converti en une cité qui attirait de grandes quantités d'habitants, dans d'autres lieux de notre territoire il existait toujours des sociétés de type villageois (qui correspond au chapitre étudié précédemment). 229». De cette manière, les cultures andines sont présentées comme

222 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 4, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2017.

223 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 5, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2013.

224 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2013.

225 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2017.

226 Ibid.

227 Ibid.

228 GILDER Matthew. « La historia como liberación nacional: creando un pasado útil para la Bolivia posrevolucionaria. » Revista Ciencia y Cultura, Laura Lima, 2012.

229 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2017.

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étant en avance dans le temps sur les autres cultures du pays, ce qui n'est pas sans rappelé les idées évolutionniste du début du XXème siècle230 . L'histoire de l'Orient est encore une fois très peu représentée dans cette histoire indigène qui se substitue à l'histoire nationale. L'histoire reste andinisante, toujours du fait de la conception de la réforme et des manuels à La Paz, sans la participation d'intellectuels de l'Orient. Ce point révèle un grand paradoxe de l'éducation et du gouvernement d'Evo Morales. Il se prétend décolonisateur mais il établit en réalité une domination des peuples aymaras et quechuas sur les autres ethnies qui sont considérées comme minoritaires et dénuées de passé intéressant.

Illustration 5: La représentation d'une élite blanche et occidentale dans Santillana.

Les enfants boliviens représentés ici sont à l'image des élèves ayant les moyens de s'acheter un manuel de Santillana selon les auteurs. Illustration du manuel de Santillana pour les 3èmes années de primaire,2017. (Photo : Saint-Martin)

L'idée de progrès, bien que moins évidente à déceler qu'avant, reste présent dans les livres de Santillana. Ainsi les Urus sont présentés comme n'ayant pas réussi à domestiquer des animaux et plantes, vivant comme des peuples des époques antérieures231. Cette présentation semble assimiler les Urus à un peuple primitif. Cela rappelle la considération des Urus par le reste des indigènes comme des sous hommes, comme une sorte de race précédent l'humanité232.

« Mientras en Tiwanaku ya se habia convertido en una ciudad que atraia grandes cantidades de pobladores, en otros lugares de nuestro territorio aun pervivian las sociedadesde tipo aldeano »

230 Evolutionnisme : toutes les sociétés suivent des étapes linéaires pour tendre vers le modèle de développement de la société occidentale.

231 Departemento de Ediciones Educativa de Santillana, Ciencias Sociales 6, Santillana de Ediciones S.A. La Paz, 2017.

232 WACHTEL Nathan, Le retour des ancêtres: les Indiens Urus de Bolivie, Xxe- XVIe siècle, essai d'histoire régressive, Paris, Gallimard, 1990.

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Les manuels de Santillana travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement depuis 1994. Malgré les critiques du monopole et de l'origine étrangère de cette compagnie par Evo Morales, cela ne l'empêche pas d'y faire publier son autobiographie et son ministère de l'éducation accepte les ouvrages de Santillana233. Les manuels appliquent avec soin les directives de la réforme que ce soit dans le contenu comme dans les activités pédagogiques proposées. Santillana doit bénéficier d'une certaine liberté vis à vis de l'État, comme le montre la mention de la marche pour le TIPNIS234, une contestation indigène contre la violation des droits indigènes par Evo, qui constitue une des principales contradictions de ce dernier235.

La Hoguera

Les manuels de La Hoguera présentent une organisation du contenu tout à fait différente. Cette maison d'édition ne dispose pas des mêmes moyens et des mêmes équipes d'auteurs pour réaliser leurs manuels. Ainsi, les manuels de 4eme, 5eme et 6 eme année de primaire de 2013 ne présentent que très peu d'évolution avec ceux de 2005. L'histoire est restée factuelle et centrée sur les présidents et héros. Les manuels de 2016 présentent en revanche de grandes transformations dans son enseignement historique. Le manuel de 5eme diffuse une histoire révolutionnaire. Le chapitre 5 présente les périodes révolutionnaires de la Bolivie, allant même jusqu'à présenter la guerre fédérale comme la « révolution fédérale »236. Ce processus permet d'insérer le gouvernement du MAS comme l'aboutissement d'une longue lutte révolutionnaire. Il s'agit d'une histoire de la prise du pouvoir des masses ouvrières, du vrai peuple, en approfondissant l'action du MNR Le contenu des manuels de La Hoguera se plie aux exigences de la réforme de 2010 et transmet les valeurs de l'idéologie du MAS. Alors que Santillana, place le MAS comme la réponse à une lutte ethnique, La Hoguera adopte une analyse très politique et économique de la question. Il s'agit plus d'une histoire de l'arrivée au pouvoir du MAS où les indigènes sont des acteurs de plus en plus politisés plutôt qu'un peuple opprimé. Ces ouvrages fondent une tradition contestatrice, les manifestations sont valorisées comme moyen d'expression de la démocratie237.

Le dernier chapitre propage les principes fondateurs du MAS au travers des concepts anticapitalistes et communautaires habituels au gouvernement. L'histoire bolivienne est remplacée par une histoire de l'ascension d'Evo Morales, qui s'appuie sur de nombreuses photographies montrant la politisation des indigènes. Le manuel de la 6eme année présente la conquête et la découverte des Amériques en reprenant une partie de la terminologie du programme de la loi 070 : « l'invasion européenne 238». Le point de vue est bien sud-américain, il n'est plus question d'une extraordinaire découverte par des grands hommes espagnols mais ce sont les motifs de leur venue qui sont ici expliqués. Néanmoins, à part cela, le contenu ne change guère par rapport aux livres précédents. Le rôle des indigènes dans la guerre d'indépendance est mis en avant, accordant un chapitre entier aux révolutions indigènes. Comme pour l'invasion européenne, le terme « Abya Yala », préconisé par le programme, est employé pour qualifier l'Amérique. Certaines pages du manuel sont consacrées à diffuser l'idéologie du MAS un peu comme les récits et dialogues fictifs du MNR. Ici, une fiche de lecture rend compte du mal causé par les multinationales aux indigènes en citant plusieurs exemples239. Cette fiche de lecture est

233 Entretien avec Carolina Loureiro, Directrice de Santillana à La Paz. Jeudi 16 mars, La Paz.

234 Territorio Indigena y parque nacional Isiboro-Secure : le Territoire Indigène et parc national Isibore-Secure est un territoire indigène dont Evo Morales comptait violer sa souveraineté en construisant une autoroute traversant ce territoire.

235 CANESSA, Andrew. « Les paradoxes des politiques multiculturelles en Bolivie: entre inclusion et exclusion. » Problèmes d'Amérique latine. 2014.

236 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

237 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 5, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2016. Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

238 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

239 Ibid : « Pueblos indigenqs en america latina muriendo por culpa de las multinacionales. »

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totalement orientée pour les habitants de la région de Santa Cruz qui est favorable à l'exploitation des ressources d'hydrocarbures par les firmes multinationales. Finalement, comme précédemment, l'ultime chapitre présente les principes de l'État plurinational bolivien. L'enseignement historique de La Hoguera place l'histoire bolivienne dans une histoire sud-américaine, voire pan-indigène. Elle présente les morales indigènes qui sont officiellement appliquées à l'État mais aussi les événements civiques nouvellement mis en place, tel que le jour de la décolonisation.

Illustration 6: L'éloge et la normalisation de la contestation.

« -Donc, ce qu'ils réclament est juste ! »

« -C'est cela. Parfois, les personnes se voient obligées d'exiger ce qui leur revient. »

, La culture de la contestation et l'édulcoration du monde ouvrier : la persistance du modèle occidental. Manuel de 5eme de primaire de Santillana, 2017, (Photo : Saint-Martin).

Dans ce manuel aussi, les illustrations mettent souvent en scène des enfants de couleur blanche, ce qui est en décalage avec l'histoire enseignée. Le manuel La Siembra pour 6eme année de primaire de La Hoguera de 2016 affiche une liste des succès d'Evo Morales à la fin de son livre240. Enfin, le manuel de 6eme année publié en 2017 ne fait que confirmer l'asservissement de La Hoguera au MAS. L'enseignement des peuples précolombiens permet d'insérer la révolution indigène dans une lutte continentale. Le MAS veut se présenter comme un gouvernement qui répond aux luttes sociales de tous les indigènes de l'Amérique du Sud. Ce faisant, le projet masiste casse les régionalismes dans une sorte de pan-indigènisme qui ne prend pas en compte les particularités de chaque peuple. Plus

240 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Grupo Editorial La Hoguera, La Siembra, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

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encore, le MAS porte la culture andine, même dans les manuels de La Hoguera : « dans le cas de l'Amérique du sud, les mouvements indigènes se construisent dans les espaces géographiques qui appartenaient jadis à la civilisation Inca... 241. »

Illustration 7: L'insertion de l'avènement du MAS dans un long processus d émancipation indigène.

Les manuels récents de La Hoguera illustrent la politisation croissante des indigènes, manuel de 5eme année de primaire, 2016. (Photo : Saint-Martin)

De manière générale, les manuels de La Hoguera présentent le discours officiel du gouvernement d'Evo Morales, utilisant l'histoire pour légitimer ce dernier comme libérateur des indigènes d'Amérique du Sud. Malgré la transformation terminologique de certains sujets, le contenu n'évolue pas grandement, et certaines idées de progrès restent présentes dans l'analyse historique. Plus encore, la diversité du pays est laissée de côté pour une présentation de la lutte indigène sous un angle très politique. Malgré son origine crucena242, La Hoguera ne propose pas d'adaptations du contenu à son contexte. Cela s'explique par la lourde surveillance du ministère de l'éducation sur le contenu de ces manuels.

241 Direccion de produccion Editorial, CIENCIAS SOCIALES 6, Grupo Editorial La Hoguera, Santa Cruz de la Sierra, 2017. « en el caso de america del sur, los movomientos indigenas se construyen en los espacios geograficos que anteriormente pertencieron a la civilizacion inca... »

242 Cruzena : originaire de Santa Cruz

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Santillana

 

La Hoguera

1 Premiers habitant d'Amérique

1 Peuples et civilisations de l'Amérique

précolombienne.

2 Le temps des villages

1

3 Le temps des cités

1

4 L'empire Inca

1

5 Cultures de Mésoamérique

1

6 Peuples indigènes d'Amérique : période coloniale

2 Invasion européenne : l'Époque coloniale

3 Premiers soulèvements subversifs en Amérique

4 L'indépendance de l'Amérique :

7 Peuples indigènes d'Amérique : du XIX siècle jusqu'à aujourd'hui

5 Mouvements sociaux et de peuples originaires dans l'Abya Yala

6 Principes et valeurs sociaux-communautaires de l'État plurinational de Bolivie.

Tableau 1: La Hoguera et Santillana, deux approches mais un même contenu.

Tableau comparatif des chapitres d'histoires des manuels de 6eme année de primaire de La Hoguera et de Santillana, publiés en 2017 (Tableau : Saint-Martin).

Ainsi l'analyse des manuels de Santillana et de La Hoguera rendent bien compte de l'évolution de l'enseignement de l'histoire avec la nouvelle réforme. L'état impose une lecture indigène de l'histoire du pays, afin de faire de ces derniers les premiers acteurs de l'histoire bolivienne, et même sud-américaine. Plus précisément, les indigènes altiplaniques sont mis en avant, en tant que passé du pays et en tant que principaux moteurs de la révolution culturelle. L'analyse de cette histoire indigène passe par l'analyse ethnique chez Santillana, alors qu'elle passe par l'analyse politique et sociale pour La Hoguera, Cette différence révèle l'adaptation de l'axe selon le public visé. En effet, ces deux analyses différentes correspondent aux représentations propres à chaque département. La Paz et le monde andin ont une conception de l'identité qui est bien plus basée sur le caractère indigène tandis qu'à Santa Cruz, elle se fonde sur l'économie et le politique. Plus encore, il s'agit de bien instaurer dans les mentalités que les indigènes ont pris de l'importance pour des cruceños qui dénigrent parfois ces populations243.

Qu'importe le biais pris par les manuels, il s'agit d'une histoire bien plus centrée sur les groupes et acteurs collectifs que précédemment. Les manuels propagent l'histoire révisionniste de l'État qui insère le MAS comme l'aboutissement d'un long processus d'une histoire indigène et révolutionnaire. Enfin, le contenu historique est idéologisé grâce à l'emploie d'une terminologie anticapitaliste et nationaliste propre au MAS.

243 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

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IV-C/ La coexistence théorique d'une histoire nationale et d'une histoire locale.

Les manuels de La Paz de Santillana comme les manuels de La Hoguera et de El Pauro originaires de Santa Cruz ne présentent pas d'autre contenu que celui du programme de base. Et pour cause, ces manuels s'achètent dans tout le pays et ils ne sont publiés qu'avec l'accord du Ministère de l'éducation qui vérifie que les manuels présentent bien uniquement le programme de base. En effet, l'État et les maisons d'éditions privées ne produisent pas de matériel pédagogique sur l'histoire locale. La loi de la réforme éducative de 2010 impose aux enseignants de produire leur propre matériel pour leurs classes. Les enseignants doivent écrire leurs propres leçons et livres d'histoire régionale. Cette mesure vise à intellectualiser les enseignants en les initiant au travail de recherche et d'écriture244. Ce faisant, les enseignants apprendraient à connaître le sujet qu'ils enseignent et à progressivement être de moins en moins dépendant envers les manuels scolaires qui recueillent un savoir qu'ils ne connaissent souvent pas. La loi a aussi pour finalité de provoquer la production d'une multitude de matériel sur les histoires locales, qui passerait par des petites maisons d'éditions.245 Cette mesure s'explique à la fois par le manque de financement et par la volonté d'améliorer les compétences et connaissances des enseignants.

Les programmes régionalisés répondent en quelques sortes à ces mêmes attentes. La production de programmes régionalisés par les CEPOs permet l'apparition d'intellectuels indigènes bilingues qui travaillent sur leur propre peuple. Cela permettrait donc la récupération d'une histoire qui jusqu'ici était écrite depuis l'extérieur. En effet, pour le cas Guarani par exemple, son histoire fut écrite par les missionnaires jésuites et même avant, les espagnols retranscrivirent des récits des incas246 . Le processus de production des programmes régionalisés est en lui-même décolonisateur. Il permet une réappropriation de l'histoire des différents peuples indigènes. Cette fois encore, tous les peuples originaires ne sont pas égaux face à ce processus247. Les programmes régionalisés produisent des histoires qui permettent de mieux connaître et présenter à l'échelle nationale interculturelle et donc théoriquement de sortir des présentations folkloriques et ethnographiques. Enfin, ces programmes régionalisés insinuent une participation sociale dans l'éducation248. Les programmes régionalisés sont construits grâce aux travaux d'ethnologues, de linguistes et de pédagogues qui sont envoyés par l'État. Les CEPOs, institutionnalisées en 1994, voient leur nombre grandir à sept et sont désormais responsables de la fabrication de ces programmes régionalisés pour les indigènes. Les contenus des programmes régionalisés varient grandement selon les nations indigènes et surtout leur rapport avec l'histoire. En effet, un peuple organisé en chefferie avec une tradition orale ne va pas avoir la même histoire que les Quechuas par exemple. Une chefferie est une organisation politique où le chef ne détient pas sa légitimité de sa parenté mais de son prestige, à l'inverse d'un système royale ou impériale qui repose sur des dynasties, ce qui induit un ancrage dans le temps et donc un rapport différent avec le passé et avec l'histoire. Ces travaux permettent ainsi de transcrire la tradition orale qui est en perdition. La proportion d'histoire à proprement parler dans ces programmes régionalisés est souvent bien minoritaire face au développement des valeurs, modes et règles de vies, légendes et contes249. Que ce soit dans une situation urbaine comme dans une situation de communauté paysanne indigène, le sentiment d'appartenance à la nation n'est pas censé être remis en question, grâce au programme de base qui diffuse les valeurs et l'histoire de la Bolivie interculturelle250.

244 Entretien avec un conseillé présidentiel souhaitant rester anonyme.

245 Ibid.

246 HAUBERT Maxime, La Vie quotidienne au Paraguay sous les jésuites, Hachette, 1967.

247 Entretien avec Ana Evi Sulcata, sociologue de l'éducation, spécialiste travaillant pour les CEPO. Lundi 20 mars, La Paz.

248 Entretien avec Elias Caurey, sociologue guarani, membre du C.E.P.O.G. Vendredi 17 mars, La Paz.

249 APG CEPOG, Curriculo regionalizado de la nacion guarani, 2014.

250 MORALES AYMA Evo, Ley de Educacion Avelino Sinani-Elizardo Perez 20-12-2010, in :

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L'enseignement de l'histoire depuis la réforme de 2010 est donc destiné à légitimer le MAS et à former la jeunesse dans son idéologie révolutionnaire et indianiste. Pour décoloniser la Bolivie, l'histoire étudiée a été transformée de manière à adopter un regard indigène, ou du moins bolivien sur l'histoire. Plus encore, la connaissance et la valorisation des cultures et connaissances indigènes occupent une grande place dans cet enseignement historique. Il s'agit d'une histoire des indigènes plutôt que d'une histoire de la Bolivie, « les Peuples indigènes d'Amérique : période colonial 251», « les Peuples Indigènes : du XIXème siècle à aujourd'hui 252», etc... Le reste de la population est occulté par cette focalisation. La proportion du contenu historique consacrée aux indigènes est telle que l'histoire universelle ou ne serait-ce que Sud-Américaine ne sont que très peu étudiés. Plus grave encore, les blancs ne sont désormais présents dans l'histoire bolivienne qu'en tant qu'envahisseurs, ou en tant qu'oligarques oppressant la vraie nation. Et il est de même pour la culture métisse qui ne se sent pas reconnue par ce gouvernement et qui est écartée dans sa propre histoire. Ce genre de situation crée de nombreux déséquilibres dans la société bolivienne. C'est par exemple le cas à Santa Cruz, où la population réclame un programme régionalisé métisse, de camba253. La revalorisation de l'identité indigène se fait au détriment des autres identités. Sous ce régime, on ne peut être qu'indigène et bolivien. La réforme de l'éducation de 2010 fait donc de l'histoire un enseignement adapté aux milieux indigènes paysans. Inversant pour la première fois depuis l'histoire de la Bolivie la situation, en imposant une éducation rurale à caractère indigène dans les écoles urbaines et métisses254

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand