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L'enseignement de l'histoire en Bolivie

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par Julian Saint-Martin
Université Paris 7 Paris Diderot - Master 2018
  

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PARTIE 2 : L'enseignement de l'histoire à

Santa Cruz de la Sierra, l'application de la

réforme de 2010 dans un foyer de régionalisme

et d'opposition politique et culturelle.

Chapitre I : Santa Cruz, capitale de l'Orient et des projets autonomistes.

I-A/ Santa Cruz de la Sierra, une autre Bolivie.

L'histoire de l'Orient et de Santa Cruz de la Sierra est bien différente de l'histoire andine. Il est important de préciser en premier lieu que cette histoire est très récente, du fait du centralisme andin intellectuel et de la rareté des travaux sur cette espace. Comme la partie précédente l'a évoqué, l'Orient ne fut découvert par les Boliviens de l'Altiplano qu'avec la réforme de 1994 et les efforts d'interculturalité279. N'ayant pas de traditions écrites ni de structures impériales, les seules sources traitant des peuples de l'Orient proviennent de Quechuas ou d'Espagnols, qui donnent un point de vue dédaigneux de civilisés envers les « sauvages des terres basses280 ». En effet contrairement aux indigènes des vallées qui furent soumis à l'empire Inca, les peuples des terres basses résistèrent farouchement aux envahisseurs. De telle manière que l'empire Inca dut renoncer à leurs ambitions expansionnistes à l'Est et se mit à bâtir des séries de forteresses afin de se protéger de ces hommes281. La résistance et les attaques des Guaranis, ethnie dominante en Orient, sur l'empire Inca, firent de ce peuple des valeureux guerriers respectés. La forteresse de Saimapata, à la limite entre vallée et plaine, marque la limite de l'expansion de l'empire Inca à l'est. Pour les Incas, l'Orient était mystérieux et dangereux, peuplé de « chunchos ». Ce terme, employé pour qualifier les hommes de l'Orient, révèle la méconnaissance des différentes ethnies peuplant cette zone et l'ancrage historique de la représentation d'un peuple des terres basses en opposition aux peuples andins. Les indigènes des terres basses ne subirent pas la première uniformisation sous l'empire Inca, contrairement aux peuples andins282. L'Orient présente la plus grande diversité de peuples et de cultures indigènes, avec une vingtaine de nations indigènes « originaires 283» aujourd'hui reconnues, ayant toutes des langues et cultures propres. Les départements du Pando et du Béni regroupent des petites communautés éparses vivant dans la forêt amazonienne. Pour ce qui est du département de Santa Cruz, les Guaranis, qui se sont mélangés avec les Chanés, sont majoritaires démographiquement284. Une autre grande différence entre le monde altiplanique et l'Orient réside dans la colonisation. En effet, la conquête et la colonisation de l'empire Inca s'est déroulée dans la violence, la destruction et la perte d'identité et de sens pour les indigènes285. La société coloniale mise en place par les Espagnols était une société

279 SOUX María Luisa et SOUX, María Eugenia et WAYAR Marianelar, Diversidad cultural, interculturalidad y integracion en programas y textos escolares de ciencias sociales, La Paz, 2006.

280 ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

281 Ibid.

282 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006.

283 Les originarios, sont les indigènes existants là où ils résident actuellement avant la colonisation. Ce sont les premiers habitants.

284 ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

285 WACHTEL Nathan, La Vision des vaincus. Les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole 1530-1570 ; Paris,

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violente de classes où les indiens étaient exploités et en bas de l'échelle sociale. La colonisation de l'Orient quant à elle, est le fruit de la recherche de l'eldorado par des explorateurs espagnols qui venaient du Rio de la Plata. La colonisation de l'Orient s'est déroulée relativement pacifiquement, avec beaucoup de métissage286 . De plus, comme l'empire Inca, les Espagnols eurent de grandes difficultés à soumettre les peuples des basses terres. Ainsi, la conquête du territoire oriental s'effectue sous la République bolivienne depuis les villes de Santa Cruz et Tarija à la fin du XIXème siècle287. De ce fait, les peuples de l'Orient et de l'Altiplano ont une histoire très différente. Les premiers ayant profité d'une longue liberté et subit une intégration dans la république bolivienne que tardivement, tandis que les seconds ont vu se succéder des empires dominateurs et de plus en plus assimilationnistes. Il en ressort un monde altiplanique uniformisé et centre du pouvoir qui s'oppose à un monde oriental regroupant un ensemble de peuples sans réelle unité ni importance politique.

La ville de Santa Cruz de la Sierra fut fondée le 26 février 1561 par le capitaine Nuflo de Chaves288. En 1825, l'indépendance est une victoire des élites andines avant tout. De ce fait, le mythe fondateur andin et le symbole de Tiwanaku sont instrumentalisés dans la constitution indépendante, laissant de côté les autres cultures de la Bolivie. Dès lors, Santa Cruz de la Sierra, qui est considérée comme une ville de seconde importance, est délaissée au profit des villes andines289. Ainsi, dès le XIXème siècle, avec le développement du réseau ferroviaire et du commerce international, les élites dirigeantes de Santa Cruz de la Sierra réclament la mise en place de voies de fer pour relier la ville au pays et permettre d'exporter les productions du département au Brésil. Cependant, le gouvernement bolivien d'alors, gouverné par des grands propriétaires terriens et miniers investissent les fonds de l'État pour favoriser leurs propres activités, c'est à dire en développant l'exportation des mines d'étains de Potosi290. Face au désintérêt du gouvernement bolivien, Santa Cruz de la Sierra se retrouve isolée du reste du pays et agit telle une capitale. L'unité de l'Orient derrière Santa Cruz s'explique par leurs origines communes. Lors de la déclaration d'indépendance, l'état de Santa Cruz regroupait le Beni et le Pando, ces départements ne furent séparés de Santa Cruz qu'en 1842 pour le Béni et en 1938 pour le Pando. De ce fait, dans la conscience commune, Santa Cruz reste la capitale des trois régions. La ville organise l'exploration, la colonisation et l'exploitation du territoire oriental. Dans les années 1950, la ville se modernise grâce à la découverte et l'exploitation de grandes ressources pétrolifères dans le département. Santa Cruz devient alors le moteur économique du pays291.

Dans l'Orient, et surtout à Santa Cruz, se développe une contre-culture, la culture « camba ». « Gamba ». Cette vision dichotomique « camba/colla » va à l'encontre du modèle indigéniste multiculturel mis en place dès la fin du XXème siècle. En effet, le terme « colla » est péjoratif, il englobe les indigènes ruraux altiplaniques sous une même identité (les peuples jadis soumis à l'empire Inca), ne prenant pas en compte la diversité ethnique et culturelle du pays. Plus encore, le terme « camba », promeut l'identité métisse, diminuant la place et l'importance des origines indigènes, pourtant particulièrement diversifiées dans l'Orient. Selon Gustavo Pinto Mosqueira, grand auteur autonomiste de l'Orient et régionaliste originaire du Beni, le camba se définit par trois aspects : son histoire orientale, sa nature et sa culture métisse.292

Selon certains régionalistes cruceños, la supériorité des cambas sur les collas s'expliquerait par la colonisation différente subie par ces deux ensembles ethniques. Le directeur Daniel Armando

Bibliothèque des Histoires, Gallimard, 1971.

286 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006.

287 COMBES Isabelle, Etno-historias del Isoso Chané y chiriguanos en el Chaco boliviano (siglos XVI a XX), Fundación PIEB; IFEA Instituto Francés de Estudios Andinos, 2005.

288 PEÑA Paula et LANDIVAR Jorge, La fundacion de Santa Cruz, Rolando Nunez N, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

289 ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

290 Ibid.

291 Ibid.

292 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Bases para la escuela y educación en el oriente boliviano, Landivar S.R.L. Santa Cruz de la Sierra, 2004.

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Pasquier Rivero avance ainsi que les cambas se distinguent par une culture de la liberté, de l'égalité du fait des coutumes des indigènes orientaux et de la colonisation pacifique et de métissage. Tandis que les andins, vivant déjà dans des sociétés très hiérarchiques, ont subi une colonisation violente qu'ils reproduiraient aujourd'hui sur l'Orient293. De manière générale, que ce soient à La Paz comme à Santa Cruz, de nombreux Boliviens présentent les cambas comme plus ouverts, plus chaleureux et plus sympathiques que les collas qui seraient aussi rudes que leur environnement.

L'élite de Santa Cruz est composée de grands propriétaires terriens ou de grandes entreprises. Santa Cruz mène une politique extractive et a recours à de nombreuses firmes multinationales afin d'exploiter ses ressources294 . Santa Cruz de la Sierra apparaît alors comme une ville moderne et occidentalisée, qui arbore fièrement ses origines coloniales. La Paz et Santa Cruz sont deux villes tellement différentes qu'il est difficile de croire qu'elles appartiennent au même pays. Le délaissement de l'Orient par le pouvoir andin et le fossé culturel sont des éléments qui ont contribué à la lutte autonomiste de Santa Cruz au fil de son histoire.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld