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L'enseignement de l'histoire en Bolivie

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par Julian Saint-Martin
Université Paris 7 Paris Diderot - Master 2018
  

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I-B/ Le foyer de l'opposition autonomiste et des revendications identitaires.

Du fait des raisons évoquées précédemment, Santa Cruz s'est démarquée au fil de son histoire comme le coeur des mouvements autonomistes en Bolivie. Les premiers débats sur la demande d'une plus grande autonomie de Santa Cruz commencèrent dans les années 1870 sous la demande de la mise en place d'un État fédéral. Face à la centralisation de La Paz, le militaire cruceño Andrés Ibanez regroupe le peuple pour un projet révolutionnaire de fédéralisme295. Inspiré par la commune de Paris, il souhaite la mise en place d'une décentralisation du pouvoir politique au profit des communes et municipalités. Cette décentralisation devait s'accompagner d'une redistribution des terres et des ressources productives entre les communautés et les travailleurs. Andrés Ibanez s'appuie sur les classes moyennes plutôt que les élites cruceñas dirigeantes et, profitant d'une mutinerie, il prend le pouvoir en 1877 et fait sécession avec l'État Bolivien en déclarant l'indépendance de l'État fédéral de Santa Cruz296. Durant 9 mois, il gouverne Santa Cruz et il crée le drapeau de Santa Cruz. Le gouvernement bolivien finit par envoyer une armée réprimer cette « révolution fédérale », forçant le révolutionnaire à s'exiler297. Andrés Ibanez reste un héros local à Santa Cruz, preuve de l'attachement historique et symbolique aux tentatives d'autonomie. En 1891, les colonels cruceños Domingo Ardaya et José Domingo Avila font la révolution des Domingos. Ce coup d'État reprend l'idéologie d'Andrés Ibanez en créant la junte gouvernementale fédérale de l'Orient. Une fois encore, le gouvernement bolivien doit intervenir militairement enfin de réprimer cette révolution, laissant cette fois sur place une présence militaire298.

En prétendant reprendre la lutte de ces mouvements fédéralistes, le comité Pro Santa Cruz est fondé le 30 octobre 1950. Cette institution, qui regroupe aujourd'hui plus de 200 entités cruceñas, fut créée par trois grandes coopératives privées régionales (CRE, Saguapac et Cotas299) dans le but de porter la lutte contre l'état centralisateur bolivien300. A partir des années 1950, les luttes autonomistes seront

293 Entretien avec Daniel Armando Pasquier Rivero, directeur de l'école privée Santo Tomas de Aquino lundi 10 avril 2017, Santa Cruz.

294 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

295 PEÑA HASBUN Paula, La permanente construcción de lo cruceño: un estudio sobre la identidad en Santa Cruz de la Sierra, PIEB, 2003

296 Ibid.

297 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz.

298 PEÑA HASBUN Paula, La permanente construcción de lo cruceño: un estudio sobre la identidad en Santa Cruz de la Sierra, PIEB, 2003

299 Il s'agit des plus grandes coopératives d'électricité, d'eau et de télécommunications.

300 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo

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menées par ce comité. Dès 1951, il réunit des milliers de personnes pour une grève afin de dénoncer le manque d'autonomie politique et surtout économique de Santa Cruz. En effets, les dirigeants de ce comité sont depuis sa fondation des grands industriels qui promeuvent surtout les intérêts économiques de la région. L'influence de ce comité s'étend sur les universités qu'il finance et dans la sphère culturelle, de telle manière que les élites cruceñas sont formées par les idéaux autonomistes du comité Pro Santa Cruz. Dans les années 1950, le comité Pro Santa Cruz demande des avancées pour l'économie : ils demandent le rattachement du département au reste du pays par le train, l'approvisionnement de la ville en eau et en électricité, une route entre Cochabamba et Santa Cruz et enfin et surtout un plus grand profit sur l'exploitation des ressources pétrolifères.

Mais en 1952, le comité se rapproche du FSB301, un parti politique fasciste d'envergure nationale qui prône la violence pour régénérer le pays. Le rejet du communisme contraste avec l'engouement du reste du pays pour le mouvement révolutionnaire du MNR en cette même année 1952. Le gouvernement cruceño refuse par exemple d'appliquer la réforme agraire. Le rejet du gouvernement révolutionnaire par Santa Cruz est tel qu'en 1957 et en 1959, les élites dirigeantes du comité Pro Santa Cruz et de la FSB sont accusés de séparatisme. Ceci provoque, une fois encore, une intervention répressive militaire de l'armée bolivienne à Santa Cruz de la Sierra en 1959302.

Les demandes sont obtenues progressivement, le gouvernement bolivien répondant de plus en plus aux demandes de Santa Cruz du fait de l'augmentation de l'importance économique et politique de cette dernière depuis les années 1950. Le Comité Pro Santa Cruz est conservateur comme le montre son appui au dictateur Hugo Banzer en 1971. Ce dernier, originaire de Santa Cruz, favorise les départements de Santa Cruz et du Béni une fois au pouvoir303.

A partir des années 1980, les revendications économiques sont complétées par des demandes accrues de décentralisation. Le discours autonomiste se développe et le Comité instrumentalise l'histoire pour développer son idéologie. D'importants travaux historiographiques et éditoriaux sont menés par le Comité afin de raviver l'identité régionale. C'est à cette occasion que le drapeau régional est réutilisé, instituant même le 24 juillet comme « jour du drapeau cruceno ». La culture orientale est mise en avant par l'organisation de démonstration de nourritures, de danses et de jeux traditionnels304.

Finalement, le début du XXIème siècle est marqué par un durcissement du discours autonomiste et des idées séparatistes. A la fin du XXème siècle, Santa Cruz est influente auprès du gouvernement bolivien, bon nombre de ministres et de parlementaires sont crucenos. Sous les gouvernements néolibéraux des années 1990, ils parviennent à obtenir de plus amples pouvoirs départementaux, notamment en 1994. Santa Cruz est plutôt favorable aux présidents néolibéraux avec lesquels elle coopère et il est intéressant de noter que le Comité perd en influence durant cette période305. Les mouvements syndicaux indigènes et ruraux des années 2000 sont alors perçus comme des anarchistes qui bouleversent cette situation positive pour Santa Cruz. Les industriels blancs conservateurs du Comité Pro Santa Cruz voient d'un très mauvais oeil l'essor politique des indigènes ruraux. De ce fait, les années 2000 voient l'apogée du Comité qui se positionne comme leader de la lutte contre les mouvements indigènes306. Plus encore, une véritable peur d'une révolte indigène apparaît, des groupes paramilitaires s'organisent pour défendre les grands propriétaires terriens face aux ruraux indigènes. Le Comité Pro Santa Cruz se radicalise, certaines branches racistes telles que « Nación Gamba voient le jour. C'est à cette période que la dichotomie colla/camba se développe, le colla étant imaginé

Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

301 Falange Socialista Boliviana

302 PEÑA HASBUN Paula, La construcción de la identidad cruceña. Le Monde diplomatique. Número 13, 2003.

303 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

304 PEÑA HASBUN Paula, La permanente construcción de lo cruceño: un estudio sobre la identidad en Santa Cruz de la Sierra, PIEB, 2003

305 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz.

306 Ibid.

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comme un anarchique et un narcotrafiquant307. Ainsi, lorsque le président Sanchez de Lozada doit fuir La Paz face aux mouvements sociaux et à la guerre du gaz en 2003, il se rend à Santa Cruz de la Sierra d'où il s'enfuit aux États-Unis d'Amérique. La ville de Santa Cruz entretien de bonne relation avec ces derniers, qui sont très présents depuis la lutte contre les narcotrafiquants dans les années 1990308. Evo Morales correspond au colla par excellence, portant la culture andine au rang de culture nationale. L'idéologie cruceña est donc totalement aux antipodes des pensées portées par les syndicalistes et partis indigènes qui prennent le pouvoir en 2005. Le comité Pro Santa Cruz regroupe 500 000 signatures lors de « l'agenda de janvier » en 2005, qui demande un référendum pour l'autonomie309. Durant ces années, les tensions sont très fortes entre les différents partisans et entre l'Orient et le monde andin. Evo Morales ne contrôle pas vraiment l'Orient durant les 3 premières années de sa présidence. L'apogée de ces tensions se cristallise sur l'année 2008. Le 4 mai 2008, les États de la demi-lune 310, le Pando, le Béni, Tarija et à leur tête Santa-Cruz, organisent un référendum pour l'autonomie de ces régions. Bien qu'il soit déclaré illégal par Evo Morales, le « oui » l'emporte largement dans ces régions. Ces États se déclarent alors autonomes et de nombreuses exactions s'ensuivent. Les institutions gouvernementales sont prises d'assauts et de nombreux conflits éclatent entre les partisans du MAS et ceux de l'Orient. A Santa Cruz, la population andine est victime de chasses à l'homme, nombre d'entre eux sont obligés de fuir dans les campagnes environnantes où ils sont parfois encore mal considérés311. Les conflits aboutissent parfois à des morts, c'est le cas du massacre du Porvenir, le 11 septembre 2008, durant lequel 12 indigènes masistes furent tués au Béni par les forces départementales. Evo Morales déclare alors l'État de siège et réprime avec force l'Orient et tout particulièrement en 2009, emprisonnant ou forçant à l'exil les dirigeants autonomistes. Cette dernière répression, la réélection d'Evo Morales en 2009 et la nouvelle constitution de 2010 mirent un coup d'arrêt au Comité Pro Santa Cruz et aux ambitions d'autonomie de la ville et de l'Orient. En effet, le MAS remplace désormais les élites du comité, et la nouvelle Constitution Politique de l'État réduit les pouvoirs départementaux. Désormais, le Comité existe encore, mais il n'est plus influent312.

Pour résumer, Paula Peña Hasbun, principale auteure sur l'identité cruceña et son histoire, exprime l'évolution des revendications cruceñas en ces termes : « En un demi-siècle, le discours idéologique d'une bonne partie de la société de Santa Cruz est donc passé d'une demande accrue d'intégration à l'espace national (décennie 1960) à une volonté de le contrôler (décennies 1980 et 1990) puis de s'en séparer (décennie 2000). 313» Il existe donc une longue et douloureuse histoire d'opposition avec le gouvernement centralisateur pour accéder à plus de pouvoir et de reconnaissance, que ce soit par l'intégration comme par l'autonomie.

L'identité « camba » affirmée et le rejet du gouvernement centralisateur se ressent aussi dans l'espace urbain. En effet le contraste des symboles avec la ville de La Paz est frappant. Dans cette dernière, il est difficile de ne pas voir un drapeau bolivien, les enseignes du pays ou le portrait d'Evo Morales dans tous les quartiers. L'espace publique est envahie par le patriotisme et la propagande étatique. Ainsi, les institutions gouvernementales affichent les drapeaux de Bolivie, des indigènes andins (Wiphala314) et parfois du département, c'est à dire de La Paz. Les murs des maisons sont des

307 Ibid.

308 PEÑA HASBUN Paula, La construcción de la identidad cruceña. Le Monde diplomatique. Número 13, 2003.

309 Ibid.

310 La demi-lune était le nom donnée à l'alliance des départements souhaitant faire session : Pando, Beni, Tarija et Santa Cruz.

311 Daniel Armando Pasquier Rivero, directeur de l'école privée Santo Tomas de Aquino lundi 10 avril 2017, Santa Cruz et observations à Charagua.

312 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

313 PEÑA HASBUN Paula, La construcción de la identidad cruceña. Le Monde diplomatique. Número 13, 2003.

314 Le Wiphala est un drapeau à damier multi-couleur qui représente la diversité des ethnies composant la Bolivie, il est rattaché au monde andin et parfois à l'empire Inca, son invention est sans doute récente, symbole des luttes indigènes en Bolivie.

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supports d'expressions politiques, ils sont souvent recouverts de « SI » (faisant référence au référendum permettant Evo de se représenter) ou encore de « MAS »315. A Santa Cruz en revanche, il est bien plus rare de voir le drapeau bolivien. Le drapeau cruceño flotte partout dans la ville et surtout sur la place centrale. Cette dernière, la place 24 de septiembre, regroupe la casa de Gobierno, et el Gobierno Municipal de Santa Cruz de la Sierra qui se remarque par une longue série de drapeaux cruceños. Plus encore, il n'y a aucun portrait d'Evo Morales dans l'espace urbain de Santa Cruz. La seule présence de la propagande étatique subsiste dans les radios qui vantent les actions du MAS et qui appellent à la lutte contre le racisme316 . Ainsi l'espace urbain et les symboles qui l'occupent renforcent l'impression de se situer dans un autre pays qui est déjà présente par le climat, l'environnement, la culture et l'architecture.

Illustration 14: Les symboles de l'autonomie de Santa Cruz.

Le siège du gouvernement autonome de Santa Cruz, au style colonial, arbore une longue rangée de drapeaux cruceño. Celui-ci est constitué de deux bandes vertes encadrant une bande blanche, Santa Cruz, Avril 2017 (Photo : Saint-Martin).

Depuis 2010, le MAS est positionné dans les véritables sphères décisionnelles de l'Orient, le parlement départemental notamment. Les autonomistes sont dénigrés par le MAS qui les présentent comme des « oligarques suprématistes contrôlés par les Américains » pour reprendre les termes d'un partisan du MAS317. Les migrations de plus en plus nombreuses vers Santa Cruz de la Sierra font de la ville un centre métisse de plus en plus partisan d'un projet urbain en adéquation avec la logique de l'Etat Plurinational plutôt qu'avec un projet régionaliste et homogénéisant. Néanmoins, les intellectuels, qui ont été formés dans l'école du Comité Pro Santa Cruz et qui ont vécus ces événements, continuent de rêver à l'autonomie de leur département, ou du moins, a plus de pouvoirs départementaux.

315 Observations personnelles pour mars 2017 à La Paz

316 Observations personnelles pour avril 2017 à Santa Cruz.

317 Conseillé présidentiel ayant souhaité rester anonyme.

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I-C/ L'enseignement de l'histoire au coeur de ces enjeux : des projets d'histoires régionales.

Établir une histoire de l'enseignement de l'histoire à Santa Cruz et dans l'Orient est encore plus difficile que pour le cas national, en vue de la grande difficulté pour trouver des sources sur la question. Cependant, les ambitions politiques des élites dirigeantes de Santa Cruz de la Sierra et les relations avec les projets étatiques permettent de concevoir les choix éducatifs de Santa Cruz. Ces suppositions sont partiellement confirmées par l'histoire de l'éducation à Santa Cruz et en Orient dressée par Gustavo Pinto Mosqueira dans deux ouvrages : Bases para la escuela y educacion en el oriente boliviano 318 et Educacion y curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano 319. Gustavo Pinto est docteur en philosophie et en histoire à Santa Cruz de la Sierra. Ce dernier, en tant qu'autonomiste et en tant que virulent opposant du MAS, correspond bien aux positions des élites cruceñas. Il ne traite pas de l'éducation préhispanique, ce qui correspond à la conception cruceña de l'histoire de la Bolivie qui conçoit sa naissance et son identité par le métissage et donc par la colonisation. Sous la colonie, l'enseignement était transmis par les jésuites, l'Église et certains particuliers, sous la forme de catéchisme et d'apprentissage cognitif. Gustavo Pinto dresse un portrait exemplaire du niveau éducatif de l'Orient vis à vis du reste de la Bolivie. Les cambas seraient ainsi dotés de plus d'écoles et mieux alphabétisés que les collas au XIXème siècle320. Même pour ce qui est de l'éducation, la situation de l'Orient se définit par comparaison avec l'Altiplano.

Pour ce qui est de la fin du XIXème siècle, l'auteur insiste sur le fait que « l'éducation, l'école et les contenus étaient libres, c'est à dire, il y avait une autonomie éducative, et que l'État andinocentré ne s'occupait pas entièrement de l'école.321 ». L'éducation était prise en charge par les municipalités. Cette gestion municipale de l'éducation a perduré près de 80 années, entre 1850 et 1939. Gustavo Pinto affirme ensuite que la réforme libérale du début du XXème siècle s'est surtout appliquée dans le monde andin, Santa Cruz ne reçut une école Normale qu'en 1941. Les politiques éducatives envers les indigènes ne se seraient appliquées que sur les indigènes andins322 . Malgré le contrôle de l'éducation par l'État national depuis 1939, l'élaboration du contenu se faisait toujours avec la collaboration des intellectuels locaux et en rapport avec le contexte. Ce fut le cas jusqu'au code de l'éducation de 1955, qui est une mesure du MNR. Le rejet du Comité pro Santa Cruz et les conflits entre ces deux mouvements laisse suggérer un rejet de cette réforme. Gustavo Pinto dénonce cette école unificatrice, qui ne prenait pas en compte la diversité orientale. L'école du MNR était selon lui une école andinisante qui appliquait leur idéologie révolutionnaire. Fait intéressant, Gustavo Pinto ne traite pas de l'influence de la réforme de l'éducation d'Hugo Banzer. La réforme éducative de ce grand dictateur soutenu par Santa Cruz a sans doute dû être appliquée à Santa Cruz en 1973. Peut-être pour ne pas rappeler cette alliance aujourd'hui honteuse, l'auteur n'aborde pas le sujet. En effet, Hugo Banzer est considéré comme le dictateur ayant le plus atteint aux droits ds hommes en Bolivie et il a causé de graves conflits civils lors de son en 1997. La réception de la réforme de 1994 semble plutôt positive à Santa Cruz, bons nombres d'intellectuels cruceños actuels l'acclament, sans doute influencés par le rejet de la réforme actuelle. Elle est appréciée notamment car grâce à elle, le reste de la Bolivie découvre l'Orient et pour son caractère multiculturel, reconnaissant la composante orientale de l'identité bolivienne. Cette réforme qui s'est développée sous la période d'influence et de coopération des politiciens cruceños avec le pouvoir central, révèle l'influence de ceux-ci dans les décisions étatiques à la fin du XXème siècle. De plus, les cruceños qui prennent comme modèle

318 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Bases para la escuela y educación en el oriente boliviano, Landivar S.R.L. Santa Cruz de la Sierra, 2004.

319 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006.

320 Ibid.

321 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006 :« ...la educacion, la escuela y los contenidos eran libres ,es decir, habia autonomia educativa, y aun el Estado andinocentrico no se ocupaba enteramente por la escuela... » p90.

322 Ibid.

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l'occident, apprécient l'aspect scientifique et international de cette réforme323. Le point qui intéresse les régionalistes et autonomistes comme Gustavo Pinto est finalement la théorique coexistence d'un contenu régional en complément du tronc commun324 . Enfin, la réforme de 2010 ne convient absolument pas aux intellectuels de Santa Cruz. Bien qu'elle apparaisse comme une réponse aux demandes de régionalisation des programmes, cette réforme est perçue comme une andinisation et une indigénisation du contenu éducatif. Pire encore, les possibilités d'application de contenus régionaux s'avèrent mensongères, l'État luttant même pour empêcher sa mise en place. Ainsi, depuis 1955, l'éducation à Santa Cruz est contrôlée par l'Etat, ne laissant guère de place à une histoire régionale.

Selon Philippe Boulanger, docteur en droit public ayant travaillé sur la Bolivie et sur Santa Cruz, la CPE de 2009 qui instaure l'État plurinational s'avère paradoxalement très centraliste là où la CPE de 1967 en vigueur précédemment permettait aux départements de gérer la police, la propriété des terres et les lois sur le travail et enfin l'éducation325. Ce dernier point est important puisque la fonction éducative du département permettait la promotion de la culture orientale par l'éducation, ce qui n'est plus le cas avec la nouvelle CPE. L'État bolivien déploie une politique d'unification et d'acculturation de ces départements séparatistes notamment via l'éducation. Face à la répression récente des élites politiques, les moyens de contestations et de développement de l'identité cruceña passent par des domaines moins sensibles. L'histoire joue un rôle central dans la promotion de l'identité camba, orientale ou cruceña face à l'identité nationale bolivienne qui s'avère être andine et imposée par le gouvernement.

L'observation de l'enseignement à Santa Cruz et les entretiens avec les enseignants et surtout avec les intellectuels régionalistes ont révélé que tout en prétendant promouvoir la régionalisation des programmes, le gouvernement contre toute proposition régionale326. En effet, le programme de base est tellement important qu'il ne laisse pas le temps aux enseignants d'enseigner l'histoire régionale. Pire encore, les directeurs surveillent l'application et l'avancement de l'enseignement du programme de base dans les classes327 . Aucun programme régionalisé n'est mis à leur disposition pour les y encourager. De plus, toutes les propositions, comme celle de Gustavo Pinto, sont rejetés par l'État328. Le contrôle de l'enseignement de l'histoire est un enjeu majeur dans la lutte pour l'unification et l'apaisement des tensions pour l'État bolivien. Pour les intellectuels autonomistes de l'Orient, l'enseignement de l'histoire régionale est une nécessité pour lutter face au « colonialisme culturel andin329».

Certains intellectuels de l'Orient oeuvrent pour l'autonomie ou le fédéralisme en créant des institutions officieuses afin de contourner le centralisme andin ou en réalisant des projets privés. C'est le cas notamment de Paula Peña Hasbun et de Daniel Armando Pasquier Rivero.

Paula Peña Hasbun est la directrice du Musée de l'indépendance et directrice des archives historiques de Santa Cruz située en ce même lieu. La ville de Santa Cruz ne disposant pas de chaire d'histoire, le musée d'histoire a pris cette fonction, sous l'initiative et la direction de Paula Peña à sa tête. Cette historienne écrit des ouvrages sur l'identité et l'histoire cruceña et essaye de promouvoir

323 Entretien avec Paula Peña Hasbun, historienne et archiviste et directrice du musée d'histoire de Santa Cruz. Vendredi 7 avril 2017, Santa Cruz.

324 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006.

325 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

326 Paula Peña Hasbun, Gutavo Pinto Mosqueira, Daniel Armando et enseignants.

327 Entretien avec Piedades Parada, Enseignante de 6ème à l'école publique Warnes, 26 avril 2017, Santa Cruz.

328 Entretien avec Gustavo Pinto, historien et philosophe ayant proposé des curriculum régionalisés. Jeudi 13 avril à la chaire d'histoire et le mercredi 19 avril 2017, Santa Cruz.

329 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Bases para la escuela y educación en el oriente boliviano, Landivar S.R.L. Santa Cruz de la Sierra, 2004 : « el colonialismo cultural andino »

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l'enseignement de l'histoire cruceña dans les écoles et les universités de la ville. En effet, elle regrette que « les étudiants ne connaissent rien de l'histoire de Santa Cruz après toute une scolarité et une formation universitaire en histoire330. ». Plus encore, elle fait partie de ces intellectuels qui produisent du matériel de vulgarisation sur l'histoire régionale aux enseignants du département. Elle a ainsi publié, grâce à la coopération de la mairie de Santa Cruz, deux petites brochures sur l'histoire de la ville, destinées aux enfants cruceños. Ces brochures sont illustrées par des dessins mettant en scène le progrès de la ville et de la technologie apportée par des Européens et appliquée par des métis. Face à cela, des indiens s'enfuient en lâchant leurs arcs et flèches331. Ces dessins sont assez représentatifs de l'éloge de la modernisation par la colonisation européenne et de la dépréciation des indigènes, idées fortement présentes à Santa Cruz332. Elle a aussi distribué des CD présentant la situation et l'histoire guarani pour les enseignants ruraux du département. Finalement, son opposition à La Paz lui fait paradoxalement participer à la loi ASEP en produisant du contenu sur l'histoire locale, comme le préconise cette loi. Cependant, selon Paula Peña, l'histoire enseignée en Bolivie est partout la même. Elle dénonce le mensonge de la réforme de 2010 qui idéologise, qui « indigénise » mais qui ne régionalise pas333.

Daniel Armando Pasquier Rivero quant à lui, est psychologue et directeur de l'école privée Santo Tomas de Aquino. Cet homme dirige un établissement pour les enfants de classe sociale très aisées334, dans lequel une histoire régionale est enseignée en cours supplémentaire. Lors d'un long entretien, Daniel Armando Pasquier Rivero s'est présenté comme un autonomiste qui dénonce la « colonisation andine »335 . Son raisonnement « anti-colla » est extrême, allant jusqu'à comparer l'ethnocentrisme des andins au régime nazi336. Il existe chez certains de ces intellectuels une forme de racisme, pas seulement de blanc envers les indigènes, car ils sont souvent blancs (comme souvent à La Paz également), mais surtout contre les collas. Ce notable cruceño regrette le nouvel État plurinational qui donne le titre d'autonomie au département mais qui, dans les faits, centralise de plus en plus les pouvoirs. Face au contrôle étatique très fort sur le programme enseigné dans son établissement, il est obligé de le faire sur son temps libre. Afin de contourner ces contraintes, il a fondé une ONG, qui reste malgré tout surveillée par l'État, mais plus libre que son établissement scolaire. Cette ONG, l'ICEES337, regroupe des intellectuels de Santa Cruz, opposé au MAS338. Entre autres publications, l'ICEES produit des textes qui visent à combler les manques des textes officiels, c'est à dire l'histoire locale. L'ICEES propose des cours gratuitement aux étudiants et écoliers qui le souhaitent à son établissement. Il estime que l'histoire est instrumentalisée et biaisée par un point de vue andinocentré. Selon lui, « la mission de l'histoire est de mieux coexister dans une société.339».

Dans son école, certains enseignants d'histoire ne cachent pas leur opposition à Evo. L'un d'entre eux qualifie cette réforme de régression de l'histoire, dénonçant le manque de scientificité dans la discipline historique de l'État bolivien, qui republie des articles trop vieux, ne portant de l'intérêt que

330 Entretien avec Paula Peña Hasbun, historienne et archiviste et directrice du musée d'histoire de Santa Cruz. Vendredi 7 avril 2017, Santa Cruz.

331PEÑA Paula et LANDIVAR Jorge, La fundacion de Santa Cruz, Rolando Nunez N, Santa Cruz de la Sierra, 2016.et PEÑA Paula et LANDIVAR Jorge, Siempre libres, cruceños seamos!, Rolando Nunez N, Santa Cruz de la Sierra, 2016.

332 ROLLAND Denis, Pour comprendre la Bolivie d'Evo Morales, Paris, Harmattan, 2007.

333 Entretien avec Paula Peña.

334 Le prix mensuel est de 1400 bolivianos, soit environ 170 euros, une somme conséquente pour la Bolivie dont le revenu mensuel minimum est de 1440 bolivianos en 2018 (INE).

335 Entretien avec Daniel Armando Pasquier Rivero, directeur de l'école privée Santo Tomas de Aquino lundi 10 avril 2017, Santa Cruz.

336 Ibid.

337 Instituto de Ciencia, Economía, Educación y Salud

338 L'IPEES se présente en ces termes sur son site : http://www.icees.org.bo/quienes-somos/ :« Nuestro propósito es aglutinar emprendedores intelectuales que compartan la visión de conformar una sociedad de individuos libres y responsables, basada en el respeto a las libertades del ser humano dentro del contexto de un gobierno limitado a la protección de la vida...»

339 Entretien avec Daniel Armando Pasquier Rivero, : « la mision de la ensenanza de la historia es de convivir mejoraremente en una sociedad»

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pour le soutien à l'idéologie du Mas que peut apporter un article scientifique. Cet enseignant donne un enseignement clairement opposé au gouvernement, comme le montre la une d'un journal affiché dans la classe, où Evo demande aux écoles d'enseigner Hugo Chavez. Ce journal doit dénoncer « l'abrutissement de l'histoire par le MAS 340».

Il est intéressant de constater une grande différence entre les intellectuels paceños et cruceños. A La Paz, les intellectuels, majoritairement blancs et métisses étaient très abordables, réalisant des entretiens dans des cafés ou a leurs domiciles ou à leurs bureaux qui étaient sobres. Ils présentaient tous une bien-pensance à l'égard des indigènes et des politiques visant à les valoriser. A Santa Cruz en revanche, les intellectuels, majoritairement blancs, étaient bien plus protocolaire, affichant fièrement un mode de vie très occidental en affichant leur statut et leur richesse. Et la relation avec les politiques indianistes et même avec les indigènes était tout autre. Ainsi, Paula Peña recevait les visites dans un gigantesque bureau avec salon dans le Musée d'histoire au style colonial. Elle bénéficiait des services d'une secrétaire sans doute indigène a qui elle s'adressait de manière autoritaire. La hiérarchisation sociale et ethnique était très visible. Ces différences sont révélatrice des différences de mentalités entre les intellectuels paceños et cruceños, qui peuvent expliquer l'incompréhension et l'absence de collaboration qui règne entre les uns et les autres.

Un autre intellectuel cruceño actif dans la valorisation de l'Orient par l'enseignement de l'Histoire est l'auteur évoqué précédemment, Gustavo Pinto Mosquiera. Lors de plusieurs entretiens, celui-ci s'est présenté comme un fervent défenseur de la culture camba, il dénonce « l'indigénisation » de la société bolivienne et le manque de reconnaissance de l'identité métisse. Il a constitué des propositions de programmes régionalisés pour Santa Cruz qu'il a soumis à l'examen des autorités gouvernementales. Ces projets furent rejetés, du fait de la volonté de ne pas appliquer l'éducation régionalisée selon lui. Cependant, il est intéressant de constater qu'il adopte le même ethnocentrisme et égocentrisme que les programmes officiels, cette fois ci sur la culture de l'Orient. Dans ces propositions de programmes régionalisés, il y a très peu de sujets qui portent sur une autre partie de la Bolivie, recréant la situation inversée d'une culture dominante (ici les cambas), et les autres. Les contenus qui sont présentés comme nationaux, comme la Guerre du Pacifique, sont étudiés dans la catégorie « histoire andine », faisant ainsi deux histoires distinctes, sans réels liens341 . L'histoire proposée par cet intellectuel ressemble à un programme d'un Orient autonome, il ne correspond pas ni à l'idéologie de la loi 1565 et encore moins à celle de la loi ASEP. Il n'est donc pas étonnant que ce projet soit refusé, surtout dans le contexte récent de la censure et de la répression des courants et pensées autonomistes.

Outre ces travaux, il récolte actuellement des fonds pour créer une école populaire officieuse afin d'enseigner l'histoire régionale dans les quartiers pauvres. Il veut que tous les Boliviens prennent conscience de l'andinisation imposée dans tout le pays depuis les projets unificateurs du début du XXème siècle342. Il ne rejette pas tous les aspects de la réforme, notamment pour ce qui est de l'étude des connaissances indigènes. Sur ce point, il se différencie des discours des enseignants urbains qui voient en la réforme une régression343.

Ainsi, l'analyse des productions d'histoire ou de programmes régionalisés révèle qu'ils sont construits dans l'opposition politique au MAS et au monde andin. Ces documents se révèlent tout aussi tout aussi peu interdépartementaux que les contenus proposés par La Paz, il s'agit d'une histoire partisane qui promeut la supériorité des orientaux sur les occidentaux. Ces projets se positionnent plus ou moins en rupture avec le projet éducatif de la loi ASEP et avec l'État bolivien ce qui révèle les différents degrés de radicalité de ces intellectuels. En effet, certains demandes un plus grand fédéralisme comme Paula Peña ou Daniel Armando et d'autres revendique encore une autonomie

340 Entretien avec un Enseignant d'histoire en secondaire de l'école Santo Tomas de Aquino. Le mardi 11 avril 2017, Santa Cruz.

341 PINTO MOSQUEIRA Gustavo, Educacion y Curriculo Escolar para Gobiernos Departementales Autonomos en el Oriente Boliviano, UNION, Santa Cruz de la Sierra, 2006.

342 Entretien avec Gustavo Pinto, historien et philosophe ayant proposé des curriculum régionalisés. 19 avril 2017, Santa Cruz.

343 Ibid.

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comme Gustavo Pinto.

Désormais, après la répression politique de 2009, l'élite cruceña autonomiste étant muselée dans la sphère politique, ils continuent leur lutte par l'éducation et la transformation des consciences. L'enseignement de l'histoire locale est un outil qui permet de dénoncer l'impérialisme andin dans l'Orient. Bien que l'État contingente ces écrits et propositions en refusant de les accepter comme programmes régionalisés et en les présentant comme racistes et oligarchiques, les intellectuels cruceños trouvent des manières officieuses pour diffuser leurs idéaux. Quoiqu'il en soit, ces travaux permettent le développement d'une histoire locale et une meilleure connaissance des orientaux sur leur histoire régionale, notamment grâce à Paula Peña Hasbun.

L'Orient et Santa Cruz de la Sierra forment un monde bien différent du reste du pays. Il forme une autre Bolivie, une Bolivie oubliée et sous représentée344. Après avoir souffert d'un manque de reconnaissance sous les projets politiques et éducatifs unificateurs du MNR, L'Orient avait réussi à coopérer et à trouver sa place dans les gouvernements néolibéraux des années 1990, au point de se plaire dans la réforme de 1994. Mais les bouleversements des années 2000 ont totalement rompu les rapports entre l'Orient et le monde andin. Après la crise de 2005 à 2009 entre ces deux mondes, Evo Morales crée l'État Plurinational de Bolivie. Ce faisant, il répond officiellement aux demandes d'autonomies en donnant le statut d'autonomies aux 9 gouvernements départementaux. Un an plus tard, le gouvernement déploie sa nouvelle loi éducative, la loi ASEP, qui là aussi est censée répondre aux demandes de régionalisation, ici de l'éducation. Cependant, ces efforts politiques et éducatifs sont dans les faits inexistants, les départements soi-disant autonomes de l'Orient ont bien moins de pouvoir que précédemment, et le clientélisme et le positionnement des masistes permettent au MAS de contrôler effectivement l'Orient345. Les entretiens avec les intellectuels de l'Orient opposés au MAS346 révèlent une situation où les propositions de programmes régionalisés sont systématiquement refusées. Les enseignants qui sont censés constituer leur matériel pour l'histoire locale, n'ont pas le temps ni pour le concevoir, ni pour l'enseigner, le tronc commun étant trop lourd. Ainsi, le gouvernement bolivien contrôle la politique et l'éducation de Santa Cruz, il y projette un enseignement andinocentré, nationaliste, qui crée une identité avant tout bolivienne. L'enseignement de l'histoire permet aussi de propager les idéaux des syndicats indigènes ruraux et de les insérer dans un processus historique national long. Cependant, cette éducation si exogène à Santa Cruz s'applique de bien différentes manières selon les contextes.

Chapitre II : L'application de la loi 070 : un contenu andin et indigène dans la capitale de l'Orient.

Les raisonnements sur l'éducation scolaire à Santa Cruz développés dans cette partie sont basés sur des observations de leçons de 5ème et de 6ème année de primaire dans quatre établissements cruceños. Ils sont aussi le fruit d'entretiens avec les directeurs, les enseignants et les élèves durant le mois d'Avril 2017. Ici, il sera toujours question du cas des écoles de Santa Cruz de la Sierra. Mes observations se sont concentrées sur les classes de 5ème et de 6ème de primaire. En effet, l'histoire n'est abordée que vaguement qu'à partir de la classe de 3ème, puis elle disparaît des

344 PEÑA HASBUN Paula, La construcción de la identidad cruceña. Le Monde diplomatique. Número 13, 2003.

345 BOULANGER Philippe, «Le Comité Pro Santa Cruz. Genèse et déclin de l'autonomisme institutionnel en Bolivie», Evo Morales ou le malentendu bolivien, Editions Nuvis, 2017.

346 Gustavo Pinto, Paula Peña et Daniel Armando Pasquier.

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programmes en 4ème. Les classes de 5ème et 6ème sont donc les années qui présentent le plus de contenus historiques pour le primaire347.

En Bolivie, il existe trois types d'écoles, les écoles publiques, les écoles privées et les écoles religieuses. Les situations dans ces établissements sont extrêmement différentes, ce qui rend compte de la difficulté de parler de l'école en Bolivie. C'est pour cette raison que j'ai essayé de mener des observations dans les trois types d'écoles du 25 avril au 5 mai à Santa Cruz de la Sierra. Pour réaliser mes observations aux seins des écoles cruceñas, il m'a fallu obtenir une autorisation nécessaire auprès de la direction éducative départementale de Santa Cruz et auprès des directeurs et directrices qui m'ont finalement accordé quelques créneaux.

L'école publique coronel Igniaco Warnes se trouve dans le centre de Santa Cruz de la Sierra, dans une très ancienne demeure cruceña de la rue Pari. L'autre école publique observée, l'école Jose Manuel Mercado se trouve à la limite du centre-ville, dans un quartier plus défavorisé, sur la rue Santa Barbara. L'observation de ces écoles me permit d'observer l'influence du niveau de vie du quartier sur deux écoles publiques. J'ai eu plusieurs occasions de mener des observations dans l'école coronel Igniaco Warnes. Le mardi 25 avril, j'ai assisté à une leçon de 6ème de communication et langage ayant comme thème l'apprentissage de la langue indigène guarani. Le mercredi 3 mai, après plusieurs tentatives infructueuses, je fus accepté de nouveau pour une leçon de sciences sociales des 6èmes sur l'histoire républicaine de la Bolivie, notamment à travers les vies de Simon Bolivar et d'Antonio Jose de Sucre. L'enseignante de cette classe, Piedades Parada, s'est révélée très coopérative, ce qui a abouti à des entretiens semi-dirigés mais aussi libres avec cette dernière, lors des observations mais aussi en dehors de l'école lors d'une visite de sa famille au village de Porongo. Dès la première leçon, j'eus l'occasion de mener un entretien dirigé avec les enfants de cette classe. Les questions furent les suivantes :

- Quels peuples indigènes de Bolivie connaissez-vous ?

- Que connaissez-vous du monde rural ?

- Y a-t-il des enfants originaires de la campagne parmi vous ?

-Que préférez-vous, la campagne ou la ville ?

- Êtes-vous déjà allé à La Paz ?

Le directeur de l'école publique Jose Manuel Mercado s'est montré très peu coopératif. Il ne m'accorda qu'une journée d'observation, le mardi 2 mai, durant laquelle j'eus l'opportunité d'observer un cours de science sociale de la classe de 5ème sur l'économie bolivienne puis d'un cours de science sociale de la classe de 6ème sur les seigneuries aymaras. Si l'enseignante de 5ème fut très loquace, ce ne fut pas le cas de celle de 6ème avec qui je ne suis pas parvenu à mener un entretien. Finalement cette journée s'est achevée par la réalisation d'un acte civique pour la fête du travail.

L'accès à l'école privée Cristo Rey ne fut pas aisée à atteindre, du fait de sa grande infrastructure et de son service d'accueil qui rend la directrice ou les enseignants inaccessibles depuis l'entrée, contrairement aux autres écoles. Mais une fois les démarches effectuées, la directrice s'est avérée être la plus coopératrice, et de loin. Ainsi, elle me permit d'assister à trois leçons de 6èmes avec l'enseignante Norma Josas. Le jeudi 27 avril pour une leçon sur les premiers villages en Bolivie, puis, le mardi 2 mai pour une leçon sur Tiwanaku et avec une autre classe sur l'Empire Incas. Une enseignante de 5ème m'a aussi accueilli pour une leçon de 5ème en salle informatique sur les indigènes es terres basses, le vendredi 28 avril.

L'observation de l'école religieuse Fe y Alegria, située en dehors du centre-ville, fut réduite à la journée du 4 mai, durant laquelle se déroulait une journée d'exposition de travaux réalisés par les enfants sur la présentation de la région de Santa Cruz. Cette journée fut l'occasion d'avoir des entretiens semi dirigés avec l'enseignante et un entretien dirigé avec les enfants afin de les interroger sur certains points.

347 Minisiterio de Educacion, Curriculo base de educacion regular, La Paz, 2012.

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Connaissez-vous La Paz ?

Connaissez-vous des indigènes ?

Qu'est ce qui les différencie des autres Boliviens ?

Quelles figures historiques connaissez-vous ?

Quelle est la date de l'indépendance de la Bolivie ? De Santa Cruz ? De la Guerre du Pacifique ?

Enfin, lors de la visite avec l'enseignante Piedades Parada du village de Porongo, dans la campagne proche de Santa Cruz de la Sierra, j'ai bénéficié de la présence d'un local, le neveu de Piedades Parada, pour observer de manière informelle l'école Hugo Banzer et pour mener un entretien avec le directeur de cette école.

II-A/ Un enseignement historique aux objectifs différents selon la nature des écoles : la création d'une identité sociale.

Dans cette ville, les écoles publiques disposent dans la plupart des cas de locaux certes rudimentaires mais corrects. Les écoles du centre-ville sont situées dans d'anciennes propriétés possédant une cour fermée servant à la récréation. Bon nombre d'intellectuels travaillant sur l'éducation en Bolivie, qu'ils soient de La Paz comme de Santa Cruz, s'accordent pour dire que la qualité de l'éducation dans les écoles publiques est lamentable348. L'observation de l'école Coronel Igniaco Warnes et de l'école Jose Manuel Mercado confirme malheureusement ce constat. Quatre problématiques principales apparaissent rapidement. En premier lieu, le manque de formation des enseignants. De manière générale, les enseignants ne connaissent pas très bien ce qu'ils enseignent de telle sorte que leur fonction se réduit souvent à dicter le contenu des manuels de La Hoguera ou d'El Pauro, manuels majoritairement présents dans les écoles publiques de Santa Cruz349. L'observation des leçons de 5eme et de 6eme à l'école Jose Manuel Mercado se réduisaient à la lecture du manuel par les enseignantes350. La formation obligatoire du PROFOCOM, censée former les enseignants pour appliquer convenablement la nouvelle réforme, est jugée comme insuffisante par de nombreuses personnes351. D'après ces dernières, la formation du PROFOCOM explique comment les enseignants doivent transmettre l'idéologie du MAS à travers l'enseignement scolaire, elle donne aussi une méthodologie de notation qui se veut totale, avec les quatre dimensions du ser, saber, hacer, decidir. Néanmoins, cette formation ne semble pas fournir les connaissances nécessaires aux enseignants pour maîtriser les contenus historiques enseignés. Cependant, les cas varient selon les enseignants, Piedades Parada par exemple, enseignante d'une classe de 6eme à l'école Igniaco Warne, s'intéresse particulièrement à l'histoire et appuie les leçons d'histoire de ses propres connaissances, à l'aide d'analogies et d'anecdotes352. Néanmoins, cette dernière n'a reçu aucune formation en pédagogie. Ce dernier point permet de souligner le deuxième grand problème présent dans ces écoles publiques : l'abandon des enseignants. Ceux-ci sont désabusés, ils sont tous exténués, si la plupart disent avoir choisis ce métier par vocation, ils avouent volontiers ne plus être satisfait dans leur profession353. Leur attitude envers les enfants est souvent agressive, n'hésitant pas a dénigrer ouvertement les

348 Entretiens avec Carolina Loureiro, Paula Peña Hasbun, Monica Sahonero, 2017.

349 Entretien avec Edgar Lora Gumiel, Assesseur Pédagogique et Gustavo Lora V. Coordinateur d'édition technique La Hoguera, lundi 10 avril 2017, Santa Cruz et observations dans les écoles Coronel Igniaco Warnes et Jose Manuel Mercado

350 Mardi 2 mai 2017 : école Jose Manuel Mercado , classe de 5ème.

351 Paula Peña Hasbun, Marianela Soux, Isabelle Combes enseignants, 2017.

352 Entretiens et observations de Norma Josas, enseignante à l'école privée Cristo Rey, mardi 2 mai 2017, Santa Cruz.

353 Entretiens avec Piedades Parada et l'enseignante de 5ème de l'école Mercado.

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enfants turbulents354. Ce problème est fortement lié avec le troisième : le problème de la discipline. Les élèves sont très indisciplinés, surtout les garçons, ce qui empêche dans la plupart des cas un déroulement efficace du cours355. Les enseignants sont obligés de couper la leçon constamment afin d'obtenir un semblant de silence. La récréation et les actes civiques constituent une explosion de violences et d'agitations, qui ne sont même pas encadrées par les enseignants356 . Ce manque de discipline s'explique par le dernier problème majeur des écoles primaires, le manque d'investissement des parents. Les populations qui fréquentent ces établissements sont avant tout des populations pauvres. Le taux d'absentéisme, du fait du travail infantile, est très fort et les parents ne font absolument pas de l'éducation une priorité357 . Ceux-ci, souvent eux-mêmes peu éduqués, sont dépassés par les connaissances de leurs enfants assez rapidement, et ils ne peuvent et ne veulent les aider pour la réalisation de leurs devoirs. De ce fait, le travail avance très lentement et les résultats aux examens sont catastrophiques358. De plus, selon enseignants interrogés359, un problème provoqué par le manque d'intérêt pour la scolarisation et parfois même pour la vie de leurs enfants est le manque d'éducation parentale. Cet élément est fortement critiqué par les enseignants qui dénoncent le laxisme grandissant de l'éducation parentale en Bolivie.

Les enfants de ces écoles sont d'origines variées, la plupart viennent de Santa Cruz mais certains sont originaires de la campagne, la plupart sont métisses ou indigènes. Face à la pauvreté de ces enfants et pour les encourager à venir à l'école, le gouvernement autonome de Santa Cruz distribue dans tous les établissements publics des rations alimentaires depuis 2013. Cela évite ainsi que certains enfants ne mangent pas de la journée360.

Dans ces établissements, l'enseignement de l'histoire est comme partout celui de La Hoguera ou de El Pauro, les élèves apprennent donc l'histoire des Aymaras, de l'Empire Inca, de Tiwanaku361. La plupart des enseignants n'ont pas la volonté ou les compétences pour fournir un travail supplémentaire nécessaire à la réalisation d'une éducation sur l'histoire régionale362. L'histoire ici a avant tout pour fonction la promotion du nationalisme chez les enfants. Les classes sont décorées par des affiches sur « El dia del Mar » ou encore sur les présidents boliviens. Pour le jour du travail, le 2 mai, un acte civique se déroule dans la cour de l'école Mercado, devant le drapeau, les élèves dans leur semblant d'uniforme et maintenu tant bien que mal en rang, entonnent l'hymne national363 . Les chants patriotiques et les cours sur les thèmes du travail ou encore des investissements de l'état, soulignent bien cette éducation au service du nationalisme. L'enseignement historique vante les valeurs du travail et du service à la nation, l'école publique forme des travailleurs, des ouvriers. En effet, a discipline de science sociale, dans laquelle l'histoire est enseignée, prend souvent un point de vue économique. Les thèmes historiques sont abordés sous cet angle. Les enfants étudient les modèles de production des Aymaras, des Incas, et que c'était bien cette organisation productive qui en faisait des grandes civilisations. Le moment de la prière à l'ouverture du cours et du chant de l'hymne sont les seuls deux moments où les élèves sont respectueux364, ce qui est révélateur de l'importance donnée aux symboles nationaux. Dans ces écoles, les enseignants transmettent une histoire nationaliste, et au contenu majoritairement andin.

354 Observations Mardi 2 mai 2017 : école Mercado : 5eme et Mercredi 3 mai 2017 : ecole Igniaco Warnes,

355 Entretiens et observations avec l'enseignante du Mardi 2 mai 2017 : école Mercado : 5eme et avec Piedades Parada , le Mardi 25 avril 2017, école colonel Igniaco Warnes

356 Observations Mardi 2 mai 2017 : école Mercado : 5eme (économie Bolivie)et 6eme ( seigneuries aymaras) puis acte civique.

357 Entretiens avec l'enseignantes du 5eme de l'école Mercado et avec Piedades Parada, enseignante de 6eme à l'école Igniaco Warnes, 2017.

358 Observations Mercredi 3 mai 2017 : ecole Igniaco Warnes, 6eme science sociale: république.

359 Entretiens avec les enseignants de 6eme des écoles Mercado et de 5eme et 6 eme de Igniaco Warnes.

360 Observations Mardi 2 mai 2017 : école Jose Manuel Mercado , classe de 6ème.

361 Manuels et programmes, et entretiens et observations des leçons de science sociales dans les écoles Mercado et Igniaco Warnes, 2017.

362 Entretien avec Piedades Parada, Enseignante de 6ème à l'école publique Warnes, mercredi 26 avril 2017, Santa Cruz.

363 Observations Mardi 2 mai 2017 : école Mercado

364 Ibid.

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Les écoles privées, bien qu'ils recouvrent des réalités très diversifiées, présentent de manière générale, des situations bien plus propices à l'éducation des élèves. L'école Cristo Rey figure parmi les meilleurs établissements de Santa Cruz de la Sierra. Il dispose d'une grande infrastructure moderne, à la limite du centre-ville. Il s'agit d'un établissement fréquenté par les classes aisées. L'école dispose de tout ce qu'il y a de plus moderne dont une salle d'ordinateurs. Chaque élève possède son manuel de Santillana et bien d'autres objets personnels révélateurs du niveau de richesse grandement supérieur à celui des élèves du public365. Ici, les enseignants sont choisis pour leur compétence, ils sont très bien formés et viennent souvent eux même de milieux aisés. Bien que les parents ne participent guère plus que dans les écoles publiques366, ils donnent de l'importance à l'éducation et les enfants sont bien plus rigoureux. De même ils sont bien plus disciplinés367. Le rapport de domination entre les enfants et les élèves est mis en avant par une estrade dans toutes les classes qui positionnent les enseignants au-dessus des élèves368. Les élèves étant investis, la discipline passe par des pertes de points dans le système de notation qui s'applique continuellement. Les cours sont construits et particulièrement participatifs, notamment grâce à des travaux de groupes et à des activités conçus par les enseignants369.

L'enseignement de l'histoire est ici axé sur l'enseignement moral. Les enseignements sont réfléchis lors de réunions entre les enseignants. Le collège Cristo Rey apparaît comme un établissement transmettant une culture internationale et andine. Le collège s'évertue à respecter l'application de la réforme de 2010370. Ainsi, lorsqu'on interroge les enfants sur leurs connaissances sur les autres départements et sur le reste du monde, il apparaît que les élèves d'écoles publiques connaissent bien les coutumes et productions des départements boliviens tandis que les élèves d'écoles privées en savent bien plus sur le reste du monde, sur La France, les États-Unis et connaissent bien l'histoire nationale andine371. Plus encore, ces enfants ont conscience de connaître plus la culture et l'histoire andine que celles de Santa Cruz. Ce collège suit à la lettre les directives gouvernementales, il vise à former des élites intégrées dans le nouvel État plurinational Bolivien. Cette fois les enseignants ont les capacités pour proposer un contenu régionalisé, mais ce n'est pas la politique de leur établissement et cette thématique semblait déranger l'enseignante Norma Josas372.

Les établissements religieux enfin, fondent le fonctionnement de leurs écoles sur la coopération des parents d'élèves dans l'éducation et la vie de l'école. Il s'agit d'écoles à faible coût d'inscription mais où les parents sont souvent sollicités pour financer ou travailler pour l'école ou avec les enfants. Et cette participation est effective, de telle manière qu'ils sont parfois évacués de l'école car trop nombreux. Les écoles religieuses fonctionnent grâce aux financements et aides de l'Église, de l'État et des parents. Les moyens de ces écoles sont rudimentaires mais les enseignants comme les élèves sont très volontaires. L'école Fe y Alegria de Santa Cruz appartient à la confédération du même nom. Cette école est un cas un peu particulier puisqu'elle fait partie des écoles qui avaient expérimenté la régionalisation du contenu des sciences sociales après la loi 1565 et qui ont inspiré la réforme de 2010373. Dans cette école, la culture cruceña était mise à l'honneur, les élèves connaissant très bien leur ville et leur département. Plus encore, la gastronomie, les coutumes et tenues traditionnelles cambas sont connus. Des affiches et maquettes ayant même étaient réalisés sur ce sujet. Seulement, une fois encore, les connaissances en sciences sociales sont centrées sur l'économie374. De manière

365 Observations Cristo Rey, avril 2017.

366 Entretiens avec Paula Peña Hasbun, historienne et archiviste et directrice du musée d'histoire de Santa Cruz. avril 2017, Santa Cruz.

367Observations Cristo Rey, avril 2017.

368 Ibid.

369 Ibid.

370 Entretien avec Norma Josas, enseignante à l'école privée Cristo Rey, mardi 2 mai 2017, Santa Cruz.

371 Observations et entretien dirigé, Jeudi 27 avril 2017: Cristo Rey : 6ème

372 Entretien avec Norma Josas, enseignante à l'école privée Cristo Rey, mardi 2 mai 2017, Santa Cruz.

373 Entretien avec l'enseignante de 6 eme et avec la directrice de Fe y Alegria, Jeudi 4 mai 2017.

374 Observations Jeudi 4 mai 2017: Fe y Alegria

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générale, les enseignants de tous types d'écoles dressent un portrait très positif de ces établissements.

Cet établissement promeut la place de première importance de Santa Cruz dans la région. Ici les enfants ne connaissent guère la diversité ethnique de leur pays, associant les pauvres aux indigènes, mais ils connaissent bien l'histoire nationale, surtout l'histoire républicaine375. Si le cas de l'école de Fe y Alegria est un cas particulier, il permet tout de même de constater une alternative intéressante pour les populations précaires et les classes moyennes à l'école publique376.

Les moyens à disposition, la formation des enseignants et l'orientation donnée à l'éducation font des différents types d'écoles des reproducteurs de classes sociales. En effet, l'école publique fréquentée par les populations pauvres n'offrent pas de réelle possibilité d'ascension sociale, elle n'est pas une priorité ni pour les parents ni pour les enfants. Cette éducation populaire se développe dans un encadrement nationaliste andin. Pour ce qui est des écoles privées, il faut distinguer les écoles privées élitistes des écoles privées très abordables qui présentent des situations similaires à celle des écoles publiques. Les premières offrent une qualité d'éducation incomparable avec celle des écoles publiques. Les écoles privées élitistes dotent les enfants aisés des outils nécessaires pour se développer dans les sphères élitistes, que ce soit les élites nationales avec l'école Cristo Rey ou les élites régionales avec l'école San Thomas de Aquino. Mais dans tous les cas, ces établissements propagent le contenu andinocentré élaboré par le gouvernement bolivien. Finalement, l'école de Fe y Alegria est un exemple un peu particulier d'une école rattachée à une grande organisation très populaire en Amérique du Sud et qui détient une certaine liberté. Cette école expérimentale révèle cependant l'échec de diffuser des connaissances locales, nationales tout en respectant le projet d'interculturalité et d'intraculturilatié de la loi 070. Néanmoins, l'école religieuse, de convenio semble la plus apte à faire de l'école un outil capable de créer de la mobilité entre les classes sociales. Cela révèle que le problème réside dans l'importance donnée à l'éducation, à la fois des parents qui déconsidèrent l'éducation, notamment à cause du discours gouvernemental qui prône « l'école de la vie 377» et à la fois des enseignants qui sont déconsidérés et payés insuffisamment par l'Etat378.L'école qui est souhaitée révolutionnaire et décolonisatrice par la réforme de 2010 reste dans les faits une école conservatrice qui reproduit les inégalités sociales.

375 L'histoire républicaine s'étend de 1825 à 2010.

376 Observations Jeudi 4 mai 2017: Fe y Alegria

377 Código de la infancia y la adolescencia Ley N° 548, Capítulo VI : Ley sobre el trabajo infantil, La Paz, 2014. en Bolivia : Evo Morales encourage les enfants à travailler dès l'âge de dix ans.

378 Enseignants, Monica Sahoneno, Weimar Ino

et KOHL, Mira. La Historia y la Educación: El Fomento de una Identidad Nacional. Independent Study Project (ISP) Collection. 1 avril 2009.

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