WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le pouvoir dans l'institution. Essai d'anthropologie politique à  Christiania.

( Télécharger le fichier original )
par Pierre Vasseur
Université Lille 2 - Master science politique, spécialité Métiers de la Recherche  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

157

3.2 L'impossible retour aux principes fondamentaux d'autogestion

Ce mémoire a été divisé en deux grandes parties destinées à décrire dans un premier temps ce qu'était Christiania à l'état embryonnaire avec la description de ses principes fondamentaux, de l'idéal de vie en société qu'ont créé les pionniers ; puis ce que la commune est devenue à l'état adulte309. Aujourd'hui arrivé à un stade d'évolution plus avancé310, nous avons vu avec l'exemple d'Astérix que certains membres de l'institution regrettent le modèle d'origine qu'ils jugent meilleur, car plus démocratique et garantissant d'avantage de liberté à la masse. N. Elias décrit comme un « cercle vicieux » les normes sociales de la pensée et du langage car il explique que l'individu se trouve pris dans la société dans laquelle il évolue :

« Si audacieuse et si fertile que puisse être l'imagination d'un individu même dans le domaine de la pensée, il ne peut guère s'éloigner des normes de la pensée et du langage de son temps. Il en reste prisonnier, ne serait-ce qu'à cause des instruments linguistiques dont il dispose. »

ELIAS Norbert, La société des individus, op. cit., p.135

La marge de manoeuvre pour ce type d'individu qui viendrait enfreindre les règles ou chercher à dévier son entourage « des normes de la pensée de son temps » reste, comme l'explique H. Becker dans sa sociologie de la déviance, très mince. En effet, l'individu peut rapidement se retrouver isolé s'il ne parvient pas à s'intégrer à un groupe partageant ses idées ainsi que ses pratiques déviantes. Si tel était le cas, alors il y a de fortes chances pour que celui qui est étiqueté comme « déviant »311 cède face à la pression exercée par la société qui l'entoure et qu'il fasse son retour dans la norme. Pour un déviant, l'interaction avec d'autres déviants partageant ses idées et ses pratiques contraires aux normes instaurées par le groupe dominant est donc primordiale. C'est pourquoi nous allons voir que même si Astérix paraît bien isolé face à la norme instaurée dans cette communauté, d'autres christianites comme Morten partagent ce point de vue312, ce qui prouve que l'idée d'anarchie au sens de self-government est toujours bien présente et peut donc se maintenir à Christiania. Aujourd'hui âgé de cinquante-huit ans, c'est à dix-sept ans que Morten s'est installé à Christiania lorsqu'il

309 Nous renvoyons à la métaphore biologique de P. Clastres. Cf. CLASTRES Pierre, La société contre l'Etat, op. cit., p.16

310 Ce qui ne veut pas nécessairement dire que le stade d'évolution qu'a atteint aujourd'hui Christiania est le plus abouti.

311 H. Becker définit les déviants comme « ceux qui apparaissent comme étrangers à la collectivité parce qu'ils dévient de ses normes ». La déviance n'est que le fruit d'une interaction entre le groupe dominant se conformant aux règles communément admises et ceux qui en dévient, car « les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance ». Cf. « Le double sens de `outsider' », in BECKER Howard, Outsiders. Etude sociologique de la déviance, op. cit., p.25-41

312 Astérix et Morten se connaissent car ils travaillent tous les deux en tant que guide de la communauté.

158

faisait partie du groupe appelé les Children's power313. Se définissant aujourd'hui comme anarcho-communiste314, Morten fait partie des christianites qui considèrent la bureaucratie comme superflue :

Morten: «They don't produce any food, they don't produce any buildings or houses, or bicycles or anything, they just push papers, you know, from one desk to the other. And all this

I think it's redundant. I think everybody should participate in pushing papers and we should respect production work. And I don't think anybody can live from pushing papers, they always have to take the money from the production work. And now, production work means very-very small salary, in contrast to all the speculation works which produce nothing and which means a very-very high salary

_ «Yes

Morten: «And my question is: why it shouldn't be the same way in Christiania?» _ «So, you mean all those people who just push papers in Christiania...»

Morten: «They should have less money than the production work and they should share the work, it should be a common duty to do this kind of works, and everybody share and participate in it [...].»

D'après Morten, chacun devrait contribuer à la conduite des affaires communes de la manière la plus équitable qui soit : cela relèverait d'un « devoir commun » à tous les christianites sans exception, ce qui permettrait à Christiania de s'affranchir de la domination de l'élite bureaucratique et ainsi d'être plus en accord avec l'idéal démocratique d'origine. Ici, Morten réduit la tâche assurée par les agents bureaucratiques à « pousser des papiers », une chose que chacun serait capable de faire en plus de son activité professionnelle. Mais la lecture du quinquagénaire sur ce qui se produit dans la société à laquelle il appartient, va au-delà des frontières de Christiania et Morten nous propose une vision plus holiste. Selon lui, Christiania fait partie d'un tout où il faudrait différencier les travailleurs produisant des

313 Au début des années 1970, les children's power était un groupe composé d'adolescents et de jeunes gens allant de quatorze à vingt-cinq ans. Connus des services de police ainsi que des médias pour leur implication dans le trafic de drogues ou leur exploitation dans les réseaux de prostitution infantile, Morten s'inclut dans ce groupe dont la plupart de ses membres avaient fugué du domicile familial ou des foyers d'accueil pour jeunes orphelins ou délinquants. Largement influencé par les mouvements révolutionnaires de la fin des années 1960, la plupart de ces jeunes révoltés contre toute forme d'autorité s'installèrent à Christiania où ils trouvèrent un environnement propice à la poursuite de leur idéal.

314 Voici l'extrait d'entretien dans lequel Morten décrit sa conception de l'anarcho-communisme : « I'm talking about those who have quite privileges, who have a big house, who have a good income, who have a lot of network and resources. They should say: `ok, we don't need any money, we should voluntarily do this work, and they shouldn't make the decision all the time, we should change those people all the time. All the different life styles should be represented. Those who are the strongest should take the heaviest burdens and those who are the weakest should be supported. » Dans cette description, la répartition indifférente du pouvoir entre les classes et la manière dont ceux bénéficiant de plus de ressources doivent les partager avec les plus faibles semble valider la conception communiste de l'anarchie à partir de laquelle Morten définit ses opinions politiques.

159

richesses très concrètes (nourriture, logements, etc.) mais bénéficiant d'un bas salaire, du « travail spéculatif » tel que celui que réalisent les fonctionnaires, qui fournissent un travail plus abstrait mais engrangent les meilleurs salaires. Voici la tendance que constate Morten dans la société, y compris à Christiania, où il considère qu'il faudrait inverser l'ordre social. Cet individu est donc animé par une forme de marxisme liée à sa vision sur la lutte des classes tout en réfutant l'autorité exercée par la direction administrative ponctionnant ses richesses du fruit du travail de la masse qui, comme nous avons pu le voir dans la première partie, est soumise à la collecte de l'impôt assurée par ces mêmes agents bureaucratiques. Ainsi, après avoir vu le sens positif de la collecte de l'impôt exprimée par certains christianites considérant que celui-ci est légitime puisqu'il permet de rémunérer ceux qui assurent la subsistance de la commune libre ; le discours de Morten montre quant à lui qu'à Christiania ce même impôt peut être considéré négativement car il permet aux bureaucrates de renforcer leur position de dominants dans la communauté.

Par ailleurs, Morten fait référence au terme de « christianitis », soit le nom d'un syndrome inventé par les individus les plus critiques de l'ordre bureaucratique de la communauté, pour désigner les personnes jugées comme souffrant d'une certaine avidité et qui auraient laissé le pouvoir leur monter à la tête :

_ «Ok. Oh you also said something quite interesting last year when I came here with Allan. You said the word `Christianitis', which is a kind of illness when there is `too much Christiania'. could you be more precise?»

[...]

Morten: «People think to their own interest, also here in Christiania. When they have Christianitis, they think that they can justify their personnal interest with arguments like: `we have been living for a long time here in Christiania and we know what is going on'. You know?»

«Yeah, ok. Does it mean that those people are `allergic' to Christiania?»

Morten: «No, they are kind of... They feel that they are the ones who do something for Christiania and all the rest is not doing anything. And therefore, it's a good idea that they have more influence than others, just because they `do all the work', they should have all the political authority.»

_ «Ok. And don't you think this `Christianitis' is because they are too selfish and self-confident, but it's also because...»

Morten: «Maybe they also hide that they are not sure of themselves!»

160

Cette « christianitis » renvoie directement aux observations d'A. Conroy qui disait que l'activisme politique peut présenter un danger pour la démocratie. Ce danger peut à la fois toucher les christianites soumis à la domination de ceux qui se sont approprié le pouvoir, tout comme il peut affecter ces dominants qui, persuadés qu'ils sont les seuls capables de prendre les décisions, peuvent d'après Morten faire de mauvais choix dont les conséquences seraient irréversibles pour l'ensemble de la communauté dont ils font partie. Autrement dit, ces chefs ne seraient pas infaillibles et pourraient chercher à « cacher » leurs faiblesses pour éviter d'altérer leur représentation. Les symptômes de cette maladie affectant tout particulièrement les « pousse-papiers », se verraient chez les individus ressentant un besoin impérieux d'intervenir dans tous les domaines de la vie communautaire. Il s'agit d'un sentiment d'omnipotence qui se manifesterait par la certitude chez ceux qui en sont affecté de savoir ce qui est bon pour Christiania au nom de leur ancienneté dans l'institution. Cependant, le risque d'épidémie dans un espace confiné tel que Christiania est nul, car cette maladie concerne uniquement le petit nombre d'individus occupant les postes à hautes responsabilités. Aussi, malgré le caractère irréversible de bureaucratisation et de concentration du pouvoir aux mains des bureaucrates ; à en croire Morten, la « christianitis » ne serait pas une maladie incurable et la voie de la guérison pour les bureaucrates qui en souffrent serait de se délester de la pression engrangée par l'exercice du pouvoir, en partageant ce pouvoir ainsi que l'exécution des tâches administrative avec la masse.

Tel est selon Morten l'antidote qu'il suffirait d'administrer à cette petite élite bureaucratique pour éradiquer cette maladie. Néanmoins, la « christianitis » peut aussi sembler insurmontable pour ceux qui voient en ce processus irréversible de bureaucratisation, se dessiner un avenir funeste, tant le retour aux principes fondamentaux de la communauté paraît impossible. Même Morten qui pourtant semble vouloir encore croire que leur guérison est possible, n'en demeure pas moins lucide quant à l'impossibilité que les personnes non-qualifiées puissent participer à la conduite des affaires communes dans un monde devenu aussi complexe :

Morten: «But it's so hard to find such a kind of person in Christiania because it's very few who have the education to do the jobs, and the knowledge to do the jobs.»

Ces propos criants de vérité ne peuvent que renforcer la position de dominants qu'occupent les membres de la direction administrative, et d'autres pionniers tels que son ami Astérix ne voient pas pourquoi la tendance pourrait s'inverser. Dans cette mesure, envisager

161

l'exit315 est une possibilité envisageable pour Astérix, qui pourtant est un individu dont l'identité est profondément marquée par l'appartenance à cette institution :

_ «From your opinion, is still a possibility to live outside? I mean to leave Christiania?»

Astérix: «Yeah-yeah. I'm getting old, I have my house in Spain and...»

A woman sitting next to Astérix: «No-no-no-no!»

Astérix: «Don't... Eat you bread, eat you bread.»

_ «You go to Spain very often, right?»

Astérix: «Yeah. (He looks at the persons sitting next to us) It's my neighbors

Interrompus durant l'entretien par ses amis dont certains sont aussi ses voisins, avec lesquels Astérix a pris l'habitude de prendre son petit-déjeuner au café Woodstock, ce christianite de la première heure ne cache plus aujourd'hui ses velléités de départ. Le teint halé, c'est à son retour d'Espagne où il possède sa résidence secondaire qu'Astérix a accepté de réaliser ce second entretien.

? Extrait du carnet de terrain n°8 - notes du vendredi 6 avril 2012

Durant les semaines qui précédaient notre rencontre, je m'inquiétais de son absence et ses proches tels que Kirsten et Morten m'avaient assuré qu'il reviendrait sous peu. Néanmoins, la manière dont Astérix évoque ce véritable havre de paix perché dans les montagnes d'Andalousie et son âge avancé, ainsi que la spontanéité de cette femme assise à

notre table qui n'a pas hésité à interrompre mon interlocuteur, montrent que l'idée d'un départ
définitif est envisageable pour Astérix. De plus, si nous nous référons à la dernière question concernant le sens de la peinture qu'il a réalisé sur l'un des murs extérieurs de sa roulotte située à Nordområdet (« L'aire du Nord », aire locale n°9), nous pouvons constater qu'Astérix exprime un certain détachement à l'égard de la communauté et que quitter Christiania ne serait pas aussi difficile que cela, pour lui qui vit là depuis plus de quarante ans :

 

315 L'exit est une notion qui a été développée par A.O. Hirschmann dans le cadre de ses travaux en économie politique. Cet économiste américain considère que lorsque l'individu est mécontent, celui-ci a le choix entre trois possibilités : la réaction silencieuse (exit) qui dans le cas d'une institution telle que Christiania, ce choix conduirait l'individu à quitter la communauté ; rester fidèle à la commune dans son essence (loyalty); ou alors protester ce qui reste relativement envisageable dans ce type d'institution où la prise de parole est favorisée par les assemblées préexistantes (voice). Cf. HIRSCHMAN Albert Otto, Exit, Voice, Loyalty. Responses to Decline in Firms, Organizations and States, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1970

162

_ «Yeah... Or perhaps one last question: Last time when I visited you with Allan [Anarchos], I forgot to ask you the meaning of your painting

Astérix: «My painting? Which one?»

_ «The big one which is on the outside wall of your place. You said you also like painting, right?»

Astérix: «Yeah, I mean I like to paint. It's called Longing for freedom316

_ «I wanted to ask you why you're holding a red flag. Do you refer to communism?» Astérix: «No, actually this painting is not finished, I have to.»

_ «What do you mean? Did you forget to add the three yellow dots of the Christiania flag?»

Astérix: «No, actually when I painted it, everybody ask me the same question: `why don't you paint a Christiania flag'? And I got bored

_ «Do you mean you would never finish it?»

Astérix: «No, I'll finish it, and I think I will paint my flag black (he laughs).»

_ «Oh, you mean the anarchist flag! And what is the town represented just in your back: Copenhagen or Christiania?»

Astérix: «It's Copenhagen in the old days, and Christiania is just represented with the lotus flower which is on the bottom.»

_ «Oh ok, then next year when I'll be back, and just visit your house and check if you have finished to paint your flag black

Astérix: «(he smiles) Ok

Lorsqu'il a réalisé cet autoportrait qu'il a baptisé Longing for freedom, Astérix le fit à la vue de tout le monde étant donné que cette peinture orne sur toute la longueur, l'un des murs extérieurs de sa roulotte. Ainsi, son voisinage, les christianites qui empruntent cette voie quotidiennement, mais aussi les badauds ont pu contempler la progression de cette oeuvre que l'artiste avoue n'avoir pas tout à fait achevée. Au centre de ce tableau, Astérix a pris soin de se représenter tenant un drapeau de couleur rouge qui nous laissait supposer qu'il s'agissait d'un drapeau connotant un mouvement révolutionnaire lié aux luttes sociales, que l'on retrouve notamment dans la doctrine communiste. Aussi, lorsqu'Astérix a affirmé que son oeuvre était inachevée, je lui ai demandé si les trois points jaunes du drapeau de Christiania étaient l'élément manquant sur ce fond rouge qu'il avait laissé dans sa couleur unie. Le principal intéressé me répondit par la négative, visiblement irrité par cette question dont il dit

316 Cf. annexe n°21, p.207: « autoportrait d'Astérix - Longing for freedom »

avoir souvent été l'objet de la part des autres membres de la communauté. En effet, la question peut paraitre légitime : pourquoi donc sur son autoportrait, ce christianite dont la vie a profondément été marquée par Christiania, s'est-il abstenu de finir son oeuvre en frappant ce drapeau rouge des trois points jaunes symbolisant Christiania ? Fatigué par tant d'insistance de la part de son public qui ne comprenait pas pourquoi ce drapeau restait orphelin des trois points jaunes, Astérix envisage aujourd'hui de couvrir ce drapeau de noir, symbole traditionnel de l'anarchie.

163

Ainsi, nous pouvons interpréter cet autoportrait comme révélateur de l'état d'esprit du peintre qui, à travers ce tableau, ne fait qu'exprimer son « désir de liberté ». L'absence des trois points jaunes n'est pas un hasard car cela peut symboliser le désamour qu'Astérix ressent pour l'institution qu'il a vu grandir et se métamorphoser. Ne pas peindre ces trois points jaunes sur son drapeau peut être considéré comme un acte de défiance, une provocation vis-à-vis de l'institution, à l'égard de ceux qui la représentent et cherchent coûte que coûte à créer une unité derrière ce drapeau unique, commun à tous les christianites. Mais Hulda (actuelle coordinatrice du groupe de contact) tout comme Britta (ancienne membre éminente de cette même direction administrative) savent toutes les deux que l' « on ne peut forcer les individus à l'unité », et Astérix en est probablement l'exemple vivant. De plus, en affirmant que son drapeau est destiné à devenir noir, symbole de l'anarchie, la distance entre l'institué et son institution semble s'accroître, tant il apparaît difficile de revenir a posteriori à un rouge orné de trois points jaunes vifs à partir d'une couleur aussi coriace que le noir. Ainsi, cette interprétation de l'oeuvre inachevée d'Astérix ne fait que confirmer la possibilité que ce christianite anarchiste - ou resté anarchiste - puisse en venir à quitter l'institution.

Pour résumer, les points de vue de Morten et Astérix, deux des esprits les plus critiques que nous avons pu rencontrer sur le terrain, montrent une certaine impuissance face à la forme que prend leur institution aujourd'hui : le retour aux principes fondamentaux paraît donc tout à fait impossible. Christianites et amis de longue date, Morten et Astérix partagent un regard critique à l'égard des membres de la direction administrative qu'ils jugent, par essence, contraires aux principes fondamentaux de leur commune. Pouvant être considérés comme les derniers représentants des idéaux anarchistes à Christiania (Morten défendant des idées de type anarcho-communiste, Astérix croyant plutôt en une forme libérale de l'anarchie) ces deux christianites incarnent bien l'idée que nous ne pouvons classer Christiania dans un type bien précis d'anarchie. La commune libre « n'est que le reflet de la société » disait Joker, avec toute la diversité et la complexité que cela comprend, c'est pourquoi nous ne pouvons réduire notre analyse à une seule forme d'anarchie.

Enfin, contrairement à Morten qui a affirmé lors de l'entretien ne pas pouvoir envisager de quitter Christiania tant il considère son destin lié à celui de sa communauté, les spéculations à propos du drapeau d'Astérix semblent être l'émanation du détachement que ce second christianite peut ressentir vis-à-vis de l'institution dont il est membre. Pour Astérix, l'exit317 est donc une option qu'il ne faut exclure, ce qui prouve une nouvelle fois que l'individu conserve toujours une part d'autonomie vis-à-vis du tout institutionnel auquel il appartient.

164

317 HIRSCHMAN Albert Otto, Exit, Voice, Loyalty. Responses to Decline in Firms, Organizations and States, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1970

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand