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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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8.3.1.3.2 Ouagadougou : fin de course pour les rapatriés burkinabés

Arrivé à 16h 30 à Ouagadougou l'agent OIM se retire dans un coin de la gare Rimbo avec les deux Burkinabés qui sont arrivés à la fin de leur périple : « c'est toi et le petit-là qui vont descendre ici ? » lance l'agent de l'OIM chargé de convoyer les migrants. Oui, répondent-ils. Sur cette réponse, il donne aux deux Burkinabés retournés volontaires le contact téléphonique

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de ses collègues de l'OIM Burkina Faso et le manifeste du voyage (liste des retournés volontaires et la lettre de l'OIM Niger).

La consigne est claire, les migrants doivent prendre attache avec l'agence de leur pays pour récupérer les frais de subsistance afin de rentrer au village. Mais le problème c'est que les deux migrants n'ont pas de téléphone. En attendant le lundi, ils doivent continuer à se prendre en charge et se loger avec les 16 000 FCFA (tableau ci-dessous) perçus à Niamey.

Quelques minutes plus tard, les deux Burkinabè se retrouvent au portail de la gare. La plus jeune lance à son compatriote « as-tu trouvé le téléphone ? », l'autre répond : « Non pas encore ». Son aîné était plongé dans une profonde réflexion sur son retour au village après deux ans d'absence mais fort de ces convictions religieuses, il lança « Dieu et grand ».

Tableau 11:Frais de subsistance donnés par l' OIM-Niger aux migrants pour le voyage de retour

Destination

Frais de subsistance

(FCFA)

Ouagadougou

16

000

Bamako

16

000

Dakar

19

000

Conakry

24

000

Banjul

24

000

Guinée Bissau

24

000

Source : notre étude

8.3.1.3.3 Traverser la frontière entre le Burkina Faso et le Mali : entre juxtaposition du contrôle, perte de privilège et tracasseries administratives

Le voyage se poursuit toute la nuit. Arrivé à Bobo-Dioulasso vers 22h, j'en profite pour échanger quelques mots avec l'agent OIM sur son travail qu'il résume en quelques mots : « nous sommes organisés en tour pour les missions de rapatriement. La mission dure 10 jours pour les convoyeurs. C'est vraiment très fatigant. Je dois conduire la mission à Dakar faire 1 jour et retourner par voie terrestre ». Sur ces mots, le chauffeur démarre pour continuer le voyage toute la nuit jusqu'à la frontière entre le Burkina Faso et le Mali (Cf. : encadré ci-dessous).

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Encadré 3: Ttraversée de la frontière entre le Burkina Faso et le Mali

3h 30, le bus arrive à la brigade territoriale de Ter Faramana. Les passagers descendent du bus pour rejoindre le poste de la gendarmerie. De là, l'agent exige deux rangs : un pour les rapatriés et l'autre pour les passagers. Ce qui fut fait. Un troisième moins formel se forme entre les deux rangs. Il s'agit de 4 policiers nigérians de la Minusma de retour des congés qui rejoignent leur poste au Mali. En quelques minutes ils présentent leurs pièces et sont autorisés à rejoindre le poste de police situé à 100 m. L'agent OIM fait les démarches nécessaires pour les candidats au retour volontaire. Il montre le document de convoyage (lettre et laissez-passer). Néanmoins, ils sont mis au rang pour passer le contrôle. Le gendarme garde les laissez-passer et procède à l'appel nominatif des migrants. Chacun répond à l'appel de son nom pour ensuite recevoir l'autorisation de rejoindre le poste de police afin de subir un autre contrôle. Ils passent les deux contrôles sans payer.

Juste après le gendarme ramasse les cartes des autres passagers pour les remettre à son collègue se trouvant dans le bureau. Le convoyeur de Rimbo et l'apprenti pénètrent dans le bureau. Ils échangent quelques mots avec les gendarmes.

Au-dehors, sous la surveillance de deux agents lourdement armés les passagers doivent attendre l'appel nominatif pour rentrer dans le bureau et faire les formalités.

Certains ressortent et rejoignent le poste de police pendant que d'autres reviennent attendre avec le groupe. J'observe sans comprendre grand-chose. Dix minutes plus tard, le convoyeur sort du poste de gendarmerie et lança en langue Haoussa « on part vous arranger la route en prenant la direction du poste de police situé à 150 m ».

20 minutes plus tard, le convoyeur revient au poste de gendarmerie. L'apprenti lui parle en langue «il faut leur parler sinon ils vont nous perdre le temps ». Celui-ci lança aux gendarmes « Chef, on ne peut pas appeler 2-2 ? » Le gendarme répond « non, non, un à un. Si les gens adhèrent, ça va aller. Mais si les gens se mettent à parler français que ça prend du temps. »

Soudain, je suis invité à passer dans le bureau pour les formalités. J'y pénètre, l'agent regarde ma carte d'étudiant et me regarde, ensuite il me montra un billet de 2000 FCFA. Sur le bureau il avait beaucoup de billets. J'ai compris alors qu'il venait de faire payer les autres passagers. Néanmoins je tente de négocier. Chef, je suis étudiant, sans ressource. Il me

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rétorque « Nous même on a étudié, il faut payer c'est tout ». J'ai payé les 2000 FCFA et repris ma carte pour rejoindre le poste de police

Pendant, ce temps, les passagers n'ayant pas payé les 2000 FCFA attendent dehors. Parmi eux un Nigérien fonctionnaire international avec ces deux enfants qui rejoint son poste au Mali. L'apprenti négocie, les autres passagers acceptent de payer et de rejoindre le poste de police sauf le fonctionnaire international. L'apprenti intervient mais les gendarmes restent intraitables. Il autorise l'apprenti à continuer le voyage sans eux. Il est prêt à rester sur place. Le gendarme constatant la détermination du fonctionnaire lui remet ainsi qu'à ses enfants leur carte pour rejoindre les autres passagers au poste de police.

Source : Carnet de terrain, 7/01/2018

Arrivés au poste de police, les rapatriés et les policiers de la MINUSMA ont déjà fini les formalités et ont rejoint le bus. Trois agents armés assurent la garde et deux autres se tiennent devant le bâtiment. Les cartes sont collectées au fur et à mesure de la venue des passagers. La police en profite pour collecter des statistiques sur le sexe et la nationalité des voyageurs. Ensuite, les passagers sont invités à s'asseoir sur un banc. Les cartes sont subséquemment ramenées dans le bureau. À l'appel de son nom, le passager doit rentrer régler son cas. Le convoyeur était encore là pour faciliter le passage à la frontière. À l'intérieur trois agents de police. Derrière un bureau, chaque passager doit payer 2000 FCFA.

À l'appel, je me présente. L'agent fixe ma carte et me regarde une nouvelle fois avant de dire monsieur 2000 FCFA. Je négocie : « chef je suis un étudiant ». Le convoyeur du bus lance « chef, c'est un étudiant », l'agent répond « nous même on a étudié » (extrait de carnet de terrain) L'agent me regarde à nouveau et me demande de payer 1000 FCFA. Je m'exécute, et je rejoins le bus où migrants OIM, militaires Minusma et autres passagers nous attendent. Notons qu'au poste de police le convoyeur se fâche contre un passager qui parle mal au policier pendant que lui tente d'arranger la situation entre eux. Déçu par le comportement de ce passager, il se dit néanmoins déterminé à faire son travail qui consiste à faciliter le voyage aux passagers. Il négocie avec le passager en question pour qu'il paye la somme exigée pour passer la frontière.

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Pendant ce temps le convoyeur retourne à la gendarmerie pour négocier le passage des autres passagers qui n'ont pas payé. Il fait de même à la police. Dans tout le groupe seul le fonctionnaire international et ses enfants n'ont pas payé « les faux frais ».

Les fonctionnaires et les étudiants ont donc perdu tous les privilèges auparavant acquis tout au long du voyage en termes de facilitation de mobilité.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire