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Etre présent(e) au travail à  l'heure du coronavirus: comment les employés juniors se rendent-ils visibles au télétravail ?


par Laureline MICHAUD
Sorbonne Université - Chargé(e) d'études sociologiques 2022
  

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Annexe

I. Revue de presse

(1) Aspects légaux et politiques

(2) Démarche pédagogique

74

(3) Vie professionnelle / vie personnel

75

(4) Un télétravail difficilement accepté par les entreprises

(5) 76

Des accords syndicaux-patronaux « tumultueux »

(6) Risques psychosociaux du télétravail

77

(7) Questionnements sur la productivité

(Source : l'Usine Nouvelle)

(8) Hypothèses d'un nouveau confinement

(9)

 

78

 

Incertitudes sur l'avenir des mesures - Ouest France

(10) Fausses attestations de déplacement par les entreprises - Le Figaro

(11) Télétravail effectif plus de la moitié de la semaine - BFM

(12) 79

Spéculation sur un évitement de confinement - Les Echos

(13) 3e « confinement » - Actu fr

(14) PME en grandes difficultés : - Les Echos

(15) Atteinte à la santé mentale des français : - BFM

80

(16) Début de déconfinement : hausse de moral - INSEE rapporté par LCI

81

II. GUIDE D'ENTRETIEN

Remerciements

Mon but est de comprendre les pratiques de télétravail des jeunes diplômés, savoir comment vous vous êtes adapté à un nouveau mode de travail du fait du covid. Pas de bonne ou de mauvaise réponse, ce qui compte c'est qu'elle vienne de vous. Pour être sûre de retranscrire le plus fidèlement votre discours, je souhaiterais, avec votre consentement, vous enregistrer. Cet enregistrement ne sera pas diffusé et sera supprimé après sa retranscription. Votre nom n'apparaîtra nulle part, c'est une démarche complètement anonyme.

Si vous le souhaitez je pourrai vous transmettre le résultat de mes recherches comme remerciement.

Je vais d'abord aborder l'arrivée du télétravail au sein de l'entreprise, dès ses débuts.

Quel est votre avis sur l'année qui vient de se dérouler ? Est-ce que vous vous rappelez comment les évènements se sont enchaînés ?

1. Récit de l'année au sein de l'entreprise en termes d'organisation (avec l'arrivée de la Covid et des mesures restrictives)

a. 1e confinement : la mise en place du télétravail par l'entreprise

· Comment l'entreprise a réagi ?

· Comment vous et vos collègues ont réagi ?

b. 1e retour sur le lieu de travail

· Quelle a été la politique officielle lors du déconfinement ?

· Êtes-vous revenu sur place pour travailler ?

· Comment vous et vos collègues avez-vous vécu ce retour (s'il a eu lieu) ?

· Qu'est-ce que ça a changé ?

c. Le reconfinement

· Discours officiel / vécu collectif

· Réflexes retrouvés ? Amélioration de la mise en place ?

d. Le deuxième retour sur le lieu de travail

· Retour ou télétravail ? Opérateurs :

i. Discours officiels

ii. Vécu collectif de l'annonce

2. Les périodes télétravaillées (généralement sur 2 mois)

a. Lien avec la hiérarchie

i. Confiance : Comment la qualifieriez-vous ? Par exemple ?

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ii. Niveau d'autonomie

Sur quelles tâches avez-vous de l'autonomie ? Comment cela se matérialise ?

b. Sentiment de présence

Comment faites-vous comprendre à vos collègues / manager que vous êtes

là ?

i. Outils (téléphone / mails / visio-conférences / messagerie)

ii. Auto-évaluation et vécu d'appartenance à l'équipe

Sur le long terme, Vous sentez-vous aussi « présent » en télétravail qu'en présentiel ?

· Vous sentes-vous faire partie d'une équipe ?

· Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

c. Gestion de la coexistence vie professionnelle / vie personnelle

i. Les interruptions familiales

Sur le long terme, Si vous vivez avec quelqu'un : en quoi cela a-t-il pu perturber votre équilibre ?

· Est-ce qu'il y a eu des moments où votre foyer a empêché le bon déroulé de votre journée de travail ?

ii Etalement de la sphère professionnelle

Sur le long terme, avez-vous eu des périodes où votre travail a pris le pas sur votre vie personnelle ? Sauriez-vous me dire à quel moment ?

3. Une journée télé-travaillée

a. Sentiment de présence, outils : sur une journée

i. Fréquence et intentionnalité d'utilisation des outils

ii. Sentiment d'être intégré à / isolé de l'équipe

b. Gestion de la coexistence vie professionnelle / vie personnelle

i. Les interruptions familiales

ii. Etalement de la sphère professionnelle

Exemple de questions qui ont été posées :

NB : l'emploi du tutoiement s'est toujours fait après un accord implicite (le répondant nous tutoie) ou explicite (nous nous mettons d'accord sur le mode de communication).

· Et donc au premier confinement comment est-ce que tu as ton entreprise elle a réagi ? Il y a tout de suite eu des mesures, t'as été accompagnée... Comment ça s'est passé ?

· Et ce rapport de confiance mais en même temps de management tu l'as retrouvé dans le télétravail ?

·

83

Au quotidien, comment tu fais comprendre à tes collègues, ta manager, et ta stagiaire que tu es présente ?

· Tes principales d'expériences ont été en télétravail, qu'est-ce que tu vois de différent entre le présentiel et le distanciel ? Au niveau de ta présence par exemple : t'as plus le regard forcément rivé sur Teams ?

· Est-ce que tu peux me donner un exemple d'une journée télétravaillée étape par étape, et si tu peux mettre l'accent sur les outils de communication...

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III. Entretien d'Emma et Delphine

EMMA : femme de 22 ans, en stage dans une grande entreprise d'agroalimentaire. Elle s'est intégrée à son équipe presque complètement à distance. Elle vit à Paris, dans un petit appartement (15m2).

I : pour commencer, est-ce que tu peux me raconter un peu l'année qui vient de s'écouler, je ne sais pas si tu étais en cours ou si tu étais déjà en stage... ?

E : j'ai fini mon master 1 l'année dernière et actuellement je suis en année de césure entre mon master 1 et mon master 2, donc je fais 2 stages de 6 mois, Celui-ci est mon deuxième stage, et le premier je l'ai fait en marketing aussi mais dans un secteur complètement différent, dans une agence de sponsoring sportif. Et donc l'année prochaine je commence une alternance, j'ai choisi l'agroalimentaire parce que c'est le stage que j'ai préféré.

I : alors, ton premier stage par rapport à la crise sanitaire, comment ça s'est situé ? Est-ce que c'était en plein dedans ?

E : C'était juste aprèsj et du coup je l'ai commencé en juillet, au niveau du sport, il y a eu pas mal d'impact. Nos clients avaient moins de revenus, on a dû trouver des solutions. Notre mission principale, c'était de trouver des partenaires à nos clients qui étaient les clubs d'équipe sportive et c'est vrai que vu le contexte, ils avaient un peu plus de mal à s'engager en tant que partenaire.

I : et dans ton premier stage, tu avais déjà du télétravail ?

E : alors on en prenait un peu comme on voulait, c'est vrai que les stagiaires étaient moins autorisés à en prendre parce que c'était une petite entreprise. C'était plus vu comme le télétravail comme le pré-week-end. Donc on en avait un petit peu moins , mais on avait un manager qui était cool, donc si on devait prendre un train plus tôt, on pouvait prendre une journée de télétravail, mais c'était moins immédiat. Et on a eu un mois et demi de télétravail par contre pour le deuxième confinement, qui était de début octobre à mi-décembre.

I : tu dis qu'au début c'était vu comme une occasion pour les stagiaires de rien faire, d'où le tenais-tu ce discours ?

E : On ne me l'a pas dit clairement mais quand tu demandais une journée de télétravail, on te demandait bien pourquoi,,moi Souvent, j'en prenais parce que mes parents habitent en Bretagne, donc j'en prenais pour prendre un train dans l'après-midi pour ne pas arriver tard dans la nuit. Et la personne qui nous donnait la permission une fois est venue me demander si je travaillais pendant ces jours là. Donc je lui ai dit « oui, oui je travaille ».

I : Mais vis-à-vis de ton travail opérationnel, c'était la même méfiance, ou ils te faisaient un peu plus confiance ?

E : non, ils me faisaient plus confiance quand même et on arrivait bien à travailler en télétravail. On se parlait via Teams etc, on restait en contact, il n'y avait pas de souci.

I : et donc pendant ce confinement, c'était du télétravail tous les jours ?

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E : régulièrement, on nous conseillait fortement de pas venir en entreprise. Il y avait toujours quelques personnes qui continuaient à revenir parce qu'elles n'aimaient pas trop le télétravail, mais moi je suis rentrée en Bretagne chez mes parents et je suis vraiment restée tout le temps en télétravail.

I : Et globalement tu l'as vécu comment ce moment-là ?

E : Je l'ai plutôt bien vécu parce que c'est compliqué de vivre toute l'année loin de ses parents, surtout dans un petit appartement . Chez mes parents c'est grand, il y a un très grand jardin. Ce qui était compliqué c'était la connexion chez mes parents qui était un peu défaillante, il y a des jours la connexion était excellente, et j'avançais bien et d'autres jours où c'était beaucoup plus compliqué. Heureusement, j'avais une équipe qui comprenait bien, on essayait de s'arranger : s'il y avait des gros fichiers que je n'arrivais pas à envoyer par exemple c'est quelqu'un d'autre qui allait le faire.

Mais là par exemple pour ce stage, sachant qu'il y a vraiment des projets que je gère toute seule, que je ne peux pas m'appuyer sur d'autres personnes, je n'essaie même pas le télétravail chez mes parents.

I : donc, on en vient au télétravail aujourd'hui. A ce jour, cela fait combien de temps que tu es dans l'entreprise ?

E : j'ai débuté le 7 janvier

I : et pendant cette période-là ,vous aviez aussi du télétravail ou vous étiez revenus en présentiel ? E : dans cette entreprise on a toujours été en télétravail

I : donc tu as intégrée à l'équipe en télétravail ?

E : oui, je suis allée le premier jour sur le site pour récupérer mes outils, et on a fait toute la formation avec ma manageuse à distance : elle me partageait son écran et on essayait de faire comme ça.

I : et ça s'est bien passé, ou as-tu eu plus de difficultés qu'au premier stage ?

E : je ne sais pas trop si je peux comparer, parce que mon premier stage était beaucoup moins technique, C'était plus sur le fait d'imaginer des activations qui peuvent lier une entreprise à un club de sport. Alors qu'ici chez (entreprise), j'ai plus de missions techniques avec des analyses Excel etc.

Mais je dirais que globalement, ça s'est quand même bien passé, et le fait de partager son écran avec ma manageuse c'était moins difficile que ce que j'avais imaginé.

Cependant, quand tu viens d'arriver en tant que stagiaire et que tu as des doutes, il est plus difficile d'envoyer tout le temps des messages Teams, que de poser directement les questions au bureau, car tu as plus l'impression de déranger,

I : tu t'autocensures un petit peu plus E : un peu oui.

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I : mais globalement tu as bien été encadrée par ta manageuse, ça s'est fait de manière assez fluide ?

E : oui ça s'est bien fait, on a eu des heures de formations collectives au début avec tous les stagiaires. Par exemple sur comment fonctionne l'entreprise de manière générale, ???? après ??? les stagiaires marketing on avait des formations sur toutes les missions qu'on allait avoir. Donc ça ce n'était pas ma manageuse, c'était d'autres collaborateurs qui nous faisaient cette formation-là. Avec ma manageuse, j'ai eu des formations sur des missions propres à la marque sur laquelle je travaille. Et elle m'a mis des points pour parler de la stratégie de la marque etc.

I : Est-ce que ton entreprise a fait une formation sur le télétravail spécifiquement ?

E : oui, on a eu une formation « comment bien gérer ... », c'était deux filles du marketing qui nous donnaient des petits tips par exemple sur comment décrocher, des conseils comme esssayer de s'habiller tous les jours, essayer de faire une pause le midi, essayer d'aller courir une heure...

I : d'accord, donc la déconnexion vie pro / vie perso, c'était abordé c'est ça ?

E : oui, c'était plus un partage, des échanges sur comment chacun gérait le télétravail. I : et toi t'as su intégrer ces conseils, tu as appris certaines choses ?

E : oui, j'ai appris par exemple que quand tu es en réunion en visio, tu peux faire en sorte de pas avoir toutes les notifications de mails qui arrivent. Ça c'est une des choses que j'ai faite parce que souvent tu décroches quand tu reçois une notification sur un autre sujet.

Sinon, les une heure de footing je m'étais dit que je le ferais tout le temps. Mais c'est vrai qu'on a pas mal de travail et vu que c'était mon premier stage en grande consommation, j'ai dû vraiment travailler pour être à niveau, et donc en fait, je n'avais pas vraiment le temps de décrocher. Au début ça a vraiment été full télétravail et j'ai un peu oublié la vie perso à côté il est est vrai.

I : il y a eu une évolution de début janvier à maintenant au niveau de ton équilibre ?

E : oui complètement ; déjà je suis plus à l'aise sur les missions que j'ai, il fait beau en plus donc j'ai plus envie de sortir. J'essaie d'aller manger dehors, ou on se donne rdv avec mon copain pour essayer d'aller manger un truc à côté. Je me force à le faire en fait, je prépare par exemple ma nourriture le soir pour le midi d'après, pour ne pas passer le midi à préparer au lieu de manger et prendre le soleil. Et je me suis fixée des horaires de stop le soir.

I : et ça c'est venu progressivement ou t'as eu comme un électrochoc ?

E : c'est venu plus progressivement, quand j'ai été plus à l'aise, moins stressée aussi. Ça correspondait aussi à la période où on avait un peu moins de charge de travail donc ça s'est fait un peu d'un coup... mais progressivement aussi.

I : et du coup au niveau des horaires tu les dépassais un petit peu ?

E : au début j'avais demandé à ma manageuse quelles horaires elle faisait, elle m'avait dit du 9h-19h donc je me suis fixée ces horaires mais je dépassais tout le temps. Les premières semaines, j'ai fait pas mal de 9h-20h. Aujourd'hui ça peut dépasser 19h15 mais pas beaucoup plus, parfois

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j'essaie même d'arrêter vers 18h30-18h45, si j'ai bien travaillé et que je ne n'ai pas pris deux heures de pause à midi, je me dis alors que je peux partir.

I : tu réfléchis en termes d'horaires ou en termes de travail que tu fais ?

E : plus d'horaires, je ne me vois pas partir à 18h même si j'ai tout fait, parce que je sais que ma manageuse et mes collègues vont rester une heure de plus, enfin c'est un peu bête mais tu te ne vois pas partir avant, et tu as forcément des choses sur lesquelles tu peux t'avancer : c'est ce que j'essaie de faire quand j'ai bien travaillé, pour être plus zen les jours d'après.

I : et tu penses que ta manageuse voit tes horaires ?

E : elle le voit parce que sur Teams, on s'envoie toute la journée des messages. Le premier mois, quand je restais trop longtemps elle me disait « tu devrais filer, il est trop tard ». Elle encadrait ça quand même. Et quand je lui dis « j'y vais bonne soirée » et elle fait de même.

I : et avec ta mangeuse justement comment ça se passe : est-ce que tu ressens de la confiance, est-ce que tu es en autonomie sur certaines taches ?

E : au début j'avais moins de confiance, vu que je commençais, tout ce que je faisais c'était aussi validé mais plus ça va plus je prends de l'autonomie sur certaines choses, je lui fais quand même valider certaines choses pour être sûre et pour avoir le point de vue de quelqu'un qui est plus expérimenté.

I : quels sont les moyens de contrôle sur ton travail : comment tu t'assures que tu vas dans la bonne direction par exemple ?

E : tous les lundis, on fait des points de 1h voire 1h30, pour que je lui dise ce que j'ai fait la semaine précédente, quelles sont mes priorités sur cette semaine : elle me recadre, me rajoute des missions. Je vais lui présenter ce que j'ai fait, si j'ai des blocages je peux lui montrer aussi. Et tout le reste de la semaine si j'ai besoin, je lui envoie un message sur Teams « est-ce que je peux te mettre un point à telle heure pour que je te présente ça ? », elle me dit oui et on se fait un point de 15 min.

I : donc vous êtes assez disponible l'une pour l'autre.

E : oui

I : et au niveau des outils de communication, tu me parles de Teams, c'est vraiment le moyen que tu utilises le plus par rapport aux mails par exemple ?

E : les mails, je les utilise plus avec d'autres collaborateurs, ou avec ma manageuse, quand je lui envoie du travail ou que je veux lui détailler ce que j'ai fait et que c'est un peu long. Quand tu envoies un mail à quelqu'un et qu'il t'a toujours pas répondu trois jours après, tu lui envoies un petit Teams « Hello, je voulais savoir si t'avais bien reçu mon mail ». C'est moins professionnel on va dire.

I : De ce que j'ai compris de Teams, il y a des statuts en ligne, occupé, etc. Est-ce que tu fais attention à ça, par rapport à ta manageuse par exemple ?

E : oui, je fais complètement attention à ça et j'ai lu plein de trucs sur les réseaux aussi. C'est vrai que par exemple que quand j'ai du mal à me réveiller, je me dis « faut pas que tu te connectes à 9h30», donc je me lève pour être présente sur Teams direct. J'allume mon ordinateur, j'appuie sur Teams direct pour être connectée. C'est complètement bête mais je fais ça.

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I : pour montrer que t'es présente en fait tu passes par ça.

E : oui , c'est ça. C'est plus par rapport à ma manageuse en plus alors qu'elle m'a jamais dit « tu dois arriver à 9h ». Parce que quand on va au boulot une fois par semaine et que j'arrive à 9h20, elle me dit qu'elle s'en fiche, qu'il n'y a pas d'heure. Mais quand tu es en télétravail et que tu as bien le statut de Teams, c'est vrai que tu fais plus attention. Ou quand tu envoies un mail à quelqu'un et qu'il te ne répond pas, tu regardes sur Teams et si tu vois qu'il est disponible tu te dis « il abuse ».

I : oui, donc tu as moyen de contrôler pour savoir si la personne est présente ou pas. E : oui, complètement.

I : et du coup tu as d'autres moyens de faire semblant ?

E : Certaines fois quand tu lis tes mails ou autre chose, il va te mettre en absence juste parce que t'as pas cliqué dessus, tous les quarts d'heures. Après quand je vais aux toilettes je ferme mon ordinateur. Je me dis qu'on ne va peut-être pas me gronder parce que je suis pas là pendant 5 minutes ; ou quand je prends mon goûter pareil.

I : est-ce que tu as Teams sur ton téléphone ?

E : non, au début j'avais fait la demande parce que j'avais une mise à jour sur mon ordinateur pendant une réunion et je me suis dit faut absolument pas que je la rate. Et au final la réunion a été décalée. Et je l'ai supprimé de mon téléphone parce que je me suis dit que si je commence à mettre ça sur mon téléphone, je n'aurai plus de vie du tout.

I : du coup tes pauses, tu les dédies vraiment à toi, tu fais une déconnexion de Teams, de tout ça ?

E : on va dire que j'essaie de le faire mais je me force. Par exemple, quand je suis restée toute la matinée à l'intérieur, je ferme mon ordinateur pour aller faire les courses. C'est rien, ce ne sont pas des grosses pauses, Ou quand j'ai mon petit rituel goûter, je ferme mon ordinateur. Mais après quand tu es devant ton ordinateur, tu travailles mais tu n'es pas forcément à fond, tu ne vas pas forcément le fermer pour faire un quart d'heure de téléphone par exemple.

I : cela t'arrive souvent de faire du multitache comme ça ?

E : quand j'ai beaucoup de travail non, Pour les journées qui vont être un peu plus light je m'autorise, parce que je me dis que j'ai un petit peu plus de temps et que j'en profite. Mais au début du télétravail, j'arrivais à mettre mon téléphone de côté, je le mettais même en mode avion. Mais tu le récupères un peu quand tu te lasses un peu du télétravail, c'est vrai que t'as un peu le réflexe de retourner vers ton téléphone et tu perds un peu en efficacité.

I : là t'en as un peu marre ?

E : euh... quand je vois les beaux jours arriver oui, mais le fait d'aller une fois par semaine au siège ça fait du bien et ça coupe la semaine en deux. La dernière fois que j'y suis allée, j'ai vu des personnes que je n'avais jamais vus que en visio, et ça fait vraiment du bien. Ma manageuse, je l'avais déjà vue au début et là on se voit tout le temps une fois par semaine.

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I : et est-ce que tu vois des différences par rapport au télétravail dans vos manières de communiquer ?

E : un petit peu. On va plus rigoler quand on va se voir en vrai qu'en télétravail. Enfin, ça nous arrive de nous envoyer des petits messages hors pro ou de rigoler en visio mais c'est vrai qu'au bureau il y a plus de champ libre pour les choses informelles. Ce qu'on fait aussi c'est que tous les lundi et vendredi matin avec l'équipe on se fait des cafés d'une heure / une heure 30 où chacun raconte sa vie ce qu'il a fait du week-end etc.

I : et comment ça se passe, est-ce que c'est assez fluide au niveau de l'échange

E : oui , les filles qui sont dans cette équipe se connaissent depuis quelques temps et même moi qui suis arrivée depuis pas longtemps, je commence déjà à connaître la vie de chacune, les histoires qui leur sont arrivée etc. Ca reste assez fluide, après pour qu'il n'y ait pas de blanc on a le petit rituel de chacun raconte son week-end l'un après l'autre pour créer du lien, animer la réunion.

I : tes principales d'expériences ont été en télétravail, qu'est-ce que tu vois de différent entre le présentiel et le distanciel ? Au niveau de ta présence par exemple : tu ass plus le regard forcément rivé sur Teams ?

E : oui, ça je l'ai complètement vu parce que quand tu vas au bureau tu peux faire des missions qui sont plus opérationnelles, plus manuelles comme envoyer des courriers à telle entreprise par exemple. Donc parfois il m'arrivait de pas être à mon ordinateur pendant une heure et demie, et je ne me disais pas qua ça faisait une heure et demie que je n'étais pas connectée sur Teams. La dernière fois que je suis venue, on a pris un café pendant une heure et demie quand je suis arrivée, jusqu'à 9h45 peut être ; on était plusieurs et personne ne s'est dit « je suis pas présente sur

Teams ».

Et quand tues plusieurs, tu as s moins cette obligation inconsciente. Quand tu es toute seule tu te dis « ils nesavent pas ce que je fais », mais quand tu es plusieurs tu ne te poses même pas la question : les gens te voient et savent que tu es en train de travailler.

I : et quand t'es en distanciel, qu'est-ce que tu fais en plus pour montrer que tu es là ?

E : quand il y a un mail qui arrive, qui est pour moi et ma manageuse, dsouvent moi je donne un premier avis à ma manageuse et elle me dit ce qu'elle en pense elle, et c'est vrai que si je reçois ce mail là je vais essayer d'être assez réactive et lui envoyer mon debrief le plus rapidement possible.

I : je voudrais revenir sur les réunions en visio. Est-ce que tu les fais que avec ta manageuse, est-ce que c'est avec d'autres personnes ?

E : souvent il y a ma manageuse, mais il y a quand même des réunions sur des projets que je gère toute seule où elle n'est pas là mais je la débriefe sur ce qui s'est passé.

I : d'accord. Et dans ces réunions, tu mets la caméra et l'audio, comment ça se passe ?

E : je le faisais au début. Souvent, quand ce sont des personnes de l'entreprise, elles essaient de le faire, quand ce sontdes agences externes, c'est pas tout le temps le cas. Au début, je la mettais tout le temps. Maintenant si les gens l'ont mise, je la mets et si les gens l'ont pas mise, je ne la mets pas non plus. Je ne me vois pas trop mettre la caméra alors que les autres ne font pas forcément l'effort de la mettre, je la mets, j'attends une minute et si les gens ne la mettent pas je l'enlève.

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I : et quand tu as la caméra, tu fais attention à la manière dont tu es habillée, au fond derrière toi ?

E : dans l'entreprise tout le monde met un fond derrière soi. Quand ce sont des personnes avec qui je travaille tous les jours , je ne fais pas forcément attention à la façon dont je m'habille. Quand ce sont mes supérieurs ou des personnes à qui je ne parle pas souvent, je mets un pull simple. Je ne vais pas non plus mettre une chemise, mais je vais mettre des habits simples et pas trop décontractés.

I : Est-ce que tu peux me donner un exemple d'une journée télétravaillée étape par étape, et si tu peux , mettre l'accent sur les outils de communication ?

E : je me connecte tout le temps à 9h. Quand le réveil est un peu trop difficile, je prends mon ordinateur et je m'assois sur mon lit - c'est un truc que je fais de plus en plus. Je trie mes mails pendant un quart d'heure et je réponds aux mails prioritaires. Ensuite je m'attaque à mes missions, j'essaie de remplir mon agenda heure par heure avec mes mission (je n'ai pas toujours ce réflexe), souvent on s'envoie un Teams avec ma manageuse au moins une fois dans la matinée pour prendre des petites nouvelles ou pour parler d'un projet. Après, je m'arrête vers 12h45 pour manger et je reprends à 14h. Donc une heure / une heure et quart de pause. Ensuite l'après midi c'est à peu près pareil, je continue mes missions tout en continuant à parler sur Teams avec ma manageuse. Je communique avec d'autres personnes par mail et sur Teams et je termine vers 19h.

I : et le résultat de tes missions, tu le mets sur un drive ?

E : tout est enregistré sur le réseau. Par exemple, tous les mois on reçoit les ventes du mois dernier et moi je suis chargée de les analyser. Je vais écrire un résumé que je vais envoyer à ma manageuse et à mes supérieurs par mails, ensuite ça ira sur un fichier sur le réseau. Je fais mon travail de mon côté, quand il est fini je le lui présente, et ce sera mis sur le réseau uniquement quand le travail sera fait et validé. Mais elle n'a pas vraiment moyen de checker mon travail petit à petit, elle ne voit pas mon avancée jour par jour, heure par heure...

I : donc en fait le contrôle il se fait vraiment au moment de vos points ?

E : ouais c'est ça. Et moi je garde mes fichiers sur le bureau, je garde mon espace perso pour avancer de mon côté à part du réseau.

I : imaginons que la crise soit passée et que tu doives garder un jour de télétravail, déjà est-ce que tu souhaiterais en garder ? Et si oui quelle serait la proportion télétravail / présentiel ?

E : oui j'en garderai : quand je fais du téléravail je peux me lever à 8h30 tous les jours c'est quand même assez sympa, mais tous les jours tu peux te lasser quand je vais au bureau c'est très cool mais je me lève 1h / 1h30 plus tôt car j'ai plein de transports et je me dis que si je le faisais tous les jours ce serait assez compliqué. Donc je garderais 3 jours en télétravail et 2 jours en présentiel.

I : est-ce que tu vois autre chose de super important que j'aurais pas abordé sur le télétravail ? E : non je pense que tu as fait le tour , c'était assez complet

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DELPHINE : femme de 27 ans, travaille en tant que consultante dans une entreprise de conseil du secteur de la santé. Diplômée d'une grande école, elle est revenue vivre chez ses parents au moment du confinement.

I : Pour commencer, je sais que tu ne travailles que depuis Octobre / Novembre c'est ça ?

D : Novembre oui

I : comment est-ce que ça s'est passé professionnellement pour toi l'année qui s'est écoulée ?

D : c'est-à-dire depuis que je travaille c'est ça ?

I : oui c'est ça.

D : hum ce qui était assez curieux c'était d'intégrer une entreprise alors qu'on était confiné. Parce que du coup, il fallait que je récupère tout le matériel - téléphone, souris, ordinateur - j'ai tout reçu chez moi sauf qu'en parallèle on me demandait déjà de travailler, mais je n'avais rien reçu. Donc c'était pas évident. Heureusement, ça a duré seulement 3h donc ça va. Et ensuite j'ai commencé à travailler véritablement sans avoir rencontré qui que ce soit et sans intégration. Là pour le coup le contexte, intégrer une entreprise quand il y a du télétravail c'est pas évident et après ça fait partie de mon quotidien : je suis vraiment à 100% en télétravail. Je suis peut être venue une fois au bureau et c'était parce que j'avais une formation, et c'est tout. Donc mes collègues je ne les connais pas (rires).

I : tu ne les as jamais vus ... physiquement

D : Physiquement alors j'ai vu peut être quelques personnes le jour où je suis allée faire ma formation, il y a quelques personnes que j'ai rencontrées en passant les entretiens. Là où j'ai eu beaucoup beaucoup de chance et où ça a amélioré la manière que j'ai de vivre le télétravail, c'est qu'il y a deux semaines j'ai eu un séminaire de deux jours dont une demie journée dans Paris, on a fait une course d'orientation et là on rencontre de vrais gens (rires).

On tisse des liens et depuis il y a certains collègues avec lesquels je discute - par tchat - mais je discute quand même assez régulièrement. Et le fait de me dire bah voilà j'ai quand même une vie sociale au sein du bureau, psychologiquement ça fait énormément de bien alors que jusque maintenant j'étais toute seule, j'avais à la rigueur mon manager et c'est tout ce qui fait qu'il y a une certaine pression qu'on se met tout seul parce qu'on sait pas sur quel ton demander les choses. C'est assez compliqué, même si on se téléphone bah on connaît pas vraiment la personne en face on voit pas les émotions, donc c'est très très perturbant.

I : du coup la politique de ton entreprise elle était assez stricte ?

D : non (rires) ; au début oui parce qu'ils voulaient jouer au bon modèle, avec le temps ils se sont dit bon « on va mettre en place une jauge - pas plus de 20% des effectifs - dans l'entreprise, il faut absolument remplir un fichier Excel (rires) et avoir l'aval du manager pour pouvoir aller au bureau » et ça c'est de la très très très très belle théorie et en pratique il y a constamment des personnes qui vont au bureau comme ça leur chante parce qu'ils sont entrain de péter un câble chez eux. Et typiquement, le jour du séminaire, apparemment sur le fichier Excel il y a deux personnes qui se sont inscrites, sauf qu'à l'issue de notre course d'orientation y avait la moitié de la boîte qui s'est retrouvée dans les locaux, donc en plus on ne respectait même pas la jauge.

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Moi je respecte vachement les gestes barrières et étant donné que vis avec des personnes qui sont à haut risque, je fais attention à ça, plus le fait que je vive en banlieue donc une heure et demie aller et une heure et demie retour, si c'était en temps normal, aucun problème pour le faire mais se dire que potentiellement je suis en train de choper le covid dans les transports, ça ne m'enchante pas vraiment (rires)

I : donc au final, tu fais du télétravail par choix ?

D : je le fais par choix

I : et donc tu es arrivée au début du deuxième confinement D : c'est ça, exactement

I : ok d'accord, et là très récemment quelle est la politique officielle de l'entreprise avec ce troisième confinement ?

D : là on nous dit de faire attention mais disons que les règles sont beaucoup moins claires. On nous dit qu'il faudrait faire beaucoup plus de télétravail mais il y a toujours une marge de manoeuvre en disant « oui mais si vous vivez seul dans un placard à balais, évidemment pour votre bien-être, allez au bureau », « si vous avez des enfants à la crèche, évidemment, allez au bureau », « respectons strictement les règles, faisons tout le télétravail à 100% mais bon... si ça vous plaît de venir au bureau et de choper le covid allez-y » (rires).

Ça c'est peut-être le truc le plus frappant par rapport au covid mais par rapport au télétravail en tant que tel on nous dit, surtout depuis le 3e confinement - depuis un an, ça commence à traîner en longueur, il y a une certaine fatigue aussi par rapport à la situation où on nous dit « respectez le temps de connexion, vraiment n'envoyez pas des mails à telle heure, telle heure, telle heure... et au final, on se retrouve pour certains dossiers à finir à 1h30 - 2h du matin, et à travailler dès 8h du matin donc la déconnexion super... On n'a pas le droit de dire en tant qu'employeur « alors écoute là c'est un peu compliqué vis-à-vis de tes dossiers donc, je te demande expressément de travailler le week end ». Sauf que - et c'est là qu'il y a une mini pression qui nous dit bah faut quand même que tu travailles le week-end : c'est qu'on a une réunion le vendredi soir du style 18h à 19h où on dit « tiens il y a tel dossier qu'on devrait envoyer au client le vendredi soir » sauf que il y a le n+2 / 3 qui nous dit « oui mais bon vendredi soir ils vont pas le lire et puis quelle différence entre envoyer le dossier vendredi soir et dimanche soir ? ». Il y a aucune parole qui dit qu'il est attendu des salariés qu'il faut qu'ils travaillent le week-end mais effectivement il y a une petite pression qui te dit qu'il faut le faire quand même.

« Surtout faites une vraie pause entre midi et 14h, ne prenez pas de rdv... » et ça finit en rdv interne midi à 14h où il y a ce dossier urgent où si on met une heure de plus à le faire, il y a la face du monde qui va changer, et il y a le manager qui t'appelle, qui t'envoie des sms etc et tu peux pas déjeuner comme tu veux. Il y a des jolies règles théoriques parce qu'il faut montrer qu'on est bienveillants, qu'on est là pour le salarié mais en pratique pfff... c'est de la poudre

I : ok donc un grand écart entre ce qu'on dit et ce qu'on fait

D : exactement, très bien résumé.

I : et tes collègues ils le vivent comment de ce qu'ils t'ont dit ces derniers mois ?

D : franchement ça dépend, il y a des personnes qui font comme moi qui respectent stricto sensu les gestes barrières, les recommandations du gouvernement donc eux le vivent un peu moins bien.

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Et t'as tous les petits parigo intramuros pour qui limite c'est la fiesta bah tiens on va aller au bureau et ça va être sympa, on va être ensemble.

Il y a vraiment un peu de tout, ça dépend vraiment de la situation de chacun. Le seul truc qui est un peu compliqué c'est qu'avec le télétravail vu qu'en théorie on est à même pas deux mètres de son ordinateur, on a tendance à tirer plus sur la corde parce qu'on a plus de temps pour travailler vu qu'on passe pas du temps dans les transports en commun donc en fait on nous demande aussi de faire toujours plus

I : Toi t'as l'impression que ça a empiété sur ta vie privée ?

D : je risque d'être très cash, mais je ne vis que pour les week-end, pour moi il y a pas de vie perso. Je vais éventuellement faire à 18 ou 19h une pause en me disant tiens je vais aller marcher un petit peu. Et après profiter de la vie en famille donc je vais dîner, je vais peut être regarder un épisode d'une série histoire de me dire j'ai profité de ma soirée, sauf qu'en parallèle je suis en train de faire une petite connerie sur l'ordi du taff et une fois que l'épisode est terminé en me disant « wouh, j'ai vachement profité de ma vie perso », je retourne travailler jusqu'à une heure 2h, parfois plus.

I : et tu fais des nuits très courtes

D : oui c'est un peu... l'esclavage moderne. I : et mentalement tu suis comment là ?

D : euuuh je m'accroche (rires). Nan par exemple la semaine dernière, c'était exceptionnel mais c'était extrêmement compliqué parce que je me suis couchée tous les jours à 1h45 du matin donc euh... là ça allait pas et franchement j'étais en train de péter un câble. Cette semaine a été plus clémente donc je me dis « tiens, je fais une nocturne seulement jusqu'à 22h youpi ! ». J'en suis un peu réduite aussi. J'avais l'impression de vivre un peu plus sereinement mon travail. Donc il y a vraiment des phases comme ça, de up and down qui sont liées aussi à mon milieu d'activité, mais il y a quand même le télétravail qui pousse un peu.

I : oui parce que là t'as pas l'excuse de dire il faut que je chope le dernier métro, le dernier train, je suis obligée de couper

D : c'est exactement ça, c'est-à-dire que si on était vraiment dans une période normale peut être que je quitterai le bureau à 20h mais après 20h sayonara j'ai pas à penser, à négocier etc. Tu vas boire un verre avec des potes, t'as une vraie coupure et là la déconnexion existe vraiment alors que là c'est pas vraiment le cas. J'en ai discuté avec une manager avec laquelle je m'entendais très très bien et elle me disait que très clairement, depuis le télétravail mais il y a tout qui est permis : si on envoie un mail et qu'on n'a pas de réponse au bout de une demie heure une heure, mais les gens ont aucun scrupule à envoyer un sms dans la foulée. Faut aller de plus en plus vite. Sauf que si on produit plus vite c'est qu'on peut le faire donc au bout d'un moment la corde se brise.

I : il y a une surenchère à la productivité à l'instant t en fait

D : exactement. Je pense que c'est ça le plus gros problème au sujet du télétravail. C'est vraiment il y a aucune limite, on nous envoie des mails le week-end, il m'est arrivée d'envoyer un mail à minuit et demie parce que j'avais fini quelque chose, le lendemain matin, je me réveille je vois le mail de ma responsable sur le sujet qui m'a répondue à minuit 38 ! Je pense vraiment pas qu'elle attendait mon dossier, c'était pas urgent en plus, mais en fait elle devait certainement travailler et faire autre chose donc c'est pas juste les petits employés qui sont exploités y a vraiment

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à tous les niveaux hiérarchiques... Il y a ce côté « vu que je vis dans ma bulle de télétravail, que je n'ai plus de vie sociale etc, ma vie se résume à mon travail ».

I : c'est intéressant ce que tu dis sur le mail, t'as l'impression de devoir tout le temps être disponible ?

D : Totalement, après il y a aussi la personnalité et le caractère de chacun qui joue c'est-à-dire que moi de manière générale j'ai l'impression de devoir toujours être disponible, j'ai toujours une espèce de pression. J'ai l'impression de faire tout mon possible mais quand on me relance comme ça j'ai l'impression qu'il faut que j'aille encore plus loin donc j'étouffe. Mais pour en avoir discuté avec des collègues ils sont cool Raoul, et si on les relance « bon ok bah je vais le faire » point barre. Même si ma santé en pâtissait, j'ai quand même été récompensée. J'ai commencé en novembre 2020, j'avais une période d'essai de 4 mois + renouvelable 2 mois. Et mon implication a été telle qu'on m'a validé au bout de 1 mois et demie. Il y a une certaine récompense et ça fait plaisir, mais il y a quand même la santé qui en pâti. Ce n'est pas viable sur le long terme d'être toujours comme ça à se dire qu'il y a quelqu'un qui va m'appeler pour je ne sais quelle raison, qui est soit disant ultra urgente alors que pas forcément.

I : et le fait que t'aies été récompensée, est-ce que ça n'a pas renforcé ce type de comportement justement ?

D : ah bah si, surtout quand on te dit « non mais c'est génial, on est vraiment très contents de toi, tu fais l'unanimité, continue sur cette voie là et tu auras une belle récompense cet été » - c'est-à-dire au moment des évaluations semi annuelles - , où on te dit « coucou tu le vois le petit sucre qui te promet une promotion, voilà va le choper ! ».

I : c'est quoi tes moyens de communication en général ?

D : J'ai mon ordinateur professionnel, c'est ce que j'utilise le plus souvent surtout que je suis à la maison. Le téléphone j'en ai un que j'utilise plus si je fais une petite pause dehors où je me dis « oui mais si on m'appelle », je me dis faut que je sois disponible donc je l'ai sur moi au cas où. Comme ça si j'ai un appel, c'est surtout teams en fait que j'utilise, je regarde aussi si j'ai pas un mail au cas où. Et sinon c'est l'ordinateur c'est aussi Teams que j'utilise. Après, là je me suis dit quand même quand je vais faire ma petite pause dehors et que je vais marcher, le téléphone je l'oublie. Qu'est-ce que c'est qu'une pause où mentalement t'as cette charge où tu te dis « il y a quelqu'un qui va m'embêter ». Et là où ça m'énerve c'est qu'une fois j'avais mon téléphone y a quelqu'un qui me demande si je suis dispo, forcément, t'es obligé de répondre oui parce que c'est un supérieur, je rentre chez moi illico presto et la personne te dit je te téléphone dans 1/4 d'heure. En fait moi là, je me suis dépêchée pour rien. Donc maintenant c'est niet, je vais faire mon petit tour dehors, dans mon agenda je dis bien que je suis absente du bureau, rdv privé, et s'il y a des messages il y a des message et s'il y a en a pas bah j'avais raison de pas prendre mon téléphone avec moi.

I : mais au début c'était difficile de mettre cette barrière là.

D : Ah oui oui, y avait pas de barrière. Et je pense que c'est aussi une discipline à avoir parce que même si on te dit « la déconnexion c'est hyper important, le week-end ne travaillez pas, entre midi et 14h, ne travaillez pas. Soyez très très loin de votre téléphone pro et de votre ordinateur ». Bah en fait, il y a toujours des personnes qui vont « essayer de » et si on se met disponible, forcément c'est toujours vous qu'on va aller voir. Maintenant qu'on me connaît et que j'ai pas d'horaire le soir, je me dis que c'est pas une heure où je serai pas disponible qui va changer la face de monde ;

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I : et sur teams apparemment tu peux voir si la personne est en ligne, occupée etc. Est-ce que c'est quelque chose auquel tu fais attention ?

D : oui, mais c'est horrible surtout que si tu pars aux toilettes, même 2 minutes, tu reviens ta petite icône indique que tu es absent ! (rires) C'est tellement pernicieux ! Mais il y a des personnes qui sont contre ça et qui indiquent du coup qu'elles sont hors ligne, mais c'est juste qu'elles veulent pas qu'on sache où elles en sont, si elles sont occupées ou pas, du coup tu dis « peut être que je lui écris dans le vent » alors que c'est juste qu'elles veulent pas être dérangées pour rien et qu'on les flique.

I : c'est des personnes junior ou plus seniors qui font ça ?

D : là pour le coup c'est l'exemple d'une manager. Mais là où c'est rigolo, c'est que sur Teams on a l'historique de toutes nos conversations, et moi j'ai l'habitude de commencer mes journées vers 8h15 - 8h30, et officiellement c'est censé commencer à 9h, mais je peux voir que le mec est absent donc il n'est pas en train de travailler. Ou je vois les managers et je me dis « ouais ouais ils nous font cravacher mais ils se connectent à 11h seulement ». C'est vrai qu'on peut nous fliquer comme ça c'est assez chiant, moi il m'arrive parfois de travailler sur un truc et de pas être sur Teams, de préparer mes slides mentalement en dessinant sur des feuilles et régulièrement juste de passer mon doigt sur la souris pour être affichée comme connectée.

I : et tu fais ça aussi pendant tes pauses ou maintenant que t'as fait cette coupure tu ne le fais plus ?

D : Alors des pauses dans la journée j'en fais vraiment une seule. Pendant le couvre-feu à 18h j'essayais de faire en sorte vers 17h30 d'avoir une demi-heure pour aller marcher. Ça je le disais à ma manager qui me demandait « à quelle heure est-ce que je ne suis pas censée t'appeler ? », meilleure manager du monde donc il y avait aucun souci par rapport à ça. Et maintenant ce que je fais c'est que quand je sais que je vais avoir du temps - à 18h personne ne va te donner un nouveau dossier - donc je suis moins à même d'être dérangée à ces moments-là. Sinon, je mets simplement absente dans mon agenda, c'est inscrit noir sur blanc, et si quelqu'un râle parce que je ne suis pas disponible je le renvoie à mon agenda (même si ça n'est encore jamais arrivé).

I : de ce que je ressens de ce que tu dis, tu as une bonne relation avec ta N+1, est-ce que tu peux développer ?

D : dans le milieu du conseil c'est un peu différent côté managérial, parce que dans une entreprise de manière classique on a un manager fixe, dans le conseil ça dépend du milieu dans lequel t'es staffé, tu vas avoir tel manager ou un autre manager. Si on te demande de faire une proposition commerciale, tu vas avoir une nouvelle personne à qui tu vas devoir rendre des comptes. Là en l'occurrence, la manager à laquelle je fais référence, c'est assez spécial parce qu'on vient de la même école donc la manière de réfléchir est sûrement compatible et ensuite c'est elle qui m'a fait passer un des entretiens. Quand je suis arrivée dans la boîte, le junior avec qui elle devait travailler, a mis fin à se période d'essai. Elle a demandé à sa supérieure de m'intégrer pour pouvoir travailler avec moi. Il y a le côté où je l'ai trouvé bienveillante et c'est ça que je recherche dans le travail. Parce qu'on peut être très content du métier dans lequel on exerce. Si autour il y a de la malveillance, on ne sera pas bien. Elle me dit quand ça va bien, et quand ça ne va pas bien et elle y met les formes. Ce n'est pas ce que j'ai pu constater de tout le monde dans l'entreprise. De manière générale il y a une bienveillance et je pense qu'on pousse les managers à adopter cette posture mais chez certains, ça n'est pas inné. Chez elle, ça l'est. Elle ne va pas me fliquer, on a des points réguliers. Sur certains trucs je lui dis « non mais t'inquiète je le finis etc » et elle me disait

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« j'ai aucun doute sur le fait que tu vas finir ce que je t'ai demandé de faire, il y a aucun problème ». Et il y a même des jours où elle me demandait « t'as terminé à quelle heure » et je répondais « j'ai fini à minuit et demie ». Elle me fait « ok, ce soir, à 18h30, tu déconnectes ». Et ça c'est assez génial, elle me dit « moi je suis contre le fait que l'on fasse des nocturnes, c'est pas ça la vie au travail. Mais c'est vraiment une pépite parmi tous les managers qui existent. Il y a d'autres personnes avec qui j'ai pu travailler, pour moi la base de manager c'est encadrer, et j'avais l'impression d'être lâchée dans la nature, de ne pas être à l'aise dans la manière de travailler parce que j'avais aucun retour, parfois j'étais bloquée. Les rapports étaient cordiaux mais je sentais qu'elle n'était pas si bienveillante que ça.

[Récit de cancanage par certains managers]

I : et ça tu le vois même par visio-conférence ?

D : Ah oui, c'était une réunion d'équipe par Teams. Et moi avec mon côté allemand « efficacité » on est là pour parler travail parce que bon au bout d'un moment on sait qu'on va faire de très très longues journées, si on est là à discuter pendant 30 minutes à baver sur la cliente ça va me saouler en fait parce que j'ai d'autres chats à fouetter. Ce n'est pas une conversation rare, y a des personnes qui vont souvent être malveillantes envers d'autres personnes et le pire c'est qu'ils te disent dans la même phrase « nan mais moi c'est ma copine ».

I : tu parles de la confiance qu'il y a entre toi et ta n+1 et d'un autre côté à être disponible. Tu dirais que ça c'est plus dû au fait que tu es en présence d'autre personne, c'est le client qui te met la pression, comment tu l'expliques ?

D : pour moi c'est plutôt une question de confiance avec le n+1, le client c'est lui qui doit être satisfait mais moi... c'est peut-être ma conception des choses, quand on a un rdv client ce n'est pas moi D qui parle c'est D avec mes managers, on est une équipe. C'est pour ça que c'est important d'avoir ce côté soudé et la confiance qui règne au sein de l'équipe pour porter d'une seule voix par rapport au client.

I : en fait je fais référence surtout à la mise en disponibilité

D : c'est par rapport à mes n+1 en général. Après le client je suis disponible pour lui aussi mais ça dépend des dossiers c'est-à-dire qu'il y en a où je fais plutôt du travail en chambre, le client je ne le vois pas beaucoup. Ou alors c'est pour lui faire un point pour rappeler qu'il y a une réunion de prévue, et je dois lui restituer certaines choses. Mais il n'y a pas beaucoup d'opérationnel. Lui aussi a des trucs à gérer donc il n'est pas à 5 ou 10 min prêt. S'il t'envoie un mail le matin et que tu lui réponds le soir ce n'est pas un problème.

C'est plutôt au sein de l'entreprise à mon sens.

I : donc tu t'es intégrée à l'entreprise totalement en ligne, comment t'as appris à connaître tes collègues ? Est-ce que t'as l'impression de faire partie d'une équipe ?

D : C'est un peu compliqué parce que je les ai très peu vus en vrai. Là où j'ai l'impression de les connaître c'est que depuis le premier confinement au sein de la boîte qui est plutôt petite (on est une centaine), c'est assez familial comme ambiance ; on fait des réunions d'équipes toutes les deux semaines, les mercredi soirs de 18 à 19h où on parle des chiffres d'affaires, des nouveaux arrivants et il y a toujours de joyeux lurons dans la barre teams de chat qui racontent des petites blagues. Il y a quand même ce truc où tu te dis tiens lui il a l'air très rigolo... Certaines personnes qui prennent souvent la parole, on les repère vite. Ce que je faisais moi c'est que dès que je voyais qu'il y avait

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une nouvelle personne qui arrivait, je venais les voir et je leur disais bienvenue. Et il y a aussi autre chose c'est que moi dans mon entreprise, on a des « chantiers internes » : au-delà de ce pourquoi on a été embauché, de nos fonctions, il y a tout un pan sur la vie interne de l'entreprise. Donc ça peut être le volet RH, on n'a pas de personne dédiée, c'est une équipe de consultants qui s'occupe du recrutement. Idem pour la communication, les méthodes, la formation... ça permet de rencontrer d'autres personnes et d'être intégré. Sans ça je serais un peu seule avec ma manager et mon ordi. Donc ça permet un peu de se sentir intégré mais c'est compliqué vu le contexte actuel.

I : Est-ce que vous avez, vous des « cafés visio » ?

D : pas à ma connaissance, peut être que certaines personnes le font, c'est tout à fait possible mais dans ces cas là c'est 2/3 collègues qui s'entendent extrêmement bien qui vont faire ça. En revanche, ce qui m'est arrivé de faire c'est on a une réunion de prévue de telle heure à telle heure et en fait la personne qui est censée prendre la parole ne se présente pas. Avec les personnes disponibles, on prend le temps de disponible où on est censé être en réunion pour discuter de choses et d'autres et faire connaissances.

I : et pendant ces réunions, à la fois formelles et informelles, tout le monde met sa caméra ?

D : Non, la caméra, non. Il y a juste avec certains managers pour qui la caméra c'est la vie ils la mettent automatiquement donc on suit. Mais sinon personnellement je trouve ça assez intrusif, en plus de générer des bugs dans le réseau donc ça fluidifie absolument pas la communication, bien au contraire. C'est juste chez certains clients pour une question de réciprocité. On met souvent des fonds et parfois y a quand même des bugs, et l'autre fois je me suis pris une réflexion de « sympa tes petites peluches ». Je leur ai dit, « désolée je vis chez mes parents et c'est une chambre d'adolescente donc... ».

I : T'es obligée d'expliquer quelque chose de super intime en fait ?

D : oui, oui, et puis même, parfois, il m'arrive que ma mère ait des trucs à faire et même quand la porte est fermée elle a envie de se débarrasser de la pile de linge. « Typiquement la je suis en réunion ça va pas le faire... »

I : T'as d'autres exemples comme ça ?

D : pas par rapport à moi mais on avait une réunion importante, et il y avait quelqu'un qui avait oublié de couper son micro, ce qui fait que pendant 2 min on a entendu la personne se brosser les dents (rires). La personne elle passe pour un gros blaireau quoi. Là les contours sont très très flous.

I : ça c'est assez mineur j'ai l'impression par rapport à l'empiètement de ta vie professionnelle sur ta vie de famille

D : ah ça c'est beaucoup plus présent, même quand je fais une pause le soir, je suis avec mon ordinateur sur les genoux. Certes c'est plus du fignolage mais quand même c'est frustrant de se dire que je ne suis pas capable de profiter pleinement de ma soirée en abandonnant mon ordinateur ne serait-ce qu'une petite heure le temps d'une série. C'est de se dire je cours après le temps pour pouvoir être plus sereine. Quand je vois qu'un collègue dont je suis assez proche m'a envoyé un message à 7h du mat pour me dire coucou, je me dis mais en fait là c'est travail. Et je compartimente vachement surtout depuis le télétravail en fait. Auparavant, il m'est arrivé de faire des trucs perso genre facebook. Mais depuis, je suis avec mon ordi perso je fais que des trucs

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persos. Je ne vais pas checker mes mails sur mon ordi perso, je ne vais pas aller sur les réseaux sociaux sur mon ordi pro. C'est inconscient, ne pas compartimenter c'est la porter ouverte à n'importe quoi. Surtout que mon bureau il est collé à mon lit donc pour travailler j'ai juste besoin de faire un pas et c'est tout. Quand je fais des nocturnes, je change de pièce dans la maison pour que quand je termine ma journée de travail (une fois jusqu'à 3h du matin), me dire je vais monter les escaliers, pour imiter les transports. Le temps de trajet c'est devenu mon petit escalier.

I : j'ai l'impression que t'essaies de remettre des frontières là où elles ont un peu disparu... D : C'est exactement ça. Et il faut en mettre parce qu'on est censé être disponibles h24. I : Est-ce que tu peux me donner un exemple type d'une journée télétravaillée ?

D : oui ! Avant, ma douche je la prenais de matin parce que c'était mon rituel. Maintenant, le matin on est tellement sollicités que j'ai décalé la douche à un moment où je sais que je vais me détendre. J'ai besoin de couper, sinon je ne vais pas me laver. Le matin, je me réveille vers 7h30, je prends en 3 secondes mon petit dej. Je m'habille, je mets du rouge à lèvre, c'est très bête (quand on est masqué on voit que les yeux on peut ne pas se maquiller la bouche) donc à l'intérieur j'en profite. Vers 8h15 je me mets à bosser, ensuite il y a des réunions, vers 13h je mange en famille ; j'essaie de faire en sorte d'être à nouveau disponible à 14h (c'est important d'avoir une heure où on fait autre chose que de travailler) mais dans les faits quand je sais que je vais encore terminer tard, je me dis que je vais sacrifier quelques minutes de ma pause dej pour terminer moins tard. Je sais qu'il y aura toujours énormément de travail donc si je peux essayer de grapiller 30 minutes, je le fais. Il peut m'arriver de terminer ma pause dej plutôt vers 13h30. Là, avec les nouvelles mesures vers 18h15 je vais marcher. Vers 19h je vois si mentalement je suis disponible pour travailler encore un peu, je travaille pendant 30 minutes - une heure puis je vais me doucher ou alors si vraiment je suis au bout du rouleau, je me douche, me pomponner jusqu'au dîner puis retravailler après.

I : Finalement le travail c'est la ligne directrice de toute ta journée en fait

D : ah oui oui oui, je sais que j'ai une énorme journée de travail et j'essaie d'incorporer ça et là des moments où je vais vivre comme mr et mme tout le monde.

I : est-ce que t'as l'impression d'être aussi « présente » en télétravail qu'en présentiel ?

D : oui mais là encore je pense que c'est une histoire de personnalité. J'étais en train de travailler sur une proposition commerciale importante et j'ai continué à travailler jusqu'à 1h30 avec la manager. Je la voyais sur le document - parce que sur le document on peut voir quand les gens sont en train de faire quelque chose - je m'attendais pas à ce qu'elle soit là, je me suis dit que je suis en train de me faire gauler à travailler à cette heure là c'est pas possible. Sachant que le dimanche soir c'était pareil. Elle faisait beaucoup d'aller-retour, elle devait pas comprendre ce que j'étais en train de faire donc je suis allée le lui dire.

Le lendemain j'en ai parlé à un collègue qui m'a dit : « mais c'est mort normalement à 20h tu te casses ». Mais pour moi on lâche pas son équipe, on est 4 personnes à travailler sur ce dossier là, c'est pas parce que ça m'arrange de finir plus tôt que je vais le faire, il y a un engagement qui est pris. Sauf si expressément on me dit va faire ta vie.

C'est pas le cas des deux juniors qui ont les mêmes responsabilités que moi.

Il y a une question de personnalité vis-à-vis de l'implication.

La différence par rapport au présentiel, en télétravail on peut être pris de « tiens je vais me faire un
chocolat chaud, tiens je vais regarder une petite série », il y a des bruits parasites (le mois derniers il

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y avait des travaux chez moi). Si j'avais été au bureau, il y a éventuellement des collègues mais on est carrés et focus sur ce qu'on fait.

I : est-ce que t'aurais fait des horaires pareils si t'avais été toute seule sur un projet ?

D : c'est une bonne question. En fait ça dépend. Si il y a un sujet qui me passionne au plus haut point, ça relève plus de la curiosité que du travail. Mais si ça m'intéresse pas, je vais être à fond mais je vais pas faire des heures improbables.

I : il y a le fait d'être redevable à ton équipe ?

D : non, c'est plus qu'on est ensemble. Il y a pas tout le monde qui réagit de cette manière là. Le télétravail c'est assez dur pour tout le monde. Il y a ce côté engagement, on m'a demandé d'être en charge de telle chose. Mais c'est vraiment à mon sens une question de personnalité et de caractère.

I : dans un monde idéal sans crise sanitaire, tu continuerais à être en télétravail ?

D : le télétravail, j'en parle pas en des termes très positifs mais ça présente quand mêmes des avantages. Je voudrais toujours avoir du présentiel pour le côté social, pour la distinction vie pro / vie perso. Mais le télétravail est intéressant si j'attends un colis par exemple, quand j'ai besoin d'être chez moi j'ai pas besoin de poser un RTT. Ou alors avoir un rdv chez le médecin à côté de chez moi c'est plus rapide.

Dans le monde idéal, je ferai du télétravail une à deux fois par semaine. Mais c'est à tester, chacun doit trouver son rythme de croisière.

I : est-ce qu'il y a quelque chose qu'il te semble importante à rajouter pour parler du télétravail ?

D : je pense que le télétravail, c'est difficile de dire c'est bien ou pas bien. Moi au début il y avait ce côté je travaille et j'étais disponible h24 et là je me rends compte que c'est à moi de fixer mes propres barrières, mes limites. Il faut des règles mais dans les faits il y aura toujours quelqu'un qui essaiera de faire en sorte d'avoir ce qu'il veut en temps voulu. Il faut être discipliné envers soi-même, dire le vendredi je ne suis plus disponible à partir de telle heure. Moi-même je ne fais que tester des choses au début j'avais mon téléphone pendant les pauses et en fait je n'en profitais pas. Cette semaine, plus light, j'ai fait une pause piano pendant 30 minutes. En présentiel je ne faisais pas de pause. Je pète un peu des câbles parce que j'ai l'impression de vivre pour travailler. Je suis en posture de test permanent pour trouver le rythme.

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Merci d'avoir pris le temps de me lire, Laureline

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