WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par Théodor Enone Eboh
Université d'Abomey-Calavi/(ex-Université Nationale du Bénin - Maà®trise 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2-LA DETERMINATION DE LA DATE A RETENIR ET

SES EFFETS SUR LES DELAIS

Si en principe aucun problème ne se pose lorsque la demande est déposée directement dans les services de l'autorité administrative, il faudra déterminer quelle date retenir lorsque la demande est envoyée par la poste.

Lorsque le requérant adresse son recours administratif par voie postale, doit-on considérer la date de dépôt dudit recours à la poste, ou plutôt celui du jour où il parvient à son destinataire ? Cette question a donné lieu à un grand débat doctrinal en droit civil, où deux théories étaient en présence : d'une part la théorie de l'émission, qui était favorable à l'expéditeur, et d'autre part, la théorie de la réception favorable au destinataire.

Longtemps considérée comme une question de fait, et qui dépendait donc de l'interprétation souveraine des juges du fond, la Cour de Cassation française a, dans un arrêt de principe, consacré la théorie de l'émission.79(*)

La convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises retient quant à elle la théorie de la réception.82(*) Cette même théorie est également consacrée par l'acte uniforme de l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) en matière de vente de marchandises82(*).

De ces deux théories, laquelle est appliquée dans le contentieux administratif au Bénin? Il semble que ce soit la théorie de la réception.

A-La consécration de la théorie de la réception

L'arrêt N° 79/CA du 04 octobre 1999 l'illustre parfaitement. Les faits de l'espèce concernent le procès verbal de non-conciliation n°03366/MTEAS/DC/DT/IDTMO/ALT/DTC de l'inspecteur du travail et de la main d'oeuvre de l'Atlantique, que l'Auto-Ecole Moderne, par l'organe de son conseil, défère devant le juge de l'excès de pouvoir par requête du 17 juillet 1996. Le juge décide ainsi : « Considérant que bien que les conditions de forme et de délai énumérées par l'article sus-indiqué paraissent remplies dans le présent dossier, y compris la condition du recours administratif préalable obligatoire, ce qui devrait en principe conduire à la recevabilité de la requérante, il faut cependant souligner que la preuve que le recours hiérarchique du 02 mai 1996 a bien été reçu par le Directeur du travail, ne figure nulle part audit dossier ;

Que si la photocopie non authentifiée d'un extrait du courrier Départ du conseil de la requérante, annexée à sa correspondance n°BCA/PK/212/99 du 26 février 1999, peut être prise en compte par la Cour comme un élément de preuve que le recours hiérarchique du 02 mai 1996 a été envoyé audit Directeur, elle n'indique pas en revanche pas que ce dernier l'a reçu ; »82(*). Pour le juge ici, la date à considérer est celle où le Directeur avait reçu la requête. C'est la consécration de la théorie de la réception.

C'est cette même théorie qu'a adopté le juge camerounais dans son arrêt de l'Assemblée Plénière du 8 novembre 1973. Un concours est lancé le 16 septembre 1969 avec clôture le 30 septembre. Monsieur YOUMBI André envoie par la poste son dossier de candidature qui parvient après la date de clôture.

Dans son arrêt CS-AP N°1-A du 8 novembre 1973, la réponse de la Cour est sans équivoque : « Un pli remis à la poste ne devient la propriété du destinataire qu'à la date de réception du pli par ce dernier et non à celle de son expédition ».83(*)

Cette théorie est défavorable au requérant lorsqu'on sait la lenteur des services postaux ainsi que les multiples grèves des travailleurs du secteur public qui agitent les Etats africains. Un requérant situé dans l'arrière pays, peut expédier son recours administratif le lendemain de la publication d'un acte administratif, mais celui-ci peut parvenir à son destinataire après l'expiration des délais de deux mois. Ainsi subira-t-il les conséquences d'un mauvais fonctionnement des services postaux.

Les délais du recours administratif, avons-nous dit, commencent à courir le lendemain de la notification de la décision s'il s'agit d'un acte individuel. Mais si cet acte concerne les tiers, c'est à partir du lendemain de la publication ou de l'affichage dudit acte. Cela vaut aussi pour les actes réglementaires et les actes collectifs.

Toutefois, l'exception d'illégalité peut être excipée à tout moment en ce qui concerne les actes réglementaires. L'exception d'illégalité qui les affecte est perpétuelle. Ainsi par exemple, le Conseil d'Etat français a déclaré illégal le 8 février 2000, un décret du 27 décembre 1985 qui instituait un régime d'insaisissabilité des sommes déposées par l'administrateur ou le liquidateur judiciaire à la caisse des dépôts de consignations.84(*)

Le juge béninois apporte une exception supplémentaire lorsque la décision attaquée viole les droits fondamentaux de la personne humaine.

B-Les exceptions jurisprudentielles

Plusieurs exceptions sont apportées par les juges (français) pour accepter les recours qui auraient dû parvenir en temps utile. En ce qui concerne le Bénin, nous n'avons pas trouvé une décision rejetée pour une arrivée tardive du fait de l'acheminement tardif.

L'ADD, arrêt (Avant Dire Droit ) rendu le 18/02/1999 mérite d'être rapporté. Les faits relatifs à cette affaire concernent le décret de révocation de la fonction publique de Monsieur BABADJIDE Alphonse en 1983. Pour lutter contre les détournements et autres actes de prévarication dans la fonction publique, le Président de la République a pris une Ordonnance en février 1982. L'article 2 de ladite ordonnance exclut le bénéfice des garanties disciplinaires offertes par les statuts des agents mis en cause.

C'est ce décret que M. BABADJIDE défère devant le juge administratif par sa requête du 27 juin 1984. Il faut tout de même préciser que, contrairement à tous les arrêts de la chambre administrative de la Cour Suprême, le juge qui, avant de statuer au fond, se prononce toujours sur la recevabilité, cet arrêt est particulier en ce qu'il n'adopte pas ce schéma classique. « Considérant que dans son mémoire ampliatif du 5 juillet 1985 au paragraphe 18, le requérant relevait déjà en plus de son moyen unique tiré de la violation de la loi, qu'il est révoqué de la Fonction Publique « sans défense de droit commun » ;

Que dans ses premières conclusions du 14 octobre 1996 le Procureur Général près la Cour Suprême s'est fait tort de cela pour soulever le non-respect du droit de la défense, principe général du droit, en ce que l'intéressé ne s'est pas vu communiquer son dossier, ni n'a été traduit devant le Conseil de Discipline comme le prévoyaient les statuts le régissant ;

Qu'il est constant au vu des pièces du dossier que le requérant a été sanctionné sur le fondement de l'Ordonnance n° 80-6 du 11 février 1980, édictant les dispositions en vue de la répression disciplinaire des détournements et de certaines infractions commises par les Agents de l'Etat et les employés des Collectivités Locales ;

Que ladite Ordonnance en son article 2 exclut de ses dispositions, le bénéfice des garanties disciplinaires offertes par les statuts des agents mis en cause ;

Que parmi ces garanties disciplinaires exclues par ledit texte, figurent justement les obligations de communication de dossier et de traduction de l'Agent incriminé devant le conseil de discipline ;

Considérant que dès lors, l'intéressé n'a pas bénéficié desdites garanties dans la procédure diligentée contre lui et qui a abouti à sa révocation de la Fonction Publique par décret n° 83- 462 du 28 Décembre 1983 ;

Considérant qu'il est constant aujourd'hui plus qu'hier que les droits fondamentaux de la personne humaine sont imprescriptibles et inaliénables ;

Que parmi ces droits, figurent en première ligne les droits de la défense, parmi lesquels le droit de communication du dossier à l'Agent de l'Etat et de traduction de celui-ci devant le conseil de discipline ;

Considérant que même dans la lutte contre les détournements et les actes de prévarication, l'Etat doit toujours écouter l'autre partie et lui permettre de bénéficier de toutes ses garanties, même disciplinaires ;

Que leur exclusion est d'autant plus grave qu'elle n'a pas permis au requérant, en présence d'un défenseur ou de témoins de son choix, de présenter des observations écrites ou verbales, tous éléments d'explication qui en tout cas, auraient pu mieux édifier l'Administration ;

Qu'il convient donc, avant tout jugement en la forme et au fond de cette affaire, de permettre à l'Administration de lever cette omission en communiquant son dossier à BABADJIDE Alphonse et en lui offrant de se défendre devant le conseil de discipline »85(*).

La première conséquence de cette jurisprudence est sans doute l'introduction des notions de droits imprescriptibles et inaliénables. Cela suppose, que même après l'expiration du délai de recours, les décisions qui violent les droits fondamentaux de la personne humaine sont toujours attaquables devant le juge de l'excès de pouvoir.

La deuxième conséquence est tirée de l'échec fait à l'Ordonnance n°80-6 du 11 février 1980, en ce que celle-ci viole les points a) et b) de l'article 14 al.3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui disposent que : « Toute personne accusé d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

A être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature des motifs de l'accusation portée contre lui,

A disposer du temps et des facilités à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix»86(*).

Lorsque le requérant a exercé son recours préalable dans les délais, il dispose d'un délai de deux mois pour saisir le juge, sauf en cas de l'examen de sa demande par l'autorité saisie. Hors cette hypothèse, les délais dans la procédure contentieuse commencent à courir.

* 79 CAPITANT Henri, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 10e éd. 1994, Par TERRE François et LEQUETTE Yves, Dalloz, Paris, p. 341.

80 GAJC, ibid.

81 Article 213 al. 1 du 17 avril 1993 relatif au droit commercial général

* 82 Arrêt N° 79/CA du 04/11/1999, Auto-Ecole Moderne c/ Ministre de la fonction publique et de la réforme administrative, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1999, p.406.

* 83 J.-C. KAMDEM, op. cit. P. 104.

* 84 (D. 2000 p.136, obs. Lienhard) cité par J. BONNARD, Droit des entreprises en difficultés, Hachette, Paris, 2000, p. 96.

* 85 ADD du 18/02/1999, BABADJIDE Alphonse c/ Etat béninois, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, 1999, pp.178-176 et 177

* 86 O. SCHUTTER de, F. TULKEN, S. VAN DROOGHENBROECK, Code de droit international des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 2000.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault