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Contribution à  la règlementation des conditions de travail des femmes et des enfants dans une économie informelle. Cas de la République du Bénin.

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par Samuel Habib Adékulé Sagbohan
Université d'Abomey-calavi - Diplôme du cycle I de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature filière "Administration du Travail et de la Sécurité Sociale 2004
  

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A- Les Raisons de l'applicabilité

Pour ceux qui craignent que l'introduction de normes de bases minimales et de conditions de travail meilleures n'ait une incidence négative sur la croissance et la durabilité des entreprises et unités informelles, il faut noter que les conventions de l'OIT contiennent souvent une disposition qui prévoit que les normes doivent être appliquées en tenant compte des circonstances et des capacités nationales. Une de leurs caractéristiques fondamentales est qu'elles définissent des normes minimales à atteindre par voie de négociation tripartite et de consensus et qu'elles ne prescrivent pas de niveaux de protection irréalistes sous l'angle économique. L'introduction de meilleures conditions de travail dans l'économie informelle devra sans doute être progressive.

Par ailleurs, les normes de l'OIT ne s'appliquent pas qu'à ceux qui font partie de l'économie formelle caractérisée par une relation claire entre employeur et travailleur. La plupart des normes de l'OIT utilisent le terme « travailleur » plutôt que la catégorie juridique limitée de « salariée ». La convention n°87 sur la liberté syndicale de 1948 par exemple s'applique aux « travailleurs et [aux] employeurs sans distinction d'aucune sorte ». Par cette notion de « travailleur », ces normes étendent leur champ d'application au-delà des frontières de l'économie formelle.

Les problèmes de couverture apparaissent presque exclusivement à l'échelon national, lorsque les pouvoirs publics n'ont pas encore été en mesure d'appliquer à l'ensemble des travailleurs les mesures concrètes de protection prévues par la législation. La législation nationale du travail est souvent conçue pour protéger les « salariés » et non pour s'appliquer à tous les «travailleurs».

En outre lorsqu'une norme s'applique uniquement à l'origine aux travailleurs de l'économie formelle, son extension aux autres catégories de travailleurs est parfois prévue explicitement. Par exemple, la convention n°150 sur l'administration du travail (1978) énonce que si les conditions nationales l'exigent, le système d'administration du travail doit être étendu de façon progressive aux groupes qui traditionnellement ne font pas partie de ce système. Le protocole de 1995 à la convention n°81 sur l'inspection du travail étend en principe le champ d'application de ce dernier à tous les risques auxquels peuvent être exposés les travailleurs du secteur des services non commerciaux et à toutes les activités dans toutes les catégories de lieux de travail qui ne sont pas considérées comme industrielles ou commerciales. La recommandation n°189 sur la création d'emploi dans les petites et moyennes entreprises (1998), recommande aux membres de prendre des mesures visant à aider et à améliorer le secteur informel (14(*)). Elle recommande aussi d'examiner la législation du travail afin de déterminer s'il existe un besoin de protection sociale supplémentaire, notamment des mécanismes volontaires, des initiatives de coopératives etc.

Il faut aussi souligner qu'il existe des instruments centrés sur les catégories déterminées de travailleurs que l'on retrouve souvent dans l'économie informelle notamment les travailleurs à domicile ( convention n°177 et recommandation n° 184 de 1996) puis les travailleurs ruraux et les peuples indigènes et tribaux ( convention n°169).

Enfin, même lorsque les travailleurs du secteur informel ne sont pas nommément cités dans le texte, on peut chercher des indications de l'applicabilité d'un instrument donné dans le cadre du système de contrôle de l'OIT. Les remarques formulées par la commission d'experts au sujet de l'économie informelle concernent majoritairement l'obligation des gouvernements d'inclure, dans les consultations sur la politique de l'emploi prévues par l'article 3 de la convention n°122 sur la politique de l'emploi de 1964, des représentants des personnes exerçant leur activité dans l'économie informelle.

Nous pourrions affirmer dès lors que les conventions de l'OIT qui concernent les conditions de travail notamment les salaires, la sécurité au travail et les services sanitaires et sociaux ont pour les travailleurs de l'économie informelle la même importance que pour ceux qui exercent un emploi formel. Il faut cependant admettre qu'en pratique, il est difficile de vérifier et de faire appliquer les normes dans l'économie informelle en particulier dans les pays à faibles revenus comme le Bénin où l'on trouve la majorité des travailleurs dans l'économie informelle. Lorsque l'inspection du travail ou toute autre forme de surveillance est possible, il semblerait que la première étape soit l'identification et la prévention des conditions de travail les plus mauvaises, notamment les servitudes pour dettes, la discrimination, l'exploitation fondée sur la dépendance et le travail des enfants.

Au vu de l'applicabilité des instruments de l'OIT à l'économie informelle, lesquels outre les normes fondamentales, intéressent-ils particulièrement le secteur ?

B - Les autres normes applicables au secteur

Au terme de la conférence internationale du travail de juin 2002, le rapport sur le travail informel considère applicable à l'informel une multitude d'instruments en dehors des normes fondamentales.

En matière de santé et sécurité au travail, les conventions n°161 sur les services de santé au travail et n°155 sur la santé et la sécurité du travail sont avec les conventions n°89 et n°171, les principales normes. Il en est également d'une liste d'instruments sur la protection contre la céruse, le benzène, l'amiante, les produits chimiques, les risques des machines en mouvement, le poids des charges, les pollutions de l'air, les bruits, les vibrations, les risques de la construction et les manutentions portuaires.

En matière de protection sociale, nous avons la convention n°117 sur la politique sociale et celle n°102 sur la sécurité sociale.

Par ailleurs certaines normes valorisant les travailleurs sont également applicables au secteur. Il s'agit de la convention n°142 et la recommandation n°154 sur les programmes de formation professionnelle et la convention n°140 sur le congé éducation. Il en est de même de la convention n°156 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales.

En outre, d'autres instruments sont destinés à protéger certaines catégories de travailleurs. Il s'agit des conventions n°103, n°183 et n°110 sur la protection de la maternité, la convention n°148 sur les travailleurs agricoles, celle n°162 sur l'emploi, l'égalité de traitement, le revenu, la santé et la sécurité des personnes âgées. Les conventions n°159 sur les handicapés, n°97 et n°134 sur les migrants.

Enfin, certaines normes ont prévu des mécanismes de mise en oeuvre des droits des travailleurs et doivent selon la conférence être appliquées au secteur. Il s'agit des conventions n°150 sur l'administration du travail, n°81 sur l'inspection du travail, n°121 sur l'agriculture puis n°141 sur l'organisation des travailleurs ruraux.

Au regard de la réalité présente des conditions de travail des femmes et des enfants dans ce pan de l'économie, il semble que ces normes ne soient rien que des mots!

CHAPITRE II : LES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR INFORMEL

« ...Des emplois de piètre qualité, non productifs et non rémunérateurs, qui ne sont ni reconnus, ni protégés par la législation; l'absence de droits au travail, une protection sociale insuffisante; l'absence de représentation et de voix au chapitre, qui est la plus marquée dans l'économie informelle, en particulier à la base, parmi les femmes et les jeunes travailleurs...»(15(*))

Elles concernent aussi bien les conditions dans lesquelles s'accomplissent strictement le travail (section 1), mais aussi les mesures d'accompagnement que sont la formation ainsi que la protection sociale et syndicale (section 2).

Section 1 : Les conditions matérielles d'accomplissement du Travail

Nous aborderons le niveau de revenu et l'emploi précaire après avoir présenté l'horaire, la santé et la sécurité au travail dans le secteur.

Paragraphe 1 : Horaire, Santé et Sécurité au travail

Les femmes et les enfants dans le secteur informel doivent supporter des conditions de santé et de sécurité au travail déplorables. Il n'en est pas moins quant à l'horaire de travail.

A- Le temps de travail

Dans le secteur informel, « il n'y a pas d'heures », pour toute une série de raisons qui relèvent de la nature de ces activités.

D'abord, le fait que le revenu dépende de la quantité de travail prestée ; confronté à des rentrées généralement faibles, le travailleur va avoir tendance ou être obligé d'en faire toujours plus. Au Mexique par exemple, une étude réalisée par le Consejo Nacional de Ciencia y tecnologia (Conacyt) et la Fondation Ford montre que sur 246 vendeuses ambulantes interviewées, 56,8 % travaillent plus de 48 heures par semaine.

Au Bénin, la durée moyenne de travail est de 51 heures par semaine, mais elle dépasse parfois 66 heures par semaine. En outre, il existe des disparités suivant les catégories et la branche d'activité des travailleurs. La durée moyenne de travail des salariés est de 53 heures dans l'industrie alimentaire, 62 heures dans les textiles, 54 heures dans l'industrie du bois, 48 heures dans la construction, 50 heures dans la restauration, 63 heures dans les transports. Pour les apprentis, elle est de 46 heures dans l'industrie alimentaire, de 52 heures dans le textile, 53 heures dans l'industrie du bois, 48 heures dans la construction, 50 heures dans le transport.

Au total 76,4 % des salariés permanents ont travaillé plus de 48 heures par semaine et 69,7 % des apprentis sont autant occupés.(16(*))

Les femmes qui y sont employées portent des marchandises dont le poids peut aller jusqu'à 70 kg. Certaines exercent leur activité en marchant sans arrêt ou en restant de longues heures debout. Conséquence : lorsque ces femmes enfantent, leurs bébés souffrent d'un poids peu élevé à la naissance ou de malformations congénitales, sans parler de fausses couches.

Ensuite, une autre raison à l'excès du temps de travail est la relation particulière qui existe dans l'informel entre employeur et travailleur. Dans ce secteur, en effet, la relation personnelle est forte, soit parce que l'unité de travail est familiale ou amicale, soit en raison du très petit nombre de travailleurs occupés dans une unité, qui fait sauter la relation (opposition de travail traditionnelle entre patron et employés). Dans ces deux cas, ces derniers peuvent avoir tendance - par bonne volonté ou sous la contrainte - à privilégier le souhait de l'employeur plutôt que le respect de leurs droits de travailleurs.

La nature du travail peut être aussi déterminante. C'est notamment le cas des employés de maison, qui n'ont souvent d'autres choix que de se soumettre aux caprices du maître parmi lesquels une disponibilité quasi-permanente.

Enfin, face à la faiblesse des salaires dans le secteur formel, il est aussi fréquent que de nombreux travailleurs qui y ont un emploi soient contraints d'exercer une seconde activité informelle celle-là en dehors de leurs heures de travail. C'est le cas - et ce n'est qu'un exemple parmi de nombreux autres - de ces chanteurs et musiciens qui arpentent les restaurants des villes le soir pour compléter leur salaire.

L'emploi informel entraîne une masse horaire au-dessus du seuil des 40 heures par semaine prévu par le code du travail en République du Bénin. La durée de travail est largement hors de mesure et aussi déplorable que la santé et la sécurité au travail.

B- La santé et la sécurité au travail

Dans le secteur informel, des risques inhérents à de graves insuffisances en matière d'hygiène, de santé et de sécurité au travail sont fréquents. Outils et équipement en mauvais état, manque de formations technique et professionnelle, utilisation de produits dangereux... n'améliorent pas les conditions de travail.

Les risques et menaces sont d'ailleurs parfois d'origine humaine (insécurité). En effet, si une partie du secteur informel répond à une logique de solidarité, elle ouvre aussi la porte à « la loi de la jungle », d'autant plus facilement que les travailleurs visés sont moins protégés par la loi et donc en situation plus périlleuse.

Enfin, les risques pour la santé ne sont pas uniquement physiques. Quiconque a vu des vendeurs et vendeuses ambulants ou des transporteurs s'activer dans les rues des grandes villes bruyantes, peut comprendre le stress que peuvent endurer ces personnes. Pour les femmes, souvent confrontées à la nouvelle responsabilité d'assurer le revenu de la famille, cela peut déboucher sur des troubles mentaux.

La médiocrité de la santé et de la sécurité au travail rejaillit sur le revenu des travailleurs et est une caractéristique de l'emploi précaire.

Paragraphe 2 : Niveau de revenu et précarité de l'emploi

Les revenus des femmes et des enfants sont à l'image de leur vulnérabilité et consacre la précarité du travail informel.

A- La faiblesse du revenu

Dans le secteur informel, les revenus sont faibles et instables (petit commerce, marchands ambulants, musiciens de rue), inférieurs au salaire minimum (micro-entreprise) ou inexistants (apprentis, travail domestique).

Les salariés, les apprentis et les aides familiaux perçoivent une rémunération mensuelle inférieure à 5.000 F CFA. Beaucoup de travailleurs ont perçu une rémunération inférieure au SMIG de 1992 (13.904 F CFA). Peu de travailleurs ont été payés au-dessus du salaire minimum. La valeur maximale avoisine 40.000 F CFA (17(*)).

Exceptionnellement cependant, le niveau de revenu peut être supérieur au minimum légal, ce qui expliquerait qu'une partie de la population active préfère rester dans ce secteur ou décide de passer d'une activité formelle à une activité informelle. Tel est le cas des célèbres « Nanas Benz » du Togo, ces femmes, qui parties de rien dans les années 1960, ont réalisé un chiffre d'affaires de plus de douze milliards de francs CFA en 1981, plus de 30 millions de US $ en deux décennies, grâce au commerce de pagnes (18(*)).

Tous ceux qui s'engagent dans le secteur informel sont cependant loin d'atteindre de tels résultats, d'autant plus que contrairement à ce que l'on croît, il faut parfois payer pour avoir le droit d'installer un poste de vente quelque part.

Cette faiblesse du revenu est le corollaire de l'instabilité de l'emploi dans le secteur.

B- L'emploi précaire

Dans les pays en développement, les P.A.S et le processus de privatisation et de libéralisation ont entraîné des licenciements massifs dans le secteur formel et par conséquent, un développement rapide de l'économie informelle. Si celle-ci apparaît dans un contexte où l'emploi est fragilisé, la croissance du secteur informel représente elle-même un facteur d'insécurité et d'instabilité pour le travailleur.

La plupart des activités informelles sont réalisées à l'aide d'un faible capital investi quasi quotidiennement et dont le renouvellement dépend des affaires du jour. Dans un contexte de survie, il est impossible d'envisager des perspectives à moyen ou long terme. Les ventes sont-elles mauvaises ? Non seulement la subsistance du jour est menacée, mais aussi la capacité pour une vendeuse ambulante de beignets, par exemple, de reconstituer son stock le lendemain, ou pour un conducteur de taxi-moto d'acheter le carburant nécessaire (si ce n'est en comptant sur des pratiques informelles elles aussi, de solidarité) est hypothéquée.

Qu'un accident climatique ou politique surgisse, qu'une grève paralyse un pays, qu'une dispute éclate entre le « patron » d'une micro-entreprise et son travailleur, ou qu'un ennui de santé empêche celui-ci de se rendre au travail : tout cela peut signifier la disparition du poste de travail ou l'incertitude quant aux rentrées du lendemain. De ce point de vue, le secteur informel est le royaume de la flexibilité et de la précarité. Il en est ainsi d'autant plus que la formation des travailleurs du secteur fait défaut aussi bien que leur protection sociale et syndicale.

Section 2 : Le déficit de formation, de protection sociale et syndicale

Les femmes et les enfants souffrent de mauvaises conditions de travail non seulement par manque de compétences (paragraphe 1) mais aussi par déficit de protection sociale et syndicale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La formation

Elle se caractérise par un faible niveau d'instruction, résultante du système d'apprentissage.

A- Le niveau d'instruction

Il constitue une problématique majeure. Le secteur informel est constitué d'une main-d'oeuvre peu qualifiée. 31,5 % de ces travailleurs n'ont reçu aucune instruction de base ; 20 % parmi ceux qui l'ont reçu ont le niveau primaire. 23 % des apprentis n'ont aucune instruction préalable. Les compétences sont acquises par 30 % des travailleurs du secteur grâce à un auto-apprentissage. Seul 3 % ont reçu une formation professionnelle alors que 65 % ont effectué un apprentissage chez un artisan (19(*)). Pour Cécile Guere, maire de Bangui (République Centrafricaine), « ce sont les femmes handicapées d'une faible instruction ou de déficit de formation qui sont condamnées au chômage de longue durée ou vouées à des emplois subalternes peu décents et moins rémunérateurs. Elles sont majoritairement dans l'économie informelle à très faible revenu » (20(*)).

La carence du niveau d'instruction n'est rien d'autre que la résultante d'un système d'apprentissage rongé par ses tares.

B- Le système de formation

Il s'agit essentiellement de l'apprentissage qui est un système de contrat entre le patron et l'apprenti. Sa durée varie de trois à cinq ans et l'âge des apprentis oscille entre neuf et quinze ans, soit en moyenne une durée d'apprentissage de quatre ans et un âge moyen de douze ans au démarrage du contrat(21(*)). La transmission du savoir, loin de rapprocher la théorie et la pratique, est principalement fondée sur l'imitation des gestes du patron. Tout se passe quelque peu comme si l'apprenant est livré à lui-même sans autre soutien que l'observation. Ce système de transfert des connaissances ne vaut que pour les personnes ayant suivies un apprentissage dans le secteur. Quant aux autres, ils ont généralement de faibles qualifications générales ou presque pas.

La faiblesse de la formation n'est pas en soi une condition de travail dans le secteur informel. Elle ne doit d'ailleurs pas cacher l'expertise non formelle (non scolaire) que ces travailleurs peuvent acquérir dans leur domaine de travail. Mais elle entraîne des conséquences en chaîne. En effet, ce secteur ne connaît aucune des possibilités de formation parfois reconnues aux travailleurs engagés dans des emplois formels (formation continue). Il n'offre donc aucune possibilité de progresser. Pire, un cercle vicieux s'installe. Confinés dans des emplois à faible qualification notamment par manque de formation, les travailleurs de l'informel ont de faibles revenus ne leur permettant pas toujours d'assurer l'éducation de leurs propres enfants, qui se retrouveront à leur tour en première ligne pour tomber dans des emplois précaires, peu rémunérateurs et instables.

De plus en plus toutefois, des initiatives sont prises afin d'offrir une formation à des personnes actives dans le secteur informel ne serait-ce que pour améliorer leur capacité de gestion de leurs activités. Des pistes de réflexion existent mais à petite échelle.

En outre la protection syndicale et sociale dans le secteur est aussi défaillante que la formation.

Paragraphe 2 : La protection sociale et syndicale

Sécurité sociale (A) et syndicalisme (B) constituent des problèmes majeurs qui influent véritablement sur les conditions de travail.

A- L'insuffisance de protection sociale

La majorité des travailleurs dans l'économie informelle vit et travaille dans un environnement malsain et nocif où les conditions de sécurité et d'hygiène ne sont pas respectées et prédisposent à des problèmes de santé. Dans les pays en développement et ceux en transition, le travail ambulant, saisonnier, à domicile et dans certains types d'ateliers n'est pas souvent reconnu ni même protégé par le droit du travail.

De même, dans ces domaines, il est rare que les travailleurs bénéficient d'une couverture sociale.

Nous le savons : la question de la protection sociale, est étroitement liée à la question de la pauvreté. Par ailleurs, cette insuffisance de protection sociale - et donc de moyens adéquats pour se soigner - peut nuire à la « productivité » des unités informelles. Avec une santé médiocre, les travailleurs du secteur informel sont moins à même d'exercer pleinement et efficacement leur activité. Faute de pouvoir bénéficier de la sécurité sociale, les travailleurs du secteur informel consacrent une part importante de leur revenu en dépenses de santé et d'éducation. Les femmes doivent y ajouter des frais de maternité et de garde des enfants. En raison de leur faible niveau de rémunération, les personnes actives dans ce secteur sont dans l'incapacité de prévoir et de consacrer une partie de leur revenu à des assurances de protection sociale privée. Au mieux, elles bénéficient d'une protection sociale embryonnaire, et cela, alors même que ces personnes contribuent à la prospérité économique d'un pays.

Néanmoins, la DGT du MFPTRA a, par son SCASS, instauré des mutuelles de sécurité sociale pour le secteur informel. Actuellement, Cotonou, Parakou puis Porto-Novo sont les trois villes couvertes. Ces mutuelles prennent en compte aussi bien l'aspect soins de santé que celui des pensions de vieillesse. A cet effet Assane DIOP, directeur chargé de la protection sociale au BIT interviewé par Christophe BOUABOUVIER sur "Invité Afrique" de Radio France Internationale a cité le Bénin comme figure de proue dans l'extension de la sécurité sociale au secteur informel. Malheureusement, seules trois (3) villes sont couvertes au Bénin et même dans ces villes, les bénéficiaires potentiels n'ont pas connaissance de l'existence de telles structures où les négligent car n'ayant pas été sensibilisés sur le bien fondé d'une sécurité sociale pour le secteur informel.

Mais qu'en est-il du code de sécurité sociale ? La loi n°98 - 019 du 25 Mars 2003 portant code de sécurité sociale en République du Bénin a prévu un régime de sécurité sociale dans l'informel. Il doit être concrétisé par un décret d'application. Mais jusqu'à aujourd'hui, aucune tentative n'est faite dans ce domaine. La stratégie des mutuelles étant encore embryonnaire et peu disséminée sur le territoire national, les travailleurs semblent être abandonnés à leur sort, d'autant plus qu'ils souffrent d'une carence réelle en matière d'organisation.

B- Le syndicalisme dans l'informel

Face à des conditions de travail souvent déplorables, le secteur informel se caractérise également par un faible niveau d'organisation, ce qui affaiblit le pouvoir de négociation des travailleurs face aux enjeux de sécurité au travail, de revenu et de sécurité sociale. Par ailleurs, la majorité des travailleurs ne disposant ni de relation de travail ni de contrat défini en bonne et due forme, elle n'est pas en mesure de faire connaître ses besoins et ses préoccupations.

Plusieurs causes expliquent le faible taux de syndicalisation dans le secteur informel de l'économie. La première est le très petit nombre de travailleurs salariés dans les entreprises informelles. D'une part, la proximité patron - travailleur peut se traduire par des pressions du premier pour empêcher l'organisation des travailleurs, pressions éventuellement accompagnées de chantage à la perte de l'emploi.  D'autre part, on sait que le syndicalisme s'est construit principalement dans les grandes entreprises industrielles ou de services où les travailleurs sont nombreux. Le climat dans la micro-entreprise ne porte pas spontanément à la syndicalisation.

« Dans le passé, les syndicats ont rencontré des difficultés pour organiser les travailleurs du secteur informel parce qu'il est souvent difficile de communiquer avec eux et parce que leurs attentes sont habituellement différentes de celles des travailleurs occupés dans le secteur structuré », affirme le CENPROS (Mexique) (22(*)). Une autre cause réside dans le caractère flou des relations de travail dans le secteur informel, qui ne reproduit pas exactement la dualité patron - travailleur.

La conséquence de ces diverses causes est donc clairement un déficit de syndicalisation dans le secteur informel.

Ainsi la précarité et la médiocrité des conditions de travail des femmes et des enfants dans l'informel apparaissent-elles aussi bien évidentes que déplorables.

Que retenir finalement de cette première partie ?

Conclusion de la première partie

L'informel sera retenu dans cette étude comme une activité échappant - pas nécessairement volontairement- à bon nombre de législations notamment celle relative au travail et qui fournit des emplois sans contrat formel et dans des conditions de travail et de salaire souvent précaires, sans protection sociale systématique. Ajoutons que c'est une activité répartie en petites unités dont l'organisation est faible, où les relations employeur-travailleur sont souvent personnalisées, et qui confond souvent le patrimoine personnel avec celui de l'entreprise.

Par ailleurs, si la législation nationale ne s'est pas intéressée à régler les situations d'emploi informel, l'OIT par ses instruments de protection s'est penchée sur la question. Elle a admis que les normes fondamentales doivent s'appliquer aux situations d'emploi informel.

En outre, la conférence retient que d'autres normes communément désignées conventions de base de l'OIT doivent régler le travail informel autant que les normes fondamentales.

Malheureusement, entre ces normes et la réalité, le fossé est grand. Ce qui veut dire que les conditions de travail des femmes, des enfants et des autres travailleurs sont médiocres tout simplement.

Ce constat referme la première partie de notre étude et nous amènera à confronter les résultats de nos enquêtes aux hypothèses supposées de départ. Nous pourrons alors établir le diagnostic et proposer des mesures correctives appropriées.

DEUXIEME PARTIE : DE L'ANALYSE DES RESULTATS D'ENQUETES AUX APPROCHES DE SOLUTIONS

Eu égard aux médiocres conditions de travail dans l'économie informelle puis aux hypothèses de travail que nous avons dégagées plus haut, il paraît opportun de procéder à une enquête de terrain afin d'apprécier le degré de vérification de ces hypothèses (chapitre 1). Dès lors les solutions proposées pourront suivre le diagnostic de notre étude (chapitre 2).

CHAPITRE I: LA REALISATION DES ENQUETES ET LE DIAGNOSTIC DE L'ETUDE

« Quand on fait une statue, il ne faut pas toujours être assis en un lieu, il la faut voir de tous les côtés, de loin, de près, en haut, en bas, dans tous les sens.»

MONTESQUIEU.- Cahiers (23(*))

Il s'agit ici de réaliser le diagnostic de notre étude (section 2) après avoir présenté et analysé les résultats de nos enquêtes (section 1).

SECTION 1 : Réalisation et difficultés des enquêtes

Comment avons-nous réalisé nos enquêtes (paragraphe 1) et quelles difficultés avons-nous rencontrées ? (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La réalisation des enquêtes.

Des critères bien précis nous ont permis de dégager la population à interroger (A). L'administration du questionnaire s'est effectuée dans diverses conditions (B).

A - Détermination de l'échantillon

Il serait illusoire de prétendre dans le cadre de notre étude, embrasser toute «la population informelle» même de la ville de Cotonou. Nous nous sommes donc focalisés sur 100 travailleurs (femmes et enfants) de l'économie informelle, tous domaines d'activités confondus. Seulement nous nous intéresserons uniquement aux travailleurs qui ne sont ni indépendants ni chefs de micro-entreprises. S'agissant des enfants, il s'agit des personnes de moins de 18 ans. Le choix de Cotonou se justifie au regard de la panoplie d'activités informelles qui s'y développent.

Mais après la détermination de l'échantillon, comment avons-nous procédé pour réaliser les enquêtes ?

B- Les conditions de réalisation des enquêtes

Les entretiens avec les personnes cibles du questionnaire se sont réalisés par l'administration de ce questionnaire sur les lieux publics de la ville de Cotonou. Nous avons interrogé des vulcanisateurs (enfants), des mécaniciens, des vendeuses, des producteurs de denrées (savon), des femmes travaillant en coopératives, tout un mélange hétéroclite de travailleurs (de moins de 18 ans) et de travailleuses.

Par ailleurs, les autorités en charge des questions du travail (DGT) ont été abordées pour des entretiens ainsi que des responsables d'ONG et d'organisations syndicales intervenant dans le secteur.

Nous avons rencontré ce faisant, des difficultés au cours des enquêtes, qu'il importe de mentionner.

Paragraphe 2 : Difficultés et limites des données

Les données recueillies peuvent dans une certaine mesure être relativisées (B) eu égard aux difficultés rencontrées (A).

* (14) : Les syndicats et le secteur informel : pour une stratégie globale, document d'information pour le colloque international sur l'organisation des travailleurs du secteur «non structuré», Genève, 18- 22 octobre 1999, p.15

* (15) : BIT : Rapport VI, travail décent et économie informelle, conférence internationale du travail, 90ème session, Genève, BIT. 2002. p. 4

* (16) : MALDONADO Carlos, C. H. CASSEHOUIN, D. M. MOUSTAPHA: Programmes d'études et d'enquêtes sur le secteur informel (PEESI - BEN / 87 / 023) BIT. PNUD. INSAE, 1996, p. 20.

* (17) : MALDONADO Carlos, C. H. CASSEHOUIN, D. M. MOUSTAPHA: Programmes d'études et d'enquêtes sur le secteur informel (PEESI - BEN / 87 / 023) BIT. PNUD. INSAE, 1996, p. 21

* (18) : CMT : Rapport annuel sur les droits des travailleurs, 2002, Chapitre 3, p. 2.

* (19) : MALDONADO Carlos et autres auteurs : Le secteur informel en Afrique face aux contraintes légales et institutionnelles, Genève, BIT, 1999, p.109

* (20) : CMT : Rapport annuel sur les droits des travailleurs, 2002, chapitre 1. p.2

* (21) : MALDONADO : Le secteur informel en Afrique face aux contraintes légales et institutionnelles, op. cit., p.109

* (22) : Intervention au Forum de l'Alliance Mondiale des Villes contre la pauvreté, Huy (Belgique), 10 Avril 2002.

* (23): cité par GRAWITZ Madeleine: Méthode des sciences sociales, Paris, Dalloz, septième édition, 1986, p. 878

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry