WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION 2 : L'EGALITE DES ARMES

Le droit à l'égalité des armes est reconnu dans le Statut du TPIR dans les articles 17 § 3 et 20 qui traitent des droits de l'accusé. Cette reconnaissance de l'égalité des armes procède du respect de textes internationaux101(*). En l'occurrence le PIDCP qui énonce en son article 14 §3 aux lettres a°), b°), d°), e°), et f), les obligations constitutives de l'égalité entre la poursuite et la défense dans le procès pénal. Le droit à l'égalité des armes est plus un droit de l'accusé, car il rappelle que la personne poursuivie qui est la plus vulnérable, doit être protégée. Ce droit est d'une importance capitale pour sa défense et se traduit subjectivement par rapport aux prérogatives de l'accusation102(*). Il implique à cet effet, des obligations réciproques entre l'accusation et la défense (Paragraphe 2) qui, pour leur réalisation, nécessitent un certain nombre de moyens dont doivent disposer les deux parties (Paragraphe 1).

PARAGRAPHE 1 : LES MOYENS DISPONIBLES POUR LES PARTIES

Les parties au procès, dans le duel juridique qu'elles mènent, sont à égalité. Pour s'affronter loyalement, elles ont besoin de preuves qu'elles recueillent au terme de nombreuses recherches, pour la plupart du temps, difficiles. L'égalité qui est revendiquée entre l'accusation et la défense tout au long du procès devrait commencer, nous semble-t-il, depuis les conditions et les modalités d'investigations (A).

Celles-ci étant déterminantes dans la suite à donner au procès, car si au moment de la recherche des preuves l'égalité est déjà rompue, les étapes à suivre s'en ressentiront. Aussi, faut-il souligner que le caractère oral et contradictoire de la procédure retenu pour assurer un cadre d'équité ne suffirait pas à lui seul à garantir l'égalité dans les débats et dans la procédure si des voies de recours (B) n'existaient pas.

A- Les investigations

Le contexte de génocide dans lequel s'inscrivent les activités du TPIR, autant qu'il justifie la prédominance du témoignage comme moyen de preuve, justifie également l'énorme difficulté que rencontrent les parties dans leur recherche des preuves. Cette difficulté est d'autant plus accrue pour la défense qui, contrairement à la poursuite, ne dispose pas des même moyens financiers et matériels que cette dernière. En effet, les sommes nécessaires à la préparation de la défense sont souvent importantes et, rares sont les accusés qui ont les moyens de les payer.

C'est pourquoi le Tribunal s'engage à payer les conseils commis d'office. A cet effet, il met à leur disposition les moyens matériels nécessaires à la préparation de la défense. Mais, ces moyens sont fonctions des règles de rémunération propres au Tribunal et sont en deçà des standards appliqués dans d'autres régions du monde103(*). Les standards de rémunération du Tribunal semblent ne pas prendre en compte les difficultés énormes rencontrées par ce type de procès.

Ainsi, la défense peut-elle se trouver limitée dans ses recherches, car les dépenses qu'elle doit engager sont strictement encadrées. En effet, seules les dépenses préalablement autorisées par le greffier sont accordées et ce dernier refuse d'honorer celles qui ne sont pas nécessaires et raisonnables. A ce sujet, l'article 22 A de la Directive relative à la commission d'office dispose : « Lorsqu'un conseil a été commis d'office, les dépenses nécessaires et raisonnables pour assurer la défense du suspect ou de l'accusé sont à la charge du Tribunal, sous réserve des dispositions budgétaires, des règles et règlements, et de la pratique établie par les Nations-Unies ; Toutes les dépenses doivent être préalablement autorisées par le greffier ; ce dernier peut refuser d'honorer les dépenses qui n'ont pas été autorisées ». Nous pensons avec M. Xavier de ROUX104(*) que du fait de cette limitation, le greffier d'une certaine façon, dirige la défense105(*). Il peut être concédé au Tribunal le souci de limiter les dépenses parce qu'il dispose d'un budget limité. Mais il faut reconnaître que les critères "raisonnable" et "nécessaire" ne peuvent être appliqués de façon standard à toutes les affaires. Selon les espèces, les dépenses nécessaires pour une affaire X peuvent ne pas l'être pour une affaire Y et vice versa.

Quant au caractère "raisonnable", il faut se demander à quoi on doit le mesurer. Pour la défense, le "raisonnable" ne consiste t-il pas à ne laisser échapper aucune preuve qui lui permette d'assurer convenablement la défense de son client?

Dans le souci de réduire les dépenses, -les rémunérations dans le système des Nations-Unies étant faites en fonction des heures de travail-, le Tribunal limite le nombre de personnes qui travaillent sur un même dossier ainsi que leur nombre d'heures de travail106(*). Elle estime d'ailleurs que l'inégalité des ressources n'équivaut pas à l'inégalité des armes107(*), et la jurisprudence des Droits de l'Homme n'exige pas l'égalité des moyens pour conclure à l'égalité des armes108(*).

Toutefois, il faut garder à l'esprit que l'égalité des armes veut que toutes les facilités soient accordées aux parties pour leur permettre de présenter leurs preuves. Cette limitation, que nous qualifions d'extrême, procède d'une réelle inégalité pratique entre la poursuite et la défense, quand on sait que la défense commence son travail avec l'arrestation de l'accusé alors que le procureur y travaille depuis le début de l'instruction. Ainsi, la défense ne dispose que du temps allant de l'arrestation jusqu'au procès pour effectuer tout le travail de recherches que le procureur fait peut-être depuis des années.

Le système probatoire, loin de prendre uniquement en compte l'aspect théorique de l'organisation et de la typologie des preuves, doit dans sa mise en oeuvre accorder une place importante à l'aspect pratique de la preuve. Pour cela, des conditions minimales doivent être réunies pour assurer une recherche objective et effective de la vérité. L'efficacité du système probatoire n'en serait que plus palpable, car il rejaillirait de sa mise en branle une justice très peu sujette aux réclamations, tant elle aura été méticuleuse du point de vue du respect de l'équité. Mais s'il ne peut pas encore en être ainsi, l'équité exige qu'il existe des moyens, surtout pour la défense, de protester contre les irrégularités constitutives d'inégalités pour être remise dans ses droits.

* 101 Voir notamment DUDH, art. 10;CEDH, art. 6 §3; PIDCP, art. 14 §3, CADH, art. 8 §2 a), c), f); Statut TPIR, art. 20 §4, a) à f); Statut TPIY, art. 21, a) à f).

* 102 Guillaume CHAMPY, "Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions pénales internationales" in revue internationale de droit pénal, vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit pénal, Erès, 1997 p. 175.

* 103 Xavier de ROUX, "La défense devant le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie", in Simone GABORIAU et Hélène PAULIAT, (Textes réunis par), La justice pénale internationale, Actes du colloque organisé à Limoges les 22-23 novembre 2001, Pulim, p. 123.

* 104 Avocat à la cour d'appel de Paris

* 105 Xavier de ROUX, article précité, p. 125.

* 106 Ibid.

* 107 TPIR, chambre II, Aff. 95-1-T et 96-10-T, KAYISHEMA et alii, 5 mai 1997, Idem, Aff. n° ICTR-95-1-A, 1er juin 2001, § 69 ; TPIY, Aff. IT-99-37-AR7, MILUTINOVIC et alii, 13 novembre 2001, § 23.

* 108 Aff. n° ICTR-95-1-T, BAGILISHEMA, 7 juin 2001, § 14.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld