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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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PREMIERE PARTIE: L'ORIGINALITE DU SYSTEME DE PREUVE DU TPIR

Le système de preuve fixe les règles qui permettent de légitimer et d'évaluer les moyens par lesquels la démonstration d'un fait s'opère14(*). Celui qui a cours au TPIR ne s'aligne pas sur celui des droits nationaux, ni même sur celui d'un système juridique précis. Son objectif est double : un objectif conforme à l'objectif général de la création même du Tribunal à savoir la démonstration de la perpétration de crimes graves, répréhensibles au regard du droit international, mais une démonstration qui doit s'effectuer dans le strict respect des droits de l'accusé.

Le système de preuve du TPIR est d'une certaine spécificité ; en raison non seulement de la nature de cette juridiction, mais aussi et surtout du contexte général de violations massives des droits de l'homme dans lequel il doit atteindre les objectifs sus-cités, qui lui sont assignés.

En effet, le TPIR, juridiction pénale internationale a opté pour un système guidant la preuve des faits comme toute juridiction. Ce système se singularise par des tiraillements qui l'agitent, et qui sont dus à la fois à sa double nature pénale et internationale. Sa nature pénale lui impose de se prononcer sur la responsabilité pénale des présumés coupables à partir des éléments de preuve portés à sa connaissance. Sa nature internationale lui impose de se conformer aux textes internationaux en fixant des standards dans le respect des droits de l'homme et de la défense, et d'assurer le respect scrupuleux du principe de légalité. De la fusion de ces deux caractéristiques essentielles, naît une certaine souplesse du système probatoire du TPIR (Chapitre I). Cette souplesse ajoutée au seuil très poussé dans la prise en compte des garanties attachées au procès équitable (Chapitre 2) font du système probatoire du TPIR un système d'une originalité certaine.

CHAPITRE 1 : LA SOUPLESSE DU SYSTEME PROBATOIRE

La flexibilité du système probatoire du Tribunal d'Arusha s'observe dans le processus de production des preuves et dans la typologie des moyens de preuve. La production des preuves telle qu'elle se déroule devant le Tribunal est symptomatique de la procédure qui a cours dans les instances pénales internationales. Le fait que l'on n'assiste pas dans ces instances à la reproduction intégrale d'un système juridique spécifique implique l'absence de contraintes dans l'organisation de la production des preuves. Il n'existe donc pas devant elles, de règles déterminées pour l'administration de la preuve. Devant le TPIR, le système de production de preuves paraît peu contraignant (Section 1). Cette absence de contrainte peut également s'observer dans le choix des éléments de preuve (Section 2), en ce sens que certains moyens de preuve moins stricts que ceux traditionnellement retenus en matière pénale sont aussi admis, faisant même entorse à des principes apparemment indérogeables.

SECTION 1 : L'ABSENCE DE CONTRAINTE DANS LE MODE DE PRODUCTION DES PREUVES.

La production des preuves est l'opération matérielle par laquelle sont apportés au juge des éléments probatoires de la commission d'une infraction et de son imputation à celui qu'on soupçonne d'en être l'auteur15(*). Dans le contexte général de la procédure ayant cours au TPIR, cette opération devrait en principe avoir uniquement lieu lors de l'audience au fond. Elle doit appartenir aux parties car, conformément au droit de la common law, ce sont elles qui rapportent les éléments de preuve en vue de la démonstration contradictoire des faits (Paragraphe 2).

Seulement, dans le système du TPIR, la production des preuves en dehors de l'audience, se fait également à la phase préalable du procès et est confiée à l'organe de poursuite, le procureur, censé être une partie au procès. Il apparaît donc clairement que des obligations probatoires incombent à chaque acteur aux différentes phases du procès pénal, d'où les prérogatives spécifiques pour l'organe de poursuite (Paragraphe 1).

PARAGRAPHE 1 : LES PREROGATIVES SPECIFIQUES DU PROCUREUR

Elles sont liées à sa fonction d'organe de poursuite et concernent la production des preuves. Elles consistent en l'instruction du dossier (A) au moyen de laquelle le procureur rassemble les preuves nécessaires à la mise en accusation (B) des personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions relevant de la compétence du Tribunal.

A- L'instruction

L'instruction est la phase de l'instance pénale qui permet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si les charges relevées contre la personne poursuivie sont suffisantes pour emporter un jugement16(*). Cette obligation d'établir que des crimes ont été commis incombe à l'organe de poursuite du Tribunal, le procureur.

Conformément aux articles 15 §1 et 17 §1 du Statut du TPIR, le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite. Il peut ouvrir une information d'office sur la foi de renseignements obtenus de toute source y compris des agences de l'ONU, des gouvernements ou d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales. Ce qui n'exclut pas a priori les communications de particuliers qui ne disposent pas de mécanismes de partie civile. Il doit, à la fois, instruire le dossier, c'est-à-dire réunir les preuves, et se prononcer sur l'opportunité des poursuites.

Cette façon de procéder révèle qu'il n'y a pas, comme en droit français, une séparation des fonctions en matière d'organisation de la poursuite. Il n'existe pas, d'une part, un parquet chargé des poursuites et d'autre part, un juge d'instruction chargé de mener des investigations sur l'existence de l'infraction et les preuves de son imputabilité à la personne poursuivie. En l'espèce, l'enquête préliminaire et l'instruction sont donc confondues entre les mains du seul procureur.

L'organisation de la procédure à cette étape se trouve être empruntée au système de droit continental où le juge d'instruction élabore le dossier en instruisant à charge et à décharge, les éléments de preuve étant discutés au procès. Il n'y a pas de débat contradictoire, et la procédure est essentiellement écrite.

Le choix du droit romano-germanique à cette phase se justifie sans doute par un souci d'efficacité et de rapidité. Ainsi, dans le cadre de ses prérogatives, le procureur peut interroger les suspects, les victimes et les témoins, et procéder sur les lieux du crime à toutes les mesures nécessaires à la manifestation de la vérité. Le bureau du procureur dispose, de plusieurs équipes d'enquêteurs composées de spécialistes de l'investigation criminelle et de médecins légistes. Ils sont chargés d'explorer les scènes de crimes. Ce sont les lieux d'exécutions sommaires, les charniers, les tombes, les puits et les fosses communes au fond desquels les corps furent jetés17(*). Il ne s'agit pas pour les enquêteurs d'identifier les corps, mais de déterminer le sexe, l'âge des victimes, si possible leur origine ethnique et la cause de la mort.

L'objectif ici visé est de procéder à des constatations pour faire tenir l'accusation sur des bases probatoires solides18(*). D'un autre côté, le personnel du bureau du procureur identifie les témoins importants pour l'accusation, recueille leurs témoignages, s'assure de la cohérence et de la fiabilité de leurs dépositions, ainsi que de la capacité des témoins à témoigner valablement devant le Tribunal.

En somme, à l'aide des moyens dont il dispose, y compris la collaboration des autorités nationales compétentes, le procureur doit réunir les documents et informations qui permettent de remonter la chaîne de commandement. Il faut remarquer que le principe de la liberté des preuves qui vaut en matière pénale, influence énormément cette phase d'instruction. Etant donné que le juge peut recevoir tout élément de preuve19(*), le procureur n'est pas limité dans la démonstration de l'existence d'une infraction. Il peut donc rapporter la preuve par tous moyens pour soutenir son accusation. Ainsi, lorsqu'il estime qu'il a des éléments de preuve pertinents et suffisants pour convaincre au-delà de tout doute raisonnable qu'un crime relevant de la compétence de la cour a été commis, il établit un acte d'accusation qu'il soumet au juge pour confirmation.

* 14 Anne-Marie LA ROSA, "La preuve", in Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX, Alain PELLET (sous la dir.), Droit International Pénal, Editions PEDONE, Paris, 2000, p. 765.

* 15 Serge GUINCHARD, Jacques BUISSON, Procédure Pénale, Litec, Paris, 2000, p. 299.

* 16 Raymond GUILLIEN, Jean VINCENT (sous la dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13éd., Paris, 2001, p. 311.

* 17 Jean-Paul BAZELAIRE et Thierry CRETIN, La justice pénale internationale, PUF, Paris, septembre 2000, pp. 102-103.

* 18 Rémy OURDAN, dans Le Monde en date du 9 septembre 1999 : "Premier volet : enquête sur les crimes contre l'humanité", cité par Jean-Paul BAZELAIRE et Thierry CRETIN, op.cit., note 1, p. 102.

* 19 RPP du TPIR, art. 89 c).

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