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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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B- La participation négociée du CICR

A l'instar des Etats, les organisations humanitaires peuvent détenir des informations pertinentes permettant aux TPI d'assurer leur mandat. Le CICR est l'une de ses organisations. Il intervient dans le domaine du DIH et son mandat comprend deux fonctions cruciales à savoir, protéger et assister les victimes des conflits armés, et assurer la promotion et la diffusion du DIH146(*).

Dans l'exercice de ces fonctions qui lui sont dévolues, il arrive que le CICR, à travers ses membres, soit souvent témoin ou victime de violations graves du DIH, toutes choses dont le TPI a en charge de sanctionner. L'intérêt des parties au procès pour la participation et la collaboration de cet organisme peut donc se comprendre aisément. Or, le devoir de discrétion dont fait preuve le CICR dans le déroulement de ses activités est à première vue contraire à toute participation éventuelle de sa part visant à communiquer publiquement des informations. Le Tribunal se trouve alors confronté à un problème de conciliation d'intérêts publics contradictoires, liés à l'utilisation par le procureur et la défense, d'informations détenues par le CICR147(*).

En effet, dans l'intérêt de la justice, le Tribunal a besoin d'éléments de preuve pertinents pour faire éclater la vérité d'une part, alors que le CICR préserve la confidentialité et la discrétion d'autre part, ne songeant même pas à une communication publique. La question logique qui s'en suit est celle de savoir si dans la balance, c'est l'obligation de réserve qui incombe au CICR qui doit prévaloir, au détriment d'une répression efficiente de la violation massive du DIH ou l'inverse. La réponse ne peut être simple car les intérêts des deux parties sont légitimes et juridiquement fondés. Il doit être trouvé un modus vivendi pour concilier ces intérêts divergents et permettre en même temps que ces deux entités collaborent utilement sans se causer réciproquement préjudice.

Le TPIR ne s'est pas trouvé confronté au problème de l'utilisation de preuves détenues par le CICR contrairement à son jumeau de l'ex-Yougoslavie. Mais pour des raisons que nous avons évoquées plus haut cette question sera étudiée en rapport avec la jurisprudence du TPIY, plus particulièrement, dans une décision de l'affaire SIMIC.

La décision prononcée de manière confidentielle le 27 juillet 1999 a été rendue à la suite de la requête du procureur en application de l'article 73 du RPP du TPIY148(*). En effet, l'accusation voulait qu'un témoin, un interprète qui accompagnait les membres du CICR, dépose sur des faits pertinents contre les accusés de l'espèce. Cette décision majoritaire relative à la requête s'est limitée à l'examen de la recevabilité des preuves à fournir par le témoin. Dans cette décision, les juges ont eu à déterminer si le CICR possède un intérêt réel que le témoignage de cet employé ne soit pas admis, et s'il existe, s'il ne pouvait être tempéré pour l'intérêt de la justice.

En conclusion, la décision majoritaire rappelle, en y adhérant, que le droit international coutumier ou conventionnel reconnaît au CICR un intérêt à ce que les informations qui lui appartiennent restent confidentielles. Elle confirme les pouvoirs reconnus au CICR à travers les conventions de Genève et ses protocoles additionnels pour accomplir efficacement sa tâche. Elle estime en outre que les Etats, en acceptant d'être liés par ces conventions, ont souscrit à une obligation conventionnelle de garantir la non-divulgation des informations et confère au CICR un privilège de non-divulgation des informations dont il peut se prévaloir. Enfin, les juges finissent leur analyse en disant que le fait que cent quatre-vingt huit (188) Etats aient ratifié les conventions de Genève, joint à la pratique des Etats relative au CICR autorise la majorité à conclure qu'un tel droit fait également partie du droit international coutumier et donc, lie les TPI149(*). Le témoin, en vertu de cette décision, ne sera donc pas entendu, pour ne pas violer le privilège de non-divulgation dont jouit le CICR.

Le juge HUNT150(*), dans l'opinion individuelle qu'il a émise, et sur laquelle il nous semble opportun de nous aligner, reconnaît l'intérêt public important de l'obligation de garantir la non-divulgation des informations du CICR, qui vise à le protéger contre toute divulgation judiciaire des faits connus par ses employés dans le cadre de leur fonctions151(*). Toutefois, il s'interroge sur le caractère absolu d'un tel privilège. Dans le même sens que lui, il faut rappeler que ce privilège vise à protéger le CICR contre les Etats, et que par conséquent, rien ne justifie qu'on l'étende systématiquement aux juridictions pénales internationales.

D'un autre côté, alors que la chambre qui a rendu la décision estime qu'aucun intérêt, aussi important soit-il, ne peut s'opposer au privilège de non-divulgation dont jouit le CICR, nous pensons à l'instar de M. HUNT que dans cette affaire, l'intérêt du CICR n'est pas le seul en cause et que ne doit pas être négligé le fait qu'il existe un autre intérêt tout aussi important. Cet autre intérêt suppose que toutes les preuves pertinentes soient mises à la disposition des juridictions chargées de juger les personnes présumées coupables de violations graves du DIH. Il serait donc erroné de penser que les témoignages du CICR ou de ses représentants doivent être d'office exclus152(*).

Le CICR ayant exprimé sa volonté de coopérer avec les instances pénales internationales, il devrait, avec les TPI, négocier les modalités de leur collaboration, des modalités qui, du reste, pourraient être applicables à toute sorte d'affaires dont les TPI auront à connaître.

Au terme de ces modalités, il peut être exclu toute comparution qui entraînerait une violation manifeste du mandat du CICR. Des garanties peuvent être offertes pour rassurer le CICR de ce que sa coopération avec l'instance internationale ne mettra pas en péril l'exécution de son mandat. Le CICR doit aussi veiller au respect de son obligation de coopération à l'égard du Tribunal en ne s'opposant pas systématiquement à toute comparution publique. Il doit chaque fois prendre le soin de vérifier si la communication de l'information cause effectivement de graves préjudices à son mandat, surtout s'il n'existe pas d'autres moyens de faire manifester la vérité.

Mais, dans le cas où le CICR refuserait toute coopération, le Tribunal peut-il user de mécanismes pour forcer la divulgation d'informations auprès du CICR ? L'examen de ces mécanismes nous apportera des éléments de réponse.

* 146 Conventions de Genève de 1949 I, II, et III, art. 9, Convention IV, art. 10 ; Protocole additionnel I de 1977, art. 81 §1.

* 147 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 331.

* 148 Aff n°ICTY-IT-95-9,. SIMIC, décision du 27 juillet 1999, rendue publique le 1er octobre 1999.

* 149 Ibid., §§ 72-74.

* 150 Juge siégeant à la Chambre de première instance I du TPIY.

* 151 Opinion individuelle du juge HUNT rapportée par Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 337.

* 152 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 343.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard