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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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B- Des éléments indicateurs de l'existence de l'intention génocidaire

L'intention génocidaire ou dol spécial qui caractérise le crime de génocide, ne peut être appréhendée facilement. Elle est souvent inférée d'une part, de circonstances données, de propos tenus et d'actes commis par les personnes qu'on soupçonne d'avoir nourri cette intention génocidaire. D'autre part, la détermination de cette intention chez l'accusé, est fortement guidée par les particularités de l'espèce.

S'agissant de la difficulté et de la question de savoir comment déterminer l'intention spécifique de l'accusé, la Chambre considère que l'intention est un facteur d'ordre psychologique qu'il est difficile, voire impossible, d'appréhender. C'est la raison pour laquelle, à défaut d'aveux de la part d'un accusé, son intention peut se déduire d'un certain nombre de faits. Par exemple, la Chambre estime qu'il est possible de déduire l'intention génocidaire ayant prévalu à la commission d'un acte particulier incriminé de l'ensemble des actes et propos de l'accusé ou encore du contexte général de perpétration d'autres actes répréhensibles systématiquement dirigés contre le même groupe, que ces autres actes soient commis par le même agent ou même par d'autres agents.

D'autres facteurs, tels que l'échelle des atrocités commises, leur caractère général, dans une région ou un pays ou encore le fait de choisir délibérément et systématiquement les victimes en raison de leur appartenance à un groupe particulier, tout en excluant les membres des autres groupes, peuvent également permettre à la Chambre de déduire une intention génocidaire224(*).

Dans le même sens, la Chambre de première instance I du TPIY a, elle aussi, indiqué qu'elle considère que l'intention spécifique au crime de génocide « peut être inférée d'un certain nombre d'éléments tels, la doctrine générale du projet politique inspirant les actes susceptibles de relever de la définition (du génocide) ou la répétition d'actes de destruction discriminatoires. L'intention peut également se déduire de la perpétration d'actes portant atteinte au fondement du groupe ou à ce que les auteurs des actes considèrent comme tels, actes qui ne relèveraient pas nécessairement eux-mêmes de l'énumération (du paragraphe (4) de l'article 2), mais qui sont commis dans le cadre de la même ligne de conduite »225(*).

Ainsi, dans l'affaire en instance examinée par le TPIY, la Chambre a, dans ses conclusions, estimé que cette intention ressort de l'effet conjugué des discours ou projets préparant ou justifiant ces actes, de la massivité de leurs effets destructeurs ainsi que de la nature spécifique, visant à miner ce qui est considéré comme les fondements du groupe. De la même façon, dans l'affaire AKAYESU, l'existence de l'intention génocidaire à été prouvée à partir de nombreux éléments. Entre autres, les propos tenus par l'accusé à une réunion du 19 avril 1994, par lesquels il a clairement demandé à la population de s'unir pour éliminer l'ennemi unique: le complice des Inkotanyi226(*).

Le fait que l'accusé, lui-même, était parfaitement conscient de la portée de ses propos sur la foule et du fait que ses appels à lutter contre les complices des Inkotanyi seraient compris comme des appels à tuer les Tutsis en général227(*). En qualité de bourgmestre, Jean-Paul AKAYESU était chargé du maintien de l'ordre public et de l'exécution des lois dans sa commune. Au moins 2000 Tutsi ont été tués à Taba entre le 7 avril et la fin de juin 1994, alors qu'il était toujours en fonction. Ces massacres à Taba étaient perpétrés ouvertement et étaient d'une telle ampleur que, en sa qualité de bourgmestre, Jean-Paul AKAYESU a dû nécessairement en avoir eu connaissance. Bien qu'il eût l'autorité nécessaire pour le faire et qu'il en eût la responsabilité, l'accusé n'a jamais tenté, en aucune façon, d'empêcher les massacres de Tutsi dans la commune et n'a en aucune façon demandé l'assistance des autorités régionales ou nationales pour réprimer la violence228(*). La preuve pertinente qu'il était animé de l'intention de détruire le groupe Tutsi en tant que tel.

Le TPIR est confronté à des obstacles de plusieurs ordres dans la réalisation de sa mission. Ainsi, à l'épreuve des faits, son système de preuve semble se réaliser difficilement. En réalité, comme on a pu le constater, les autres acteurs de la communauté internationale n'accordent pas toujours leurs "faveurs" au TPIR. Il s'est alors octroyé des prérogatives en termes d'injonctions contraignantes pour forcer leur coopération. En effet, la coopération étatique est d'une importance capitale pour la mise en oeuvre du système probatoire. Car, la preuve de violations graves du DIH résulte souvent d'informations détenues par des organes de l'Etat, ceux là même qui ont pu être impliqués directement ou indirectement dans la perpétration des crimes.

Dans ces conditions, les réticences de ces autorités étatiques peuvent s'exacerber lorsqu'il est question d'obtenir des preuves relatives à la responsabilité des hauts dirigeants, empêchant les parties de faire la démonstration de leurs prétentions. Cette première étape de collecte des preuves doit se faire en temps opportun. Lorsqu'elle aboutit, commence alors la phase d'appréciation des preuves. Nous avons observé que le Tribunal admet tout élément de preuve en tenant compte de sa valeur probante et en portant une attention particulière aux indices de sa fiabilité. Et ses juges ne condamnent que parce qu'au-delà du fait que les preuves sont réunies, ils sont convaincus que déclarer l'accusé coupable ne trahit pas la vérité229(*).

Pour cela nous avons examiné les preuves retenues pour la démonstration du génocide afin de voir ce que les juges du TPIR estiment nécessaires dans la démonstration de ce crime.

* 224 Ibid., § 523.

* 225 Ibid., § 524. TPIY, Décision de la Chambre de première instance I, Affaire Radovan KARADZIC, Ratko MLADIC (Aff. n° IT-95-5-R61 et n° IT-95-18-R61), Examen de l'acte d'accusation dans le cadre de la procédure de l'article 61 du Règlement de procédure et de preuve, § 94.

* 226 L'origine du mot Inkotanyi remonte au 19ème siècle; à l'époque, il désignait l'un des groupes de guerriers du roi rwandais, Rwabugiris. Rien ne permet de dire que ce groupe de guerriers était monoethnique. M. RUZINDANA a laissé entendre que le nom Inkotanyi était porté avec fierté par ces guerriers. Lorsque la guerre éclate entre le FPR et le Gouvernement rwandais, les militaires du FPR étaient appelés Inkotanyi. Sur cette base, la Chambre note que la signification première du mot Inkotanyi renvoie à l'armée du FPR. D'après l'analyse qu'il a faite de plusieurs journaux rwandais et de cassettes de la RTLM et en se fondant également sur son expérience personnelle du conflit, M. RUZINDANA était d'avis que le mot Inkotanyi avait également acquis d'autres acceptions, dont celles de sympathisant ou partisan du FPR, ou encore de membre du groupe ethnique Tutsi.

* 227 Aff. n° ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 361.

* 228 Ibid., § 179.

* 229 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 458.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery