3.  La disparition du resultat exceptionnel
La  partie  « resultat  exceptionnel »  tend  a 
disparaltre  sous  les  normes  IAS  /  IFRS.  Les 
entreprises etaient jusqu'ici habituees a utiliser ce poste
afin de modifier selon leur convenance le resultat. La rigueur instauree par
les normes IAS / IFRS se traduira par une quasi-impossibilite de recourir au
resultat exceptionnel et donc des difficultes accrues en terme d'optimisation
fiscale. En effet, des charges peuvent étre deductibles et se justifier
en tant que tel dans un resultat exceptionnel 
et ne pas reunir les conditions de deductibilite necessaire
dans un resultat courant. D'autant que la notion  « d'exceptionnel » 
peut  porter  sur  le  caractere  anormalement  eleve  du  montant  ou  de  la
frequence du produit ou de la charge en question au regard de l'activite de
l'entreprise. 
De   méme,   comment   concilier   l'approche  
analytique   du   resultat   exceptionnel   (liste predefinie)   en   droit  
français   a   celle   plus   globale   et   pourtant   plus   precise  
des   normes internationales ? 
Pour  le  moment,  les  normes  IAS  /  IFRS  evoquent  le 
terme  de  resultat  extraordinaire  et apportent une definition bien
differente de celle du PCG. Cela n'ira pas sans contradictions sur le plan
fiscal, contradictions d'autant plus renforcees que les exemples d'element
exceptionnel retenus 
par les IAS / IFRS different de beaucoup de ceux retenus par
les principes comptables et fiscaux français. A ce jour, les IAS ne
donnent l'exemple que d'une expropriation ou d'un tremblement de terre...En 
l'espece,  ces  principes  retenus  pour  le  resultat  exceptionnel  plaide 
en  la  faveur  d'une deconnexion   du   resultat   comptable   et   fiscal,  
puisque   des   elements   auparavant   qualifies d'exceptionnel ne le sont
plus au regard des normes IAS et IFRS. Citons a titre d'exemple les dons 
ou mecenat, les penalites, amendes et autres contraventions... 
  Avril 2004  9l 
Le compte de resultats fait l'objet d'une profonde mutation tant
l'approche des normes IAS / IFRS 
differe de l'approche française. A terme, le compte de
resultats serait integralement modifie pour faire  apparaltre  le 
résultat  global,  tant  defendu  par  l'IASB.  Ces 
changements  ont  et  auront  de lourdes   consequences   fiscales   ne  
serait-ce   que   par   les   definitions   du   resultat   ordinaire   et
extraordinaire, de la notion de charges et de produits. 
Dans un souci de continuite du droit fiscal français et
afin d'eviter une trop grande rupture en terme d'imposition, qui serait
prejudiciable aux entreprises, il conviendrait d'adapter le plus rapidement
possible  la  fiscalite  française  a  ces  nouveaux  principes 
comptables.  De  plus,  une  adaptation progressive et anticipee favoriserait
l'emergence d'une harmonisation fiscale en Europe, inevitable 
a long terme avec l'application des nouvelles normes aux comptes
statutaires. 
Conclusion 
Les  impacts  sur  la  comptabilite  sont  nombreux,  ce  qui  se
 traduit  inevitablement  par  des 
incidences   fiscales   lourdes.   Il   apparalt   clairement 
 que   les   nouvelles   normes   comptables internationales  sont  a  plus  ou
 moins  long  terme  positives  et  ce,  pour  les  differents  acteurs
economiques :  etablissement  des  comptes  plus  rigoureux,  communication 
financiere  plus  claire, comparabilite des societes de differents pays,
harmonisation des comptes consolides et statutaires... 
Neanmoins,  la  où  les  normes  IAS  /  IFRS 
apportent  une  securite  et  une  plus  grande comparabilite des resultats a
long terme, le contraire risque de se produire a court et moyen terme pour
plusieurs raisons : 
    Peut-on  accepter,  au  nom  de  la  souverainete  des 
Etats  et  de  la  democratie  que  les  normes comptables  soient  decidees 
par  un  organisme  prive,  lui-méme  dirige  par  une  poignee  de
personnes78 ? Tout en sachant que ces personnes sont issues d'un
pays a la culture economique largement differente de celle de l'Europe et tout
particulierement de la France ? Dans le méme registre,  peut-on  parler 
de  « convergence »  (au  sens  etymologique  du  terme) ?  S'agit-il
 d'une veritable   immixtion   dans   la   politique   interieure   des   Etats
  et   notamment   de   leurs   regles comptables et a terme fiscales ? 
    Les  consequences  tant  sur  le  plan  comptable  que 
fiscal,  voire  méme  juridique  ne  sont  pas clairement  delimitees, 
ce  qui  ne  peut  se  traduire  que  par  une  adoption  reservee  et  donc
partiellement efficace des nouvelles normes. L'attentisme d'une partie des
entreprises vis a vis 
des differentes consequences comptables et fiscales en est un
exemple. 
78  Voir aussi « Fiscalite et normes comptables
internationales : Mais où et donc or ni car ? » Erice Delesalle,
Revue de Droit fiscal, N°l6 Annee 2004 
P. 739 
    Dans  le  cadre  d'une  convergence  des  comptes 
statutaires  vers  les  comptes  consolides  IFRS, 
peut-on accepter que, des regles internationales creees pour
des Groupes internationaux et cotes, soient  appliquees  de  la  méme 
maniere  aux  PME ?  Qu'en  est-il  au  regard  de  l'egalite  devant
l'impôt79  ? 
    Le  flou  persiste  au  niveau  des  autorites,  notamment
 aupres  de  l'Administration  fiscale  dont l'immobilisme ne fait
qu'entretenir une position plutôt sceptique des entreprises au regard des
IAS/ IFRS. Ce flou ne fait que renforcer la perte de souverainete des Etats
face a une Europe en plein chantier, voyant avec l'application des IAS / IFRS
l'occasion d'harmoniser le resultat des entreprises et donc de faire emerger
tant bien que mal a l'avenir, une reelle fiscalite europeenne, faute de
politique clairement exprimee a ce sujet. 
    De méme, est-il raisonnable d'accepter que le resultat
soit plus volatil et par consequent, moins 
« contrôlable » pour les entreprises ? Qu'en
sera-t-il en terme de budget pour l'Etat ? Des regles specifiques doivent-elles
étre mises en oeuvre, afin de « lisser » le resultat d'un
exercice a l'autre, dans le but de ne pas avoir trop de discordances au niveau
des entreprises ? 
Par   consequent,   l'emergence   d'un   bilan   fiscal   paralt 
 souhaitable   et   inevitable.   Les informations financieres ont un but que
la fiscalite ne permet pas d'accomplir. Depuis longtemps, 
les entreprises appliquent des regles fiscales au sein
méme de leur comptabilite, ce qui conduit a une  veritable  pollution 
non  justifiee  des  comptes  publies  par  les  entreprises.  Par  exemple, 
le retraitement  des  provisions  reglementees  et  des  amortissements 
fiscaux  pour  le  calcul  du  resultat fiscal ne fait que plaider en la faveur
d'une deconnexion de la fiscalite et de la comptabilite. 
Ainsi, la deconnexion de la fiscalite permettrait l'emergence
d'un resultat europeen et donc 
79  Voir aussi « Fiscalite et normes comptables
internationales : Mais où et donc or ni car », Eric Delesalle,
Revue de droit fiscal, N°l6, annee 2004, P.739 
le renforcement tant attendu par l'Europe de sa position
economique et financiere dans le monde, 
tout en permettant aux pays membres de preserver une marge de
manoeuvre en terme de politique fiscale. De plus, la deconnexion de la
fiscalite et de la comptabilite est d'autant plus justifiee que 
« l'Underlying performance » (resultat intrinseque de
l'entreprise) ne sera plus qu'une information 
en annexe avec les normes IAS / IFRS. Or c'est justement ce
resultat qui devrait faire l'objet d'une taxation et non un resultat global,
influence par des phenomenes exogenes. 
Les  normes  IFRS  permettent  l'etablissement  de  regles 
communes  quant  a  la  comptabilite 
des  societes  europeennes.  Neanmoins,  le  projet 
d'appliquer  de  telles  regles  doit  s'accompagner d'une reelle volonte
d'harmoniser la fiscalite europeenne et donc le resultat des entreprises. Or le
chemin semble pour l'instant long et laborieux, surtout si l'on se refere aux
propos qu'ont tenu le Premier ministre anglais Tony Blair et son homologue
estonien Juhan Parts ,lors d'une interview consacree au quotidien « Les
Echos » du 3 novembre 2003. Ceux-ci ont en effet defendu un « Non
a l'harmonisation   fiscale   [en   Europe] ».   L'application   des 
 normes   IFRS   permettrait-elle   de s'affranchir  de  ces  reticences  ou, 
au  contraire,  ne  seront-elles  laissees  qu'en  l'etat,  a  demi achevees ?
Il est legitime de se poser la question de l'eventuelle extension aux comptes
statutaires, puisque selon quel principe et quelle logique, deux principes
(IFRS et PCG) peuvent-ils refleter la realite ? Neanmoins, certains pays tels
que l'Allemagne ou la France s'accordent sur une eventuelle harmonisation (taux
minimum d'imposition si l'on en croit le quotidien Le Figaro du 28 mai
2004). 
En definitive, quel que soit le point de vue adopte et le degre
d'avancement des discussions 
et  projets  de  convergences,  tant  de  la  part  des 
entreprises  que  des  autorites  nationales  ou europeennes, la seule attitude
a adopter80  est a l'instar des normes IAS, elle aussi anglo-saxonne
: 
« Wait and see... » 
80  Faute de reel choix et loin d'étre
satisfaisante 
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