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Le statut des réfugiés au Cameroun- étude critique de la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005

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par Simeon Patrice KOUAM
Université de Yaoundé II - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Privé Fondamental 2004
  

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La répartition des compétences

60. Aux termes de l'article 7 al 2 de la loi de 2005, « tout demandeur d'asile doit, à l'entrée du territoire national, se présenter aux autorités compétentes dans un délai de quinze (15) jours ». Dans ce texte, le législateur ne défini pas expressément ce qu'il entend par « autorités compétentes ». De manière exégétique, il peut s'agir des autorités impliquées dans le circuit de détermination de la qualité de réfugié. Il convient d'analyser d'abord le rôle de ces autorités impliquées (1), avant d'examiner celui de la Commission d'éligibilité (2).

Le rôle des autorités impliquées

61. On mentionnera à ce niveau, le personnel de l'administration territoriale, de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale et de l'Emi-Immigration.

D'abord à propos de l'administration territoriale, le sous-préfet, le préfet ou le gouverneur de la zone frontalière par laquelle le réfugié a accédé au territoire camerounais ou de sa résidence peut recevoir la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié pour transmission à la commission.

Ensuite, la Délégation Générale à la Sûreté Nationale à laquelle il faut joindre la direction générale à la recherche extérieure est aussi compétente pour recevoir les demandeurs d'asile. La réception peut se faire soit par la police des frontières, soit par le poste de police le plus proche de la résidence du demandeur d'asile.

Enfin, les services de l'Emi-Immigration peuvent recevoir les réfugiés qui se trouvent dans les grands centres urbains.

62. Quoiqu'il en soit, « l'autorité ainsi saisie établit un procès verbal détaillé indiquant l'état civil du requerrant, ses activités professionnelles, sa nationalité, les raisons précises de son exil, les raisons du choix du Cameroun pour son immigration et toutes les informations de nature à éclairer l'instruction de son dossier »85(*).

63. Faisant partie des étrangers en séjour au regard de l'article 12 du décret du 12 octobre 2000, le réfugié devrait avant de pénétrer au Cameroun, présenter les documents énumérés à l'article 11 de la loi du 10 janvier 1997, c'est-à-dire un passeport, un visa, des certificats internationaux de vaccination, la garantie de rapatriement et les justificatifs de l'objet et les conditions de son séjour ainsi que le moyen de subsistance.86(*)

Mais il est souvent difficile pour le réfugié de posséder ces documents, au regard des circonstances qui l'ont fait quitter son pays. Le régime d'entrée devrait être particulier et consister à exonérer le réfugié de l'obligation de présenter les documents et pièces exigées des autres étrangers. En France par exemple, « les demandeurs de la qualité de réfugié sont dispensés... de l'obligation d'être munis d'un passeport et d'un visa en principe exigés des autres étrangers »87(*).

64. Avant la transmission du dossier sans délai à la Commission d'éligibilité, l'autorité doit délivrer au candidat un « sauf-conduit » de deux mois non renouvelable88(*). Le « sauf-conduit »est une espèce de passeport spécial pour un séjour provisoire à l'intérieur du pays, en attendant que la commission se prononce. VATTEL dira que « le sauf-conduit se donne à des gens qui, sans cela ne pourraient pas aller en sûreté dans les lieux où celui qui l'accorde est le maître »89(*).

65. Il faut tout de même regretter que le législateur n'ait pas assigné des délais à l'autorité compétente pour transmettre le dossier à la commission d'éligibilité, alors que « le sauf conduit » n'a que deux mois de validité non renouvelable. La question est de savoir quelle sera la situation du demandeur d'asile à l'expiration du « sauf conduit » ? A moins que dans la pratique, le délai de validité du « sauf conduit » ne conditionne la transmission du dossier à la commission d'éligibilité.

2- Le rôle de la Commission d'éligibilité

66. Elle reçoit les demandes qui lui sont transmises par les autorités sus-évoquées. Mais on se demande si un candidat a le droit de se présenter directement devant la commission avec sa demande sans avoir été préalablement entendu par les autorités compétentes. Dans l'esprit du législateur de 2005, cette hypothèse ne serait pas possible.

67. Une demande peut même être irrecevable si le demandeur a séjourné dans un premier pays d'asile, un pays « tiers sûr ». Le « pays tiers sûr  » est le pays dans lequel le demandeur d'asile a été admis en qualité de réfugié, ou pour d'autres raisons justifiées, y jouit d'une protection et peut encore en bénéficier.90(*) L'idée sous-jacente à cette notion est que le demandeur peut déjà bénéficier de l'asile dans un pays tiers et qu'il n'a donc plus besoin de continuer à chercher l'asile dans un autre pays.

68. En soi, le procédé n'est pas contraire à la lettre et à l'esprit de la convention de 1951 qui fait du statut une solution subsidiaire en l'absence de toute protection. Mais la pratique montre que l'Etat « sûr » procède parfois lui-même au renvoi dans un autre Etat « sûr ». De renvoi en renvoi, le demandeur peut finir par se retrouver dans un Etat en définitive moins «sûr » : non partie à la convention de Genève de 1951 ou alors n'utilisant pas lui-même la condition de sûreté et qui le renverra en conséquence sur les frontières d'un territoire où sa vie et sa liberté sont en danger.

69. On peut considérer que même si les critères de l'Etat « tiers sur » sont remplis, le demandeur peut avoir de bonnes raisons de préférer le Cameroun comme pays d'asile. Le fait de ne pas avoir demandé protection à un pays tiers ne saurait à lui seul légalement conférer à une demande d'asile un caractère manifestement infondé91(*).

70. Avant l'étude du dossier par la commission, elle délivre une attestation de dépôt dudit dossier. Et au bout de sa procédure, elle se prononce sur la qualité ou non de réfugié du candidat. Lorsque cette qualité lui est reconnue, il reçoit une carte de réfugié.92(*) Il se trouve que l'acte par lequel la qualité de réfugié est reconnue ne constitue pas le réfugié, il répond à la fiction de l'acte déclaratif parce que les motifs qui poussent la personne à quitter son Etat d'origine préexistent, sont antérieurs à leur constat par les autorités de l'Etat d'accueil. Ce n'est pas la délivrance de la carte de réfugié qui confère cette réalité, mais le fait de répondre aux critères prévus par les textes.93(*) Aussi, a-t-il été jugé en France que la compétence de l'office n'exclut pas celle des tribunaux de l'ordre judiciaire qui peuvent être amenés à constater la qualité de réfugié soit en matière civile au titre de l'état des personnes,94(*) soit en matière pénale pour l'application des dispositions relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers.95(*) Parfois, au lieu de constater tout simplement, les tribunaux judiciaires se disent compétents pour reconnaître la qualité de réfugié. Ce fut le cas du TGI d'Evry qui a reconnu à M. Ucaladu, la nationalité guinéenne, la qualité de réfugié. Or le statut lui avait été refusé par l'OFPRA, refus confirmé par la commission des recours des réfugiés. Le tribunal précisait expressément que « celle-ci [qualité de réfugié] se distingue du statut de réfugié reconnu en France par l'OFPRA ».96(*) Mais cette jurisprudence est restée très isolée.

71. Par ailleurs, le regret viendrait de ce que le législateur n'a pas prévu de délai pour la délivrance de l'attestation de dépôt de dossier par la commission. Ce document remplace le sauf-conduit, et dans le cas où il est délivré avant l'expiration du sauf-conduit, ce dernier devient caduc. Il serait inquiétant qu'un demandeur d'asile se trouve dans la situation où, n'ayant pas encore reçu d'attestation de dépôt de son dossier, le sauf-conduit en sa possession est expiré. Dans ce cas, il n'est plus libre de ses mouvements.97(*)

72. Si à la fin de l'étude de son dossier, un candidat voit sa demande rejetée, il peut intenter un recours devant la commission des recours des réfugiés. C'est un véritable contentieux qui est ainsi déclenché.98(*)

SECTION 2 : LE CONTENTIEUX DE LA RECONNAISSANCE DE

LA QUALITE DE REFUGIE

73. La décision de la commission d'éligibilité au statut de réfugié, lorsqu'elle est défavorable pour le réfugié, constitue un acte faisant grief, susceptible d'un recours devant la Cour Suprême. Car l'article 38 al 1 de la constitution du 18 Janvier 199699(*) précise que « la Cour Suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes ». Et l'article 40 de la même constitution dispose : « la chambre administrative connaît de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques... ». Logiquement, on s'attendait à ce que les décisions de la CESR soient déférées devant la Cour Suprême. Que non, le législateur a crée une commission des recours des réfugiés pour connaître en appel desdites décisions : il y a empiétement sur la compétence de la Cour Suprême. Aussi convient-il de constater que désormais, à côté de la Cour Suprême, juge de droit commun en matière administrative, on aura la CRR, juge d'exception (juridiction spécialisée) dans la même matière (Paragraphe 1). Le législateur Camerounais a voulu copier le modèle français, mais il n'a pas tenu compte des réalités locales (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA COMMISSION DES RECOURS DES REFUGIES ET

LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN

74. Bien qu'un aspect précis du contentieux administratif est désormais confié à la CRR, la Cour Suprême reste juge de droit commun en matière (A), tandis que la Commission n'est que juge d'exception (B).

A- La Cour Suprême, juge de droit commun en matière administrative

De façon classique, la chambre administrative (1) et l'assemblée plénière (2) se partagent les compétences dans le contentieux administratif, même si certains plans dudit contentieux peuvent relever de la compétence du juge judiciaire.

1- La chambre administrative

75. Elle connaît de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques. Elle connaît en appel du contentieux des élections régionales et municipales. Elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif. Elle connaît de tout autre litige qui lui est expressément attribué par la loi.100(*) Et ces litiges sont énumérés à l'article 9 de l'ordonnance n° 76/6 du 26 avril 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, modifiée en 1976 :

Ø Les recours en annulation pour excès de pouvoir et en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de légalité.

Ø Les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif

Ø Les litiges concernant les contrats administratifs ou les concessions de services publics.

Ø Les litiges intéressant le domaine public.

2- L'Assemblée plénière

76. C'est le juge d'appel en matière administrative. Contrairement à certains pays comme la France où il existe de véritables juridictions administratives (tribunaux et cours administratives) couronnées par le Conseil d'Etat, le Cameroun a toujours centré son contentieux administratif au niveau de la chambre administrative (premier ressort) et de l'assemblée plénière (appel). Cette dernière est également compétente pour trancher les conflits de compétence entre la chambre administrative et les juridictions de l'ordre judiciaire.

77. Mais cette centralisation de la juridiction administrative, jointe à la formation privatiste de ses magistrats créent chez les justiciables un recul certain et ceux qui osent « affronter » la chambre administrative, très souvent n'interjettent pas appel auprès de l'assemblée plénière. C'est peut être pourquoi, une question aussi sensible que celle des réfugiés à besoin d'une juridiction administrative spécialisée.

B- La Commission des Recours des Réfugiés, juridiction spécialisée

en matière administrative

La question des réfugiés est une question assez particulière qui nécessite un certain tact (1). Le législateur camerounais dans cet esprit a accordé une certaine force à la décision de la CRR (2).

1- La question des réfugiés : une question particulière

78. Lorsqu'on parle des réfugiés, on a présent à l'esprit, des hommes, des femmes et des enfants en danger, des nécessiteux, des personnes qui ont besoin de protection. L'esprit humanitaire doit prévaloir chaque fois qu'on aborde le problème. Il est donc opportun de confier leur contentieux à un organe spécialisé qui maîtrise le phénomène. Il serait suicidaire de confier ce contentieux par exemple à la Cour Suprême, siégeant comme juge administratif. Car ici, les lenteurs administratives, la formation privatiste du juge, la complexité du droit international... sont des obstacles pour une étude accélérée des recours, du moins en ce qui concerne le contentieux de la reconnaissance de la qualité de réfugié.

79. En réalité, la question est trop particulière et nécessite des connaissances spécifiques pour être confiée à n'importe quelle juridiction. Nul n'est bon juge que de ce qu'il connaît, et pour bien juger les réfugiés, il faut les connaître, et pour les connaître, il faut avant tout être un humaniste.

2- La force de la décision de la CRR

80. L'article 17 de la loi de 2005 dispose : « les décisions des deux organes visés à l'article 16 ci-dessus ne sont susceptibles d'aucun recours devant les juridictions nationales de droit commun. » On pourrait comprendre à contrario que lesdites décisions sont susceptibles de recours devant les juridictions d'exception. Ce qui n'est pas vrai, car les matières dont elles peuvent connaître sont limitativement énumérées par les textes. Cette disposition doit plutôt signifier que la décision de la CESR peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la CRR, et que la décision de la CRR n'est susceptible d'aucun recours, comme celles rendues par l'assemblée plénière de la Cour Suprême. On peut tirer ici deux conséquences : soit le législateur a voulu que les recours des réfugiés soient traités avec célérité quitte à ce qu'ils se sentent repoussés, soit il a plutôt voulu prendre conscience de la défectuosité de l'organisation de la juridiction administrative (qui n'admet pas de pourvoi en cassation) pour limiter la chaîne procédurale au niveau de l'appel. Pourtant ailleurs, l'intéressé pourra présenter un recours extraordinaire au Président de la République dans les 180 jours dès la communication de la décision de rejet.101(*)

81. Le Cameroun en copiant le modèle français n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique, il l'a adapté à son contexte car la France en prévoyant un pourvoi en cassation devant le conseil d'Etat a maintenu la cohérence de son organisation judiciaire en matière administrative.

* 85 Art. 7al 3 ,loi n°2005-006 préc.

* 86 V. LEVOA AWONA (S.P.), "L'entrée et le séjour des étrangers au Cameroun". Op.cit.

* 87 JULIEN-LAFERRIERE (F). Droits des étrangers, Op.cit. p. 368.

* 88 Ibid. Article 7 al 4, Loi n° 2005/2006, préc.

* 89 VATTEL, Le droit des gens, t. II, liv. III. chap. XIII, cité par REALE (Egidio), « le problème des passeports », RCADI 1934 . IV. p. 92.

* 90 ibid. Article 7 al 5

* 91 Trib. Adm de Paris, 27 mai 1994, Affaire Bandeiras : "considérant que M..Bandeiras, qui est ressortissant d'Angola, est arrivé en France le 4 avril 1994 en provenance du Cameroun ; que par la décision attaquée, le Ministre de l'intérieur s'est borné à constater, pour estimer que la demande d'entrée en France au titre de l'asile présentée par M..Bandeiras était manifestement infondée, que l'intéressé n'avait pas demandé une protection appropriée au Cameroun, pays signataire de la convention de Genève que cette seule circonstance ne saurait légalement conférer à ladite demande un caractère manifestement infondé."

* 92 Ibid. Art 13 al 1.

* 93 Le caractère déclaratoire d'une décision de reconnaissance du statut de réfugié a été confirmé il y a longtemps par le tribunal administratif de Stuttgart dans sa décision III (231) 60 du 16 mars 1960. Un réfugié jouissait de ce statut aussitôt qu'il remplissait les conditions prévues à cet effet.

* 94 TGI, Seine, 18 avril 1961, RC, 67 - 323 note Parin

* 95 Crim, 9 déc. 1987, Bokaye Yadom, D. 89- Somm. 118.

* 96 T.G.I d'Evry, 15 février 1989.

* 97 ibid., article 8 al 3.

* 98 TALBOT(Paul), « La reconnaissance de la qualité de réfugié et son contentieux ».JCP 1992, I. 3609.

* 99 Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972, Texte dans Lex Lata n° 023 - 024, Fev - Mars 1996.

* 100 Article 40 de la constitution préc.

* 101 Voir la pratique italienne, In Droit d'asile et des réfugiés, Société Française pour le Droit International, colloque de Caen. Paris : A. Pedone 1977. p. 354.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984