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Le statut des réfugiés au Cameroun- étude critique de la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005

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par Simeon Patrice KOUAM
Université de Yaoundé II - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Privé Fondamental 2004
  

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A- Le cadre juridique

178. Il est vrai que la loi de 2005 regorge une multitude d'expressions ambiguës telles que : « autorités compétentes »196(*), « autorités chargées de l'immigration »197(*)« activité destabilisatrice »198(*), ou encore « juridictions nationales de droit commun »199(*), mais c'est la définition du réfugié qui semble primordiale (1) car à partir de là, on pourrait envisager l'humanisation de la procédure de détermination de la qualité de réfugié (2).

1- La révision de la définition du réfugié

179. La définition du réfugié est au coeur de l'histoire des personnes en quête d'asile.200(*) La notion de réfugié a évolué au fil du temps et la réalité actuelle impose une nouvelle définition du réfugié. En effet, Frédéric TIBERGHIEN écrivait : « Compte tenu de l'explosion démographique et de la dégradation de la situation économique que connaissent un grand nombre de pays du tiers monde, le nombre des étrangers sollicitant l'asile va probablement continuer à augmenter. Se trouve dès lors reposée avec acuité la question de savoir s'il ne faut pas assouplir la notion de réfugié et la rendre plus humanitaire pour prendre en compte notamment le contexte économique dans le pays d'origine ou les difficultés d'existence qui y sont rencontrées. Il s'agirait, par exemple, de reprendre les travaux sur la notion de réfugié de fait entamés dans les années 1970 ou de se montrer plus souple dans l'application des critères définissant le réfugié »201(*) Francis M.DENG poursuivra en disant : « je préconise une définition suffisamment souple qui permette d'identifier ceux qui ont besoin d'assistance, plutôt que d'adopter une définition rigide et définitive. Ce qui importe, c'est d'éviter une démarche qui exclurait des personnes dans le besoin. Il vaut mieux s'égarer du coté de l'inclusion que du coté de l'exclusion »202(*).

180. Il s'agit en réalité de tenir compte de l'évolution des critères en intégrant par exemple « les réfugiés de l'environnement »203(*). Ce sont des individus qui sont obligés d'aller vivre ailleurs à cause de la dégradation de l'environnement. Les réfugiés de l'environnement sont devenus la principale catégorie des personnes déplacées.204(*) Ils se repartissent en trois groupes. Le premier est composé des individus qui sont déplacés provisoirement à cause d'un accident local tel que le tremblement de terre. Le second groupe est composé de ceux qui émigrent parce que la dégradation de l'environnement peut compromettre leur vie ou constituer des risques graves pour leur santé. Enfin, le dernier groupe est constitué des individus dont la dégradation des sols a entraîné une désertification et que les changements insupportables ont atteint leur domicile.

181. On avait cru que le législateur camerounais devait faire preuve d'originalité en intégrant ces réalités africaines. Que non, il a plutôt juxtaposé les définitions des conventions de Genève et de l'OUA sans aucune précision sur quelques notions que ce soit. Là sera son prochain chantier, car comme le disait MONTESQUIEU, « les lois doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un très grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre »205(*).

2- L'humanisation de la procédure de détermination de la qualité de réfugié

182. Dans l'ancienne procédure, le demandeur d'asile pouvait attendre trois ou cinq ans avant d'obtenir soit un avis favorable si la personne n'est pas chanceuse206(*), soit un avis défavorable207(*). La procédure était lente et longue. En attendant cet avis, le demandeur d'asile est abandonné à lui-même, sans aucune assistance.

183. La loi de 2005 avec sa nouvelle procédure ne semble pas avoir complètement arrangé les choses. En effet,  « le sauf conduit » qu'on délivre au demandeur d'asile après l'avoir entendu n'a qu'une durée de deux mois non renouvelable, pourtant les autorités n'ont aucun délai pour transmettre le dossier à la commission d'éligibilité. Si « le sauf conduit » expire avant la transmission du dossier, le réfugié n'est plus libre de ses mouvements, parce que c'est après cette transmission qu'une attestation de dépôt lui est remise, accordant ce droit. En outre, le législateur camerounais, se contredit à certains niveaux. A l'article 7 al 2, il précise que le demandeur d'asile doit se présenter aux autorités dans un délai de 15 jours, alors que l'article 8 al 1 dispose qu'il doit se présenter sans délai à ces autorités.

184. C'est autant de choses qu'il faudra revoir pour que le demandeur d'asile ne soit pas dans une situation de précarité totale en attendant le verdict de la commission d'éligibilité. Ainsi le cadre juridique sera quelque peu rénové. Il en va de même pour le cadre institutionnel.

B- Le cadre institutionnel

185. Pour prévenir d'éventuels conflits de compétence entre les organes en charge de la question des réfugiés, il convient dans un premier temps d'augmenter l'effectif du SASR (1). En plus, on pourra envisager la déconcentration de la commission d'éligibilité (2).

1- L'augmentation de l'effectif du SASR

186. Le Service des Affaires Spéciales et des Réfugiés (qui serait devenu le Service des Réfugiés et des Migrants)208(*) est uniquement préoccupé par les questions administratives : détermination du statut des réfugiés, délivrance des titres de voyage. Cette fixation exclusive serait due entre autre à l'imprécision et au flou de ses attributions. L'article 101 al 1 du décret de 1996209(*) dispose que « le Service des Affaires Spéciales et des Réfugiés assure le suivi des affaires spéciales et des problèmes des réfugiés en liaison avec les services compétents et le HCR ».

187. Certes le SASR/SRM est dessaisi de sa compétence pour la détermination du statut, mais la délivrance des documents aux réfugiés, ainsi que les autres actions en leur faveur nécessitent un bon effectif pour réaliser un travail performant, car KEBIWOU KALAMEU Omer Eloys rapportait que : « au plan humain, le personnel du SASR est réduit à un seul cadre, le chef de service. En dépit de sa bonne volonté, de ses compétences et qualifications, elle est toujours débordée d'où un certain engorgement et goulot d'étranglement dans le traitement des dossiers des réfugiés. Les textes portant organisation et fonctionnement prévoient la création de deux bureaux : le Bureau des Affaires Spéciales et le Bureau de Réfugiés. Ces deux bureaux ne sont pas toujours dotés en personnels»210(*).

Par ailleurs, la déconcentration de la commission d'éligibilité peut être envisagée.

2- La déconcentration de la CESR

188. La loi Camerounaise de 2005 portant statut des réfugiés, crée en son article 16, une commission d'éligibilité au statut de réfugié. C'est l'organe qui est seul compétent en la matière. Mais il serait judicieux de créer des délégations (provinciales ou régionale au moins) de la CESR, car les autorités chargées d'entendre les réfugiés à leur arrivée (étant des personnels de diverses administrations) auront tendance à reléguer leurs préoccupations au second plan. Surtout que le législateur les a encouragés dans ce laxisme en précisant qu'elles doivent transmettre le dossier sans délai à la commission d'éligibilité.

189. Aussi, pourrait-on avoir une délégation dans les chefs-lieux de province où affluent généralement les réfugiés qui traitera complètement le dossier. Par exemple, Maroua, Bamenda, Ebolowa, Bertoua, Ngaoundéré. La déconcentration sera de nature à insuffler une certaine célérité et un certain dynamisme à la procédure de détermination du statut de réfugié et partant leur assurer une réelle protection. Pour rendre cela possible, il faudra également renforcer les capacités des acteurs.

PARAGRAPHE 2 : LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS

On envisagera ici le renforcement des capacités opérationnelles du HCR et de la société civile (A) ainsi que l'encouragement des partenaires à l'aide humanitaire (B)

A- Le renforcement des capacités opérationnelles du HCR

et de la société civile

Il convient d'entrevoir l'appui du gouvernement au HCR (1) et le plaidoyer pour l'indépendance de la société civile (2)

1- L'appui du gouvernement au HCR

190. Apparemment, le HCR est débordé par les besoins sans cesse croissant des réfugiés. Martine AHANDA TANA rapportait que  « le 15 avril 2005, les réfugiés dont les Nigérians en particulier ont assiégé le HCR à Yaoundé. Ils réclamaient de meilleures conditions de vie et voulaient attirer ainsi l'attention de l'opinion publique nationale et internationale.

191. L'immensité des maux que ne cessent de rencontrer les réfugiés au Cameroun, donne l'impression que le HCR ne s'en préoccupe pas. D'ailleurs, certains réfugiés, partagent le même avis. A titre d'illustration, une dizaine de réfugiés tchadiens diplômés pour la plupart et pourtant, sous mandat du HCR vivent dans un hameau perdu au milieu de la forêt camerounaise vers la route de Mbalmayo ».211(*)

192. On ne devrait tout de même pas exagérer les défaillances du HCR qui n'intervient que dans la limite de ses moyens. Et c'est justement parce que ses moyens sont limités qu'il faudrait que le gouvernement camerounais lui vienne en appui. Il ne devrait pas se limiter à élaborer des codes de bonne conduite sans véritablement mettre en oeuvre les prescriptions retenues. Il s'agit d'un geste salutaire possible et qui ne nécessite qu'une bonne volonté politique. Cette volonté politique peut également permettre l'indépendance de la société civile.

2- L'indépendance de la société civile

193. Il s'avère que la société civile fait face aux difficultés financières, l'obligeant à avoir recours aux bailleurs de fonds. Mais ce qui pose problème, dans la société civile camerounaise, c'est son articulation complexe avec l'Etat. En effet, l'Etat a mis en place des méthodes très subtiles d'assujettissement de la société civile. La relation mitigée Etat-société civile contribue à une absence de protection optimum des réfugiés. Au delà de la relation formelle existante entre les acteurs de la société civile et de l'Etat, il existe un contrôle quelque fois excessif qui remet en question l'indépendance de la société civile. Cette dernière entretient avec la société politique des rapports de subordination. Cela se traduit par la récupération de la société civile par le pouvoir politique. Elle constitue un vivier où la société politique fait des recrutements.

194. Si la récupération citoyenne de la société civile se fait en période de crise, la récupération stratégique elle se fait souvent en période électorale.212(*) Ce qui n'est pas de nature à encourager les partenaires à l'aide humanitaire.

* 196 Art. 7 al 2

* 197Art. 8. al 3

* 198 Art. 12

* 199Art.17.

* 200 TIBERGHIEN (Frédéric), La protection des réfugiés en France. Presses Universitaires d'Aix Marseille, 2e édition 1988, p. 49 et s

* 201 TIBERGHIEN (F), op.cit, p. 33

* 202 DENG(Francis M.), Les réfugiés de l'intérieur un défi pour la communauté internationale. Paris, nouveaux horizons 1993 p.202.

* 203 BROWN (Lester), L'état de la planète, cité par KONDJI (Alain Modeste), « La place de l'individu dans le droit international public : l'exemple des réfugiés ». Mémoire de maîtrise en droit public. Université de Yaoundé, octobre 1990, p. 57.

* 204 KONDJI (A. M) op. cit.

* 205MONTESQUIEU, L'esprit des lois, ES, Paris 1969, Livre1 chap.3. p.55.

* 206 V. Annexe 8

* 207 V. Annexe 9

* 208 Nous parlons au conditionnel parce que l'arrêté présidentiel nommant un chef de service des réfugiés et des migrants n'a pas précisé qu'il s'agissait de la nouvelle dénomination du SASR. Mais on peut le penser.

* 209 Décret n°96/234 du 09 octobre 1996 portant organisation du Ministère des Relations Etrangères.

* 210 KEBIWOU(K.O.E) op.cit.

* 211 AHANDA TANA (Martine). "Le régime juridique des étrangers au Cameroun". Mémoire de DEA en droit public. Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie de l'Université d'Abomey - Calavi de Cotonou au Bénin. 2004 - 2005. p.

* 212 BIAPAN BIAPAN (P-R), op.cit, p.10.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe