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La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la réduction de la pauvreté au Cameroun:une analyse sociologique des relations Bailleurs de fonds-ONG nationales


par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1
Traductions: Original: fr Source:

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CHAPITRE II

LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN : ÉTAT DES LIEUX ET STRATÉGIES DE RÉDUCTION

La décennie de récession et d'ajustement économiques qu'a connu le Cameroun (1985/86 - 1994/95) a révélé les insuffisances des politiques sociales au cours de cette période. La situation sociale s'est ainsi caractérisée par une forte expansion de la pauvreté dans l'ensemble du pays. Les statistiques officielles et les voix des pauvres qui se sont faits entendre ont fait état d'un pays qui n'a pas encore suffisamment agi pour la réduction de la pauvreté (BM, 1995 : Préface). La pauvreté se présente aujourd'hui sous différents visages. Le gouvernement et les populations ont pris conscience de l'ampleur de la pauvreté, de la nécessité et de l'urgence d'y faire face. Des enquêtes permettent d'apprécier l'état de la pauvreté au Cameroun. De même, des stratégies sont déployées pour affronter ce fléau social au Cameroun.

Quel est l'état de la pauvreté au Cameroun et quelles en sont les stratégies de lutte ? Avant d'y arriver, que faut-il entendre par pauvreté ?

I. APPROCHE THÉORIQUE DE LA PAUVRETÉ

A - LA PAUVRETÉ : ESQUISSE DE DÉFINITION

La pauvreté est un problème permanent dans le monde. Cette permanence dans le temps et dans l'espace (les pays sous-développés pour la plupart), doublée de son caractère pernicieux, justifie la figuration récurrente des thèmes sur la pauvreté au centre des débats sur le développement. Au point où , elle est même devenue un « fonds de commerce » pour certaines « configurations développementistes ». Partout, on parle de la pauvreté. Dans les ménages, dans les rues, dans les marchés, dans les bureaux, les gouvernements, la communauté internationale, les ONG, les médias, les fonctionnaires, les déflatés, les chômeurs, les paysans, les étudiant. Tous parlent de la pauvreté. Mais qu'est -ce que la pauvreté ?

La multiplicité de définitions qu'on donne de la pauvreté traduit la diversité des acteurs de lutte contre la pauvreté ainsi que les victimes.

Pour la Banque Mondiale :

« La pauvreté est synonyme de privation et de vulnérabilité : privation d'une nutrition adéquate, de soins de santé rudimentaires, d'une éducation de base et de possibilités d'échapper à la pauvreté ; vulnérabilité face à la faim, la maladie, l'ignorance, la destitution et aux possibilités impossibles à saisir » (BM,1995:Préface).

La pauvreté se caractérise, d'après la Banque mondiale, par un profond dénuement, un manque aigu de bien-être.

« Être pauvre, c'est avoir faim, ne pas avoir un toit ni de vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner ; c'est être illettré et sans instruction » (BM, 2000 : 19).

Pour le PNUD, « la pauvreté est un phénomène complexe qui désigne généralement une insuffisance de ressources et une privation de possibilités de choix et d'opportunités qui offriraient aux individus des conditions de vie décente » (1998 a : 3). Selon le PNUD toujours, la pauvreté possède une multiplicité d'images à travers lesquelles s'expriment les mauvaises conditions de santé ou d'éducation, le manque d'accès au savoir, l'impossibilité d'exercer des droits civiques, l'absence de dignité et de confiance personnelle, la dégradation de l'environnement (PNUD,1998 a:3)

Le BMZ et la GTZ, qui sont des institutions de développement allemandes, définissent la pauvreté sous trois angles :

« Manque de moyens (économiques ou monétaires) pour satisfaire aux besoins primaires essentiels (nourriture, éducation, santé). Manque de possibilités d'accès aux ressources et aux prestations sociales de la couche pauvre. Exclusion de la grande partie de la population du processus de développement et manque d'égalité » (Kalilou DIABY,1997 : 3).

Les pauvres eux-mêmes, donnent une définition de la pauvreté à travers le récit de leur vie quotidienne.

« La pauvreté ? Ne me demandez pas ce que c'est : vous l'avez rencontrée devant ma porte. Regardez la maison, comptez les trous. Regardez mes affaires et les vêtements que je porte. Regardez tout ce qu'il y a ici et écrivez ce que vous voyez. C'est ça la pauvreté » (BM, 2000 : 3)

« Évidemment, nos champs ne nous rapportent guère ; tous les produits, les articles achetés dans les magasins coûtent cher, la vie est dure : nous travaillons et nous ne gagnons pas beaucoup, nous n'achetons presque rien ; nous manquons de tout, il n'y a pas d'argent et nous nous trouvons pauvres. S'il y avait de l'argent » ( sic)(op.cit. :3).

« La pauvreté, c'est l'humiliation, le sentiment de dépendance, être obligé de subir le mépris, les insultes et l'indifférence quand on cherche de l'aide » (Ibid. :3).

« Quand mon mari est malade, c'est une calamité. Notre vie s'arrête jusqu'à ce qu'il guérisse et retourne au travail » (Ibid. :3).

Les définitions sus-données de la pauvreté et le récit des pauvres permettent d'avoir une idée de la notion de pauvreté. Cependant, la définition que propose le MINEFI-DSCN semble résumer les précédentes. Il définit la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel dont les manifestations s'observent aussi bien à travers l'insuffisance de ressources, la précarité ou l'exclusion sociale. L'insuffisance renvoyant au manque de moyens, la précarité à l'instabilité des conditions de vie, et l'exclusion sociale à une certaine discrimination dans la répartition des infrastructures sociales de base telles que les routes, les écoles, les hôpitaux etc. (1996 : 4).

Il ressort de ces définitions que la pauvreté traduit l'impossibilité de satisfaire un certain nombre de besoins vitaux. Le manque de ressources, la précarité et l'exclusion sont caractéristiques de la pauvreté. Mais, la complexité du phénomène de pauvreté ne permet pas de saisir ses contours. D'où la nécessité d'une approche typologique de la pauvreté.

B - LA PAUVRETÉ : APPROCHE TYPOLOGIQUE

Plusieurs critères permettent d'établir une typologie de la pauvreté sans laquelle, les contours de la pauvreté seront difficiles à saisir compte tenu de sa complexité.

1 - Typologie selon l'approche évaluative de la pauvreté

Deux approches ont cours en matière d'évaluation de la pauvreté : l'approche monétaire et l'approche humaine. A partir de ces approches, on distingue la pauvreté monétaire et la pauvreté humaine.

a) La pauvreté monétaire

Dans cette approche, la pauvreté est appréhendée à partir d'un seuil de pauvreté qui varie d'une région à une autre, d'un pays à l'autre. Ainsi, pour les pays en développement, le seuil de pauvreté est fixé à un dollar par jour et par personne, alors que pour les pays de l'Europe de l'Est et de la Communauté des États indépendants (CEI), le seuil établi est de 4 dollars par jour et par personne (PNUD,1998 a : 5)

Dans cette perspective, est pauvre tout individu incapable d'atteindre le seuil établi par jour, ce seuil s'exprimant en terme monétaire. Cette approche, qui a longtemps prévalu dans l'évaluation du développement, a fait l'objet de critiques pour autant qu'elle occulte l'aspect qualitatif du développement et n'évalue le développement que sur son aspect quantitatif.

b) La pauvreté humaine

Contrairement à l'approche monétaire « l'approche par les manques » caractérise la pauvreté humaine, laquelle pauvreté se préoccupe des conditions des pauvres dans leur milieu (PNUD, 1998 a : 5). La notion de pauvreté humaine se définit en termes de capacité (PNUD, 1997).Cette notion se réfère aux potentialités qu'un individu est en mesure ou non de réaliser, en fonction des possibilités qui lui sont offertes. La pauvreté n'est pas seulement, de ce fait, indigence mais aussi manque d'opportunités réelles. C'est cette approche qui semble, de nos jours, rendre compte de la pauvreté dans son effectivité. La notion de pauvreté humaine a été mise sur pied et vulgarisée par le PNUD qui, en a fait son domaine de prédilection.

2 - Typologie selon la profondeur ou le degré de pauvreté

La variabilité des profondeurs de la pauvreté rend compte des types de pauvreté. La pauvreté a été catégorisée en deux : « la pauvreté absolue [...] la pauvreté relative » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 23). Mais , le PNUD (1998 a : 4) identifie bien plus que cela. Il y ajoute la pauvreté extrême.

a) La pauvreté relative

C'est une forme de pauvreté dans laquelle les pauvres « peuvent avoir juste fait face à leurs besoins fondamentaux minimaux, mais avoir des ressources limitées qu'ils n'ont pas les moyens de participer suffisamment à la vie de la société » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 23). Pour établir la pauvreté relative, on procède par une classification croissante des ménages selon leur niveau de dépenses. Puis, on considère les populations dans la proportion de 30 % ou 40 % comme relativement pauvres.

b) La pauvreté absolue

Cette forme de pauvreté que le PNUD désigne encore « pauvreté générale » (1998 a :4), se réfère à un état où il y a impossibilité de faire face aux besoins fondamentaux minimaux pour une vie acceptable. C'est « l'impossibilité d'un ménage ou d'un individu de satisfaire à la fois tous les besoins au minimum qui permettent une vie décente » (PNUD, 1998 a : 4). Cette forme de pauvreté se constate en établissant un chiffre de revenus en-deçà duquel les besoins essentiels ne sont pas satisfaits.

c) La pauvreté extrême

Cette forme de pauvreté traduit un état absolu de dénuement, de gêne, d'indigence, de besoin et de privation. Dans ce cas, les victimes risquent leur vie à court terme si elles ne sont pas traitées comme des personnes en danger. (PNUD, 1998 a : 4 ). C'est ce que RIDELL et ROBINSON appellent « The chronical poverty » Pour eux, « the chronically poor those whose income levels remain continually below a given poverty -line, defined by minimum consumption standards : the suffer from acute deprivation » (1995 : 11)

3 - Typologie selon l'ampleur de la pauvreté

La pauvreté peut être individuelle ou de masse.

a) La pauvreté individuelle

La pauvreté individuelle renvoie à la question des besoins essentiels. Elle est perçue d'abord comme une situation de marginalité. Le pauvre est alors celui qui n'a pas de moyen de faire ce que réalisent les autres membres du groupe ayant un statut voisin du sien. La pauvreté isole et, dans une certaine mesure, « désocialise » l'individu en le privant des comportements types du groupe en ce qui concerne les consommations et le genre de vie. La pauvreté individuelle, selon Marc PENOUIL, est une situation difficile à cerner. (Victor DOULOU : 24)

b) La pauvreté de masse

Cette forme de pauvreté selon le PNUD, est fondamentalement liée à l'âpreté des conditions géographiques et économiques d'un groupe social ou d'une communauté donnée. C'est une forme de pauvreté structurelle et persistante qui va au-delà de l'insuffisance des ressources financières. L'hostilité de l'environnement économique global explique souvent cette pauvreté que l'on rencontre dans certaines localités des provinces de l'Extrême Nord et de l'Est Cameroun. (PNUD, 1998 a : 4).

4 - Typologie selon le temps, la chronologie

Dans cette typologie, on distingue la pauvreté ancienne et la pauvreté nouvelle.

a) La pauvreté ancienne

Comme son nom l'indique, c'est une pauvreté ancienne et persistante. Elle est le plus souvent génératrice des autres formes de pauvreté. Elle peut être due aux conditions géophysiques et économiques d'une société ou d'un pays.

b) La pauvreté nouvelle

Cette forme de pauvreté renferme ceux que la Banque mondiale désigne « The new poor » (PNUD, 1998 a : 4). C'est une expression qui renvoie le plus souvent à une rupture brutale du niveau des revenus. Les caractéristiques de l'organisation sociale et les mutations politico-économiques sont porteuses de cette nouvelle forme de pauvreté. Elle naît des événements qui prennent des proportions et produisent des conséquences qui auraient été moindres dans un autre contexte (PNUD, 1998 a :4). Comme expliquent RIDDEL et ROBINSON:

« The new poor are those who were previously above the poverty-line but have since joined the ranks of the poor as a result of economic recession or structural adjustment programmes » (1995 : 11).

Les milliers de déflatés de la fonction publique et du secteur privé camerounais comptent parmi les nouveaux pauvres.

5 - Typologie selon l'espace

La pauvreté s'exprime aussi en fonction du milieu ou de la zone où elle sévit. Ainsi parle-t-on de la pauvreté rurale et de la pauvreté urbaine.

a) La pauvreté rurale

C'est une pauvreté caractéristique des zones rurales. Outre la faible productivité de l'agriculture, la principale cause de pauvreté rurale est la difficulté d'accéder aux facteurs de production (sol et capital) et à la ressource vitale que constitue l'eau. Combattre efficacement cette forme de pauvreté suppose des réformes agraires améliorant l'accès aux ressources et aux facteurs de production, ainsi que des activités de formation, de recherche agronomique des professions rurales. La pauvreté, au Cameroun, touche en grande partie la population rurale. La pauvreté rurale entraîne l'exode rural et les migrations interrégionales qui déplacent le problème dans les zones urbaines.

b) La pauvreté urbaine

C'est une forme de pauvreté caractéristique des zones urbaines. L'exode rural, la montée du chômage et autres qui entraînent des phénomènes tels que la prolifération de l'habitat spontané, l'insalubrité et l'insécurité sont à l'origine de cette forme de pauvreté. La pauvreté urbaine s'évalue, non seulement sur des critères de revenus, mais également sur ceux qui concernent les conditions de vie qui déterminent implicitement la capacité à produire un niveau monétaire suffisant et, à générer une croissance libératrice de la misère. Plus de la moitié des populations urbaines camerounaises vit actuellement dans des quartiers sous-équipés et dans des conditions très précaires. (AUDIBERT et LEGENDRE, 2001 : 16).

6 - Typologie selon la nature des ressources

La pauvreté s'exprime aussi en terme de nature de ressources. Ainsi pourra-t-on parler de la pauvreté matérielle et de la pauvreté intellectuelle, morale spirituelle ou institutionnelle.

a - La pauvreté matérielle

Cette forme de pauvreté s'exprime en terme de manque de ressources matérielles. Les ressources alimentaires, les infrastructures sanitaires, scolaires et bien d'autres, constituent autant de ressources dont le manque traduit la pauvreté matérielle.

b - La pauvreté intellectuelle, morale, spirituelle ou institutionnelle

Il s'agit, dans ce type de pauvreté, de manque de ressources non matérielles, non palpables. Il est question des capacités intellectuelles, morales ou spirituelles. ce sont des ressources qualitatives. Ainsi peut-on être matériellement riche et spirituellement, moralement ou intellectuellement pauvre et vis-versa. S'agissant de la pauvreté institutionnelle, il s'agit de l'absence des gens qu'il faut à la place qu'il faut.

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