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les DRM (Digital Rights Management)

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par Marjorie PONTOISE
Université Lille2 - Master 2 professionnel droit des NTIC - Cyberespace 2006
  

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2. Du problème de l'interopérabilité

Dans l'univers analogique, l'accès à l'oeuvre ne nécessitait aucune autorisation. « L'efficacité de ces systèmes repose sur un compromis entre la compatibilité avec les lecteurs et la fiabilité de la protection ». Or, il semble aujourd'hui que ce compromis soit mis en cause par bons nombres de consommateurs mécontents. En effet, alors que ces mesures techniques de protection avaient été crée pour empêcher les copies pirates, les consommateurs (et les associations) se voient aujourd'hui confrontés à une restriction qui est tout autre : l'impossibilité de lire les CD sur certaines de leurs platines.

La mise en place de mesures de protection pose divers problèmes techniques comme une incompatibilité avec certains appareils de lecture (1) ou une incompatibilité entre les formats propriétaires (2).

Les incompatibilités avec certains appareils de lecture

Elles se manifestent par des incompatibilités entre certains formats de protections et certains appareils de lecture. Selon les associations, les dispositifs techniques mis en place empêchent les consommateurs d'user du produit de manière normale en empêchant par exemple leur diffusion sur certains types de matériels. Les associations ont donc lancé des actions sur le fondement de la tromperie et du vice caché et elles ont obtenu gain de cause dans quelques affaires.

Deux affaires ont contribué à médiatiser les difficultés et les conséquences posées par la mise en place de mesures techniques de protection, il s'agissait de CD audio assortis de mesures techniques de protection et qui du fait de ces dernières ne pouvaient pas être lus sur certains autoradios. À la suite de plaintes de particuliers, des associations de consommateurs ont décidé de poursuivre les producteurs des disques en question afin de rétablir les droits des utilisateurs.

Les exemples jurisprudentiels

Une première affaire concernait l'album « Au fur et à mesure » de Liane Foly, dont il a été rapporté, suite à un test isolé, par constat d'huissier, l'impossibilité d'être lu sur un autoradio standard livré de série sur un véhicule. L'article L. 421-149 du code la consommation permet aux associations de consommateur agrées « d'exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. » L'association de consommateur CLCV (association pour la consommation, le logement et le cadre de vie) saisit alors le TGI de Nanterre et agit contre la société EMI, afin que le délit pénal de tromperie soit reconnu et ainsi obtenir :

- d'une part, réparation du préjudice que ce dernier a causé,

- d'autre part, faire cesser la pratique illicite.

Le 24 juin 2003, le TGI de Nanterre a donc répondu que l'indication "Ce CD contient un dispositif technique limitant les possibilités de copie", figurant sur les CD litigieux, ne permettaient d'informer le consommateur que le système anti-copie était susceptible de restreindre l'écoute de son disque sur un autoradio ou un lecteur. Ce silence permettant d'induire le consommateur en erreur, et, en omettant de l'informer de ces restrictions, la société EMI Music s'était ainsi rendue coupable de tromperie sur l'aptitude à l'emploi de ces produits. Le TGI de Nanterre ordonna de plus que soit apposé sur le CD l'article L. 421-1 du code de la consommation : « Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. Les organisations définies à l'article 2 du code de la famille et de l'aide sociale sont dispensées de l'agrément pour agir en justice dans les conditions prévues au présent article » ainsi que la mention préconisée par la CLCV : « attention, il ne peut être lu sur tout lecteur ou autoradio ».

La deuxième affaire incriminait le même procédé technique de protection qui posait des difficultés de lecture du CD « J'veux du Live » d'Alain Souchon. Ce CD ne pouvant être lu par une consommatrice sur son autoradio, l'association de consommateurs « UFC Que Choisir » décida de se joindre à elle pour assigner EMI France (le producteur) et la société Auchan (distributeur), sur le fondement des vices cachés et du défaut d'information.

Le 2 septembre 2003, le TGI de Nanterre considéra qu'étant « justifié par constat d'huissier que le CD "J'veux du Live" de Françoise M. distribué par la société EMI Music France fonctionne à l'intérieur de sa maison tant sur son poste radio que sur sa chaîne Hi-Fi mais ne fonctionne pas sur le lecteur CD de son véhicule Renault Clio alors qu'un autre CD s'écoute normalement sur cet autoradio » [...], la consommatrice avait « établi que le CD litigieux n'était pas audible sur tous ses supports, » et qu'ainsi, « cette anomalie avait restreint son utilisation et constituait un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. »

Toutefois, faute de pouvoir présenter une preuve d'achat (en l'espèce, son ticket de caisse), la consommatrice n'a pu obtenir la condamnation d'Auchan. Enfin, et c'est ce qui est peut-être le plus important dans cet arrêt, le tribunal a jugé irrecevable l'action de l'UFC Que Choisir visant à interdire à EMI-France d'utiliser lesdites "mesure technique de protection", faute d'avoir été intentée au principale.

Nous pouvons admettre qu'il est difficile de contrôler le respect du droit dans ce nouvel environnement numérique ; même si la nature des atteintes au droit d'auteur n'a pas fondamentalement changé. Toutefois, afin d'empêcher les risques de contrefaçon, ces mesures techniques empêchent un usage licite de l'oeuvre. Ce n'est pas le contrefacteur qui est alors touché, mais l'honnête consommateur. Ces différentes victoires des associations de consommateurs et des particuliers ont contribué à mettre en lumière les atteintes qui pourraient être portées aux droits des consommateurs par ces mesures de protection : atteinte à l'exception de copie privée ou tout simplement vente de produits comportant des « vices cachés ».

Ces mesures techniques ne constituent pas une mise en balance des intérêts de l'auteur et de l'utilisateur. En effet, outre le fait que cette technique risque de remplacer à court terme le droit, le Traité OMPI de 1996 demande aux Etats d'adopter une protection juridique « contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en oeuvre par les auteurs dans le cadre de l'exercice de leurs droits et qui restreignent l'accomplissement d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs ou par la loi ». La protection juridique à venir de ces mesures techniques est invraisemblable. On peut se demander alors où se trouve désormais cet « équilibre entre l'incitation et l'usage » sur lequel s'organisait toute la philosophie du droit d'auteur. Le consommateur souhaitant avoir accès à un libre usage du CD qu'il a acheté pourrait se faire condamner pour avoir détourné une mesure. Il réside alors une certaine contradiction entre d'une part, ces textes venant protéger ces mesures techniques et, d'autre part les jurisprudences de juin et septembre 2003 qui prône l'accès le plus libre et le plus éclairé possible du consommateur à l'usage de l'oeuvre. Mais la tendance est aujourd'hui à un peu plus de prudence. En effet, deux décisions récentes sont venues remettre en cause les affaires Souchon et Foly.

Le 14 Janvier 2004, le TGI de Paris a rejeté la demande de l'association de consommateurs CLCV dirigée contre les sociétés contre SONY et BMG et tendant à dénoncer le défaut d'information des usagers sur les éventuels problèmes d'utilisation liés aux dispositifs anti-copie. Le TGI de Paris a en effet considéré que la preuve que la « cause de la défaillance technique était due au système technique de protection ». Cette décision semblait opérer un certain revirement par rapport au TGI de Nanterre. Alors que la théorie des vices cachés avait pu être mise reconnue en septembre 2003, l'absence d'une preuve précise en Janvier 2004 a fait balancer la décision en faveur des distributeurs et éditeurs.

Le 28 février dernier, un consommateur ainsi que l'UFC-Que Choisir, avaient porté plainte contre les sociétés Films Alain Sarde, Universal pictures video France et Studio Canal au motif qu'il était impossible de réaliser la copie du DVD d'un film produit et distribué par lesdites sociétés. Les plaignants reprochaient notamment aux défendeurs d'avoir inséré un dispositif technique contre la copie sur le média sans en informer les acheteurs. Cette pratique serait, selon les demandeurs, contraire à ce qu'exige normalement l'article L.111-1 du Code de la consommation qui dispose que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ».

Contrairement aux précédentes décisions en la matière sur les cd audio protégés où les juridictions ont retenu le vice caché le tribunal a débouté les demandeurs en se basant sur les dispositions de la directive, alors même que celle-ci n'est pas encore transposée : « bien que cette directive (la directive européenne) ne soit pas encore transposée, il demeure que les dispositions internes doivent être interprétées à sa lumière ». Après avoir démontré que le DVD ne peut pas bénéficier de l'exception de copie privée il retient que « ne constitue pas une caractéristique essentielle d'un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu'il ne peut bénéficier de l'exception de copie privée ».

Le Tribunal n'a donc pas retenu l'argument des consommateurs qui invoquaient un « droit à » la copie privée en contrepartie de la rémunération pour copie privée, instituée par la loi n°85-660 du 3 juillet 1985.

Les juges ont ainsi envisagé la copie privée comme une exception et non comme un « droit» de ce fait, ils se sont prononcés de manière implicite en faveur d'une légalisation des mesures techniques de protection, peu importe si elles empêchent le recours à la copie privée.

Il semble n'y avoir aucun fondement juridique à cette décision du TGI de Paris. En effet, seules les considérations économiques des distributeurs et éditeurs semblent être mises en avant ici et la protection de ces mesures techniques de protection l'emporte donc sur la conservation des exceptions au droit d'auteur, qui sont autant de « droits » pour les consommateurs. Le TGI de Paris semble avoir donné sa propre vision et application de la Directive européenne de 2001, alors même qu'elle n'était pas encore transposée en France. Alors que le consommateur ne revendiquait qu'un « droit » de copie privée, prévu par les dispositions du CPI, le Tribunal le rend impossible, puisque selon lui, cette copie porterait atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre.

Une adaptation des modes de consommation et d'utilisation des oeuvres est nécessaire, mais elle ne doit en aucun cas conduire à une révolution ou à la mort des textes de propriété intellectuelle : outre les restrictions que les mesures techniques de protection portent au droit d'usage, comme nous l'avons démontré avec les jurisprudences Foly et Souchon, nous sommes aujourd'hui forcés de constater qu'elles portent atteinte aux exceptions au droit d'auteur, considérées parfois comme d'autres « droits » du consommateur.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery