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Le traitement automatisé des données à caractère personnel lors des déplacements

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par Aymeric BAAS et Marjorie PONTOISE
Université Lille 2 - Master 2 professionnel NTIC - Cyberespace 2006
  

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Section 2 Une lutte qui s'étend à l'immigration clandestine

L'article 7-1 de la loi dispose : « Afin d'améliorer le contrôle aux frontières et de lutter contre l'immigration clandestine, le ministre de l'intérieur est autorisé à procéder à la mise en oeuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel, recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne, à l'exclusion des données relevant du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ».

La rédaction de la loi n'est pas sans soulever des discussions quant au risque d'amalgame en traitant avec les mêmes moyens dans un même texte, le terrorisme et l'immigration clandestine.

Pour le député J.Dray18(*), « il ne faut pas confondre les objectifs et les finalités : la question de l'immigration clandestine, inopinément soulevé à l'article 6, doit être impérativement sortie du projet afin d'en rester à la seule lutte contre le terrorisme et éviter tout risque d'amalgame - d'autant que, les récents évènements l'ont montré, les crimes terroristes sont souvent le fait de citoyen français recrutés sur le territoire français ». La loi comporte en effet un certain mélange des genres : l'article 7, sous couvert de la transposition d'une directive européenne, vise essentiellement la lutte contre l'immigration clandestine qui devrait être traitée dans le cadre d'un texte législatif spécifique pour éviter tout amalgame. Le Ministre d'Etat justifie cette extension à l'immigration (la France prise en défaut, et devant procéder avant 2006 à sa transposition) : « à la suite des attentats de Madrid il a semblé naturel d'insérer cette disposition dans un texte précisément consacré au terrorisme, d'autant que les services concernés s'intéressent autant aux contrôle des frontières qu'à la lutte contre le terrorisme. »

Cette extension de la loi aux immigrants peut-elle être une des conséquences d'une politique sécuritaire menée tant a niveau national qu'européen. La liberté de circuler s'applique normalement pour toutes personnes, cette liberté comporte cependant une dimension propre au droit de l'Union européenne : le droit des personnes à la libre circulation entre les États composant l'Union, jugé fondamental, à la fois par une jurisprudence bien établie de la Cour de justice des Communautés européennes et par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Que penser alors de cette dérive législative ? Nous voyons au fur et à mesure de l'étude se resserrer l'étau des libertés, du droit à la vie privée (avec les photographies systématiques), du droit de circuler librement pour les personnes dites étrangères au sein de l'Union. L'expression « droit des étrangers» fait difficulté : qui sont donc les « étrangers» dans le droit de l'Union européenne ? Il est exclu, bien sûr, de les définir directement par rapport à une nationalité de l'Union qui n'existe pas. Peut-on alors les définir négativement comme des non-citoyens de l'Union puisque la notion de citoyenneté de l'Union est désormais consacrée19(*)? Cette référence à la citoyenneté ne confère pourtant aucune autonomie au droit de l'Union dans la définition juridique de l'étranger : la citoyenneté de l'Union se déduit de la nationalité d'un État membre. L'étranger ne peut donc se concevoir sans la médiation des nationalités des États membres : il est celui qui n'a pas la nationalité d'un État membre et qui n'accède pas, de ce fait, à la citoyenneté de l'Union. Cela contribue sans doute à expliquer que l'on parle plus volontiers de « ressortissants d'États tiers» que d'«étrangers» en droit communautaire.

Cette vision pose des questions fondamentales concernant la criminalisation des immigrés et la dénomination de l'« Autre »20(*). Certaines mesures destinées à lutter contre le terrorisme comportent un risque de discrimination vis-à-vis de certaines nationalités ou de certaines croyances religieuses : une recommandation de novembre 2002 incite à la mise en place de « profils» de terroristes afin d'identifier des personnes susceptibles de commettre ou d'avoir commis actes terroristes. Ces profils, qui ont une incidence sur la politique d'immigration, utilisent des critères tels que l'âge, le sexe, la situation de famille et la nationalité. Or, l'utilisation de tels critères ne saurait être acceptée sans justification suffisante : en l'absence de lien significatif entre les caractéristiques relevées et le risque de terrorisme, elle constituerait une discrimination condamnable.

Une des pierres angulaire de la politique commune d'asile et d'immigration est constituée par l'intégration des ressortissants de pays tiers qui résident légalement sur le territoire de l'Union européenne. Elle donne aux immigrés des droits et des obligations comparables à ceux des citoyens européens. L'étendue de ces droits et devoirs varie en fonction de la durée de leur résidence légale sur le territoire de l'Union européenne. Il incombe également aux gouvernements de tenter de modifier la perception des immigrés par la population, de façon qu'ils soient considérés comme un facteur positif pour l'économie, favorisant souvent la création d'emplois et la croissance économique, participant et contribuant comme chacun au contrat social et apportant un élément neuf et vital à la vie culturelle des communautés où ils sont établis21(*). La contrepartie consiste à avoir une gestion efficace des flux migratoires, des contrôles aux frontières extérieures, de lutter contre l'immigration clandestine. L'Union européenne a intensifié la lutte contre le trafic des êtres humains et l'exploitation économique des migrants. Elle s'est dotée d'un plan global de lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains.

Enfin, ce texte risque d'être peu efficace dans la lutte contre le terrorisme. Certains pays sont considérés comme de véritables pays « coupe-circuit » comme l'Algérie, la Turquie ou encore l'Egypte. Non qu'il soit insinué que ces pays permettent savamment aux éventuels terroristes de circuler facilement mais le fait de voyager en plusieurs étapes permet de brouiller les pistes.

Le dispositif ne pourrait se révéler efficace dans le cadre d'un voyage stipulant nommément la destination finale. Il parait évident que des terroristes faisant régulièrement des voyages vers des pays identifiés comme à risque comme l'Afghanistan, le Pakistan, la Syrie ou encore l'Iran passent par d'autres pays où le trafic avec la France est tel qu'il permet d'être en quelque sorte noyé dans la masse. Une fois sur place des contacts peuvent d'ailleurs procurer d'autres titres ou passeports ne faisant nullement mention d'un voyage dans un pays « à risque ».

L'expérience a montré, notamment à Londres que le danger ne vient pas forcément de l'étranger, les poseurs de bombes étaient né et vivaient au Royaume-Uni. Ce mode de recrutement va certainement s'en trouver renforcé au fur et à mesure que la traçabilité lors des transports augmentent.

Ces développements soulèvent une série de paradoxes pour l'Union européenne et ses Etats membres : le premier paradoxe concerne la relation entre l'objectif de construction d'une Union européenne sans frontières et sans contrôles à l'intérieur, et l'intensification des contrôles et de la surveillance de l'autre côté. Le deuxième paradoxe concerne la coexistence d'une pression pour créer une identité européenne fondée sur la légalité et la protection des droits fondamentaux, et l'évocation de cette identité par rapport aux relations extérieures de l'Union européenne. Le troisième paradoxe concerne la question de savoir si l'Union européenne, elle-même, peut protéger les libertés individuelles et promouvoir les droits de l'Homme.

* 18 http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/1165.asp

* 19 Article 17 du Traité instituant la Communauté européenne.

* 20 Didier Bigo parle de « populations satellites », (Maître de conférences des Universités à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, chercheur associé au Centre d'Etude et de Recherche Internationale de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (CERI). Il est également rédacteur en chef de la revue Cultures & Conflits) http://www.ceri-sciences-po.org/cherlist/bigo.htm

* 21 LPA, 27 septembre 2002 n° 194, P. 13

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