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L'Union européenne et Chypre: autopsie d'un succès inachevé

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par Meriem JAMMALI
Université Paris IV Sorbonne - Master Enjeux, conflits, systèmes internatinaux à l'époque moderne et contemporaine 2006
  

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III. La candidature chypriote : un casse tête pour les Européens

Si l'axe Athènes - Londres prend l'engagement de promouvoir la candidature chypriote, les autres pays européens, aussi influents dans les prises de décision au sein de l'UE, sont restés sceptiques et ont manifesté à maintes reprises leurs divergences sur la question189(*) La question chypriote présente un casse-tête pour les dirigeants européens190(*). L'Union est restée pendant longtemps tiraillée entre deux clans. D'un côté la Grèce brandit la menace de son droit de veto contre toute décision européenne. Inversement, la Turquie menace de distendre ses relations avec Bruxelles si seule la partie grecque accède à l'Europe. Dans cette logique, les trois protagonistes, la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni, qui ont chacun des relations spécifiques avec l'Union européenne191(*) ont participé à la définition de l'intérêt de l'UE vis-à-vis de Chypre. Cependant, Les Etats européens étaient partagés en ce qui concerne la candidature chypriote à l'Union européenne. Ils redoutaient que le problème chypriote ne soit importé au sein de l'Union et ne déstabilise sa politique de sécurité. Parmi ces pays, la France qui adopte un discours très ferme au quel se joignent l'Allemagne et l'Italie. Dans ce contexte, le président Chirac déclare à la presse en 1998 que « l'Union européenne n'a pas vocation à accueillir un morceau de Chypre, en intégrant ses conflits. S'il apparaissait impossible de démarrer les négociations dans les conditions définies à Luxembourg, il faudrait en tirer les conséquences, attendre peut-être qu'on puisse négocier avec un pays entier »192(*). Cependant, le discours du Parti socialiste sous la bannière de Lionel Jospin était plus nuancé que celui du président Chirac193(*). Sur la question de l'adhésion de Chypre, l'Espagne, étant un pays méditerranéen, était favorable à l'adhésion de Chypre à l'UE. Elle estime que la nécessité de balancer l'Union européenne renforcera la dimension méditerranéenne de cette dernière.

Les réserves des poids lourds de la diplomatie européenne s'expliquent d'une part d'une volonté de ne pas importer le problème chypriote, d'autre part, une volonté de ne pas faire de la peine à la Turquie, un partenaire commercial de taille194(*) sans oublier l'importance du soutien américain à cette dernière. Par conséquent, l'Union européenne a tenté tout au long des négociations de trouver une solution en s'alignant sur les résolutions onusiennes. Cependant, cette volonté européenne d'influencer le cours des négociations195(*) - bien qu'émanant d'un réel désir de trouver un compromis sans affecter ses relations avec la Turquie et la Grèce - a rapidement révélé son incapacité à résoudre un tel problème. Dans cette logique, penser que l'UE a mené une politique active dans le cas chypriote relève du surréalisme. Les concessions européennes sur le dossier chypriote répondent à deux objectifs majeurs : d'abord, assurer le bon déroulement de l'élargissement à l'Est et panser les divisions du continent européen (the enlargement to Central and Eastern Europe is infintely more important to the European Union than the accession of Cyprus196(*)), ensuite lever le blocage gréco-turc197(*). C'est dans cette perspective que le plan Annan dans sa version finale dont les Etats européens sont les principaux architectes était élaboré. Néanmoins, l'UE se perd en route en focalisant ses efforts sur les deux parties : turque et Chypriote turque. « À Bruxelles on admet fonder sa stratégie sur un « pari », celui d'une « réunification à la dernière minute » : ce scénario serait « pris en compte » dans les négociations. Mais la clé est à Ankara, sans doute entre les mains de l'état-major turc »198(*).Cette focalisation s'avère au moins en partie une cause directe du rejet de ce plan et indirectement l'échec flagrant de la diplomatie européenne dans la crise chypriote. Détaillons les faits.

Considérant que la partie chypriote turque et la Turquie sont les plus intransigeantes dans la crise chypriote, la société internationale concentre ses efforts sur la partie turque et chypriote turque199(*). En même temps, la partie sud de l'île connaît une évolution non négligeable200(*). L'avènement de Tassos Papadopoulos au pouvoir en février 2003 est considéré comme une rupture avec la politique de son prédécesseur Cléridès connu par son réalisme politique201(*). Néanmoins, lors de sa compagne électorale, Tassos Papadopoulos affiche clairement sa politique d'ouverture au dialogue et d'oeuvrer à un règlement au problème chypriote202(*). Cette politique est imposée par les leaders d'Akel, principal parti de la coalition gouvernementale. En élisant Papdopoulos, le peuple Chypriote grec manifeste son scepticisme au sujet du plan Annan et par conséquent, son opposition aux positions de Cléridès qui aurait pu accepter ce plan203(*). Il serait inopportun d'affirmer que le président Chypriote grec n'a pas oeuvré pour une compagne de désinformation concernant le plan Annan. Sa déclaration solennelle du 7 avril 2004, quelques jours avant le référendum met en cause le plan du secrétaire général de l'ONU et le juge comme étant impartial et ne garantit pas la sécurité de Chypre204(*). Ce manque d'information explique certainement le rejet du plan Annan (il est présenté dans 9 000 pages pour l'expliquer). Lors d'une réunion après le référendum la Commission européenne exprime son regret en qualifiant le plan de la dernière chance pour la résolution du problème chypriote205(*).

En guise de conclusion, l'Union européenne ne s'est en effet que trop bien accommodé du statut quo, en se contentant d'efforts diplomatiques cycliques pour rapprocher des positions inconciliables, ceux des Chypriotes grecs - qui veulent la réunification de l'île et vivent dans la crainte de « l'expansionnisme turc » -, ceux des Chypriotes turcs qui craignent de se retrouver minoritaire, entendent que l'armée turque demeure dans l'île comme garantie de sécurité - et bien sûr, ceux de leurs protecteurs, la Grèce et la Turquie, la première membre de l'UE, la seconde ardemment désireuse de le devenir.

IV. Chypre : l'après adhésion

* 189BLANC (P), op. cit., p. 239

* 190 D'après Semih vaner dans son article «la question de l'adhésion de Chypre et l'Union européenne » : « La Grèce appuie à fond la demande d'adhésion de Chypre à l'UE, au risque d'irriter la Turquie. En revanche, on peut s'en douter, cette dernière y est hostile dans les conditions actuelles. Au sein de l'UE, on peut éventuellement apercevoir quelques avis différents, certaines réticences (UK, Pays-Bas, Danemark) mais il s'agit dans l'ensemble de nuances. Il est toutefois certain que cette question sera relativement difficile à gérer en raison de la multiplicité d'intervenants, voire s'agissant du cas du UK des divergences d'intérêt. », p. 282 [sic]

* 191 BERTRAND (G), op. cit., p.206.

* 192 In Le Monde du 14 mars 1998.

* 193BLANC (P), op. cit., p. 240.

* 194 Ibid., p. 243.

* 195 Lors de sa session du 26 avril 2004, à Luxembourg, le Conseil, prenant acte des résultants des référendums qui se sont tenus à chypre a vivement regretté qu'il ne soit plus possible de voir une île de Chypre unie adhérer à l'UE le 1er mai et il a également exprimé sa détermination à faire en sorte que les Chypriotes réalisent bientôt leur destin commun en tant que citoyens d'une île de Chypre unie au sein de l'Union européenne. www.eu.int.

* 196 BREWIN (Ch), op. cit., p.239.

* 197 « Chypre : l'adhésion pour lever le blocage gréco-turc », in Les Echos du 28 novembre 1995.

* 198 GÉLIE Philippe, "Chypre, un casse-tête en quête d'Europe", dans Le Figaro. 17.07.2001, p. 5.

* 199DEL VALLE (A), « Turquie/ Union européenne : la porte étroite », in Politique internationale n° 101, été 2004, passim.

* 200 D'après les propos de SAVVIDES Phillipos cités dans House of Common/Foreigns Affairs Commitee, 2005, vol.1, p.2.

* 201 BLANC (P), op. .cit., p.108.

* 202 Cet avis est partagé par Xavier le DEN dans son article intitulé « Chypre et les frontières de l'UE, explications et implications de l'adhésion d'une île divisé », p.15, disponible sur le site les euros villages, études et recherches.

* 203 D'après un article paru dans Les Echos le 28 novembre 1995 : « Alors qu'Ankara a , elle aussi, sonné à la porte de l'Europe et est censée réaliser à partir du 1er janvier prochain une union douanière avec elle, le président chypriote, Glafcos Cléridès, voit aujourd'hui dans un éventuel destin européen -et donc commun de Chypre et de la Turquie le seul moyen de peser sur le gouvernement turc et d'en finir avec une situation qui pourrit depuis plus de deux décennies.

* 204 Declaration by the president of the Republic M. T. P. regarding the referendum of 24th April 2004, Press and Information Office, republic of Cyprus, www.moi.gov.

* 205 D'après les propos de Gerald Butt, journaliste à la BBC News, la Commission a déclaré que le plan Annan est « unique opportinuty to bring about a solution to the long-lasting Cyprus issue has been missed »

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon