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La preuve en droit fiscal

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par KAMOUN Fériel
Université de Sfax-Tunisie -  2003
  

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Paragraphe III : La longévité des délais de la prescription

L'administration fiscale dispose du pouvoir de contrôler les déclarations des contribuables dans les délais fixés par la loi. Or, selon le C.D.P.F, le délai peut atteindre dix ans 2.

Le délai de la prescription, extrêmement long, n'accroît-il pas, pour le contribuable, les difficultés dans l'administration de la preuve ?

A priori, le problème n'est qu'apparent, puisque le contribuable est soumis à une obligation de conservation des documents comptables et autres, dont le délai coïncide avec le délai de la prescription. Ainsi, l'article 25 de la loi n°96-1 12 du 30 décembre 1996, relative au système comptable des entreprises, dispose que : « Les états financiers relatifs à un exercice comptable ainsi que les documents, les livres, les balances et les pièces justificatives y afférentes sont conservés pendant dix ans au moins >>.

L'article 62 § IV du C.I.R. dispose que : « Les livres de commerce et autres documents comptables, et d'une façon générale, tous documents dont la tenue et la production sont prescrites en exécution du présent code doivent être conservés pendant dix ans >>3.

Certes, l'obligation de conservation des documents doit en principe permettre au contribuable d'avoir ses moyens de preuve. Néanmoins, la longévité du délai (10 ans), n'est pas de nature à faciliter la tâche du contribuable. L'écoulement du temps peut favoriser un dépérissement des preuves. Comme l'a précisé un commissaire de gouvernement, « cette lenteur rompt l'égalité des armes entre l'administration et le contribuable aux détriments de ce dernier >>4.

Par ailleurs, il convient de préciser que les redressements sont envoyés au contribuable au dernier moment, à la limite de la prescription. Le fisc multiplie ses relances en fin d'année dans le but d'interrompre la prescription5. Une fois la prescription interrompue, un nouveau délai commence à courir pour une nouvelle période. Cela réduit les droits des contribuables et donne un délai supplémentaire au contrôleur pour qu'il passe au peigne fin le dossier du contribuable.

Il faut noter que la longévité des délais est à sens unique. A la longévité des délais octroyés à l'administration correspond une brièveté des délais réservés au contribuable pour répondre, généralement 30 jours 6. La brièveté du délai ne permet pas au contribuable de préparer ses moyens de défense dans de bonnes conditions. Ainsi, la preuve s'avère souvent difficile à apporter, notamment pour les contribuables qui n'ont pu se constituer à temps des preuves préétablies du bienfondé de leur position.

La prorogation des délais de réponse paraît nécessaire pour donner au contribuable le temps nécessaire pour réunir ses éléments de preuve et préparer une réplique solide. Cette prorogation est d'autant plus urgente que l'administration demande au contribuable des justifications concernant des opérations remontant à plusieurs années. Il serait souhaitable que le législateur procède à une unification des délais de réponse et des délais de recours7 pour faciliter la tâche du contribuable.

Les difficultés que le contribuable rencontre sont loin de le sécuriser et accroîent le déséquilibre entre les deux parties en faveur du fisc, d'où la nécessité de correctifs.

1 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34, D.F. 1984, n°14, comm. 694.

2 Article 19 et 20 du C.D.P.F.

3 Selon l'article 18 du C.T.V.A cet article est applicable aussi en matière de T.V.A.

4 Fouquet Olivier, << Le temps fiscal >>, in journées d'études du 23 novembre 1999 << Le temps administratif >>, la Revue Administrative 2000, numéro spécial, p.49.

5 L'interruption de la prescription est prévue par l'article 27 du C.D.P.F.

6 Par exemple, les délais de réponse octroyés au contribuable, lors du déroulement de la vérification ainsi que lors de la notification des résultats de la vérification, sont courts.

7 Un délai de soixante jours pourrait être réservé.

Section II : l'insuffisance des correctifs aux difficultés dans l'administration de la preuve

Les correctifs consistent dans le principe de la liberté de la preuve (paragrapheI), et dans le rôle du juge fiscal (paragrapheII). Mais ces correctifs restent imparfaits et ne permettent pas de favoriser une confrontation équitable entre le contribuable et le fisc.

Paragraphe I : Le principe de la liberté de la preuve en droit fiscal

La solution pour les contribuables, rencontrant des difficultés dans l'administration de la preuve, peut être recherchée dans le principe de la liberté de la preuve. Ce principe leur permet de recourir à tous les moyens de preuve prévus par la loi. Le conseil d'Etat a consacré le principe de la liberté de la preuve1. En droit fiscal tunisien, le principe de la liberté de la preuve est reconnu expressément par la jurisprudence2.

Quoique important le principe de la liberté de la preuve en matière fiscale ne permet pas de rééquilibrer la situation entre l'administration et le contribuable en matière d'administration de la preuve pour deux raisons.

D'une part, certains moyens de preuve jouent parfois au détriment du contribuable. Ainsi, en est-il de l'aveu. En effet, le tribunal administratif a considéré que l'aveu du contribuable constitue une présomption à son encontre3.

D'autre part, les parties sont parfois privées d'apporter certains types de preuve parce que le législateur les a expressément exclues. En effet, « le droit fiscal n'accepte pas toujours les institutions du droit civil ou de droit commercial, telles qu'elles sont réglées par la loi civile ou la loi commerciale. Il y déroge parfois, en ce sens qu'il supprime, sur le plan fiscal exclusivement, certains de leurs effets, ou éventuellement, les modifie »4.

Ainsi, en droit fiscal tunisien, L'article 64 du code des droits et des procédures fiscaux dispose que « les moyens de preuve prévus par les numéros 3 et 5 de l'article 427 COC ne peuvent être admis par le tribunal pour prouver les allégations des parties relatives à l'affaire »5. Le droit fiscal intervient pour exclure le témoignage et le serment.

L'exclusion du serment était déjà prévue par le C.D.E.T.6 La généralisation par le C.D.P.F. de l'interdiction du serment ne peut qu'être approuvée7. En effet, « l'ordre public interdit que le serment

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1 C.E. plénière 7 novembre 1975, n°90786, D.F. 1976 n° 11, comm. 420, conclusions Mme LATOURNERIE.

2 -T.A. 18 octobre 1999, req. n°3 1503 (inédit ).

- T.A., 30 octobre 2000, req. n°32169 ( inédit ).

- T.A., 5 février 2001, req. n°32134 ( inédit).

3 -T.A. 1 mars 1979, req. n°48, recueil des arrêts du T.A., Tunis, ENA, 1980.

- T.A. 8 juin 1992, req. N° 999 :

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4 J.E. KRINGS, << Fictions et présomptions en droit fiscal >>, in Etudes publiées par Ch. PERELMAN et P. FORIERS : << Les présomptions et les fictions en droit >>, Bruxelles 1974, p. 163.

5 Les moyens de preuve de droit commun sont prévus par l'article 427 du C.O.C. sont au nombre de cinq : l'aveu, l'écrit, la preuve testimoniale, la présomption et le serment.

6 L'article 80 du C.D.E.T. disposait que : << Pour l'établissement de la preuve de l'existence des dettes se rapportant à une succession, le mode de preuve par serment n'est pas recevable >>.

7 D'ailleurs, Le T.A. a dans son arrêt n°835 du 30/04/1987 défini les moyens de preuve en matière fiscale en écartant notamment le serment. T.A. 30 avril 1987 , req. n°835, recueil des arrêts du T.A. 1985-1986-1987, p.

355.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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puisse être déféré à l'Etat »1. D'autre part, « admettre que l'administration puisse déférer le serment au contribuable serait admettre du même coup qu'elle peut se dégager, par un artifice de procédure, de la charge que la loi fait peser sur elle en matière de preuve »2.

L'interdiction du témoignage en matière fiscale semble concerner aussi bien le contribuable que l'administration fiscale. Mais, en réalité l'interdiction est à sens unique, elle ne concerne que le contribuable. L'administration est autorisée à recourir à ce mode de preuve3. D'ailleurs, la volonté législative de permettre à l'administration de recourir à la preuve testimoniale a des racines anciennes. L'article 5 du décret organique sur l'enregistrement du 19 avril 1912 disposait que : « la dissimulation dans le prix d'une vente et dans la soulte d'un échange ou d'un partage peut être établie par tous les genres de preuve admis par le droit commun. Toutefois, l'administration ne peut déférer le serment décisoire, et elle ne peut user de la preuve testimoniale que pendant dix ans à compter de l'enregistrement ». Ainsi, quoique limitée dans le temps, la preuve testimoniale était admise pour prouver les allégations de l'administration.

L'inégalité des parties au niveau des moyens de preuve admis n'est pas de nature à favoriser le rééquilibrage des rapports entre l'administration fiscale et le contribuable. Le juge est appelé à jouer un rôle important en la matière.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote