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Politique fiscale et Investissement: le cas de Madagascar

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par Vola Marielle RAJAONARISON
Université Paul Cézanne - Aix Marseille 3 - DEA Finances Publiques et Fiscalité 2004
  

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INTRODUCTION

« Tout le monde est développable », l'économiste et écrivain G. Sorman rapporte dans son ouvrage1(*) une théorie d'Arthur Lewis2(*) qui s'annonce comme suit : « L'histoire, la culture, le climat, les traditions, les ressources naturelles, la situation géopolitique jouent bien entendu un rôle déterminant qu'il serait absurde de nier. Les conditions de départ confèrent à chacun atouts et handicaps ; mais sur ces facteurs objectifs, il est à peu près impossible d'agir. Il n'en va pas de même avec les politiques. Les stratégies suivies peuvent aggraver les handicaps ou favoriser les atouts. » A priori, « chaque nation est donc relativement développable si ses institutions s'y prêtent.»

Le modèle de Lewis, basé sur un contrat entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, a conduit cet auteur à se poser la question suivante : « Si tout le monde est développable et si le modèle à suivre est tellement clair, pourquoi tout le monde n'est-il pas développé ? »3(*). Cette question qui peut paraître simpliste, trouve tout à fait sa pertinence si nous nous penchons sur le cas de Madagascar. En effet, concernant le pays, l'éternelle question du sous-développement - donc du développement - de la Grande Ile est vieille comme l'indépendance4(*). Depuis plus de 40 ans, les dirigeants successifs de ce pays, plus grand que la France et la Belgique réunies s'appliquent à résoudre, chacun avec leurs Plans et Idéologies respectifs, la perpétuelle problématique de la pauvreté, conséquences de quatre décennies de régression quasiment ininterrompue des niveaux de vie5(*).

La longue aventure commence en 1972 lorsque Madagascar met fin à sa « légendaire » stabilité politique avec le renversement de Philibert Tsiranana6(*) et de son régime « néo-colonial » qui avait pratiqué un capitalisme « marchand et financier » en dépit de sa couleur « socialiste réaliste7(*) » déclarée. Ce régime fut marqué par une politique de développement excentrée8(*) qui favorisait le secteur moderne étranger au détriment du secteur traditionnel malgache.

De 1972 à 1975, le pays a ainsi connu quatre gouvernements successifs9(*) qui ont entrepris, chacun à leur manière, la « malgachisation » de son économie, de son Administration, de ses emplois et de ses capitaux. En 1975, Madagascar entama ensuite une ère nouvelle de son histoire moderne avec l'avènement de la deuxième République10(*) et du régime socialiste que prônait le dirigeant de l'époque, Didier Ratsiraka.

Le pays a, de nouveau, traversé deux phases de développement économique de 1975 à 1980. La malgachisation, conséquence inéluctable des mouvements de révolte populaire de 1972 aboutit rapidement à une nationalisation massive et à une étatisation presque complète de l'économie11(*). Mais cette politique, menée dans un processus brutal, n'a pas permis le décollage économique tant attendu. Au contraire, elle s'est soldée par un énorme retard, notamment en termes d'investissement et l'économie est entrée dans une longue phase stagnante.

De 1978 à 1980, l'Etat tente de rattraper ce retard en mettant en oeuvre une politique d'« investissements à outrance », consistant à investir dans tous les domaines. La démesure des projets, dictée par un « mimétisme » envers la technologie des pays développés a rapidement abouti à un endettement sans précédent du pays12(*). Sous le poids des contraintes financières et avec la pression des institutions internationales, le régime autocentré et socialiste de Ratsiraka a dû s'accommoder, en 1981, d'une économie plus libérale, réintroduire les règles du marché et favoriser le développement du secteur privé.

Cette réorientation s'inscrivait dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) qui est « un programme négocié avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International dont l'objectif est le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques et financiers. » Il faut préciser que le programme d'ajustement est un processus permettant aux pays bénéficiaires de recevoir des aides de la part des bailleurs de fonds, qu'il s'agisse des facilités financières comme l'allègement ou le rééchelonnement de la dette ou encore le financement de projets de développement ou d'assistance technique et de conseil dans la réalisation de politiques prioritaires pour le pays. Les pays bénéficiaires sont obligés de fournir des efforts draconiens faisant partie des conditionnalités exigées pour le déblocage de crédits octroyés13(*), conditionnalités qui, il faut le dire, sont assez mal ressenti et surtout incomprises par la population. Madagascar a signé son premier accord avec le FMI en 1979 et les réformes qui s'en sont suivies intéressent plusieurs domaines14(*).

A partir de 1996, après le passage difficile de 1991 - 199615(*), le pays s'est lancé dans une libéralisation effrénée de l'économie en vue de son ouverture au monde. Mais si le taux de croissance a ainsi remonté de 1997 à 2001, la pauvreté n'est pas encore sur la voie d'être éradiquée, loin s'en faut.

L'année 2001 marque la fin d'un règne, celui de Ratsiraka et de ses 21 ans de pouvoir. Sur le plan économique, cette année est celle de la mise oeuvre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC) qui n'est rien d'autre que la nouvelle dénomination du PAS.

L'année 2002 débute une nouvelle ère. Elle porte tout l'espoir d'un peuple qui ne cesse de croire en des lendemains meilleurs. Cette année prend le relais des actions de relance économique amorcées auparavant mais, cette fois ci, l'Etat s'est donné des priorités qui tiennent davantage compte des citoyens, du social et surtout des pauvres. A l'éternelle question : « comment éradiquer ? » ou plutôt, « comment réduire la pauvreté ? », le gouvernement actuel a répondu en mettant en place le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP)16(*).

Notre travail, qui s'intitule « Politique fiscale et Investissement : Le cas de Madagascar » trouve tout naturellement son intérêt à un moment où le gouvernement malgache veut énormément miser sur l'investissement privé, notamment les investissements directs étrangers (IDE) pour relancer la croissance économique.

Que faut-il entendre par IDE et pourquoi en parler particulièrement ? D'après la définition du FMI, les IDE doivent se manifester sous 4 formes : la création d'une entreprise ou d'un établissement à l'étranger, l'acquisition d'au moins 10% du capital social d'une entreprise déjà existante, le réinvestissement de bénéfices par la succursale ou la filiale, enfin, les opérations entre la maison mère et les filiales. Le choix de notre sujet trouve sa justification pour au moins deux raisons :

- en premier lieu, le contexte économique mondial : les deux dernières décennies ont été marquées par une internationalisation croissante de la production et de la consommation de biens et services au niveau mondial. L'investissement direct est perçu, depuis le milieu des années 80, comme un stimulant efficace de la croissance durable. Comment ? D'abord parce que l'ouverture aux marchés favorise une utilisation plus efficiente et plus productive des ressources du pays hôte. Une étude de l'OCDE16(*) avance que l'entrée des IDE donne aux pays d'accueil des avantages comme le développement de l'appareil de production, l'introduction de nouvelles compétences et technologies et la création d'emplois. Cette même étude affirme également que les IDE véhiculent des éléments d'actifs corporels et incorporels ayant un fort impact sur le développement, augmente la productivité dans les pays, sert de catalyseur à l'investissement intérieur et au progrès technologique. En somme, les IDE ont un effet positif sur la productivité des entreprises nationales.

- La seconde raison justifiant le choix du thème est qu'un rapprochement est à faire à un moment où le pays fait justement appel aux investissements directs étrangers (IDE) et au soutien des bailleurs de fonds pour améliorer la performance du secteur productif encore très faible. Comme il ressort de l'expérience internationale que les bons résultats escomptés ne dépendent pas uniquement de l'ouverture à l'extérieur, le gouvernement malgache est en train de mettre en place une politique macroéconomique saine et un cadre institutionnel et juridique sécurisant pour espérer récolter les fruits des IDE.

Lors de la présentation de la loi de finances pour 2004, le Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget malgache annonce que « Cette loi de finances mettra en oeuvre une politique fiscale permettant de sécuriser les investissements privés et de mobiliser les épargnes nationales pour une économie plus compétitive. (...) Une politique fiscale qu incitera les investisseurs étrangers à venir s'installer à Madagascar. (...). » La politique fiscale fait ainsi partie intégrante des actions et mesures allant dans le sens de l'incitation à l'investissement. Se définissant comme « l'ensemble des décisions prises pour instituer, organiser et appliquer les prélèvements fiscaux conformément aux objectifs des pouvoirs publics17(*) », la politique fiscale malgache s'infléchit dès lors vers une politique d'incitation visant à attirer les investisseurs. Elle apparaît dans ce cadre comme un « élément de la politique globale de développement économique18(*)

D'ailleurs, le gouvernement malgache annonce clairement dans la présentation de la loi de finances pour 2004 que « les autorités se proposent de mettre en exergue le rôle économique de la fiscalité.»Avec l'adoption récente de la loi N° 2003 - 026 du 27 août 2003 portant détaxation des tarifs douanier et fiscal, il n'est pas inopportun de se poser la question de l'efficacité du recours systématique à une politique d'incitation fiscale pour la promotion des investissements.

La première partie de notre travail sera consacrée à l'étude du contexte général des investissements privés, notamment l'environnement économique et le cadre institutionnel et juridique (Partie I). Il procèdera ensuite à l'analyse critique des incitations fiscales ainsi mises en place et de leurs impacts sur l'investissement (Partie II).

* 1 Guy Sorman : La nouvelle richesse des Nations, éd. Fayard, 1987.

* 2 Economiste américain d'origine jamaïcaine. Prix Nobel d'Economie en 1979. Auteur notamment de The evolution of international economic order, Princeton University 1978.

* 3 Guy Sorman, op.cit, page 329

* 4 Madagascar a retrouvé son indépendance le 26 juin 1960, donc il y a exactement 44 ans.

* 5 Emmanuel Fourmann, Madagascar après la crise, perspectives économiques 2003-2004, Rapport de la Direction de la stratégie - Département des politiques générales - Division des études macroéconomiques au siège de l'Agence Française de Développement, janvier 2003.

* 6 Premier Président de la République malgache (1960-1970)

* 7 Roger Rabetafika, Réforme fiscale et révolution socialiste à Madagascar, Coll. Repères pour Madagascar et l'Océan Indien, éd. L'Harmattan, 1990.

* 8 La politique de développement excentrée, par opposition à la politique de développement autocentrée, se définit comme « une politique qui s'appuie sur une insertion accrue dans l'économie mondiale pour enclencher le développement : les exportations et les investissements étrangers sont encouragés. » in Benjamin Grandener, Politiques de développement - Etude comparée : Madagascar et Ile Maurice, Mémoire IEP Aix-en-Provence, 1997.

* 9 De mai 1972 à février 1975 : Gouvernement Ramanantsoa. Du 5 au 11 février 1975 : Gouvernement Ratsimandrava, assassiné après 6 jours de pouvoirs. Du 11 février au 15 juin 1975 : Directoire militaire. Du 15 juin au 31 décembre 1975 : Conseil Suprême de la Révolution.

* 10 De 1975 à 1991

* 11 Fin 1976, l'Etat malgache contrôle 61% de l'économie dont 100% des assurances, banques, eau, électricité, 33% des industries, assure 78% des exportations, 60% des importations et contrôle 70% du commerce international - In B. Gardener, Politiques de Développement, mémoire IEP, Aix-Marseille, 1997. Roger Rabetafika, Réforme fiscale et Révolution socialiste à Madagascar, Coll. Repères pour Madagascar et l'Océan Indien, L'Harmattan, 1990.

* 12 La dette extérieure a décuplé entre 1970 et 1980.

* 13 Exemple de conditionnalités : maîtrise de l'inflation, instauration de l'état de droit, l'introduction du système des changes flottants et de la TVA, la réduction des taxes d'importation, le renforcement de la politique monétaire etc.

* 14 Voir annexe 1 - Les principales réformes

* 15 Ratsiraka a été chassé du pouvoir en 1991 suite à des émeutes populaires dans la capitale Antananarivo. Il fut remplacé par le Pr. Zafy Albert, mais revint au pouvoir, par la voie des urnes, en 1996 pour un nouveau mandat.

* 17 Plan de redressement de l'économie malgache couvrant la période 2002-2005. Le Document de Stratégie de réduction de la Pauvreté (DSRP) est le fruit d'un processus participatif soutenu et impliquant toutes les forces vives de la nation: Administration, élus, partis politiques, opérateurs économiques, société civile, organisations non gouvernementales, groupements professionnels et confessionnels.

* 16 OCDE, Développement durable. Les grandes questions, 2001.

* 17 G. Tournié in Pierre Beltrame, La fiscalité en France, Hachette, 8è édition, 2001.

* 18 Gilbert Orsoni, L'interventionnisme fiscal, Puf, 1995.

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