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L'encouragement de l'investissement par la solution des conflits par voie d'arbitrage: les mesures prises par l'Etat Libanais et leur degré d'efficacité

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par Jean-Pierre Nasr
 - D.E.A. de Droit Privé, des Affaires et de l'Arbitrage 2007
  

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Paragraphe III: L'arbitrabilité des contrats de représentation commerciale sur le fondement du traité bilatéral commercial libano tchécoslovaque

Nous avons cité dans notre première partie quelques accords bilatéraux commerciaux conclus par le Liban avec des pays arabes et européens, notamment quelques uns qui intègrent le mécanisme d'arbitrage comme technique exclusive de résolution des différends commerciaux nés entre les deux Etats parties à la Convention ou leurs ressortissants. Bien qu'il n'entre pas dans le cadre de notre sujet d'étudier largement ces accords, nous avons choisi de limiter notre étude à la question de l'arbitrabilité des contrats de représentation commerciale sur la base de l'accord libano tchécoslovaque, et nous allons montrer dans quelle mesure les solutions apportées par les juges de la cour de cassation libanaise en la matière sont contradictoires.

Il se trouve que l'article 5 du DL no.34/1967 concernant la représentation commerciale au Liban attribue compétence, pour juger des différends résultant des contrats de représentation commerciale, au tribunal du lieu où le représentant de commerce exerce son activité: « nonobstant, tout accord contraire, sont compétents pour juger des différends résultant du contrat de représentation commerciale, les tribunaux de l'endroit où le représentant de commerce exerce son activité».

Ce texte a fait couler beaucoup d'encre et a fait l'objet de plusieurs interprétations doctrinales: certains auteurs considèrent que l'arbitrage ne peut être envisagé en aucun cas en matière de représentation commerciale en soulignant la compétence exclusive des tribunaux libanais en la matière92(*) ; dans le mêmes sens, d'autres considèrent que la loi régissant la question de la représentation commerciale au Liban est une loi de police impérative à laquelle les Juges et les parties ne peuvent y déroger94(*). Dans la même lignée, d'autres auteurs considèrent que l'article 5 du décret loi 34/1967 est d'ordre public et qu'il il s'agit dans ce cas là d'un ordre public de protection et de direction95(*). Un autre avis doctrinal soutient qu'une clause compromissoire ne peut être insérée dans un contrat de représentation commerciale, mais il reste possible de recourir à l'arbitrage en cas d'un compromis d'arbitrage, après la naissance du litige. Dans ce cas, le représentant commercial est présumé avoir renoncé à la protection que lui a accordée le législateur96(*). Un dernier avis doctrinal prône la validité d'une clause compromissoire insérée dans un contrat de représentation commercial97(*).

Or, la question est de savoir dans quelle mesure la cour de cassation libanaise peut écarter les dispositions d'un traité et se borner à l'application d'une loi nationale qu'elle considère impérative. Nous nous pressons et avançons qu'il y va sans dire que les dispositions d'un traité priment sur la législation nationale et ceci en vertu de l'article 2 du NCPCL.

Cependant, les solutions apportées par les juges de la cour de cassation ne sont pas toutes inscrites dans cette lignée: Envisageons la question à partir de trois arrêts rendus par la cour suprême entre 1973 et 2005.

Le premier litige date des années 1970 et met en oeuvre l'application du protocole additionnel de la Convention commerciale libano tchécoslovaque de 1952, qui prévoit la résolution de tous différends commerciaux par le biais de la technique d'arbitrage. L'article VII de la Convention Tchécoslovaque dispose: « les parties contractantes reconnaissent la validité des clauses compromissoires et compromis d'arbitrage conclus entre les personnes morales tchécoslovaques et les personnes physiques ou morales libanaises, conformément à la législation de chacune des parties contractantes pour la solution des contestations qui pourraient surgir à l'occasion des transactions commerciales ». L'article ajoute: « les parties contractantes s'engagent à assurer l'exécution des sentences arbitrales prononcées en base des clauses ou compromis... »

Dans les faits, suite à la résiliation d'un représentant commercial libanais par le représenté {société tchécoslovaque}, le premier intente une action devant les juridictions libanaises demandant des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat. La société étrangère invoque l'exception d'incompétence du Juge libanais et demande l'application de l'accord bilatéral commercial qui intègre une clause d'arbitrage pour la résolution des différends commerciaux entre les ressortissants des deux Etats.

La Cour de cassation libanaise se prononça dans un arrêt du 9 décembre 1973 en faveur de l'application des dispositions du traité bilatéral commercial libano tchécoslovaque avant même que ne soit promulgué l'article 2 du NCPCL relatif à la hiérarchie des normes98(*).

Une deuxième affaire a vu le jour dans les années 1975, toujours dans le cadre d'un litige entre un représentant libanais et un représenté Tchécoslovaque, quant à l'application de la clause d'arbitrage prévue dans la Convention commerciale Libano tchécoslovaque de 1952. La Cour de cassation libanaise a en date du 25 janvier 1994 a adopté la même solution formulée dans l'arrêt précédent, en écartant l'article 5 du D.L. 34/1967 et s'est prononcé en faveur de l'application des dispositions du traité bilatéral commercial Libano tchèque,99(*)en mettant l'accent sur la nécessité du Liban à respecter ses engagements internationaux et souligne l'importance de l'application d'une Convention internationale entre les deux pays avec « honnêteté et sincérité »100(*).

En revanche, la Cour de cassation libanaise a changé de position à l'occasion d'un litige portant sur les mêmes faits et toujours dans le cadre de l'application de la clause d'arbitrage mentionnée dans le traité bilatéral commercial libano tchèque. L'arrêt rendu le 14 avril 2005 vient contredire nettement les solutions apportées par les Juges de la cassation dans les années 1973 et 1994101(*). La Cour en modifiant sa position a tranché le litige d'une façon complètement différente. Elle écarte radicalement les dispositions du traité bilatéral commercial entre le Liban et la République Tchèque en faveur de l'application de l'article 5 du D.L. 34/1967, en considérant  qu'il s'agit d' « une loi impérative intéressant la protection du consommateur libanais à laquelle on ne peut pas déroger par l'insertion d'une clause compromissoire dans le contrat ». Il est à souligner que la cour de cassation a violé les dispositions de l'article 2 du NCPCL après avoir écarté la clause d'arbitrage prévue dans le traité et appliqué une loi interne hiérarchiquement inférieure.

Nous avons voulu démontrer, à la lumière des trois arrêts précités, le non respect de l'Etat libanais de ses engagements internationaux découlant des traités bilatéraux commerciaux. Parallèlement, nous avons voulu mettre en relief les solutions opposées et contradictoires de la cour de cassation en la matière, en plus de sa violation du principe de la hiérarchie des normes énoncé à l'article 2 du NCPCL. Toutes ces confusions et contradictions ne peuvent qu'avoir des répercussions négatives sur l'avenir de l'investissement au Liban. L'absence de confiance de l'investisseur étranger vis-à-vis de l'Etat libanais et des juridictions libanaises sont complètement justifiées. La surprotection du représentant libanais au dépend du respect de la loi fait perdre à l'Etat toute crédibilité.

* 92 93 Maher Mahmassani, La représentation commerciale en droit libanais, Beyrouth, 1972, p. 252 et s.

* 94 Nasri Diab, Le tribunal internationalement compétant en droit libanais et français, Paris, 1993, p. 460 ; v. également du même auteur, La clause compromissoire dans les contrats de représentation commerciale et la nouvelle jurisprudence, Al Adl, 1993, p. 522.

* 95 Jihad Rizkallah, commentaire sur un arrêt de la Cour de Cassation libanaise, 5ème ch., rendu en date du 11 janvier 2005, Al Adl 2005, p. 285.

* 96 Cet avis est suivi par la Cour de Cassation libanaise, 4ème ch., 19 juillet 2001, Al Adl, 2001, p. 65 ; v. également Al Adl 2003, p. 68.

* 97 Emile Tyan, Droit commercial, vol. 2, Beyrouth, 1970, n°1314 ; v. également du même auteur, Droit de l'arbitrage, Beyrouth, 1972, n° 33 ; v. également Fady Nammour, Droit et pratique de l'arbitrage interne et international, 2ème éd., Bruylant - Delta - LGDJ, Beyrouth, 2005, n° 127 ; v. également Nathalie Najjar, La clause compromissoire dans les contrats de représentation commerciale, RRAAI, n° 1, p. 56.

* 98 Cour de Cassation libanaise, 1ère ch., décision n° 59, rendue le 9 décembre 1973, Al Adl, 1974, p. 277.

* 99 La Convention de 1980 entre la Liban et la République Tchèque a remplacé la Convention Libano tchécoslovaque de 1952 ; v. J.O, n° 28 du 7 octobre 1982.

* 100 Cour de Cassation libanaise, 4ème ch., décision n° 1, rendue le 25 janvier 1994, Baz, 1994, p. 333.

* 101 Cour de Cassation libanaise, 4ème ch., décision n° 3, rendue le 14 avril 2005, RLAAI, 2006, n° 61.

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