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Etude des représentations socioculturelles liées à la moustiquaire imprégnée en milieu rural au Bénin : cas de l'arrondissement de Ouèdo à Abomey-Calavi

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par Aurélien A. AHOLOUKPE
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise es-lettres 2003
  

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Première partie 

CADRE GENERAL DE L'ETUDE

INTRODUCTION

Le paludisme est une maladie qui n'épargne aucune couche de la société. Face à ce fléau, la médecine propose aussi bien des moyens curatifs que préventifs pour limiter ses dégâts. L'outil préconisé de nos jours pour la prévention contre cette endémie est la moustiquaire imprégnée d'insecticide. Mais, les populations restent sceptiques à son adoption et la maladie continue de faire des victimes. Cette étude qui vise les représentations socioculturelles liées à la MII est faite dans un cadre général qui mérite d'être précisé. Sa présentation sera articulée autour de trois grandes sections. La première aborde le cadre théorique alors que la seconde traitera des cadres géographique et méthodologique dans lesquels les recherches sont faites. Enfin, la dernière section sera consacrée aux généralités sur le paludisme et la MII.

I- CADRE THEORIQUE

Dans ce chapitre, il sera présenté la problématique du sujet qui sera appuyée d'une revue de littérature qui permettra d'aboutir à la formulation des hypothèses et objectifs de recherche. La justification du thème va suivre et, le dernier point sera la clarification de certains concepts indispensable pour la compréhension de ce sujet.

1.1-Problématique

Au Bénin, le paludisme est l'une des principales maladies qui sévissent au sein de la population. Le vecteur responsable de sa transmission est le moustique, qui se retrouve partout dans le pays compte tenu de sa situation géographique et des climats qui y règnent. Il faut souligner au prime abord que le germe responsable de cette épidémie est un protozoaire.

En effet, les conditions climatiques et hydrographiques prévalant sur toute l'étendue du territoire national sont favorables au développement de l'endémie palustre. L'absence d'hygiène et d'un programme rigoureux d'assainissement des villes et campagnes permet aussi la multiplication des moustiques. Le Bénin est donc un pays d'endémie palustre. Les catégories constituées des enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes sont particulièrement très vulnérables à cette affection. Les cas de décès dans les couches sociales sont dans la plupart des cas la résultante de ses complications et touchent principalement ces couches de la société.

En ce qui concerne la population en général, le paludisme contribue à l'affaiblissement de l'organisme, et par conséquent, réduit la force de travail des personnes actives. Cette situation est singulièrement inquiétante en milieu rural où les comportements vis-à-vis de cette maladie ne révèlent que très peu une prise de conscience effective de ses dimensions.

Face à cet état de choses, le gouvernement béninois qui a le devoir de garantir la santé des populations a pris des mesures. En effet, dans sa politique de couverture sanitaire et par rapport à la déclaration d'Abuja en Avril 2000, l'Etat a adhéré à l'initiative « Faire Reculer le Paludisme». Dans cette optique, un plan est élaboré et porte sur les politiques et stratégies de lutte contre cette maladie. La priorité est accordée à la lutte préventive fondée sur l'utilisation massive de la MII. Cette dernière, comparativement aux autres moyens de lutte anti-vectorielle -tels que les serpentins, les bombes insecticides...etc - est considérée apparemment comme sans inconvénients sur la santé humaine. Ceci amène l'Etat par le biais du Programme National de lutte contre le Paludisme (PNLP) et des formations sanitaires à faire la promotion de la moustiquaire imprégnée d'insecticide à travers tout le pays. De même, des Organisations Non Gouvernementales (ONG) pilotent, auprès des populations, des activités de plaidoyer et de marketing social pour l'utilisation de la MII.

Nonobstant toutes ces dispositions pour une mobilisation sociale et un changement de comportement favorable à l'emploi de la moustiquaire

imprégnée d'insecticide, le paludisme persiste toujours. En termes clairs, la MII est peu utilisée en campagne. C'est dire que l'adoption de cet instrument comme moyen de prévention du paludisme n'est pas encore dans les habitudes des ménages ruraux. Elle se trouverait donc confrontée à des barrières de divers ordres. Alors, nous nous posons la question suivante en considérant l'exemple de Ouèdo dans la commune d'Abomey-Calavi : la non-adoption de la moustiquaire imprégnée par les populations serait-elle liée aux représentations qu'elles se font de cet outil ?

Afin de mieux cerner cette question, nous avons procédé d'abord à une revue documentaire. En matière d'ouvrage, nous avons le livre intitulé Un mur contre la malaria : du nouveau dans la prévention des décès dus au paludisme de Christian Lengeler et al, publié conjointement par le Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1997. Cet ouvrage fait d'abord un bref rappel des composantes fondamentales de la stratégie mondiale de lutte antipaludique. Ensuite, il consacre la grande partie de sa substance à la composante portant sur la mise en oeuvre des mesures préventives sélectives et durables y compris la lutte anti-vectorielle. Il rapporte que les moustiquaires imprégnées d'insecticide sont l'une des mesures préventives adaptées de nos jours à la promotion d'une approche fondée sur les soins de santé primaire. Ainsi, le document rend compte des différentes initiatives de recherches appliquées, des essais et programmes de MII, dans les régions d'endémie palustre, particulièrement en Afrique. En matière de moustiquaire, l'ouvrage regroupe les MII et les rideaux imprégnés d'insecticide. Les premières études sur les MII ont prouvé l'innocuité des pyréthrinoïdes et leur impact sur divers paramètres entomologiques en particulier, le nombre de fois où le vecteur réussit à s'alimenter, la capacité vectorielle et le nombre de piqûres infligés aux humains. Ces études ont aussi permis de rendre compte du mécanisme actif de répulsion et de suppression des moustiques ainsi que des doses optimales pour diverses combinaisons de moustiquaire et

d'insecticides. Le même livre révèle que divers travaux ont été menés pour mesurer l'impact des MII sur la morbidité palustre. Ainsi, plus de 20 études ont été effectuées dans des zones d'endémie palustre dont plus de 12 en Afrique. La plupart de ces études confirment une réduction de 20 à 63 %, soit une valeur médiane de 45 % des taux de paludisme après l'introduction des MII. Dans l'ensemble, ces recherches ont montré l'efficacité des MII dans la réduction du nombre d'épisodes palustres dans les collectivités d'endémie stable. Parallèlement, en ce qui concerne l'incidence des MII sur la mortalité due au paludisme, des essais d'envergure ont été menés. A la fin du premier essai, Alonso et al.,(1991) ont fait état d'une réduction de 63 % de l'ensemble de la mortalité des enfants ayant entre 1 et 4 ans. Par ailleurs, des essais menés à des fins de recherche à des interventions communautaires efficaces suscitent des interrogations en Afrique. En effet, ils soulèvent les questions de la faisabilité et de l'efficacité par rapport aux coûts d'une mise en oeuvre complète de programme de MII ainsi que du caractère durable et équitable de leurs effets à long terme sur la collectivité. En prélude aux recherches opérationnelles sur les MII, des études sur l'efficacité réelle et l'efficacité idéale ont été faites. Ainsi vers le milieu des années1980, des entomologistes et paludologues ont entrepris des recherches sur l'efficacité idéale des MII comme moyen de réduire la mortalité infantile depuis 1989. Au milieu des années 1990, des résultats probants ont établi l'efficacité des MII. En outre, l'essai sur le taux de mortalité mené en Gambie (Alessandro et Al.,1995) qui a porté davantage sur l'efficacité réelle qu'idéale, a produit des données convaincantes sur l'efficacité par rapport aux coûts - à savoir le coût des décès évités était de 600 dollars américains (Aikins,1995). Dans cette même logique, Evans et al., en 1997, à travers une publication ont déterminé que le rapport coût - efficacité des MII était comparable à celui d'interventions unanimement acceptées telles que la vaccination infantile.

L'ouvrage a, par ailleurs, abordé des questions d'ordre technique sur les MII notamment l'action de l'insecticide, les modèles de moustiquaire, les

acteurs et les organismes. S'agissant de l'action de l'insecticide, des essais dans des cases expérimentales vaporisées aux pyréthrinoïdes ont été menés. Ils ont établi que l'insecticide exerce un pouvoir dissuasif et une activité anti-appétante. Il occasionne la mortalité des insectes et possède une capacité répulsive. Il a été effectué des essais pour démontrer les effets de masse des insecticides. En effet, leur utilisation de façon constante dans une zone assez étendue indique que les moustiques femelles risquent la mort chaque fois qu'elles essaient de se gorger du sang. Il suit que la densité de la population locale des moustiques peut diminuer tout comme le taux de femelles pares et l'indice sporozoïdique. Il a été noté qu'en Tanzanie, les effets sur la densité et l'indice sporozoïdique ont réduit de plus de 90 % le taux de piqûres infectantes sur des personnes non protégées. Par ailleurs, l'effet de détournement a été établi grâce à plusieurs recherches. Ainsi d'après les études de Lindsay et al., 1992, les moustiques détournés ne se concentrent pas dans les maisons voisines et cela n'exclut pas la possibilité qu'ils se dispersent et qu'ils recommencent à chercher un repas. C'est ainsi que des études faites à l'échelle de village en Papouasie-Nouvelle Guinée (Charlwood et Graves, 1987) ont montré que les MII peuvent détourner les moustiques des hommes vers les animaux.

Pour ce qui concerne les obstacles à l'utilisation des MII, diverses enquêtes auprès des ménages ont été menées. Une étude de Louis et al., 1992 conclut que dans les zones rurales de Cameroun, 47 % des répondants qui ont utilisé des MII pendant un an ont mentionné que la chaleur était un inconvénient. A Dar es-salaam, les ménages à revenu élevé dépensent 3,1 % de leur revenu déclaré sur des articles de lutte contre les moustiques tandis que les ménages à faible revenu en dépensent 7,4 % ( Evans, 1994). Il continue en discutant de certains aspects du pouvoir d'achat des répondants à Dar es-salaam et en déclarant que bien que 77 % d'entre eux n'aient jamais emprunté d'argent, 76 % ont déclaré qu'ils emprunteraient pour acheter une moustiquaire. En outre, l'essai mené à Kilifi à établi que les gens n'aiment

pas utiliser une moustiquaire si elle occupe plus de 40 % du volume de la pièce.

Abordant l'utilisation des moustiquaires en Afrique Subsaharienne, l'ouvrage révèle que ces dernières semblent davantage utilisées en Afrique de l'Ouest spécialement en Gambie, qu'en Afrique de l'Est, et plus dans les villes que dans les zones rurales. Cette assertion se trouve illustrée par les résultats d'enquêtes menées dans différents pays africains. Par exemple, en Gambie, une enquête réalisée à l'échelle du pays auprès de 360 groupements dans les zones rurales durant la saison de pointe des moustiques, a indiqué que 58 % des 3867 habitants comptés avaient une moustiquaire (Alessandro et al., 1994 ). Dans la zone urbaine de Brazzaville, au Congo, 73 % des ménages possédaient au moins une moustiquaire (Carme et al.,1992). Une autre étude révèle que dans la zone périurbaine de Bandim, en Guinée-Bissau, ce taux est de 69 % (Aikins et al., 1994). A Douala au Cameroun, ce taux est de 48 % des 420 ménages interrogés (Desfontaine et al., 1990). Une étude similaire faite à Savalou au Bénin atteste que 41 % des 181 ménages se servaient de moustiquaire ( Rashed et al., 1997 ). Un autre constat est que le taux d'utilisation est plus élevé chez les adultes que chez les enfants. A Yaoundé au Caméroun, 14,5 % seulement des 420 ménages enquêtés utilisent de moustiquaire ( Desfontaine et al., 1989 ). Selon des renseignements obtenus, moins de 10 % des personnes utilisent de moustiquaire dans les villages près de Bo en Sierra Leone (Aikins et al., 1994), au Nord de Ouagadougou au Burkina (A. Habluetzel, communication personnelle ) ainsi que dans la région de Navrongo dans le Nord du Ghana (F. N. Binka, communication personnelle).

Le même ouvrage nous informe qu'en Afrique de l'Est on enregistre des taux d'utilisation très bas, notamment à Uriri, au Kenya et au Malawi.

Ces différentes études montrent que le faible taux d'utilisation des moustiquaires est probablement représentatif de vastes zones rurales en Afrique.

Abordant le problème de plus près, le rapport préliminaire d'évaluation du Programme National de Lutte contre le Paludisme du Bénin, plan quinquennal 1994-1999, apporte davantage de précisions. En effet, ce travail aborde entre autres l'évaluation des stratégies de prévention du paludisme. Ainsi, dans ce rapport, on note une faible adhésion de l'utilisation de la MII chez le groupe à haut risque que constituent les femmes enceinte. La preuve, c'est que sur 76 interrogées parmi elles, il n'y a que 12 soit 18 % qui dorment sous moustiquaire dont 7 seulement sont imprégnées. Par ailleurs, la situation au niveau de la communauté en général n'est pas pour autant reluisante. En effet, d'après une étude menée auprès de 86 ménages, seulement 56 % disposent d'au moins une moustiquaire.

Un autre rapport d'étude sur l'analyse de la situation du paludisme et des autres maladies de l'enfant au Bénin dans le cadre de l'initiative « faire reculer le paludisme » donnera des résultats plus nuancés en différenciant les proportions d'utilisation de moustiquaires simples (MS) et de moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII). On note que 27,58 % dorment sous MS et 1,72 % seulement utilisent les MII. Face à ces faibles taux d'utilisation, l'étude a recommandé l'intensification des IEC (Information, Education et Communication) sur le paludisme et les MII avec une réduction du prix de cession de ces dernières.

Enfin, un rapport d'enquête sur les connaissances attitudes et pratiques (CAP) relatives au Sida, à la Diarrhée, au Paludisme et à la planification familiale rend compte de la situation en tenant compte des milieux rural et urbain. L'enquête réalisée à l'échelle nationale mentionne que 72,8 % des personnes enquêtées en milieu urbain contre 26,6 % pour le milieu rural connaissent le mode de transmission correct de la maladie. Ces résultats témoignent déjà de la disparité dans les représentations liées à la maladie du paludisme selon que l'acteur social est un citadin ou un paysan. Cette différence s'explique en partie par le déficit d'information concernant les aspects biomédicaux des affections comme le paludisme. Il s'ensuit que les

mesures de prévention sont aussi mal connues. Cela se trouve confirmé car 11 % seulement des enquêtés ruraux ont déclaré dormir sous moustiquaire pour éviter le paludisme contre 38 % des enquêtés en milieu urbain. Ces résultats placent l'Atlantique rural en avant dernière position avec 5,6 %. L'enquête a aussi révélé qu'à la question de savoir si tous les lits du ménage ont de moustiquaire, 34,1 % ont répondu oui en milieu urbain contre 21,9 % en milieu rural. Cette proportion ne fait que confirmer les tendances observées ci-dessus. Les précisions vont plus loin quand l'enquête a révélé que 57,1 % des enquêtés en campagne contre 35,3 % en ville ont déclaré qu'aucun lit du ménage n'a de moustiquaire.

Somme toute, ces différentes études faites en milieu réel confirment l'idée selon laquelle la situation de l'utilisation de la MII reste très préoccupante en zone rurale. En effet, une synthèse de ces enquêtes rend compte que la pratique de la MII reste très faible au village. En conséquence, il serait intéressant d'aller rechercher dans les comportements reliés à la MII en milieu rural pour connaître davantage les déterminants de cet état de chose. Il s'agira pour une originalité de cette étude, d'aller dans les habitudes socioculturelles pour lire les fondements de cette attitude d'indifférence vis-à-vis de la MII en campagne.

Hypothèses

· Les acteurs sociaux vivant en zone rurale méconnaissent la moustiquaire imprégnée d'insecticide, et donc l'emploient peu dans la prévention du paludisme.

· L'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide préconisée par la médecine moderne se trouve confrontée à des difficultés d'ordre sociologique, anthropologique et économique, ce qui explique les attitudes de refus ou d'indifférence vis-à-vis de ce produit.

Objectif général

Etudier les représentations socioculturelles liées à la moustiquaire imprégnée d'insecticide dans la population rurale à Ouèdo.

Objectifs spécifiques

· Evaluer le degré de connaissance, d'attitude et de pratique des populations rurales vis-à-vis de la MII.

· Identifier les fondements socio-anthropologiques et économiques de la réticence des acteurs sociaux ruraux face à l'emploi de la MII en vue de proposer des mesures d'amélioration et de faire d'éventuelles suggestions.

1.2- Justification

La santé est un capital qu'il faut chercher à préserver à tout prix. La maladie affecte cruellement le corps ainsi que d'autres aspects de la vie. De ce fait, il serait judicieux d'étudier les voies et moyens de la prévenir. Au Bénin, on ne saurait parler de maladie sans se pencher sur le paludisme qui est un fléau très important. En effet, cette affection est classée comme la première maladie et la première cause d'hospitalisation dans les proportions de 36 % pour la population en général, et de 40 % pour les enfants de moins de cinq ans. Il occasionne le décès de milliers de personnes. Une telle maladie est menaçante pour le développement de notre pays. Cette assertion est d'autant plus vraie que les périodes d'invalidités et les décès prématurés dont il est à l'origine diminuent fortement la force de travail du pays. Il devient alors impérieux d'envisager les moyens actuellement utilisés pour

combattre ce fléau. Ainsi, dans le cadre de la lutte contre cette maladie, il y a la possibilité d'un traitement curatif qui peut donner des résultats concluants. Mais, compte-tenu de son caractère répétitif, de sa cherté et du niveau actuel de la résistance du germe aux produits chimiques, la lutte préventive serait la meilleure solution. La seule méthode immédiate s'avère la protection physique contre le moustique. Pour cela, la possibilité est donnée d'utiliser toute une gamme de produits. Mais, le seul qui reste prometteur et vraisemblablement sans inconvénient sur la santé humaine est la MII. Elle chasse et tue les moustiques tout en protégeant l'individu. Elle est, pour le moment, la méthode la plus efficace et la plus pratique. Il serait alors judicieux de voir le degré de connaissance d'attitude et de pratique vis-à-vis de ce produit afin de comprendre les difficultés liées à son adoption.

Les paysans, compte-tenu de leur situation sociale, ont un déficit d'information par rapport aux citadins. En outre, certaines pesanteurs socioculturelles associées à leur pauvreté pourraient expliquer leur attitude défavorable à l'usage de la MII. C'est justement dans l'optique de mieux appréhender ce fait que nous avons entrepris l'analyse de l'adoption de la MII en milieu rural.

L'aire d'étude privilégiée dans le cadre de cette investigation est la commune de Ouèdo, et ceci, pour plusieurs raisons. D'abord, elle couvre une zone rurale et comprend plusieurs villages. Ensuite, notre formation de base en agriculture (obtention du Diplôme d'Etude Agricole Tropicale en Production Végétale) nous a permis de nous familiariser avec le monde rural et de vivre certaines de ses réalités. Enfin, ce terrain est un lieu qui est proche de notre résidence et, de ce fait, il nous offre une certaine facilité dans les contacts pour la collecte des données empiriques.

1.3- Clarifications conceptuelles

* Représentation socioculturelle

L'expression présente une ressemblance avec celle de représentation collective utilisée par E. Durkheim. C'est en reprenant ce concept de Durkheim que Jean Maisonneuve le considère « comme un univers d'opinions dont la double vocation est de permettre un repérage dans l'environnement matériel et social et d'assurer une communication entre les membres de diverses communautés ». Cette explication peut être plus simplifiée. En fait, le concept de « représentation socioculturelle » désigne l'ensemble des idées, croyances et valeurs qui se rencontrent dans un groupe social partageant la même culture.

Nous dirons aussi que c'est un groupe de mots qui désigne l'ensemble des idées vérifiables scientifiquement ou non et qui justifie un comportement dans un groupe d'acteurs appartenant à une société et à une culture donnée.

* Milieu rural

Ce concept regroupe l'ensemble de la population, du territoire et des autres ressources des campagnes. Autrement dit, il désigne les zones situées en dehors des grands centres urbanisés.

Le terme « rural » s'oppose à « urbain », comme si les deux phénomènes sont distincts. Cette opposition est plus théorique, académique, rhétorique que réelle et relève de faits historiques conjoncturels. Cette opposition semble s'appuyer plus sur une conception spatiale, un découpage géographique que sur une vision analytique d'ensemble1(*).

Le milieu rural englobe les groupes sociaux qu'on appelle généralement paysans. Ceux-ci ont leur logique qui se trouve caractéristique de leur comportement propre à eux. En effet, la spécificité du milieu rural se situe dans une diversité d'attitudes, de traditions socioculturelles, de liens avec la nature et de caractéristiques économiques et environnementales dont l'origine est principalement basée sur l'agriculture et la sylviculture. Cette spécificité lui procure une attractivité et doit donc être préservée. Car de nos jours, le milieu rural est en voie de transformation et assure de plus en plus des fonctions de détente, de loisirs, de dépaysement et de vie alternative, notamment pour les habitants des grands centres urbains.

II- CADRE GEOGRAPHIQUE ET METHODOLOGIQUE

Au niveau de cette section, il sera question de faire la délimitation du terrain d'investigation par la présentation de l'arrondissement de Ouèdo et les limites thématiques du sujet que nous avons traité. L'approche méthodologique qui a été utilisée sera aussi présentée et, les difficultés auxquelles nous étions confronté seront exposées en dernière position.

2.1-Délimitation du champ d'investigation

Dans le souci de mieux situer ce travail, nous allons faire sous ce titre, en première partie, la présentation de notre terrain d'étude et dans une deuxième partie, les limites thématiques.

2.1.1-Présentation du terrain d'étude

L'aire d'étude choisie pour faire nos recherches dans le cadre de ce thème est l'arrondissement de Ouèdo dans la commune d'Abomey-calavi.

Limité à l'Est par l'arrondissement de Togba, à l'Ouest par l'arrondissement de Hêvié, au Nord par Glodjigbé et au Sud par Godomey, l'arrondissement de Ouèdo compte au total six villages. Il s'agit de Ouèdo centre, Adjagbo, Kpossidja, Dansèkomey, Allansankomey et Ahouato.

Les langues dominantes et qui sont parlées sur ce terrain sont le aïzogbé et le fongbé. D'après l'histoire de cette zone, les aïzo seraient les premiers à s'installer et seraient venus d'Adja Tado en transitant par Zogbodota qui serait l'actuel Zogbodomey. Par la suite les fon y viennent de Ouidah et environs. Il faut signaler que présentement, beaucoup viennent s'installer notamment au centre de Ouèdo compte-tenu de la crise de logement qui prévaut à Cotonou et Abomey-Calavi.

Du point de vue de la religion, c'est l'animisme qui est majoritairement pratiqué par les populations de Ouèdo à travers le culte vodun. On y trouve notamment le vodun hunvê, le thron et le attingali. Le christianisme est la seconde religion qui se rencontre dans ces groupes socioculturels qui comprennent aussi bien les catholiques que les chrétiens des autres sectes comme le christianisme céleste, le témoin de Jéhovah,...etc. Enfin, l'islam se pratique aussi dans cet arrondissement.

Sur le plan démographique1(*), l'arrondissement compte 1449 ménages avec une population totale de 7595 habitants dont 3645 hommes et 3950 femmes.

Les infrastructures socio-communautaires disponibles sont concentrées au niveau du centre. Il s'agit du centre de santé, de la caisse villageoise d'épargne et de crédit, d'un bureau de la caisse locale de crédit agricole mutuel, du Collège d'Enseignement Général "La Verdure", des écoles de base du centre qui compte deux groupes A et B, d'Adjagbo, de Dodja, et d'Alassankomey. L'arrondissement possède aussi un terrain de sport pour la distraction des jeunes. Par ailleurs, il existe au centre un marché qui s'anime tous les cinq jours.

Les activités économiques qui occupent les populations se résument essentiellement à l'agriculture dont les cultures dominantes sont le maïs et le manioc qui sont d'ailleurs la base de leur alimentation. On y rencontre également l'arachide, la patate douce, le haricot, le palmier à huile,...etc.

Dans le domaine de la prise en charge de la maladie, les acteurs sociaux de cette localité adoptent le plus souvent un itinéraire thérapeutique qui associe le guérisseur traditionnel et le soignant de la médecine moderne. Les soins à domicile sont fréquents et impliquent le recours à la phytothérapie populaire accompagnée de l'automédication. C'est d'ailleurs la première étape de cet itinéraire. Au cas où la satisfaction souhaitée ne serait pas obtenue c'est le tradi-praticien qui sera sollicité dans la plupart des complications. Le recours au centre de santé ne se fait qu'en dernier ressort pour bon nombre des habitants de Ouèdo.

2.1.2- Limites thématiques

Cette étude concerne la moustiquaire imprégnée d'insecticide. Elle se penchera sur les représentations sociales et culturelles que les acteurs sociaux du milieu rural de Ouèdo se font de ce moyen reconnu efficace dans la prévention du paludisme. Dans cette perspective, nous allons nous pencher sur les connaissances, attitudes et pratiques liées à la moustiquaire imprégnée d'insecticide au sein de cette population. Cette première partie nous aidera à déboucher sur les déterminants économiques, sociologiques et anthropologiques qui expliquent le rejet ou la non-utilisation de cet outil.

Il ne s'agira pas ici d'examiner les conditions d'utilisation correcte de la moustiquaire imprégnée d'insecticide dans les ménages. En termes clairs, cette étude ne porte pas sur les opinions relatives à la pose correcte ou à la réimprégnation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide.

2.2- Approche méthodologique

2.2.1-Recherche et critique documentaire

Une fois que l'objet de cette étude est devenu clair à notre niveau, nous avons entrepris la recherche documentaire associée aux entretiens avec des personnes ressources. Cette étape a couvert la période du 7 août au 04 septembre 2002. Elle nous a conduit dans des centres de documentation de la place et sur des sites Internet. Au centre de documentation de la FLASH, nous avons consulté certains mémoires qui, du point de vue méthodologique, donnent des orientations. Parallèlement, dans les bibliothèques de la FSS, de l'OMS, de PSI à Cotonou, nous avons eu à fouiller certains rapports sur les études menées dans le domaine au Bénin. Signalons que ce sont ces rapports qui nous ont permis de faire l'état de la question afin de situer l'originalité de notre sujet. Dans la bibliothèque de l'INFOSEC, nous avons eu l'opportunité d'exploiter des ouvrages anthropologiques généraux. Ces derniers nous ont permis de mieux cerner certains concepts sur lesquels repose cette étude. Aussi avions-nous utilisé des livres au centre de documentation du MEHU. Le site Internet www. rbm.who.int et le moteur de recherche, Google nous ont permis d'avoir accès à des données générales sur le paludisme produit par le centre de recherche pour le développement international en avril 1996. Ces informations nous ont aidé à peaufiner la partie généralité de notre document. Mais nous ne sommes pas arrêtés seulement aux consultations livresques et Internet. En effet, nous avons eu des entretiens exploratoires avec des personnes ressources pour recevoir des conseils et orientations. Dans le même ordre d'idée, nous avons eu des entretiens au Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) à Cotonou et à Population Service International (PSI) du Bénin. Certains de nos devanciers ont été également consultés dans le cadre de cette étude.

Toujours dans la perspective de disposer d'une base de données fiables sur notre thème, nous avons assisté aux premières journées scientifiques sur le paludisme qui ont eu lieu à l'IRSP de Ouidah du 29 au 31 octobre 2002. Les différentes recherches exploratoires ainsi décrites nous ont permis de mieux appréhender notre problématique et d'élaborer les outils d'investigations pour les entretiens de terrain. Ils ont porté sur un échantillon bien précis de la population.

2.2.2 -Echantillonnage

Dans l'optique de recueillir des éléments empiriques fiables sur le terrain, nous avons travaillé sur un échantillon de la population. Sa constitution a pris en compte des critères bien déterminés que ce soit pour le recueil des données quantitatives que qualitatives. Ces critères se présentent ainsi :

· la résidence : L'enquêté devait être un habitant de l'arrondissement de Ouèdo. En particulier, il devait être des villages de Ouèdo centre, de Kpossidja, de Dansèkomey et de Allansankomey pour recevoir le questionnaire destiné à la collecte des données quantitatives.

Par contre pour les données qualitatives, ce sont les villages de Adjagbo et de Ahouato.

· L'âge : Pour une certaine fiabilité des informations, les enquêtés devaient être d'un certain âge. Il fallait que les hommes questionnés aient au moins 18 ans. Les femmes, quant à elles, devaient avoir au moins 16 ans. Ces limites d'âge ne dépendent pas des statuts familiaux visés dans le cadre de cette étude

· La profession : Compte tenu de la localisation de cette étude en zone rurale, les personnes à interroger devaient être des paysans, notamment des agricultures, des artisans, des manoeuvres, des petits commerçants, des ménagères. Les fonctionnaires d'Etat et des Organisations Non Gouvernementales (ONG) n'étaient pas touchés.

· Taille : Dans le cadre de la recherche des données quantitatives, un échantillon de 168 personnes a été retenu et se répartit comme suit en fonction des statuts familiaux.

o Mères de famille : 67

o Pères de famille : 53

o Célibataires sans enfant : 48 (tous sexes confondus)

S'agissant des données qualitatives, un échantillon de 23 personnes a été retenu et se présente de la façon suivante :

Hommes : 10

Femmes : 13

Au total, l'étude a portée sur un échantillon de 191 personnes et nous a permis de faire les investigations de terrain.

2.2.3- Entretiens

Malgré la nature du sujet liée aux représentations, nous avons jugé bon d'associer à l'enquête qualitative qui relève de ce domaine une enquête quantitative. Cette dernière a sous-tendu l'enquête CAP (Connaissance Attitude et Pratique) sur la moustiquaire imprégnée en milieu rural. Cette étape était nécessaire pour que nous nous rendions mieux compte de ce qui fait obstacle à l'acceptation de la MII. Ces déterminants ont été ensuite approfondis par des enquêtes qualitatives. Et les entretiens sur le terrain ont eu lieu en deux phases et ont couvert au total 72 jours dans la période allant du 08 septembre 2002 au 02 janvier 2003.

1ère phase : Déroulement d'un questionnaire à l'adresse d'un groupe cible composé de pères, de mères de famille et de célibataires sans enfant dans les quatre villages qui sont Ouédo centre, Kpossidja, Dansèkomey et Allansankomey. Il convient de signaler que mis à part quelques rares instruits qui ont pu remplir le questionnaire eux-mêmes après notre introduction, il revenait à nous-même de le faire après avoir transcrit, les questions en langue locale de ce groupe ethnique.

Au total, 168 personnes ont été interrogées à cette phase d'entretien individuel.

2ème phase : Elle a été consacrée à une étude approfondie à l'aide d'un guide d'entretien destiné à collecter les mentalités, opinions et autres déterminants explicatifs du faible taux d'utilisation de la MII. C'est à ce niveau qui nous avons pu dégager les représentations liées à la MII et son utilisation. La technique de recherche que nous avons empruntée est le focus group.

Trois (03) focus ont été réalisés et se répartissent comme suit :

- A Adjagbo, deux (02) focus ont été faits avec des effectifs respectifs de sept (07) et huit (08) personnes ;

- A Ahouato, un (01) focus group fut tenu avec un effectif de huit (08) personnes.

En somme, vingt-trois (23) personnes ont été touchées dans le cadre de ces entretiens de groupe.

2.2.4 -Dépouillement, mise en forme et traitement des données

Les enquêtes sur le terrain donnaient quotidiennement des résultats dont les transcriptions se faisaient au fur et à mesure que la collecte des données évolue. Dès la fin de chaque étape d'entretien, des corrections se faisaient après la lecture et la confrontation des informations. Cette opération nous permettait de faire la description des données recueillies par groupe cible et par sous-thème.

Enfin, le croisement de ces données nous a aidé à aboutir à la synthèse des résultats qui a permis d'apprécier celles-ci par rapport à nos hypothèses et objectifs de départ. Nous avons alors pu concevoir et meubler les différents titres et sous titres de ce travail et déboucher sur des analyses par endroits dans les textes. Au terme de cette recherche, nous ne saurons dire que nous avons effectué le travail sans difficulté.

2.3- Difficultés

La période de déroulement des enquêtes de terrain qui coïncidait avec la campagne des élections communales a été un obstacle pour notre travail. En effet, certaines personnes déçues par les discours et promesses électoralistes, nous ont pris pour un politicien et par conséquent ont refusé de se prêter à notre questionnaire. D'autres ont accepté d'avoir l'entretien avec nous mais exigeaient avant toute réponse une gratification pécuniaire ou matérielle. Dans cette situation, nous étions obligé de présenter aux acteurs notre carte d'étudiant avec tous les documents justifiant de notre statut d'étudiant en fin de maîtrise.

Il est à noter l'indisponibilité des mémoires récents au centre de documentation de la FLASH et l'accès très difficile à ce dernier qui nous a beaucoup retardé. Il faut aussi souligner que le manque de moyens adéquats comme l'enregistreur ne nous a pas permis de prendre la totalité des discours, ce qui aurait pu mieux enrichir ce travail. C'est grâce à une habilité soutenue que nous avons pu noter l'essentiel. Notre ténacité nous a permis de surmonter ces divers obstacles.

III - GENERALITES SUR LE PALUDISME ET LA MOUSTIQUAIRE IMPREGNEE D'INSECTICIDE

Nous ne pouvons traiter de la MII sans aborder au préalable le paludisme. C'est pour cette raison que, la première section de cette partie du document sera réservée pour la restitution de quelques données générales sur l'endémie palustre à travers sa description et quelques statistiques qui rendent compte de son ampleur. Le second point à aborder portera sur la MII où elle sera présentée sur quelques aspects après l'historique de son utilisation.

3.1- Le paludisme : quelques données générales

3.1.1- Description de la pathologie du paludisme

Le paludisme est une maladie caractérisée par des accès de fièvre périodiques s'accompagnant de courbatures, de frissons et de sueurs. Il est causé par un minuscule parasite, du genre Plasmodium, transmis par un moustique femelle du genre Anophèles qui a besoin de sang pour se reproduire. Ainsi, presque tous les vertébrés peuvent être infectés par le Plasmodium. Mais, les différentes espèces animales ne peuvent être infectées que par certaines espèces spécifiques du germe. En effet, l'être humain est infecté par quatre espèces de parasites. Il s'agit de Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale et Plasmodium malaria. Le premier peut occasionner des complications les plus graves s'attaquant même au cerveau. Cette forme de paludisme est la plus redoutable et peut entraîner la mort.

Le moustique de l'espèce Anophèles gambiae choisit de petites mares d'eau ensoleillées pour pondre ses oeufs. La forêt vierge ne comporte que peu de gîtes de pontes et donc peu de moustiques vecteurs du paludisme. La transformation des forêts tropicales en terres cultivées et la proximité des humains, hôtes potentiels du parasite fournissent aux moustiques les conditions favorables à leur multiplication.

La transmission du paludisme aux humains est faite par un moustique femelle infecté, les seringues souillées et les transfusions de sang infecté. Seuls les moustiques anophèles transmettent le paludisme aux humaines. Le parasite se loge dans les glandes salivaires du moustique qui l'injecte avec sa salive en piquant l'hôte. L'anophèle ne pique que le soir. Une fois transmis à l'hôte, le parasite subit certaines transformations. En suivant les vaisseaux, il gagne le foie où il envahit les cellules hépatiques et se multiplie. Ce faisant, les parasites forment dans le foie un schizonte, ou corps bleu, qui éclate, gagne les vaisseaux sanguins, s'attaquent aux globules rouges et les détruit à la faveur d'une autre transformation ; de nouveaux globules sont alors envahis.

Les différentes étapes du développement du parasite occasionnent des accès de fièvre caractéristiques chez le sujet infecté, accès qui correspond au moment où il y a éclatement et invasion de nouveaux globules rouges. Notons que les accès de fièvre varient selon les espèces de parasites. Quarante-huit heures peuvent s'écouler entre les accès de fièvre dans le cas du Plasmodium falciparum, et ces accès reviennent jusqu'à ce que l'immunité naturelle ou acquise, ou un traitement antipaludique ou la mort viennent y mettre fin.

Lorsque le moustique pique une personne infectée, le parasite pénètre dans le moustique avec le sang et subit toutes sortes de transformations complexes pendant une période de 14 à 21 jours avant d'être prêt à réinfecter une autre personne. Il a alors gagné les glandes salivaires du moustique. Le cycle est ainsi bouclé. Les accès répétés de fièvre paludique chez les jeunes enfants réduisent leur immunité et nuisent à leur alimentation en augmentant ainsi leur vulnérabilité aux autres maladies et les risques de mortalité. Les femmes durant leur grossesse sont particulièrement vulnérables à cause des

modifications qui se produisent dans leur système immunitaire. Le paludisme peut entraîner une anémie et par conséquent, accroître leur vulnérabilité à

d'autres maladies. Les statistiques sur cette maladie témoignent de l'ampleur de cette endémie en Afrique et dans le monde entier.

3.1.2- Quelques données statistiques sur le paludisme

Dans les pays en développement, le paludisme est l'une des maladies qui causent le plus de décès. Selon l'OMS, le nombre de cas dénombré chaque année est estimé entre 300 à 500 millions. Il cause la mort de 1,5 à 2,7 millions de personnes par an. Les enfants de un à quatre ans sont plus exposés à la contracter et d'en mourir. Environ 50 % des décès chez les enfants de moins de cinq ans en Afrique sont causés par le paludisme. Il tue plus d'un million d'enfants chaque année soit 2800 enfants par jour sur ce continent seulement. Dans les zones où la transmission est élevée, 40 % des nourrissons peuvent mourir des formes graves.

Près de deux milliards d'individus vivant dans 90 pays sont à risque. Entre 80 et 90 % des décès attribuables au paludisme surviennent en Afrique subsaharienne. Il faut remarquer que c'est la région où le taux d'infection est le plus élevé. En effet, on y enregistre la mort d'au moins un million de personnes chaque année. D'autres estimations nous informent que dans cette zone, 275 millions de personnes sont porteuses du parasite mais, ne présentent pas nécessairement de symptômes.

Le Plasmodium falciparum est l'espèce la plus répandue. Elle est mortelle. La preuve est qu'elle est à la base de 95 % des décès causés par le paludisme dans le monde. Son taux de mortalité est de 1 à 3 %. Le paludisme se répand maintenant dans les zones où cette maladie était absente. En effet, au début des années 1960, seulement 10 % de la population mondiale risquaient de

contracter le paludisme. Actuellement, en raison de la résistance des moustiques aux pesticides et des parasites aux médicaments, ce pourcentage a atteint 40 %. Parallèlement, l'impact économique ne cesse de s'alourdir. Nous citerons l'exemple de l'Afrique où les coûts directs et indirects du paludisme s'élevaient seulement 800 millions de dollars US en 1987. On estimait qu'ils atteindraient en 1995, le chiffre de 1,8 milliard de dollars US par an.

Au regard de ce qui précède, la situation du paludisme n'a fait qu'empirer dans le monde et particulièrement en Afrique au cours des dernières années. Plusieurs facteurs sociaux et environnementaux ont permis à un nombre grandissant de personnes d'être en contact avec le moustique. Par ailleurs, l'utilisation répandue des médicaments telle que la chloroquine a entraîné l'apparition de souches résistantes du Plasmodium falciparum. De plus, les moustiques résistent davantage aux insecticides chimiques. La moustiquaire imprégnée d'insecticide apparaît alors comme le moyen le plus efficace pour atténuer la charge de paludisme.

3.2- Présentation de la moustiquaire imprégnée

3.2.1- Historique de l'utilisation des moustiquaires imprégnées d'insecticides

Les moustiquaires imprégnées d'insecticides s'utilisaient depuis longtemps pour prévenir les maladies à transmission vectorielle. En effet, les forces armées soviétiques, allemandes et américaines, au cours de la deuxième guerre mondiale, ont utilisé des moustiquaires et vêtements imprégnés d'insecticide dans le dessein de se protéger contre le paludisme et la leishmaniose.

L'efficacité de ce outil a permis de relancer à la fin des années 70, des recherches qui ont révélé le rôle prépondérant des insecticides dans la lutte contre les moustiques et qui sont moins toxiques sur les mammifères. Des dosages optimaux pour diverses combinaisons de moustiquaires et d'insecticides ont été mis au point. Ainsi, la disponibilité de moustiquaires imprégnées d'insecticides était une réalité dans la médecine moderne vers les années 80.

C'est également au début de ces années que l'OMS a commencé par s'intéresser aux moustiquaires. Il est à noter qu'une impulsion spéciale a été donnée pour la première fois à l'utilisation des moustiquaires imprégnées d'insecticides avec la conférence ministérielle sur le paludisme à Amsterdam en 1992. Au cours de cette réunion consacrée à la définition des quatre stratégies mondiales de lutte antipaludique l'accent a été mis entre autre sur la mis en oeuvre de mesures de prévention sélectives et durables y compris a lutte anti-vectorielle. Ensuite, la volonté politique de lutter contre le paludisme a été réaffirmée avec le Sommet Africain des chefs d'Etat sur l'initiative « faire reculer le paludisme » (Roll Back Malaria RBM) en avril 2000 à Abuja, au Nigeria. Les gouvernements intéressés ont accepté de mettre en oeuvre la stratégie mondiale de lutte contre le paludisme, conçue à Amsterdam (1992). C'est alors que l'exécution de la composante lutte anti-vectorielle comprenant l'utilisation sélective de méthodes basées sur la protection personnelle qui implique l'usage des moustiquaires imprégnées d'insecticides est rentrée dans sa phase active. En effet, l'UNICEF, partenaire de RBM a mis en place au niveau des pays des systèmes d'appui basés sur les moustiquaires imprégnées. C'est alors qu'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé est né dans la plupart des pays africains pour développer une véritable culture de la moustiquaire imprégnée. A l'heure actuelle, les moustiquaires imprégnées sont vendues et distribuées par l'intermédiaire du secteur public (gouvernements) et du secteur privé (organisations non gouvernementales, associations et autres). Au Bénin les moustiquaires imprégnées d'insecticides sont intégrées à la stratégie de lutte contre le paludisme et aux programmes des soins de santé primaire. Elle est distribuée notamment par l'ONG PSI, les Centres de Santé, les pharmacies, les commerçants, etc à travers toute l'étendue du territoire national et se présente en matériels plus élaborés.

3.2.2- Matériels utilisés

3.2.2.1- Tissus

Divers types de tissus sont utilisés dans la fabrication des moustiquaires. Les plus courants sont : le coton, le nylon, le polyester, le polyéthylène, le polypropylène, et les mélanges de coton et de fibres synthétiques. Ces tissus sont soit tricotés, soit tissés pour fabriquer le filet qui sert à faire des moustiquaires. Il est à signaler que les qualités d'aptitude à l'imprégnation et à l'emploi de la moustiquaire dépendent de la nature du tissu ayant servi à la confession. Les moustiquaires en polyester et en nylon sont légères et souples. Elles peuvent donc être bien essorées après le trempage. Si ceci permet d'éviter le gaspillage de l'émulsion lorsqu'on les fait sécher par contre avec le coton le cas est différent, car même si le tissu a été fortement essoré, la solution d'insecticide coule. Il faut remarquer aussi que les moustiquaires en polyéthylène et celles en polypropylène qui ont des fibres épaisses et raides sont difficiles à essorer.

D'une manière générale, la préférence est donnée aux tissus synthétiques multifilaments comme le nylon et le polyester. Ils sont plus faciles à imprégner, absorbent moins d'insecticide et sont plus durables tout en offrant une meilleure aération aux utilisateurs.

3.2.2.2- Modèles de moustiquaires

Divers modèles de moustiquaires sont disponibles. Les formes assez répandues sont le modèle rectangulaire et le modèle conique.

3.2.2.2.1- La moustiquaire rectangulaire

Elle peut être accrochée au lit grâce à des ficelles ou des cadres. Elle est plus spacieuse et offre plus de chance pour que le dormeur ne la touche surtout

quand ils sont plusieurs à l'intérieur. Les moustiquaires rectangulaires sont plus rencontrées que les autres formes.

3.2.2.2.2- La moustiquaire conique

La moustiquaire de forme conique est plus facile à suspendre et à replier. Elle semble plus adaptée et est utile dans les petites pièces où les lits peuvent servir de sièges ou de tables dans la journée.

Il convient de signaler qu'à l'intention des voyageurs, des moustiquaires coniques de marques Spider, Traker en forme de pyramide et solo en forme de coin sont disponibles.

3.2.2.3- Couleur

  Les moustiquaires couramment rencontrées sont de couleur rose, verte, bleue et blanche. Les gens ont une préférence pour les moustiquaires blanches le plus souvent même si elles sont plus salissantes que celles qui sont colorées.

3.2.2.4- Insecticides

Les insecticides utilisés pour l'imprégnation doivent répondre aux spécifications de l'OMS. En outre, ils doivent être enregistrés et acceptés par le pays. Le choix d'un type d'insecticide dépend de la sensibilité du vecteur, de l'efficacité, de la disponibilité, du coût et des ressources.

S'agissant des types de produits, nous pouvons retenir que ceux qui conviennent le mieux au traitement des moustiquaires sont les pyréthrinoïdes synthétiques et le pseudi-pyréthrinoïde etofenprox. Ils présentent l'avantage d'être facilement absorbables par les tissus et ont une action rapide. Nous pouvons citer les exemples suivants : permétrine, deltamethrine, lambdacyhabothrine, etofenprox ... etc.

Deuxième partie

PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

Introduction

Les représentations sociales des uns et des autres dans un groupe sont des données de base pour comprendre les stratégies de chacun. De la même manière, pour appréhender les représentations liées à la MII, il serait judicieux de chercher à voir d'abord celles liées au paludisme. Dans ce souci, la première section de cette partie va rendre compte des représentations liées au paludisme à travers ses causes et ses méthodes de lutte selon les villageois. Les sections suivantes montreront les résultats, sous forme de tableaux, sur les connaissances, attitudes et pratiques liées à la MII dans l'arrondissement de Ouèdo avec des analyses à chaque niveau. Enfin, il sera abordé les raisons de la non adoption de la MII au village avant la formulation des perspectives.

I - APERCU SUR LES REPRESENTATIONS LIEES AU PALUDISME ET SA PRISE EN CHARGE

1.1- Les causes de la maladie

Le paludisme est une maladie qui à plusieurs déterminants selon les paysans. La cause la plus évoquée est le « fait de travailler au soleil » ( 90 % des personnes interrogées). Ensuite, 60 % estiment que le paludisme est dû aux piqûres des moustiques. La consommation excessive d'huile est aussi évoquée par 30 % des enquêtés. Enfin, 10 % seulement rattachent le paludisme aux procédés occultes comme l'envoûtement et la sorcellerie.

De l'étude de ces résultats, il ressort que le paludisme ou « hwéssivozon » en langue locale "fongbé", ce qui est traduit littéralement « maladie du soleil », trouve ses causes dans l'exposition de l'individu au soleil, selon la compréhension des populations rurales de notre aire d'étude. En majorité, producteurs agricoles, ces habitants estiment que la maladie est liée à leurs

conditions de vie et de travail et au climat tropical sous lequel ils vivent. Il n'est pas à exclure que cette compréhension des origines de la maladie par les paysans soit déterminée par leur niveau d'instruction très bas. Cependant, une proportion non négligeable a trouvé que le paludisme est causé par les moustiques. C'est là la vraie cause de la maladie. Mais, aux moustiques sont associées diverses représentations. En effet, dans l'entendement des paysans, « ces insectes sont à craindre sur trois plans : ils perturbent la tranquillité des gens par leurs nuisances physiques ; ils sont responsables des accès palustres qui rendent malades les hommes ou les tuent à la longue ; certains d'entre eux seraient capables, par leurs piqûres de tuer directement l'homme : en effet, les croyances populaires distinguent les moustiques naturels des moustiques issus de la métamorphose de sorciers ou de sorcières » 1(*). Ce qui est à noter, c'est qu'en même temps, ces personnes évoquent encore d'autres causes comme l'envoûtement, l'excès d'effort physique ou l'exposition au soleil. En termes clairs, le paludisme, dans les mentalités paysannes, n'est pas uniquement dû aux moustiques. D'autres facteurs culturels et sociologiques sont reliés à l'origine de ce mal. On comprend alors que dans le milieu rural, à la maladie, il est attribué d'autres origines que celles pathologiques. En effet, outre les origines occultes, l'hygiène alimentaire et corporelle sont aussi indexées. Les paysans parlent également d'un manque de soins et de médicaments à portée de main dans leur milieu de vie.

En résumé, le paludisme, tel que perçu par les paysans, a une étiologie beaucoup plus large que celle que lui confèrent les connaissances de la médecine moderne. Il lui est associé des déterminants climatiques, nutritionnels, hygiéniques et occultes. Il est donc clair que la maladie, dans les communautés rurales, est comprise sur plusieurs plans. En conséquence, les paysans adoptent diverses pratiques pour la prévention et la lutte contre cette affection.

1.2- La lutte contre le paludisme au village

Il sera abordé à ce niveau, les moyens de prévention du paludisme et les méthodes ou moyens de lutte contre les moustiques en milieu rural.

1.2.1- Prévention du paludisme

La grande partie soit 93 % des enquêtés ont répondu qu'il existe des moyens pour se protéger contre le paludisme. Les mesures de prévention utilisées à la campagne et avouées par les personnes qui ont répondu à notre questionnaire, portent essentiellement sur l'exploitation des savoirs locaux en matière de médecine par les plantes. Il faut commencer par prendre quotidiennement (matin, midi et soir) les tisanes de feuilles ou racines. Il s'agit, des tisanes pour faciliter l'élimination des urines ou « adomasin » et celles favorisant l'élimination des vers ou « vonmassin ». Pour certains, il faudrait prendre des mesures d'hygiène corporelle et alimentaire tandis que pour d'autres, il faut éviter de s'exposer au soleil pour travailler. Quelques-uns seulement ont évoqué dans leur discours qu'il faut éviter de se faire piquer par les moustiques. Enfin, certains estiment que pour se donner des soins préventifs, il faut associer à la tisane, des comprimés de nivaquine, paracétamol et du fer ou aller simplement à la consultation à l'hôpital. Certains sages et dignitaires ont déclaré que le paludisme est normal pour l'homme. Ils avouent que c'est une maladie indispensable pour « changer l'année ». Par conséquent, il est inutile de chercher à le prévenir au risque d'attirer sur soi d'autres malheurs au cours de l'année.

De l'examen de ces discours, il se dégage que c'est la perception des causes d'une maladie qui détermine sa prévention ou sa prise en charge. Ainsi, « la médecine traditionnelle considère que certaines maladies peuvent être simplement prévenues par l'hygiène comme par exemple le fait de nettoyer les alentours de sa demeure chaque matin. Mais en plus des sacrifices réguliers sont faits comme mesures préventives contre la colère des dieux, qui d'après la croyance provoquent des épidémies périodiques... »1(*). Les paysans ignorant en grande partie les vraies raisons de contraction du paludisme, méconnaissent aussi les méthodes appropriées et recommandées pour le prévenir. En témoigne que personne parmi nos enquêtés n'a évoqué l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide par exemple dans la prévention du paludisme. Ce qui nous amènera à nous intéresser à leurs méthodes de lutte contre les moustiques.

1.2.2- Méthodes de lutte contre les moustiques en milieu rural

Il importe, avant d'aborder le vif de cette partie, de faire un rapide survol des données favorables à la reproduction des moustiques en campagne. En effet, les petits points et plans d'eau sont beaucoup plus propices à la reproduction des moustiques. Citons l'exemple des puits, jarres et citernes qui sont des réservoirs à petite échelle de moustiques. Les forêts sauvages réservées aux couvents et les lavabos traditionnels sont également des nids de ces insectes nuisibles. Les récipients hors d'usage, les vieux tessons, les coquilles d'escargot, les empreintes de pas laissées sur un sol mouillé retiennent l'eau et créent des conditions favorables pour les moustiques. Il y a aussi les canaris de décoctions qui séjournent pendant plusieurs mois et qui servent au bain mais qui constituent des gîtes aux moustiques.

En réalité, les moustiques, sont des insectes qui sévissent beaucoup plus durant la période des pluies en campagne. La plupart des personnes interrogées affirment détenir des moyens pour se protéger contre les moustiques. Les méthodes sont variées et vont du naturel à l'artificiel en passant par le religieux.

1.2.2.1 - Méthodes naturelles

Durant la saison humide, les paysans font usage des moyens naturels qui les entourent pour lutter contre les moustiques. Il s'agit de la fumée et de l'habitation.

* La fumée : Elle s'obtient en brûlant les feuilles (comme celles du neem, du citronnier, de la citronnelle) et l'inflorescence mâle du palmier au sein de la concession ou dans la chambre. C'est la méthode la plus utilisée car citée parle la majorité de nos enquêtés. Ils en font usage surtout en période d'abondance des moustiques et ceci chaque soir avant d'aller se coucher.

* L'habitation : Ici, on opte pour la construction des cases rondes en terre de barre et couvertes de pailles et non de tôles. Selon certains enquêtés, si vous ne laissez pas la porte ouverte, les moustiques ne pénètrent pas dans ces types de cases. En outre, ces constructions conservent mieux la fumée de la cuisine qui, en même temps, aide à empêcher l'intrusion des moustiques.

1.2.2.2- Méthodes religieuses

Pour mieux rendre compte de la pertinence de cette méthode, il faut que nous parlions du mythe d'origine des moustiques selon les populations de cette aire socioculturelle aïzo. D'après les hommes de cette localité, les moustiques sont une donnée naturelle de leur environnement. Ils estiment cependant qu'ils ont été confiés à la nature par la divinité qui porte le nom « Mu » par lequel le moustique est désigné dans le aïzogbé. Pour les dignitaires et sages, « mu » c'est-à-dire « moustique » est la mouche de « Mu » qui est une divinité mâle sise dans une forêt sacrée. S'il n'existe que quelques moustiques, les acteurs sociaux n'y voient pas d'inconvénients. Mais, leur pullulation saisonnière considérée comme une anomalie et une sorte de mauvaise augure est perçue comme un

châtiment de la divinité Mu qui serait mécontent à la suite d'un sacrilège ou de l'oubli dont elle a été l'objet de la part des habitants.

Ainsi, lorsque les moustiques envahissent la zone, le roi en présence de ses dignitaires fait consulter l'oracle "fa" par le meilleur devin de son royaume. Le plus souvent, le prêtre en chef de la divinité Mu est toujours présent lors de la séance de consultation au palais. Au cas où c'est « Mu » qui est à la base de cette sortie massive des moustiques, le roi demande au prêtre de procéder à des offrandes expiatoires et propiatoires à la divinité dont il est le serviteur pour apaiser son mécontentement. Tous les habitants du village apportent leur contribution en espèce ou en nature pour la constitution des ingrédients nécessaires pour les sacrifices. Cependant, lorsque les habitants considèrent que les moustiques ne proviennent pas d'une divinité, ils ont recours à des méthodes artificielles recommandées par la science.

1.2.2.3- Méthodes artificielles

Comme méthodes dites artificielles nous avons l'utilisation des serpentins et des bombes. Compte tenu de la cherté et de la disponibilité de ces produits, les paysans affirment qu'ils les utilisent par moments et quand ils disposent de moyens financiers. Par ailleurs, quelques rares enquêtés soit environ 5 % ont déclaré qu'ils utilisent la moustiquaire simple pour empêcher les moustiques de les piquer. Au vu de ces résultats par rapport au moyen de lutte contre les moustiques, une remarque s'impose : la moustiquaire et particulièrement celle imprégnée n'est pas encore perçue comme le moyen le plus efficace et le moins coûteux dans la lutte contre les moustiques. Dans la culture des communautés paysannes, des moyens existent certes pour chasser les moustiques. Le paysan a toujours tendance à trouver les solutions à ses problèmes dans son environnement immédiat. Cette assertion illustre bien leur comportement lié à la lutte contre les moustiques et par ricochet la prise en charge du paludisme. Cependant, la politique sanitaire du Bénin a défini diverses stratégies préventives pour le paludisme. L'une d'entre elles porte sur la promotion de l'utilisation de moustiquaire imprégnée. Celle-ci est-elle soutenue par une politique de vulgarisation en milieu rural pour permettre de prendre connaissance de cet instrument ?

II - CONNAISSANCES LIEES A LA MOUSTIQUAIRE IMPREGNEE D'INSECTICIDE

Dans l'appréciation des représentations socioculturelles liées à l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide en zones rurales, il importe d'explorer le degré de connaissance des acteurs liées à cet outil. Dans le cas spécifique de l'arrondissement de Ouèdo, le degré de connaissance de la moustiquaire imprégnée d'insecticide est abordé dans le tableau récapitulatif ci-dessous issu de nos entretiens de terrain. L'analyse de ce tableau se fera en deux phases.

Tableau 1 : Répartition des enquêtés selon leur statut familial en fonction de leur connaissance de la MII

Statut familial

Connaissance

Mère

Père

Célibataire sans enfant

Total

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%


· A entendu parler au moins 1 fois de la MII

Oui

Non

64

03

95,52

04,48

51

02

96,23

03,77

46

02

95,83

04,17

161

07

95,83

04,17


· A vu au moins 1 fois la MII

Oui

Non

5

62

07,46

92,54

07

46

13,21

86,79

12

36

25,00

75,00

24

144

14,29

85,71


· Connaît un point de vente de la MII

Oui

Non

04

63

05,97

94,03

05

48

09,43

90,57

10

38

20,83

79,17

19

149

11 ,31

88,69


· Connaît le prix de vente actuel de la MII

Oui

Non

02

65

02,99

97 ,01

04

49

07,55

92,45

06

42

12,50

87,50

12

156

07,14

92,86


· Connaît au moins une raison correcte d'utilisation de la MII

Oui

Non

64

03

95,52

04,48

51

02

96,23

03,77

46

02

95,83

4,17

161

07

95,83

4,17

Source : enquête de terrain

2.1- Connaissance de la moustiquaire imprégnée

De ce tableau, il ressort que 95,83 % des personnes enquêtées ont entendu parler au moins une fois de la moustiquaire imprégnée. Cette proportion ne montre pas une grande variation en fonction de la situation familiale des acteurs ruraux. La radio est leur principale source d'information et cela témoigne que les messages publicitaires lancés sur les ondes radiophoniques par les structures chargées de la promotion de la moustiquaire imprégnée d'insecticide parviennent aux populations. Certaines mères ont affirmé l'avoir appris à la maternité lors des séances de sensibilisation. Seulement 4,17 % des enquêtés ont affirmé n'avoir jamais entendu parlé de ce moyen efficace préconisé par la bio médecine dans la prévention du paludisme. Mais seulement 14,29 % des personnes interrogées ont déclaré avoir vu au moins une fois la moustiquaire imprégnée d'insecticide. En examinant de près les résultats selon la situation familiale, on remarque que 7,46 % de mères ont vu une fois la moustiquaire imprégnée d'insecticide contre respectivement 13,21 % chez les pères et 25 % les célibataires. Ceux-ci désignent majoritairement la ville comme le lieu où ils l'ont vu. C'est la mobilité des jeunes et des pères de famille qui expliquent l'écart entre ces proportions ci-dessus notées. Ceci est d'ailleurs justifié par le fait que dans le foyer rural, la femme est appelée à rester à la maison. L'épanouissement de la femme rurale pose toujours problème et risque de porter atteinte à la santé de toute la famille.

2.2- Connaissance du circuit d'approvisionnement de la moustiquaire imprégnée d'insecticide

Le même constat se poursuit par rapport à la connaissance d'un point de vente de la moustiquaire imprégnée d'insecticide. D'une manière globale, seuls

11,31 % ont répondu par l'affirmative à la question qui leur est posée dans ce sens. Mais en réalité, c'est un résultat de 5,97 % qui est noté chez les mères contre 09,43 % et 20,83 % respectivement chez les pères et les célibataires. Il faut signaler que le point de vente se situe selon certain au centre de l'arrondissement à Ouèdo. Pour bon nombre d'entre eux, c'est en ville, à Abomey-Calavi , Cotonou, au marché Dantokpa et dans le pharmacies. Ce sont les acteurs fréquentant les grands centres urbains qui arrivent à donner ces réponses.

En ce qui concerne la question sur la connaissance du prix actuel de cession de la moustiquaire imprégnée d'insecticide, seulement 07,14 % ont répondu oui. Un examen de ces résultats en détail, montre qu'environ 3 % des femmes connaissent le prix contre 7,55 % des pères et 12,5 % des célibataires.

2.3 - Connaissance de l'utilité de la moustiquaire imprégnée d'insecticide

Contre toute attente logique, 95,52 % des mères contre 96,23 % des pères et 95,83 % des célibataires ont évoqué au moins une raison correcte d'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide. Ceci est paradoxal et s'explique par le fait que la désignation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide en fon indique ne serait-ce que partiellement l'utilité de celle-ci. En outre, la moustiquaire simple était connue et utilisée par quelques-uns aux villages. Dès lors, il serait alors évident que les acteurs ruraux citent au moins une raison correcte d'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide. De plus, les messages publicitaires à la radio les renseignent aussi sur les avantages que procure la moustiquaire imprégnée d'insecticide.

On peut simplement retenir que dans l'arrondissement de Ouèdo, les paysans, grâce à la radio, à la transmission des informations de bouches à oreilles et aux sensibilisations des agents de santé sont informés de l'existence de la moustiquaire imprégnée d'insecticide et de son utilité. Cependant, ils sont nombreux à ne jamais l'avoir vu et par conséquent ignorent les points de vente ou son prix actuel de cession. Ceux qui font exception sont en majorité des habitués des centres urbains où la télévision existe et les activités de promotion de l'utilisation de la moustiquaire imprégnée sont plus intenses. Le marketing social pour la promotion de la moustiquaire imprégnée est jusqu'à présent resté loin des centres ruraux. De ce fait, on ne saurait dire que la moustiquaire imprégnée d'insecticide est bien connue en milieu rural dans notre pays. Dans cette situation, l'attitude du paysan va refléter très peu une prise de conscience sur le rôle qu'à la moustiquaire imprégnée d'insecticide dans la prévention contre le paludisme.

III - OPINIONS SUR L'UTILISATION DE LA MOUSTIQUAIRE IMPREGNEE D'INSECTICIDE

Les opinions sur l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide sont présentées dans le tableau 2. Il comporte quatre niveaux dont les analyses se feront de manière séparée. Nous ferons une synthèse de ceux-ci avant d'aborder le chapitre suivant.

Tableau 2 : Répartition des enquêtés selon leur statut familial en fonction de leur attitude vis-à-vis de la MII.

Statut familial

Attitudes

Mère

Père

Célibataire sans enfant

Total

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

L'utilisation de la MII est perçue comme :

- moyen de prévention du paludisme

- facteur d'intoxication

- moyen d'exhibition de la richesse

- signe d'homme civilisé

- contraire aux us et coutumes locales

48

36

06

09

-

71,64

53,73

08,96

13,43

-

34

31

07

06

-

64,15

58,49

13,21

11,32

-

35

19

04

10

-

72,92

39,58

08,33

20,83

-

117

86

17

25

-

69,64

51,19

10,12

14,88

-

Attitude personnelle

- favorable

- défavorable

26

41

38,81

61,19

21

32

39,62

60,38

18

30

37,50

62,50

65

103

38,69

61,31

Qualificatifs défavorables à la MII

- elle n'est pas efficace

- elle gêne la respiration

- elle est source de chaleur

- elle se présente comme un cercueil

13

32

46

17

19,40

47,76

68,66

25,37

09

28

29

08

16,98

52,83

54,72

15,09

07

20

21

03

14,58

41,67

43,75

06,25

29

80

96

28

17,26

47,62

57,14

16,67

Qualificatifs attribués aux campagnes de sensibilisations

- Educatrice des populations

- Publicitaire pour les structures et ONG vendeuses

58

18

86,56

26,87

40

15

75,47

28,30

37

10

77,08

20,83

135

43

80,36

25,60

Source : Enquête de terrain

3.1- Perceptions liées à l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide

L'usage de la moustiquaire imprégnée d'insecticide est généralement perçue comme un moyen de prévention contre le paludisme. Les données d'enquête recueillies sur l'aire d'étude de l'arrondissement de Ouèdo révèlent que 69,64 % des répondants reconnaissent la moustiquaire imprégnée d'insecticide comme tel. La disparité entre les mères et les célibataires est très faible (71,64 % pour les premières et 72,92 % chez les seconds). Par contre celle-ci est plus grande entre ces deux groupes et celui des pères où l'on obtient 64,14 %.

Plus de la moitié des personnes enquêtées soit 51,19 % se représentent la moustiquaire imprégnée d'insecticide comme un facteur d'intoxication surtout pour les enfants. Les proportions en détail donnent 58,49 % des pères suivi des mères à 53,73 % ; viennent très loin derrière les célibataires à 39,58 %. Ces derniers marquent une différence significative par rapport aux premiers parce que dans leur groupe, il y a beaucoup plus d'instruits d'une part, et d'autre part, la mobilité qui est observée dans ce groupe leur confère une certaine ouverture d'esprit qui explique plus ce pas qu'il prend sur les autres restés en milieu rural.

L'emploi de la moustiquaire imprégnée d'insecticide serait un moyen d'exhibition de la richesse en milieu rural. Celui qui possède une moustiquaire imprégnée d'insecticide est considéré comme une personne nantie de moyens financiers au regard de l'investissement à faire avant de s'en procurer. C'est 10,12 % de nos enquêtes qui ont cette représentation de l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide. Les pères viennent en tête avec 13,21 % suivi des mères avec 8,96 % et enfin, on note les célibataires à 8,33 %.

* 1 Note tiré du cours intitulé « Logiques de développement en milieu rural », dispensé par Monsieur Christian AGOSSOU en troisième année de sociologie à l'UNB, année universitaire 2000-2001.

* 1 selon les résultats du RGPH de 1992.

* 1 A. Félix IROKO, Une histoire des hommes et des moustiques en Afrique, p 69. Ce texte est utilisé pour bien rendre compte des représentations que les communautés paysannes se font des moustiques et de leurs méfaits.

* 1 Abayomi, Sofowora, Plantes médicinales et médecine traditionnelle d'Afrique, p 82

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille