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La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

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par Arnaud Silvère Yansounou
Faculté de droit de La Rochelle - Master II Recherche Droit Privé 2005
  

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INTRODUCTION

Le droit du crédit est celui de la confiance1(*). Il a pour objet les institutions qui permettent au créancier de faire confiance au débiteur, parce qu'elles lui donnent l'assurance qu'il sera payé à l'échéance. Mais le fournisseur de crédit ne peut se contenter de faire confiance. Il a besoin de garanties car il s'expose à des risques importants. Le premier est celui de l'insolvabilité de son débiteur. Le second est celui lié à l'immobilisation de la créance en cas de retard pris par le débiteur pour exécuter son obligation. Avec la crise économique, ces risques sont devenus considérables. Or, dans le même temps, il est de plus en plus important pour les particuliers et les entreprises d'avoir accès au crédit.

L'utilité des garanties pourrait être moindre si la situation du créancier chirographaire était satisfaisante. Mais tel n'est pas le cas : le sort du créancier chirographaire n'est guère enviable. Il se déduit de l'application de deux dispositions fondamentales : les articles 2092 et 2093 du Code civil.

L'article 2092 énonce que « quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir. » Le créancier chirographaire a donc un droit de gage général sur les biens de son débiteur. Il est en droit de saisir tout bien faisant partie du patrimoine pour se payer. Mais l'article 2093 énonce que « les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers  et que le prix s'en distribue entre eux par contribution. » Le créancier chirographaire doit donc subir la loi du concours entre les différents créanciers. Lorsque plusieurs créanciers saisissent un même bien, ils doivent en conséquence s'en partager le prix entre eux.

Le créancier normalement diligent a donc intérêt à se faire consentir une garantie s'il n'en bénéficie pas de plein droit. Il peut donc exiger de celui qui consent la garantie un cautionnement, c'est-à-dire une sûreté personnelle (le cautionnement2(*) est un contrat unilatéral par lequel la caution3(*) s'engage envers un créancier à exécuter l'obligation au cas où le débiteur principal ne le ferait pas. C'est une sûreté accessoire, c'est-à-dire que l'objet du contrat de cautionnement est déterminé par référence à l'obligation du débiteur principal. C'est un contrat unilatéral car, il implique un échange de consentements entre la caution et le créancier seules parties au contrat d'une part et, seule la caution s'oblige envers le créancier, d'autre part) ou encore un cautionnement réel (il consiste à croiser une sûreté personnelle avec une sûreté réelle, l'hypothèque, le gage ou une antichrèse).

La portée de l'opposition entre sûreté personnelle et sûreté réelle ne doit pas être exagérée4(*). Le créancier bénéficie en effet, dans tous les cas, d'une affectation de biens à son profit. Mais lorsque la sûreté est personnelle, les biens affectés appartiennent à un tiers et lorsque la sûreté est réelle, l'affectation de la valeur concerne le bien du débiteur. Et les deux techniques peuvent être combinées.

La sûreté se caractérise par trois traits. Elle a pour finalité d'améliorer la situation du créancier sans l'enrichir. Son effet réside principalement dans l'extinction de la créance par sa mise en oeuvre. Sa technique est celle de l'accessoire, dont l'intensité peut-être variable. Le caractère accessoire permet donc de distinguer les sûretés (caractérisées par le principe de l'inopposabilité des exceptions) avec d'autres types de garanties personnelles5(*).

Pour se prémunir contre les risques d'inexécution du débiteur principal, le fournisseur de crédit exige des garanties bien souvent supérieures aux ressources et au patrimoine de la caution. Cette attitude fautive du créancier professionnel conduit les cautions à engager la responsabilité civile de celui-ci.

Pour le Doyen Luc Grymbaum, la responsabilité, « c'est l'institution juridique permettant de désigner la personne physique ou morale qui doit répondre d'un dommage afin qu'elle ou son garant en supporte la réparation. » Le mécanisme de la responsabilité est un phénomène d'imputation.

Si la naissance en France des établissements de crédit ne remonte qu'à la moitié du XIX° siècle, il convient de relever que le professionnel du financement a vu sa responsabilité engagée bien avant l'apparition de ces derniers. En effet, dès le II° siècle après J.C, est constatée la première forme de mise en jeu de la responsabilité du banquier qui présentait à ses clients des arrêts de compte volontairement inexacts.

C'est en pratique à la banque créancière que la caution reproche une faute, soit à l'égard du débiteur, soit à l'égard de la caution elle-même. Cette responsabilité se distingue du bénéfice de l'article 2037 du Code civil qui est un moyen de défense au fond contre l'action en paiement du créancier alors que la responsabilité civile sera engagée de façon reconventionnelle, voire parallèle à l'action du créancier professionnel. Elle ne se confond pas non plus avec les exceptions que peut invoquer la caution dont au demeurant les conditions ont été prévues par la loi alors que c'est la jurisprudence qui a fixé le cadre de cette responsabilité.

La responsabilité civile du banquier procède de l'idée suivante :

Si, à défaut d'aménagements conventionnels, le cautionnement est un contrat unilatéral, le créancier professionnel est tenu, comme tout contractant, d'exécuter ses obligations de bonne foi (article 1134 al 3 du Code civil). A l'égard de l'obligé l'accessoire, cela se traduira par une obligation, sinon de coopération, tout au moins de vigilance quant à la sauvegarde des intérêts de la caution : outre la conservation des droits préférentiels consacrée par l'article 2037 du Code civil, il pèse sur le banquier une obligation légale d'information, mais aussi l'obligation de ne pas aggraver la situation du débiteur, laquelle rejaillirait nécessairement sur ses rapports avec la caution.

La caution pourrait également mettre en jeu la responsabilité du créancier professionnel à l'égard du débiteur, d'une part, par la voie oblique offerte par l'article 1166 du Code civil, dans l'hypothèse d'une carence de ce dernier, les conditions de la responsabilité étant alors exclusivement appréciées au regard des rapports entre le créancier et le débiteur principal. D'autre part, sa responsabilité pourrait aussi être aussi engagée pour son soutien abusif ou pour la rupture abusive de crédit.

La faute du créancier professionnel est alors une condition nécessaire de mise en oeuvre de sa responsabilité civile. Mais elle est une condition insuffisante car la caution doit rapporter non seulement la preuve de l'existence du préjudice mais aussi le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Le préjudice sera généralement la perte d'une chance d'échapper au paiement de la dette principale. En stricte logique, les dommages-intérêts alloués devraient seulement être à la mesure de la chance perdue. En pratique, ils sont souvent (depuis 1997) du montant de la dette garantie avec laquelle ils se compensent, de sorte que la caution se trouve entièrement déchargée (ce qui est parfois source de confusion avec l'hypothèse de l'article 2037 du Code civil).

Le droit des sûretés connaît à l'heure actuelle d'importants bouleversements : la dispersion des textes, l'accumulation de réformes ponctuelles accomplies sans vision d'ensemble, l'intensité d'une activité jurisprudentielle parfois instable font que le droit français des sûretés ne réussit plus ni à rendre sûrs ceux qui dispensent le crédit, ni à protéger avec clarté ceux qui y recourent. En outre, la sécurité et l'efficacité de cette sûreté sont régulièrement remises en cause par une jurisprudence fluctuante, inspirée, envers la caution, tantôt par un esprit de rigueur, tantôt par un souci de protection.

D'où la nécessité, aujourd'hui, d'une vaste réforme du droit des sûretés par l'instauration d'un équilibre entre la protection raisonnée de la caution et une nécessaire restauration de l'efficacité de cette sûreté. Le projet de réforme du rapport Grimaldi relatif à la réforme du droit des sûretés prévoit de refondre les dispositions du Code civil dont le but est de permettre une lisibilité et une accessibilité nécessaires à la sécurité juridique et au développement du crédit.

Faire du banquier le responsable idéal des difficultés de l'entreprise parce qu'il est solvable, risque de compromettre la situation du distributeur de crédits. Pour autant, il paraît difficile de passer sous silence la situation des victimes. La Cour de cassation6(*) énonce « qu'il est constant qu'en raison de son rôle économique et public de distributeur de crédit, et de la foi qui s'attache à ses affirmations, la banque est tenue envers les tiers à certains devoirs de renseignement et de prudence. »

Par une large conception de la faute, la jurisprudence a permis à la caution de pouvoir « facilement » mettre en oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés. En effet, jusqu'en 2002, le créancier professionnel ayant conclu un contrat de cautionnement disposait peu de moyens pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité lorsqu'une faute était retenue à son encontre. La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés est un principe certain (I° Partie). Cette certitude est confortée aussi bien par la loi (loi du 01 Août 2003, notamment) que par la jurisprudence. A ce jour, la responsabilité du banquier dispensateur de crédit ne peut-être remise en cause. La naissance d'un droit à réparation non plus. Cependant dès 2002, les décisions rendues marquent un recul considérable de la responsabilité civile du fournisseur de crédit (II° Partie).

En effet, ce recul se manifeste d'abord par une quasi-impossibilité pour la caution de se soustraire à son engagement lorsque celui-ci a été valablement formé.

L'analyse de la jurisprudence montre également la difficulté pour la caution de mettre en jeu la responsabilité du créancier professionnel. A ces difficultés s'ajoute la restriction de la notion de faute, c'est-à-dire que tout fait du créancier professionnel n'est pas nécessairement fautif. La loi du 26 Juillet 20057(*) dite « loi de sauvegarde des entreprises » s'inscrit dans ce mouvement de recul de la responsabilité du banquier en rétablissant l'équilibre contractuel entre la protection de la caution et l'efficacité de la garantie.

Au-delà de ces évolutions relatives à la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, il reste que la sévérité de la sanction du comportement fautif du créancier professionnel connaît un léger assouplissement.

* 1 « Créancier », « Confiance », « Crédit » : tous ces mots ont une racine commune. Le verbe latin, credere signifie avoir confiance, se fier.

* 2 P. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3ème éd., 2000.

* 3 Ethymologie : du latin Cavere : être sur ses gardes ; d'où caution : précaution ; par suite, garantie. L'utilisation du terme dans un sens technique ne date que de la fin du moyen âge. Les Romains mettaient l'accent sur le caractère personnel de l'engagement plutôt que sur la garantie qu'ils donnaient au créancier, utilisaient les termes : fide promissor puis fidejussor.

Dans le langage courant, et même dans la langue juridique (ex : C. pr. pén., art 130-11°), Caution et Cautionnement désignent parfois tout autre chose : la somme d'argent versée d'avance à titre de garantie au créancier. Il s'agit d'un dépôt de garantie, qui constitue un gage ou une fiducie, sûreté réelle, n'ayant aucun rapport avec le contrat de cautionnement.

* 4 P. Crocq, obs. R. T. D. Civ., 2001, p. 402.

* 5 Sont des garanties personnelles : les lettres d'intention (garantie donnée par une personne morale exprimée sous forme de lettre dans laquelle la personne morale déclare soutenir le débiteur dans l'exécution de son obligation), les garanties autonomes (un garant s'engage alors à payer à un créancier, à première demande de sa part, sans pouvoir lui opposer d'exceptions) et la promesse de porte-fort (Code civil, article 1120).

* 6 Cass. Com., 09 Juin 1980, J. C. P., 1980, IV, p. 319.

* 7 Loi n° 2005-842 du 26 Juillet 2005 de « sauvegarde des entreprises », publiée au J. O du 27 Juillet 2005, p. 12160.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe