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La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

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par Arnaud Silvère Yansounou
Faculté de droit de La Rochelle - Master II Recherche Droit Privé 2005
  

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Arnaud Silvère Yansounou

Master 2 en Droit Privé

Option Droit de la responsabilité

Année universitaire 2005-2006

La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

Mémoire

Directrice de mémoire : Madame Catherine Marie,

Professeur à la faculté de

Droit de La Rochelle

Faculté de Droit de La Rochelle

La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

Arnaud Silvère Yansounou

Arnaud Silvère Yansounou

Master 2 en Droit Privé

Option Droit de la responsabilité

Année universitaire 2005-2006

La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

Mémoire

Directrice de mémoire : Madame Catherine Marie,

Professeur à la faculté de

Droit de La Rochelle

Faculté de Droit de La Rochelle

Remerciements

Tout d'abord, je tiens à remercier tout le personnel administratif et le corps professoral de la Faculté de Droit de La Rochelle de m'avoir accueilli au sein de cette Université.

Ensuite, mes remerciements vont particulièrement à l'endroit de Madame Catherine Marie pour l'aide et le temps qu'elle a accordés à mes recherches et à la rédaction de ce mémoire, ainsi que pour ses suggestions concernant la forme et le fond.

Enfin, j'aimerai dédier ce travail de recherche à ma fille, Camille Yansounou, qui va naître d'ici à la fin du mois de mai.

Sommaire

Introduction

I° Partie : La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe certain

Section 1 : La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son comportement personnel

I
· Les faits constitutifs de fautes susceptibles d'engager la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

A°) La variabilité des comportements du créancier professionnel

1°) Les comportements fautifs de commission

2°) Les comportements fautifs d'omission

B°) La perte des garanties par le fait du créancier

1°) L'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation

2°) L'imputation exclusive de la faute au créancier professionnel

II
· Le manquement du créancier professionnel à l'obligation de contracter de bonne foi

A°) L'exigence d'un consentement éclairé de la caution

1°) Les vices du consentement de la caution

2°) La nécessité d'une protection renforcée du consentement de la caution

B°) Le cautionnement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution 1°) L'émergence du principe de proportionnalité

2°) L'effectivité du principe de proportionnalité

Section 2 : La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son concours financier

I
· La faute du créancier professionnel dans la distribution de crédit au débiteur principal

A°) La faute du créancier professionnel, le soutien abusif de crédit

1°) La notion de soutien abusif de crédit

2°) La faute à l'égard de la caution

B°) La faute du créancier professionnel, la rupture abusive de crédit au débiteur

1°) La mise en jeu de la responsabilité civile du créancier professionnel

2°) En matière de procédure collective

II
· Le préjudice subi par la caution et le lien de causalité entre la faute et le préjudice

A°) Le préjudice subi par la caution

1°) La preuve du préjudice

2°) Un préjudice discutable

B°) Le lien de causalité entre la faute et le préjudice

II°Partie : La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe en recul

Section 1 : La mise en oeuvre difficile de la responsabilité civile du créancier professionnel

I
· La restriction des conditions d'engagement de la responsabilité civile du créancier professionnel

A°) Les manifestations de la jurisprudence relative à l'extension du principe de proportionnalité

1°) Le domaine d'application du principe de proportionnalité

2°) La remise en cause du principe de proportionnalité

3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion manifeste

B°) Le recul du domaine de la faute du créancier professionnel

C°) La mise en jeu limité de la responsabilité civile du créancier professionnel

1°) L'irresponsabilité de principe du créancier professionnel

2°) Les cas d'engagement de la responsabilité civile du créancier du fait des concours consentis

II
· L'allègement de l'obligation d'information

A°) Le principe : Le créancier professionnel, débiteur de l'obligation d'information

1°) A l'égard de la caution profane

2°) L'assouplissement des moyens de preuve

B°) Le tempérament : la dispense de l'obligation d'information

1°) A l'égard de la caution dirigeante de fait

2°) Envers la caution dirigeante de droit

3°) La preuve de l'existence d'un préjudice particulier

Section 2 : L'assouplissement des sanctions du comportement fautif du créancier professionnel en droit du crédit

I
· Les incertitudes relatives au fondement de la responsabilité civile du créancier professionnel

A°) Les différents fondements de la responsabilité civile du créancier professionnel

1°) Le choix d'un fondement contractuel

2°) Le recours à l'article 1382 du Code civil

B°) La dualité des actions en responsabilité

1°) L'exercice des droits du débiteur personnel

2°) L'exercice d'une action personnelle en responsabilité

II
· Un assouplissement des sanctions encourues par le créancier

A°) Le choix de la sanction  « responsabilité civile »

1°) La gravité de la sanction-nullité

2°) La sévérité de l'article 2037 du Code civil

B°) La sanction du cautionnement disproportionné

1°) La décharge de la caution ou les dommages-intérêts

2°) La responsabilité civile du créancier professionnel

3°) La nullité automatique des garanties souscrites

C°) La sanction de l'inexécution de l'obligation annuelle d'information

1°) Le principe du cumul possible de la sanction légale et de la responsabilité civile de droit commun

2°) La sanction prévue par le nouvel article 2307 du projet de réforme

Conclusion

INTRODUCTION

Le droit du crédit est celui de la confiance1(*). Il a pour objet les institutions qui permettent au créancier de faire confiance au débiteur, parce qu'elles lui donnent l'assurance qu'il sera payé à l'échéance. Mais le fournisseur de crédit ne peut se contenter de faire confiance. Il a besoin de garanties car il s'expose à des risques importants. Le premier est celui de l'insolvabilité de son débiteur. Le second est celui lié à l'immobilisation de la créance en cas de retard pris par le débiteur pour exécuter son obligation. Avec la crise économique, ces risques sont devenus considérables. Or, dans le même temps, il est de plus en plus important pour les particuliers et les entreprises d'avoir accès au crédit.

L'utilité des garanties pourrait être moindre si la situation du créancier chirographaire était satisfaisante. Mais tel n'est pas le cas : le sort du créancier chirographaire n'est guère enviable. Il se déduit de l'application de deux dispositions fondamentales : les articles 2092 et 2093 du Code civil.

L'article 2092 énonce que « quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir. » Le créancier chirographaire a donc un droit de gage général sur les biens de son débiteur. Il est en droit de saisir tout bien faisant partie du patrimoine pour se payer. Mais l'article 2093 énonce que « les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers  et que le prix s'en distribue entre eux par contribution. » Le créancier chirographaire doit donc subir la loi du concours entre les différents créanciers. Lorsque plusieurs créanciers saisissent un même bien, ils doivent en conséquence s'en partager le prix entre eux.

Le créancier normalement diligent a donc intérêt à se faire consentir une garantie s'il n'en bénéficie pas de plein droit. Il peut donc exiger de celui qui consent la garantie un cautionnement, c'est-à-dire une sûreté personnelle (le cautionnement2(*) est un contrat unilatéral par lequel la caution3(*) s'engage envers un créancier à exécuter l'obligation au cas où le débiteur principal ne le ferait pas. C'est une sûreté accessoire, c'est-à-dire que l'objet du contrat de cautionnement est déterminé par référence à l'obligation du débiteur principal. C'est un contrat unilatéral car, il implique un échange de consentements entre la caution et le créancier seules parties au contrat d'une part et, seule la caution s'oblige envers le créancier, d'autre part) ou encore un cautionnement réel (il consiste à croiser une sûreté personnelle avec une sûreté réelle, l'hypothèque, le gage ou une antichrèse).

La portée de l'opposition entre sûreté personnelle et sûreté réelle ne doit pas être exagérée4(*). Le créancier bénéficie en effet, dans tous les cas, d'une affectation de biens à son profit. Mais lorsque la sûreté est personnelle, les biens affectés appartiennent à un tiers et lorsque la sûreté est réelle, l'affectation de la valeur concerne le bien du débiteur. Et les deux techniques peuvent être combinées.

La sûreté se caractérise par trois traits. Elle a pour finalité d'améliorer la situation du créancier sans l'enrichir. Son effet réside principalement dans l'extinction de la créance par sa mise en oeuvre. Sa technique est celle de l'accessoire, dont l'intensité peut-être variable. Le caractère accessoire permet donc de distinguer les sûretés (caractérisées par le principe de l'inopposabilité des exceptions) avec d'autres types de garanties personnelles5(*).

Pour se prémunir contre les risques d'inexécution du débiteur principal, le fournisseur de crédit exige des garanties bien souvent supérieures aux ressources et au patrimoine de la caution. Cette attitude fautive du créancier professionnel conduit les cautions à engager la responsabilité civile de celui-ci.

Pour le Doyen Luc Grymbaum, la responsabilité, « c'est l'institution juridique permettant de désigner la personne physique ou morale qui doit répondre d'un dommage afin qu'elle ou son garant en supporte la réparation. » Le mécanisme de la responsabilité est un phénomène d'imputation.

Si la naissance en France des établissements de crédit ne remonte qu'à la moitié du XIX° siècle, il convient de relever que le professionnel du financement a vu sa responsabilité engagée bien avant l'apparition de ces derniers. En effet, dès le II° siècle après J.C, est constatée la première forme de mise en jeu de la responsabilité du banquier qui présentait à ses clients des arrêts de compte volontairement inexacts.

C'est en pratique à la banque créancière que la caution reproche une faute, soit à l'égard du débiteur, soit à l'égard de la caution elle-même. Cette responsabilité se distingue du bénéfice de l'article 2037 du Code civil qui est un moyen de défense au fond contre l'action en paiement du créancier alors que la responsabilité civile sera engagée de façon reconventionnelle, voire parallèle à l'action du créancier professionnel. Elle ne se confond pas non plus avec les exceptions que peut invoquer la caution dont au demeurant les conditions ont été prévues par la loi alors que c'est la jurisprudence qui a fixé le cadre de cette responsabilité.

La responsabilité civile du banquier procède de l'idée suivante :

Si, à défaut d'aménagements conventionnels, le cautionnement est un contrat unilatéral, le créancier professionnel est tenu, comme tout contractant, d'exécuter ses obligations de bonne foi (article 1134 al 3 du Code civil). A l'égard de l'obligé l'accessoire, cela se traduira par une obligation, sinon de coopération, tout au moins de vigilance quant à la sauvegarde des intérêts de la caution : outre la conservation des droits préférentiels consacrée par l'article 2037 du Code civil, il pèse sur le banquier une obligation légale d'information, mais aussi l'obligation de ne pas aggraver la situation du débiteur, laquelle rejaillirait nécessairement sur ses rapports avec la caution.

La caution pourrait également mettre en jeu la responsabilité du créancier professionnel à l'égard du débiteur, d'une part, par la voie oblique offerte par l'article 1166 du Code civil, dans l'hypothèse d'une carence de ce dernier, les conditions de la responsabilité étant alors exclusivement appréciées au regard des rapports entre le créancier et le débiteur principal. D'autre part, sa responsabilité pourrait aussi être aussi engagée pour son soutien abusif ou pour la rupture abusive de crédit.

La faute du créancier professionnel est alors une condition nécessaire de mise en oeuvre de sa responsabilité civile. Mais elle est une condition insuffisante car la caution doit rapporter non seulement la preuve de l'existence du préjudice mais aussi le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Le préjudice sera généralement la perte d'une chance d'échapper au paiement de la dette principale. En stricte logique, les dommages-intérêts alloués devraient seulement être à la mesure de la chance perdue. En pratique, ils sont souvent (depuis 1997) du montant de la dette garantie avec laquelle ils se compensent, de sorte que la caution se trouve entièrement déchargée (ce qui est parfois source de confusion avec l'hypothèse de l'article 2037 du Code civil).

Le droit des sûretés connaît à l'heure actuelle d'importants bouleversements : la dispersion des textes, l'accumulation de réformes ponctuelles accomplies sans vision d'ensemble, l'intensité d'une activité jurisprudentielle parfois instable font que le droit français des sûretés ne réussit plus ni à rendre sûrs ceux qui dispensent le crédit, ni à protéger avec clarté ceux qui y recourent. En outre, la sécurité et l'efficacité de cette sûreté sont régulièrement remises en cause par une jurisprudence fluctuante, inspirée, envers la caution, tantôt par un esprit de rigueur, tantôt par un souci de protection.

D'où la nécessité, aujourd'hui, d'une vaste réforme du droit des sûretés par l'instauration d'un équilibre entre la protection raisonnée de la caution et une nécessaire restauration de l'efficacité de cette sûreté. Le projet de réforme du rapport Grimaldi relatif à la réforme du droit des sûretés prévoit de refondre les dispositions du Code civil dont le but est de permettre une lisibilité et une accessibilité nécessaires à la sécurité juridique et au développement du crédit.

Faire du banquier le responsable idéal des difficultés de l'entreprise parce qu'il est solvable, risque de compromettre la situation du distributeur de crédits. Pour autant, il paraît difficile de passer sous silence la situation des victimes. La Cour de cassation6(*) énonce « qu'il est constant qu'en raison de son rôle économique et public de distributeur de crédit, et de la foi qui s'attache à ses affirmations, la banque est tenue envers les tiers à certains devoirs de renseignement et de prudence. »

Par une large conception de la faute, la jurisprudence a permis à la caution de pouvoir « facilement » mettre en oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés. En effet, jusqu'en 2002, le créancier professionnel ayant conclu un contrat de cautionnement disposait peu de moyens pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité lorsqu'une faute était retenue à son encontre. La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés est un principe certain (I° Partie). Cette certitude est confortée aussi bien par la loi (loi du 01 Août 2003, notamment) que par la jurisprudence. A ce jour, la responsabilité du banquier dispensateur de crédit ne peut-être remise en cause. La naissance d'un droit à réparation non plus. Cependant dès 2002, les décisions rendues marquent un recul considérable de la responsabilité civile du fournisseur de crédit (II° Partie).

En effet, ce recul se manifeste d'abord par une quasi-impossibilité pour la caution de se soustraire à son engagement lorsque celui-ci a été valablement formé.

L'analyse de la jurisprudence montre également la difficulté pour la caution de mettre en jeu la responsabilité du créancier professionnel. A ces difficultés s'ajoute la restriction de la notion de faute, c'est-à-dire que tout fait du créancier professionnel n'est pas nécessairement fautif. La loi du 26 Juillet 20057(*) dite « loi de sauvegarde des entreprises » s'inscrit dans ce mouvement de recul de la responsabilité du banquier en rétablissant l'équilibre contractuel entre la protection de la caution et l'efficacité de la garantie.

Au-delà de ces évolutions relatives à la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, il reste que la sévérité de la sanction du comportement fautif du créancier professionnel connaît un léger assouplissement.

I° Partie

La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe certain

En droit positif, ce principe est aujourd'hui une certitude. Il est affirmé aussi bien par la loi que par la jurisprudence mais à des conditions diverses et variées.

La caution, lorsqu'elle est poursuivie, tente d'éviter le paiement par tout moyen. L'un de ceux qui est privilégié est la recherche de la responsabilité des professionnels qui sont intervenus dans l'opération. Cependant, c'est la recherche de la responsabilité de l'établissement de crédit créancier qui est devenu le moyen de défense privilégié des cautions. Le cautionnement est un contrat unilatéral qui donne naissance à une obligation principale : celle pour la caution de payer le créancier en cas de défaillance du débiteur principal. Pourtant, le créancier professionnel peut commettre différentes fautes susceptibles de libérer les cautions totalement ou partiellement8(*). Il s'agit là de la conséquence d'une double évolution. D'une part, les juges n'hésitent plus à imposer des obligations nouvelles aux établissements de crédit. D'autre part, le droit de la responsabilité est de plus en plus utilisé pour rétablir un équilibre entre contractants et faire respecter un principe de loyauté. Le droit du cautionnement peut ainsi apparaître comme étant parasité par le droit de la responsabilité.

En réalité, le droit de la responsabilité n'est utilisé que pour protéger les cautions qui le méritent vraiment soit parce qu'elles sont particulièrement ignorantes, soit parce que le créancier professionnel a obtenu une sûreté excessive.

Deux moyens de défense principaux permettent à la caution de mettre en jeu la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés. Tout d'abord, la caution peut reprocher au créancier professionnel son comportement personnel (section1) ; puis, la caution peut mettre en jeu la responsabilité du banquier du fait de son concours financier (section 2) car, le crédit a eu pour effet d'accroître le passif du crédité, de créer une apparence de solvabilité qui en fin de compte a aggravé le sort de la caution. Ce sera notamment le cas quand le cautionnement a été consenti par un établissement de crédit alors que la caution n'avait pas la surface financière nécessaire pour garantir le cautionnement en cas de défaillance du crédité, le banquier sera, bien entendu fautif car il aura été négligent.

Section1

La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son comportement personnel

La caution qui se prévaut d'une faute commise par le créancier professionnel peut agir sur différents fondements. Les cautions en invoquent souvent même plusieurs. Il est vrai que les mêmes faits peuvent faire l'objet de qualifications juridiques différentes.

Le comportement personnel du créancier professionnel, pour être constitutif de faute, peut être appréhendé de diverses manières. D'une part, on peut s'attacher à l'analyse, à l'étude des faits qui, de manière générale, permettent de dégager sa responsabilité civile (I). D'autre part, et de manière plus spécifique à la mauvaise foi du créancier professionnel, au moment de la conclusion du contrat de cautionnement peut être source de responsabilité civile pour le créancier professionnel (II).

D'une manière générale, les tribunaux ont tendance à accroître les devoirs du créancier professionnel. En effet, ce dernier ne doit pas, par son comportement à l'égard du débiteur compromettre les intérêts de la caution, en laissant la dette augmenter sans permettre à la caution d'agir. Cette responsabilité civile du créancier professionnel se développe en marge des actions classiques9(*).

I
· Les faits constitutifs de fautes susceptibles d'engager la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés

Le terme de fait semble plus général que celui de faute.

En effet, Le fait peut être aussi bien une faute, un acte qu'un événement. A la différence de la faute qui nécessite de prendre en compte aussi bien l'imputabilité que le discernement de l'auteur de l'acte, le fait n'a pas toujours une connotation morale et ne renvoie pas nécessairement à l'idée de sanction.

Alors que le fait englobe tout type de situations, la faute correspond a des situations bien définies et obéit à un régime juridique bien précis : dans le Code civil, la faute est invoquée autant au plan délictuel (articles 1382 et 1383) qu'au plan contractuel (articles 1137, 1147 et 1148).

En réalité, la jurisprudence n'a pas fait la différence entre ces deux notions. Elle se contente de retenir une conception très large de la faute. Toutes les catégories de fautes peuvent ainsi être retenues (légère, lourde, inexcusable, intentionnelle) pourvu qu'elles aient causé un préjudice à la caution.

Un seul élément est insuffisant à caractériser le fait fautif du créancier professionnel. Il importe donc de prendre en considération la variabilité des comportements du créancier professionnel (A). En outre, pour être constitutif de faute, le créancier professionnel doit avoir perdu des garanties particulières (B). Cependant, ces garanties se distinguent de la variabilité des comportements fautifs dans la mesure où seul l'article 2037 du Code civil confère à la caution le droit d'invoquer cette faute en lui reconnaissant un bénéfice de subrogation aussi désigné sous le nom de bénéfice de cession d'actions.

A°) La variabilité des comportements du créancier professionnel

Il n'y a pas à distinguer entre les différents éléments matériels. Le plus souvent, la faute consiste en un comportement fautif de commission (1). Mais il arrive qu'une faute consiste en une négligence du créancier professionnel, c'est-à-dire en un comportement d'omission (2). Les comportements fautifs de l'établissement de crédit pris en considération ne sont pas spécifiques au contrat de cautionnement et ne relèvent donc pas des règles applicables au cautionnement.

1°) Les comportements fautifs de commission

Nous traiterons principalement de la prorogation du terme accordée au débiteur principal, de l'augmentation importante de la dette du débiteur principal et du choix du créancier professionnel de poursuivre telle caution en paiement.

a
· La prorogation du terme accordée au débiteur principal

La prorogation du terme accordée par le créancier professionnel a soulevé des difficultés. Le créancier peut volontairement laisser naître et s'accroître l'insolvabilité du débiteur, sûr d'être payé par la caution, laquelle n'aura contre le débiteur qu'un recours illusoire. En principe, la prorogation expresse ou tacite ne permet pas à la caution d'invoquer les règles propres au cautionnement, parce que les articles 2039 (il est question de forcer le débiteur au paiement) et 2032 (le but du recours est l'indemnisation de la caution) du Code civil lui permettent d'agir sans attendre pour sauvegarder ses droits.

En ce domaine, le créancier professionnel ne commet pas de faute, sauf dans le cas où l'abus du droit de ne pas exiger le paiement à terme est manifeste10(*).

b
· L'augmentation importante de l'endettement du débiteur principal

La différence est parfois importante entre l'engagement du débiteur principal qui existait lorsque la caution s'est engagée et celui qui existe lorsque le paiement lui est demandé. Le principal reproche que la caution peut faire au créancier professionnel est celui de transférer sur elle des risques qu'il connaît (alors qu'il connaissait la situation lourdement obérée du débiteur principal, le créancier - banquier lui a quand-même consenti un prêt) et de rendre illusoire le recours de la caution.

c
· Le choix de poursuivre telle caution en paiement

Le créancier professionnel ne peut pas commettre de faute en ce domaine. Est en effet un principe fondamental le libre choix par le créancier professionnel du moyen d'exécution de sa créance, au sein de ceux qu'il a légitimement obtenus par contrat. Il peut librement choisir une caution plutôt qu'un immeuble hypothéqué, qu'une réserve de propriété ou qu'un gage. Les seules limites à la liberté de choix des moyens, selon la Cour de cassation, sont les cas de fraude ou d'abus11(*). Force est de constater que la jurisprudence en la matière est rare et ancienne. Elle concerne surtout la mise en oeuvre des hypothèques.

L'existence d'un abus est affaire de circonstances : cela peut être l'intention de nuire du créancier ou de la nécessité et de l'utilité de la sûreté pour les intérêts légitimes du créancier professionnel.

Il convient en effet de tempérer fortement la portée du principe de liberté de libre choix du créancier professionnel muni d'une pluralité de sûretés dans les moyens d'obtenir le paiement de son dû. Ce principe de liberté ne saurait être compris comme restreignant le jeu de l'article 2037 du Code civil.

2°) Les comportements fautifs d'omission

La faute consiste en une négligence du créancier, dans l'omission d'accomplir un acte - par lui-même ou l'un de ses mandataires ou préposés - qui aurait conservé la sûreté12(*). A titre d'illustration, nous traiterons le défaut d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution, la faute de négligence du créancier non déclarant en matière de procédure collective et l'imprudence du banquier.

a
· Le défaut d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution

L'établissement de crédit qui profite de la position juridique confortable que lui procure l'existence d'une garantie personnelle agit au mépris des intérêts les plus élémentaires de son garant. La Cour de cassation13(*) pose l'obligation pour le bailleur d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution et que la négligence du bailleur prive la caution de la possibilité d'acquitter elle-même les sommes dues et d'exercer, en qualité de caution subrogée dans les droits du créancier désintéressé, l'action en résolution du bail.

b
· La faute de négligence du créancier non déclarant en matière de procédure collective

La faute de négligence pure et simple, selon la Cour de cassation, ne suffit pas à engager la responsabilité civile du créancier non déclarant en matière de procédure collective. Pour que la responsabilité civile du créancier non déclarant soit engagée, la Chambre commerciale14(*) exige aussi bien une faute qualifiée (au regard des faits de l'espèce, il y aurait une telle faute lorsque le créancier non déclarant a pourtant été averti de la procédure collective) que la preuve d'un manquement à une obligation de bonne foi (la preuve d'une faute dolosive du créancier).

En dehors du droit des procédures collectives, toutes les négligences du créancier professionnel peuvent ainsi être prises en considération. Citons par exemple le défaut d'inscription ou de renouvellement d'hypothèque, l'omission de procéder à une inscription modificative du nantissement, le défaut d'exercice en temps utile de l'action en revendication.

La caution qui ne peut se prévaloir de la perte d'un droit préférentiel peut seulement engager la responsabilité civile du créancier professionnel. Pour invoquer le bénéfice de cession d'actions ou de subrogation, il faut que le créancier professionnel ait perdu un avantage particulier, une garantie dont la caution ne peut plus s'en prévaloir.

B°) La perte des garanties par le fait du créancier

L'article 2037 du Code civil suppose que des garanties particulières aient été perdues : la simple aggravation de l'insolvabilité du débiteur, qui touche seulement au droit de gage général du créancier professionnel, est sans incidence. Cependant, la jurisprudence entend ici largement la notion de garanties, en y incluant non seulement les sûretés stricto sensu, mais de manière générale tous les mécanismes ou prérogatives particulières qui donnent au banquier une meilleure situation que celle du créancier chirographaire (crédit-bail, clause de réserve de propriété, clause de résolutoire, droit de rétention..). Il faut aussi que ces garanties aient existé au moment de l'engagement de la caution, ou du moins qu'elles aient été prévues à ce moment-là.

Aux termes de l'article 2029 du Code civil, « la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur. » Le recours subrogatoire consiste pour la caution à bénéficier des droits et actions du créancier solvens avec tous les accessoires, notamment les sûretés qui garantissent la dette.

En raison de la faute du créancier professionnel, le recours subrogatoire reconnu à la caution contre le débiteur principal devient illusoire. L'article 2037 du Code civil confère ainsi à la caution le droit d'invoquer cette faute en lui reconnaissant l'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation (1). En outre, la Cour de cassation impose aux juridictions de bien vérifier que le fait fautif soit effectivement imputable au créancier professionnel (2).

1°) L'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation

En matière de sûretés, l'expression « bénéfice de cession d'actions ou de subrogation » est trompeuse. La subrogation de la caution solvens dans les droits et actions du créancier est imposée par l'article 2029 du Code civil. Or, il s'agit précisément des cas dans lesquels cette subrogation est devenue impossible : ne pouvant se prévaloir des sûretés dont était titulaire le banquier, la caution se présente en qualité de créancier chirographaire et elle risque donc d'être primée par d'autres créanciers du débiteur principal.

a
· La perte d'un droit préférentiel

Le vocable de droit préférentiel couvre tout doit qui confère une facilité de recouvrement supérieure au droit de gage général de tout créancier chirographaire (Code civil, article 2092). Il en est ainsi des véritables sûretés (hypothèque, nantissement - gage et antichrèse - et privilège). La caution devait pouvoir compter sur ce droit au jour où elle s'est engagée. Le droit invoqué devait donc exister à cette date.

b
· L'omission fautive de la faculté d'attribution judiciaire du gage

La question fort débattue en doctrine, par la Chambre commerciale et la première chambre civile15(*) et qui a donné lieu à des réponses différentes est celle de savoir si le défaut d'exercice de la faculté d'attribution judiciaire par le créancier gagiste peut-il être assimilé à la perte d'un droit préférentiel ?

En d'autres termes, cette omission emporte t-elle décharge sur le fondement de l'article 2037 Code civil ?

La première chambre civile a répondu négativement au motif qu'une faculté n'est pas une obligation. La Chambre commerciale, quant à elle, a jugé au contraire, que l'omission de l'exercice de la faculté d'attribution judiciaire est fautive si elle prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.

La Chambre mixte16(*) de la Cour de cassation a été saisie de cette question en raison d'une contrariété de réponses. En effet, la Chambre mixte ne répond pas, en définitive, à la question, s'appuyant sur le fait que le créancier avait, en l'espèce, renoncé à son gage, ce qui justifiait une application des plus banales de l'article 2037 du Code civil.

Les avis de la doctrine sont également partagés. Pour un plaidoyer en faveur de la solution de la Chambre commerciale selon laquelle « si l'attribution judiciaire du gage ne constitue qu'une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une faute au sens de l'article 2037 du Code civil si, en s'abstenant de demander cette attribution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter. »

En l'état actuel, le projet de réforme du droit des sûretés17(*), fruit du rapport Grimaldi, n'apporte pas de solutions : le projet propose un nouvel article 2322 du Code civil qui ne répond pas à la question. Il énoncerait en effet que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par le fait de celui-ci s'opérer en sa faveur, la caution est libérée à concurrence du préjudice subi de ce fait. Toute clause contraire est réputée non écrite. » Nous retiendrons, cependant, la solution rendue par la Chambre commerciale dans la mesure où elle vient sanctionner la négligence ou l'intention de nuire du créancier professionnel dans le but de priver la caution d'un droit qui pourrait lui être favorable.

Au nombre des conditions déclenchant l'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation, se trouve la nécessité d'une faute exclusive du créancier

2°) L'imputation exclusive de la faute au créancier professionnel

Il y a impossibilité de subroger la caution aussi bien en cas de disparition du droit qu'en cas de disparition de sa seule valeur.

Le fait invoqué par la caution doit être imputable au créancier professionnel. Il doit en outre s'agir d'un fait exclusif à ce dernier, ce qui tendrait à démontrer que le bénéfice de subrogation ne constitue pas une application pure et simple de la responsabilité contractuelle.

Le créancier professionnel peut donc faire échec au bénéfice de subrogation en démontrant que la perte des droits de la caution n'est en réalité qu'une conséquence de la simple application de dispositions légales. Le créancier professionnel peut aussi démontrer que la perte des droits est imputable à d'autres personnes que lui. Il peut ainsi se prévaloir d'une faute commise par la caution ou le débiteur principal. Ce dernier a par exemple pu faire disparaître le véhicule assiette du gage. Il a également pu retarder la constitution d'une sûreté18(*).

De même, la caution n'est pas déchargée de son engagement lorsque le comportement du créancier professionnel, quoique fautif, ne lui a pas fait perdre un droit, une sûreté ou une action en justice (lorsque le créancier a consenti une prorogation de terme au débiteur principal sans perte de sûreté). Cependant, une main-levée volontaire d'hypothèque constitue une perte imputable au fait exclusif du créancier professionnel, même si elle a été sollicitée par le débiteur ou une caution autre que celle qui invoque la décharge19(*).

Il appartient à la caution qui invoque l'extinction de son engagement de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait exclusif du créancier professionnel20(*). Cette exigence est de nature à limiter l'invocation de l'article 2037 du Code civil.

La banque qui est créancière du débiteur principal dispose souvent d'informations sur la situation de ce débiteur principal. La question se pose de savoir s'il existe une obligation de communication qui pèse sur l'établissement de crédit ?

II
· Le manquement du créancier professionnel à l'obligation de contracter de bonne foi

L'article 1134 al 3 du Code civil, en prévoyant que « les conventions » doivent être exécutées de bonne foi, est suffisamment large pour s'appliquer aux opérations de cautionnement et, dans le déroulement de celles-ci, au comportement de la caution comme du créancier professionnel. Pour ce dernier, en effet, le caractère unilatéral du cautionnement ne saurait constituer une échappatoire.

Les contrats unilatéraux, bien que ne mettant des obligations principales qu'à la charge de l'un des contractants n'en demeurent pas moins des conventions unissant deux parties, dont l'une comme l'autre, doivent se comporter de bonne foi.

Dès lors, il appartient au créancier professionnel d'apporter un consentement éclairé à la caution (A), dès la formation du contrat de cautionnement et sur la nature et les risques de l'opération envisagée. L'établissement de crédit ne contracte pas de bonne foi lorsqu'il fait souscrire à la caution un cautionnement excessif par rapport aux revenus et au patrimoine de celle-ci (B).

A°) L'exigence d'un consentement éclairé de la caution

La caution est de tous les contractants l'un de ceux qui souscrit l'une des obligations les plus rigoureuses. Des cautions peuvent en effet s'engager pour des montants et une durée indéterminés. Lorsqu'elle s'engage, la caution doit donc être à même de mesurer la portée de son engagement21(*). Pourtant, le cautionnement a longtemps été considéré comme un contrat ordinaire. Le caractère unilatéral de ce contrat confère au cautionnement une certaine spécificité. La jurisprudence est en effet très attachée à la protection de la volonté de la caution (1).

La théorie des vices de consentement en matière de cautionnement est en recul, elle est de moins en moins invoquée par les cautions :

d'une part, ce recul doit être mis en parallèle avec l'utilisation de plus en plus fréquente par les cautions du droit de la responsabilité civile.

D'autre part, le législateur a pris en considération certaines situations pour renforcer la protection du consentement de la caution. Ainsi, les techniques protectrices et d'ordre public du droit de la consommation ont-elles été étendues aux cautionnements des opérations de crédit régies l'article L. 311-2 du Code de la consommation. Il en résulte que l'offre préalable doit être remise à la caution comme à l'emprunteur (article L. 311-8 du Code de la consommation) et que la caution bénéficie du même délai de réflexion que l'emprunteur.

Enfin, ce recul de la théorie des vices du consentement est aussi dû en partie à la création par la jurisprudence d'obligations nouvelles qui pèsent désormais sur l'établissement de crédit : devoir de conseil et de discernement de la situation du débiteur principal.

L'insuffisance des règles de droit commun à protéger efficacement la caution a donc conduit le législateur et les juges à renforcer le consentement de celle-ci (2).

1°) Les vices du consentement de la caution

Le cautionnement, opération accessoire à l'obligation principale mettant en relation le créancier et le débiteur principal, suppose une rencontre des volontés du créancier professionnel et de la caution. Pour être valablement formé, le contrat de cautionnement doit respecter les conditions énumérées par l'article 1108 du Code civil.

Nous traiterons principalement le dol et l'erreur sur la substance même de l'engagement de la caution.

a
· Le dol de la caution

Le dol est une cause de nullité de la convention, énonce l'article 1116 du Code civil, « lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. »

En matière de cautionnement, il ne pourra être retenu que s'il émane du créancier professionnel car, dans la logique de l'article 1116 du Code civil, le comportement du débiteur principal ne peut jamais donner lieu à une annulation du cautionnement mais seulement à une action en responsabilité contre le débiteur principal.

Quant au fait du créancier professionnel, il peut se rendre coupable de dol en raison d'une réticence dolosive. Le dol permet de pallier l'absence d'obligation générale d'information reposant sur le créancier professionnel : c'est la réticence plus que les manoeuvres dolosives ou le mensonge qui sera en effet le plus fréquemment retenue.

Plusieurs décisions de la Cour de cassation22(*) annulent alors le cautionnement au double motif « que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence le créancier professionnel qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d'inciter celle-ci à s'engager. »

Ce qui revient à faire peser sur le créancier professionnel une obligation d'informer la caution, préalablement à son engagement, au fond, sur la nature de celui-ci.

Finalement, la manoeuvre dolosive consiste à faire croire qu'un crédit sera accordé. Mais cette obligation est triplement limitée : d'une part, le créancier ne peut révéler que ce qu'il connaît23(*) ; d'autre part, aucune obligation d'informer spontanément des cautions qui, en raison de leurs liens avec le débiteur principal, peuvent s'informer elles-mêmes24(*) ; et enfin, le créancier professionnel n'a aucun devoir de conseil à l'égard de la caution, notamment en ce qui concerne l'opportunité, pour celle-ci, de l'acte ; mais les choses changent peut-être à cet égard25(*).

b
· L'erreur sur la substance même de l'engagement

En théorie tout au moins, plusieurs types d'erreurs sont susceptibles de justifier une annulation du cautionnement. Il faut qu'il s'agisse seulement d'une erreur sur la substance26(*), c'est l'erreur - obstacle. Cependant, la caution a l'obligation de se renseigner. Pour cette raison, les juridictions rejettent quasi-systématiquement les demandes en nullité des cautions qui prétendent avoir été trompées sur la solvabilité du débiteur principal. L'erreur dans l'appréciation des risques encourus n'est donc pas retenue, à moins qu'elle ne soit manifeste et que le créancier professionnel soit en même temps de mauvaise foi27(*).

Un arrêt récent marque cependant une évolution importante. La Cour de cassation28(*) annule en effet un cautionnement en approuvant une Cour d'appel d'avoir retenu que la caution avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition tacite de sa garantie. Or, au jour de l'engagement, le débiteur principal était une société dont la situation était déjà irrémédiablement compromise. Cet arrêt n'est peut être pas une décision de principe. Cependant, il témoigne d'un infléchissement de la Cour de cassation, tout au moins en présence de cautions profanes.

2°) La nécessité d'une protection renforcée du consentement de la caution

La théorie des vices de consentement se révèle insuffisante à protéger efficacement le consentement de la caution en matière de cautionnement. Cette insuffisance a été palliée par de nouvelles obligations mises à la charge du créancier professionnel.

a
· Le devoir de conseil du créancier professionnel

Compte tenu de sa qualité et de ses compétences, le créancier professionnel doit donner un avis, doit donner des recommandations, doit éclairer la caution sur l'importance de la nature de l'acte.

Dans la mise en oeuvre de ce devoir de conseil, il faut distinguer deux types de situations :

la relation triangulaire ( caution, créancier et débiteur principal) et la relation caution créancier professionnel.

Dans la première situation, le débiteur principal met en cause la responsabilité du banquier dans la convention principale. En effet, la faute consiste pour le banquier à ne pas avoir averti avec assez de clarté les cautions du risque pris en s'engageant. Elle peut aussi consister à accepter un cautionnement alors qu'à l'évidence le projet financé n'est pas viable. Un tel devoir existe envers l'ensemble des cautions. Des cautions dirigeantes peuvent même se prévaloir d'un tel manquement dès lors qu'il est établi qu'elles sont inexpérimentées ou n'ont pas les connaissances nécessaires pour apprécier les risques liés au cautionnement d'une opération de crédit. La jurisprudence admet depuis peu (1990) que le débiteur emprunteur peut, dans certaines circonstances, mettre en cause la responsabilité de l'établissement de crédit pour non-respect d'un devoir de conseil (celui de ne pas s'engager parce que les remboursements susceptibles d'être dus sont trop élevés par rapport au patrimoine et aux ressources du débiteur).

La caution pourrait reprendre à son compte cette demande de mise en cause de la responsabilité du fournisseur de crédit en faisant valoir qu'elle était dès le départ privée de tout recours efficace contre le débiteur.

En effet, le débiteur était incapable de rembourser sa dette, donc la caution était privée de tout recours réel contre le débiteur principal. Ce qui se passe dans l'opération principale rejaillit dans le cautionnement.

La caution peut encore conduire un raisonnement de même nature dans la relation qu'elle entretient avec le créancier.

Dans le second cas, la caution va être victime en raison de son obligation de garantie. Le plus souvent, il est reproché au créancier professionnel, qui connaît la situation du débiteur, son client, de n'avoir pas communiqué à la caution non professionnelle des renseignements sur la situation de celui-ci ou encore la caution peut reprocher à l'établissement de crédit d'avoir exigé le cautionnement alors que dès le départ, ses ressources et son patrimoine étaient insuffisants. En revanche, il n'incombe au créancier professionnel aucun devoir de conseil sur l'intérêt ou l'opportunité du cautionnement : les mécanismes ordinaires paraissent suffisants.

Cependant, le devoir de conseil qui pèse sur l'établissement de crédit ne doit pas peser sur la gestion de l'entreprise du débiteur principal. Bien qu'exceptionnelle, l'immixtion du banquier dans les affaires du crédité reste néanmoins envisageable. Le banquier s'immisce dans les affaires du débiteur (l'entreprise) dès lors que ses « conseils » pèsent sur la gestion même de l'entreprise : 

 d'une part, le banquier peut voir sa responsabilité engagée en qualité de dirigeant de droit, cette situation se rencontre par exemple lorsque le banquier est président du Conseil d'administration, gérant de société.

D'autre part, le banquier peut voir sa responsabilité engagée en qualité de dirigeant de fait.

b
· Les obligations d'information et de discernement du créancier professionnel

La faute du banquier met en cause un double manquement :

Le devoir de discernement (c'est-à-dire la faculté de juger et d'apprécier avec justesse la situation de l'entreprise du débiteur) et l'obligation d'information. La connaissance qu'a ou devrait avoir l'établissement de crédit sur la situation de l'entreprise peut d'ailleurs être qualifiée « d'élément subjectif de la faute. »29(*)

Le devoir de conseil concerne l'obligation d'analyse de la situation du débiteur principal à partir de données brutes et recoupées par des vérifications.

Pour la doctrine30(*), « le devoir de vigilance du banquier doit être proportionnel à la compétence financière de l'emprunteur. » La notion de discernement constitue la base de l'appréciation du banquier.

S'agissant de l'obligation d'information, il est impossible de détailler de manière exhaustive et limitative les informations que le banquier doit retenir. En revanche, il est possible d'affirmer que l'obligation ne peut porter que sur les informations que le banquier est à même de recueillir.

La responsabilité du banquier en tant que débiteur d'une obligation d'information en cours d'exécution du contrat est souvent sollicitée, eu égard à la masse de renseignements dont il dispose sur la vie des affaires. Très largement admise à l'égard des clients du banquier, cette obligation est plus discutée dans les rapports de ce dernier avec la caution : si son existence est incontestable au moment de la formation du contrat, les juges ne la sanctionnent en cours d'exécution que dans certaines circonstances où le banquier est considéré comme investi d'une responsabilité particulière31(*). Cette jurisprudence32(*) généralement approuvée par la doctrine, n'a en effet pas consacré l'existence d'un devoir général d'information sur l'évolution du risque, qu'il s'agisse de la progression de la dette garantie ou de l'évolution de la solvabilité du débiteur, notions distinctes (l'état de la dette n'est pas celui du patrimoine du débiteur), mais souvent confondues.

Pourtant, il est évident que plus l'information sera développée, mieux la protection des intérêts de la caution sera assurée :

avertie en temps utile, elle pourra faire pression sur le débiteur, agir pour la défense personnelle de ses intérêts, notamment dans le cadre des mesures préventives, et mettre fin, en cas d'engagement à durée indéterminée, à son obligation de couverture.

Aussi par touches successives, le législateur a-t-il comblé en grande partie le vide jurisprudentiel.

La loi du 01 Mars 198433(*) fixe dans son article 48 le principe, le contenu et la périodicité des informations dues par les banques aux cautions d'entreprise. Désormais, lorsqu'un établissement de crédit subordonne un concours financier à la fourniture d'un engagement de caution, il devra informer annuellement cette dernière de l'état de la dette, c'est-à-dire du montant total de ce qui est dû au 31 décembre de n'année précédente En outre, si l'engagement est à durée déterminée, la caution devra être informée de son terme ; si au contraire l'engagement est à durée indéterminée, la faculté de résiliation et ses conditions éventuelles d'exercice doit être rappelée. La loi Madelin du 11 Février 199434(*) étend l'article 48 à tous les créanciers en cas de cautionnement à durée indéterminée consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel (article 47 II).

Le groupe de travail relatif à la réforme du Droit des Sûretés suggère qu'aux nombreuses obligations d'information qui se superposent aujourd'hui soit substituée une unique obligation de portée générale, par laquelle tout créancier serait tenu, avant le 31 Mars de chaque année, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente.

Il conviendra de retenir trois décisions qui pourront éclairer sur le contrôle réalisé par le juge dans les manquements du banquier à son obligation d'information :

une première décision est rendue par la Cour d'appel de Versailles35(*). Elle engage la responsabilité du banquier qui accorde une augmentation importante de concours sans se faire communiquer une situation récente à défaut du dernier bilan non encore établi.

Une seconde décision36(*) dans laquelle le banquier, alerté par l'augmentation importante du débit du compte de son client, a consolidé le découvert sans vérifier si des mesures de redressement étaient mises en oeuvre et sans se faire remettre des comptes certifiés issus d'un rapport d'audit antérieur.

Enfin, une autre décision permet d'illustrer les contours de la responsabilité du banquier dans l'arrêt de la Cour de cassation du 24 Septembre 200237(*).

L'équilibre dans les relations contractuelles est de plus en plus recherché. S'agissant du cautionnement, il apparaît que la protection du banquier ne doit pas conduire à des excès. Un principe de proportionnalité tend ainsi à s'imposer dans notre droit.

B°) Le cautionnement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution

Le principe de proportionnalité38(*) est un principe général dégagé par la Cour de Justice des communautés européennes qui limite l'intervention des autorités communautaires et celle des Etats membres en leur imposant de mettre en oeuvre des moyens appropriés à l'objectif à atteindre. Par extension, le principe de proportionnalité est un principe de modération, d'adéquation. C'est une juste mesure.

Il est dans la logique et l'esprit du cautionnement que la caution ne souscrive à un engagement que ses ressources lui permettent de tenir si l'exécution lui est demandée. C'est cette exigence qu'on exprime dans l'expression « principe de proportionnalité », expression quelque peu approximative car il s'agit moins de proportion que de suffisance.

C'est une tentative récurrente que d'introduire cette exigence dans l'architecture de l'institution. Toutefois, ni le législateur, ni la jurisprudence n'y ont cédé et il a fallu attendre ces dernières années au cours desquelles s'est avivé le désir de protéger l'individu et surtout le consommateur pour que le principe de proportionnalité pénètre le droit positif.

En droit interne, le droit de la consommation avait créé une cause d'inefficacité du cautionnement au profit de la personne physique qui garantit un crédit à la consommation. Elle peut se dérober en faisant valoir que son engagement était disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du contrat à moins  « que son patrimoine, au moment où elle est ne lui permette de faire face à son obligation. » (Code de la consommation, article L. 313-10). Le texte a été interprété non comme créant une nullité mais plutôt en une cause d'inopposabilité. La  « loi  Dutreil39(*) » du 01 Août 2003 a étendu cette règle, dans les termes où elle était déjà libellée, aux cautionnements fournis par des personnes physiques à l'égard des créanciers professionnels.

Pour les cautions qui ne bénéficient pas de la protection législative, la question de savoir si la jurisprudence doit reconnaître l'exigence d'un principe de proportionnalité entre le montant de l'engagement de la caution et ses ressources a été âprement discutée en doctrine40(*), ce qui explique les méandres d'une jurisprudence qui, dans son dernier état, lui donne une réponse affirmative41(*) : le banquier ne doit pas commettre d'abus lorsqu'il sollicite un cautionnement. Il ne doit donc pas faire souscrire de cautionnement ayant un caractère excessif. L'étendue de l'engagement demandé à la caution doit être en rapport avec ses revenus et son patrimoine.

La mise en oeuvre du principe de proportionnalité peut cependant s'opérer selon diverses techniques. La reconnaissance s'est faite en plusieurs étapes :

d'une part, l'émergence du principe (1) s'est fait notamment par une disposition spécifique du Code de la consommation avant de recevoir une consécration par la jurisprudence. D'autre part, il conviendra de montrer l'effectivité du principe (2) par son appréciation ou par sa mise en oeuvre.

D'une manière générale, la faute du créancier professionnel en matière de sûretés n'a pas cessé de s'étendre, elle connaît une nette évolution.

1°) L'émergence du principe de proportionnalité

Trois étapes principales permettent de monter l'émergence du principe et ses suites jurisprudentielles.

a
· La consécration législative limitée

La première application du principe de proportionnalité est constituée par une mesure de protection particulière des cautions personnes physiques qui a été introduite par la loi sur le surendettement des particuliers en date du 31 Décembre 198942(*) dite « Loi V. Neiertz ». Cette loi institue des procédures destinées à régler la situation des particuliers surendettés ; elle sera remplacée par une loi du 08 Février 1995 (article L. 331-1 et s. du Code de la consommation). En introduisant cette disposition, le législateur français s'inspirait du droit allemand qui consacre le principe de proportionnalité.

L'article L. 313-10 du Code de la consommation énonce en effet « qu'un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. » Le texte a un domaine d'application limité :

ainsi, il ne s'applique pas au cautionnement d'un prêt destiné à financer une activité professionnelle.

En réalité, L'article L. 313-10 n'apporte une grande nouveauté dans la mesure où elle reprend en substance les dispositions déjà existantes.

L'article L. 313-10 du Code de la consommation devait être l'annonciateur de solutions jurisprudentielles consacrant cette exigence de proportionnalité.

b
· L'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité

Que faire lorsque la caution accuse l'établissement de crédit de lui avoir fait souscrire un engagement démesuré par rapport aux facultés de remboursement dont elle dispose ?

Un arrêt de la Chambre commerciale du 17 juin 1997 a ouvert en la matière une nouvelle cause de responsabilité « délictuelle », la faute du créancier résidant dans l'acceptation d'un engagement excessif.

Par un arrêt de principe, la Cour de cassation43(*) devait énoncer que le fait pour un créancier professionnel de solliciter un cautionnement qui est manifestement disproportionné par rapport au patrimoine et aux revenus de la caution peut être constitutif d'une faute, cause de responsabilité pour le créancier professionnel.

Le principe de proportionnalité ainsi consacré par la jurisprudence n'obéit pas au même régime juridique que celui faisant l'objet d'une consécration légale : il est seulement tenu compte de la disproportion manifeste existant au jour de l'engagement de la caution, il importe peu que la caution soit revenue à meilleure fortune au jour de la poursuite.

La Chambre commerciale avait ainsi étendu une règle à l'origine réservée aux cautions garantissant un crédit à la consommation. L'arrêt était important car, il faisait bénéficier du principe de proportionnalité les cautions dirigeantes alors que la Chambre commerciale les prive le plus souvent de la protection conférée aux cautions profanes.

Elle a jugé dans cet arrêt que le banquier qui se faisait consentir un tel cautionnement commettait une faute. Le principe de proportionnalité peut donc être appliqué avec une certaine souplesse. Ce peut être une application du devoir de conseil du créancier professionnel. C'est aussi une application de la responsabilité contractuelle du créancier professionnel envers la caution. L'appréciation de la proportionnalité est donc subjective et non plus objective.

Dans un premier temps, la jurisprudence a conféré une très large portée à ce principe de proportionnalité à tel point qu'il était invoqué de manière quasi-systématique par les cautions poursuivies par les établissements de crédit. Rares étaient, cependant, les juridictions qui faisaient droit au recours des cautions.

Cette décision est de nature à perturber la stabilité du cautionnement. En effet, le contrat a été valablement formé. Le créancier professionnel ne commet pas de faute dans l'exécution du contrat. Il est possible d'admettre que les parties (créancier professionnel et caution) ont volontairement introduites le déséquilibre dans le contrat du fait de leurs qualités respectives et le contrat serait donc un contrat lésionnaire.

En matière de cautionnement, la lésion est-elle ou non admise comme cause de nullité ?

Si la réponse est négative, on peut admettre que cette décision introduit alors une certaine équité dans la formation du contrat de cautionnement en complétant ce que les vices de consentement avaient de défaillants. Dans cette décision, ce que fait la Cour de cassation au moyen de l'action en responsabilité, c'est de rescinder l'acte de cautionnement pour cause de lésion. Or, le régime classique de cette action ne conduit jamais à une annulation totale de l'acte lésionnaire mais à une annulation partielle.

Au vu de ces règles, il est étonnant d'accorder un recours à la caution pour la totalité du cautionnement. Cette solution vient notamment remettre en cause le principe de la liberté des conventions et par voie de conséquence accorde au juge un pouvoir de révision.

La décision du 17 Juin 1997 révélait une limitation de la protection des cautions, pouvant même laisser croire que le principe de proportionnalité était abandonné. Cette approche prétorienne de la proportionnalité à travers l'immixtion du droit de la responsabilité civile en matière de cautionnement devrait perdre beaucoup de sa vigueur avec les nouvelles dispositions de la loi pour l'initiative économique du 01 Août 200344(*). On peut le regretter car, c'est au moment où la jurisprudence, après beaucoup d'hésitation, arrivait à une certaine maturation que l'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi Dutreil déplace l'exigence prétorienne de proportionnalité sur le terrain du Code de la consommation.

c
· La faute au regard de la loi du 01 Août 2003

Pour protéger les cautions personnes physiques, le législateur a eu recours à des techniques classiques comme le formalisme, l'information et la proportionnalité. Après l'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité par la Chambre commerciale, la loi du 01 Août 2003 marque, à son tour, une consécration législative de ce même principe. En effet, le législateur considère que le créancier professionnel a commis une faute consistant à un manquement à son obligation de conclure de bonne foi un contrat de garantie. En conséquence, le créancier professionnel doit s'informer de la situation financière de la caution, pour connaître ses capacités financières de remboursement, pour la mettre en garde et même pour la dissuader de conclure ce contrat.

En instaurant un « bénéfice de disproportion », l'article L. 341-4 du Code de la consommation charge implicitement le créancier professionnel d'un devoir de veiller à la proportionnalité de l'engagement de la caution.

La mise en oeuvre du principe de proportionnalité obéit surtout à des considérations subjectives et accorde un grand pouvoir aux juges.

2°) L'effectivité du principe de proportionnalité

Pour mesurer l'effectivité du principe, il convient de prendre en compte deux éléments :

a
· L'appréciation de la disproportion

L'appréciation du caractère disproportionné ou non, donc la constatation du manquement du créancier professionnel risque, sans doute, d'être délicate à mettre en oeuvre et source d'arbitraire. Elle offre aux cautions désireuses de ne pas respecter leurs engagements une échappatoire assez facile.

L'article L. 341-4 du Code de la consommation précise que l'engagement doit être  « manifestement excessif. » A priori, tout excès dans la hauteur de la garantie devrait être sanctionné. Il est difficile de fixer un seuil théorique et ce, d'autant plus que les juges du fond seront peut être tentés de faire varier suivant que la caution est ou non  intégrée.

Une telle incertitude est porteuse d'espoir pour la caution désirant échapper à son engagement.

La disproportion s'apprécie dès lors que la caution s'engage au-delà de son patrimoine et de ses ressources. Le créancier professionnel a donc tout intérêt à se faire communiquer par la caution une fiche patrimoniale lui révélant l'état de ses ressources, de son endettement et de son patrimoine. C'est au jour de la poursuite qu'il convient d'apprécier si la caution peut faire face à son obligation. Une reprise postérieure des poursuites semble contraire à l'esprit de la loi45(*).

Néanmoins, il ne serait pas inconcevable que ce soit le législateur lui-même qui fixe arbitrairement la fraction de la disproportion. Il énoncerait par exemple que cette fraction n'est pas la même selon le type de cautionnement considéré : on pourrait imaginer que le législateur crée en droit positif, à propos des cautionnements, un système équivalent à celui qui existe déjà pour la vente d'immeubles (article 1674 du Code civil) et en matière de partage (article 887 al 2 du Code civil).

b
· Le moment de la disproportion

A la différence de l'appréciation prétorienne de la proportionnalité, l'approche du Code de la consommation se veut résolument objective. Indifférente au comportement des parties, la disproportion entre l'engagement et les capacités financières doit être, même sur le terrain de la responsabilité civile « manifeste », c'est-à-dire qu'elle doit sauter aux yeux d'un banquier normalement diligent. Mais le législateur se réfère à deux moments distincts pour apprécier la situation :

lors de la formation du contrat et au moment où la caution est appelée, c'est-à-dire poursuivie, dans l'hypothèse d'un retour à meilleure fortune. Telle est l'analyse qui ressort de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.

Cependant, la Chambre commerciale46(*) prend seulement en compte le jour de la souscription pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution. Selon la Chambre commerciale, il importe peu que la situation de la caution poursuivie se soit améliorée par la suite : « le fait que ce conjoint soit postérieurement devenu dirigeant de la société est sans incidence, la qualité de la caution devant être appréciée au jour de son engagement. »

La faute du créancier professionnel du fait de son concours financier constitue le second moyen de défense de la caution à l'égard du créancier professionnel.

Section2

La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son concours financier

La caution engagera souvent la responsabilité du banquier à son égard pour sa légèreté dans la façon d'accorder ou de refuser l'octroi d'un crédit au débiteur, légèreté dont elle paye les conséquences. Elle reprochera fréquemment au banquier d'avoir rompu brutalement un crédit (rupture abusive) conduisant ainsi l'entreprise au dépôt de bilan47(*).

Inversement, elle se plaindra des facilités inconsidérées (soutien abusif) accordées à un débiteur dont la situation était compromise48(*). Dans ces situations, c'est l'abus de garantie qui est dénoncée car, le banquier aurait eu probablement une autre attitude en l'absence de caution. Pour la jurisprudence récente, la qualité de dirigeant de la caution n'exclut pas systématiquement pour autant la responsabilité du banquier49(*).

L'appréciation de ces fautes est délicate car elle est influencée par des considérations macro-économiques sur la nécessité du crédit bancaire. La caution peut, tout de même, reprocher au créancier professionnel d'avoir commis une faute dans la distribution du crédit au débiteur (I). En octroyant un crédit injustifié ou en rompant brutalement son crédit, le créancier est directement à l'origine de la défaillance du débiteur principal. La faute du créancier professionnel doit alors causer un préjudice à la caution et il appartient à celle-ci de rapporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité entre la faute et le préjudice (II). Le préjudice consistant en une perte de chance de ne pas être inquiété50(*).

I
· La faute du créancier professionnel dans la distribution de crédit au débiteur principal

Le domaine de la responsabilité du créancier professionnel dans la distribution du crédit ne cesse de s'étendre. La mise en cause du créancier dispensateur de crédit tend ainsi à devenir l'un des principaux moyens de défense invoqués par les cautions poursuivies même si l'évolution jurisprudentielle récente est de nature à tempérer ce mouvement.

La caution peut invoquer toute faute du créancier professionnel dans la distribution du crédit. Elle peut ainsi se prévaloir d'un soutien abusif de crédit (A) ou d'une rupture abusive de crédit (B).

A°) La faute du créancier professionnel, le soutien abusif de crédit

Le domaine de la responsabilité bancaire ne cesse aujourd'hui de se développer. Les banques apportent de plus en plus leur soutien à leurs clients et inversement, les clients n'hésitent plus à mettre en cause la responsabilité de leur banque.

La liberté de faire crédit du banquier a conduit doctrine et jurisprudence à délimiter les situations fautives d'octroi de crédit. Ainsi, nous présenterons, d'abord, la notion de soutien abusif de crédit (1) ; puis, nous préciserons en quoi le soutien abusif de crédit peut- il être constitutif d'une faute (2).

1°) La notion de soutien abusif de crédit

L'analyse de la notion de soutien abusif de crédit montre qu'elle présente encore quelques incertitudes. Mais la réforme du 26 Juillet 2005 relative à « la sauvegarde des entreprises » n'a apporté qu'une réponse partielle à cette incertitude.

a
· Les définition et incertitude de la notion

De manière unanime, la qualification de « soutien abusif » est reconnue pour le financement d'entreprise en  situation irrémédiablement compromise. 

En effet, il y a soutien abusif dans deux hypothèses :

d'une part, le soutien abusif consiste en l'octroi d'un crédit, en connaissance de cause, à un débiteur dont la situation est  irrémédiablement compromise  au jour de l'octroi de crédits51(*).

D'autre part, lorsque le créancier professionnel a contribué au dépôt de bilan par une politique de crédits ruineux. La responsabilité de l'établissement de crédit est retenue s'il n'est pas suffisamment informé de la situation financière de son débiteur.

La notion de soutien abusif n'est pas directement visée par le législateur. C'est dans l'analyse et l'interprétation de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier qu'il faut examiner le concept de « situation irrémédiablement compromise. »

Une construction jurisprudentielle a permis d'éclairer la notion de soutien abusif :

pour qu'il y ait soutien abusif, suffit-il que le crédit octroyé apparaisse imprudent quand il y a trop de risques d'aggravation du passif ou suffit-il d'une apparente solvabilité ?

La jurisprudence a semblé plus restrictive. Elle pose comme condition de la responsabilité du banquier que l'entreprise ait été en « situation désespérée » ou « irrémédiablement compromise. » Un arrêt de la Cour de cassation52(*) réaffirme clairement que « la notion reste appréciée souverainement par les juges du fond. »

Pour la doctrine, la situation irrémédiablement compromise n'est pas une condition sine qua non de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit. Elle ne l'est que si la faute reprochée au banquier réside dans le soutien abusif, un crédit à une entreprise dont la situation est  «  désespérée53(*). »

La mise en oeuvre de la responsabilité civile du banquier (et plus particulièrement la qualification de la faute de celui-ci) relève de l'appréciation des juges du fond qui analysent rétrospectivement, après l'échec de l'entreprise, si, à l'époque de l'octroi du crédit, l'entreprise pouvait se redresser. La faute du banquier relève de l'appréciation in concreto des juges, ce qui ne permet pas une position unique et définitive des tribunaux.

Ces incertitudes relatives à la notion de soutien abusif provoquent donc une frilosité des banques à laquelle il était nécessaire de remédier par l'adoption d'un texte cadre, la loi du 26 Juillet 2005.

b
· La réforme « partielle » du soutien abusif de crédit

Une des principales dispositions de la loi du 26 Juillet 2005 concerne la responsabilité des banques en matière de soutien abusif. En dépit des débats qu'elle a suscités, la réforme du soutien abusif marque une évolution certaine du droit du crédit dans la mesure où il limite le risque juridique encouru par les banques pour encourager la prise de risque économique qui consiste à apporter un soutien financier à une entreprise en difficultés.

Désormais, il y a soutien abusif (au sens de la loi du 26 Juillet 2005) lorsque les garanties prises en contrepartie des concours consentis sont disproportionnées54(*) à ceux-ci. Il s'agit de sanctionner les garanties inhabituelles au regard de la pratique. Il reviendra au juge de fixer l'interprétation de ce texte (du fait de la généralité des termes qu'il contient) qui suppose une rupture avec le principe actuel de la responsabilité du banquier en matière d'octroi de crédit.

Au final , s'il est vrai que ce texte restaure une certaine confiance pour les banques, qui peuvent donc jouer pleinement leur rôle économique, encore faut-il que l'appréciation des tribunaux évolue elle-même vers une plus grande compréhension du risque financier.

Le soutien abusif de crédit au débiteur principal est une faute. Celle-ci permet donc à la caution de mettre en oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel.

2°) La faute à l'égard de la caution

Parmi les reproches que la caution fait au banquier, il y a notamment :

a
· Le financement inconsidéré accordé au débiteur

En effet, la caution reproche au créancier professionnel son comportement à l'égard du débiteur, dont elle subit les conséquences.

En effet, lorsqu'elle engage la responsabilité civile du créancier professionnel sur ce fondement, la caution lui reproche de la contraindre à payer plus qu'il n'aurait été nécessaire si les concours avaient été interrompus en temps utile et d'avoir compromis ses chances d'exercer contre un débiteur devenu insolvable par suite d'un financement inconsidéré accordé55(*).

b
· la qualité de la caution

Dans leur appréciation du comportement de la banque à l'égard de la caution, les juridictions retiennent particulièrement deux éléments. La responsabilité de la banque est plus facilement retenue à l'égard des cautions profanes qui ignorent la situation réelle du débiteur principal. Tel est le cas des cautions étrangères à l'entreprise financée. Inversement, la responsabilité de l'établissement de crédit ne peut être engagée dès lors que, sauf circonstances exceptionnelles, le dirigeant ne pouvait ignorer la situation.

c
· Les influences diverses en matière de procédure collective

La cessation de paiement, c'est-à-dire l'impossibilité pour le débiteur principal de faire face au passif exigible avec l'actif disponible est la principale cause d'ouverture de la procédure collective de l'entreprise.

En effet, en accordant une prorogation du terme au débiteur principal alors que la créance est exigible, en laissant s'accroître la dette du débiteur principal ou en soutenant abusivement celui-ci alors que, dès le départ, le projet financé n'était pas viable, le créancier professionnel conduit inévitablement à la faillite du débiteur principal. Il retarde l'ouverture de la procédure collective (le soutien abusif retarde l'arrêt d'une activité déficitaire et l'ouverture de la procédure collective. Il permet donc au débiteur d'augmenter le passif que garantit la caution) et rend quasiment impossible le redressement judiciaire.

Le soutien abusif du banquier précipite et contribue à la faillite du débiteur.

Par conséquent, les créanciers du débiteur sous le coup d'une procédure collective doivent faire connaître leur créance au mandataire chargé d'établir l'ampleur des dégâts. De cette mesure saine d'administration d'une procédure collective, la loi a fait un moyen de spoliation des créanciers en éteignant les créances non déclarées dans un délai fort court (Code de commerce, articles L. 621-43 et 621-46).

Par deux arrêts très nets des 17 Juillet et 23 Octobre 199056(*), la Cour de cassation a confirmé que la forclusion du créancier libérait les cautions.

De même, l'article 2036 du Code civil permet à la caution de se prévaloir du défaut de déclaration de la créance par le créancier professionnel.

En revanche, dans l'hypothèse de la clôture pour insuffisance d'actifs, la perte de l'action du créancier du fait de la décision de clôture ne fait pas perdre l'action que le banquier a contre la caution.

La faute du créancier professionnel dans la dispense de crédit au profit du débiteur est une mauvaise appréciation de la situation du débiteur :

soit, le banquier a octroyé déraisonnablement un crédit (accroissement considérable de son passif) ; soit, il a procédé à une rupture brutale (abusive) des concours financiers qu'il accordait jusque-là au débiteur.

B°) La faute du créancier professionnel, la rupture abusive de crédit au débiteur

L'effet immédiat de cette rupture, c'est la faillite du débiteur.

Il convient donc de définir quelles sont alors les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile du créancier professionnel (1) et ses effets en matière de procédure collective (2).

1°) La mise en jeu de la responsabilité civile du créancier professionnel

Un établissement de crédit peut engager sa responsabilité si, en rompant brutalement un crédit, il a conduit une entreprise au dépôt de bilan.

Lorsque le crédit consenti est à durée indéterminée, l'établissement de crédit ne peut le rompre sans respecter un préavis minimum. Cette exigence disparaît en cas de situation irrémédiablement compromise ou en cas de comportement grave répréhensible du débiteur. La même exigence s'applique lorsque le crédit est à durée déterminée et dans ce cas, le banquier doit maintenir le crédit jusqu'au terme prévu.

La caution est en droit de se prévaloir de cette faute. Le comportement du créancier professionnel a empêché le débiteur de prolonger son existence et de trouver d'autres concours financiers. En revanche, lorsque la caution est un dirigeant de la société débitrice principale, le principal reproche qui lui est fait, c'est d'avoir lui-même sollicité les crédits abusifs, ou tout le moins de n'avoir pas contrôlé l'endettement du débiteur principal, ce qui ôte à la faute du banquier son caractère de cause déterminante du préjudice de la caution.

Cependant, la Cour de cassation est hostile à l'admission d'une action en responsabilité engagée par une caution en même temps gérant de la société. Une action ne peut être admise que dans des circonstances exceptionnelles.

Lorsque la responsabilité civile du banquier est mise en jeu, c'est souvent dans le cadre d'une procédure collective. Alors, l'initiative de l'action en responsabilité contre le banquier relèvera du représentant des créanciers.

2°) En matière de procédure collective

La rupture abusive provoque immédiatement la cessation d'une activité rentable et l'ouverture d'une procédure collective qui empêchent un redressement en cours ou en devenir. En privant le débiteur principal de la possibilité de rembourser les crédits cautionnés, le banquier ôte à la caution une chance d'éviter le paiement de tout ou partie du passif garanti.

La caution qui se prévaut ainsi d'une faute commise par le créancier à son égard doit rapporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité.

II
· Le préjudice subi par la caution et le lien de causalité entre la faute et le préjudice

Une fois la faute et le préjudice établis, le lien de causalité revient donc en ce que cette faute qui consiste à prolonger artificiellement l'activité de l'entreprise est, certainement, à l'origine du préjudice subi par l'ensemble des créanciers.

Nous traiterons successivement le préjudice subi par la caution (A) et le lien de causalité entre la faute et le préjudice (B).

A°) Le préjudice subi par la caution

Conformément au droit commun de la responsabilité civile, la charge de la preuve du préjudice appartient à la caution (1). Mais en réalité, le préjudice dont se prévaut la caution est un préjudice discutable (2).

1°) La preuve du préjudice

Elle va surtout consister à démontrer la perte d'une chance et, son évaluation relèvera de la compétence des juges du fond.

a
· La perte d'une chance

Le préjudice qu'invoque la caution n'est pas le fait de devoir payer, qui est la conséquence de son engagement ; mais la perte d'une chance « de ne pas être inquiétée57(*) », de devoir payer moins ou d'exercer avec succès un recours contre le débiteur ; ou, s'agissant du devoir d'information, celle de limiter l'obligation de règlement par une révocation, ou de prendre des mesures conservatoires. Par conséquent, le préjudice et la réparation devraient être plus ou moins étendus, suivant la probabilité de réalisation de la chance perdue, mais jamais égaux à la dette garantie.

S'agissant de la perte du droit préférentiel, la jurisprudence exige que cette perte soit susceptible de causer à la caution un préjudice, c'est-à-dire que le droit perdu ou non constitué ait pu représenter pour elle un avantage effectif. La preuve du préjudice devrait être à la charge de la caution.

En réalité, la disparition d'un droit constitue un préjudice : c'est donc au créancier professionnel de renverser cette présomption de fait en prouvant l'absence de préjudice, c'est-à-dire l'inanité du droit perdu58(*).

b
· L'évaluation du préjudice

La jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'évaluation du préjudice a évolué. En effet, la première chambre civile59(*) considère que le préjudice correspond à l'excès et non plus la totalité de l'engagement : « Le montant du préjudice subi par la caution ne pouvait être équivalent à la totalité de la dette mais seulement à la mesure excédant les biens que la caution pouvait proposer en garantie. »

Pour évaluer le préjudice, la première chambre civile se réfère à la disproportion. Donc, par le mécanisme de la compensation, la caution va payer la différence entre la disproportion et le préjudice. Cela est discutable car il ne s'agit que de la perte d'une chance. Il ne s'agit pas d'une extinction directe (différent de l'article 2037 du Code civil) qui peut être totale ou partielle.

Aujourd'hui, n'importe quel comportement - ou presque - du créancier professionnel constitue une faute. Mais où est le préjudice ?

2°) Un préjudice discutable

Le préjudice consiste pour la caution, a-t-on suggéré, « non pas à être éventuellement actionné par le créancier, puisque tel est le but de son engagement, mais à l'être dans une mesure incompatible avec ses possibilités financières ; il ne résulte pas de devoir payer, mais de devoir trop payer. » Si la situation est préjudiciable à quelqu'un, c'est plutôt au créancier qui découvrira, s'il ne le savait déjà, qu'il a mal choisi la caution. Et que signifie l'expression « devoir trop payer ? »

« Trop payer », c'est payer plus qu'il n'est dû et non payer plus tard - à condition d'avoir reconstitué son actif - ce que l'on n'a pu payer lors des premières poursuites. Il suffit de relire l'article 2092 Code civil lequel inscrit l'obligation dans la continuité : les biens à venir répondront des dettes passées.

B°) Le lien de causalité entre la faute et le préjudice

Il ne suffit pas à la caution de rapporter la preuve de la faute commise par le créancier professionnel. Conformément au droit commun de la responsabilité civile, il lui faut également rapporter la preuve d'un préjudice et du lien de causalité entre celui-ci et la faute. Dans leur appréciation, les juridictions sont exigeantes. Très souvent en effet, il y a un concours de fautes. Les dirigeants peuvent très bien avoir été négligents60(*). La caution de son côté peut avoir manqué à son obligation de se renseigner. Seul le préjudice résultant directement de la faute commise par le créancier doit être mis à la charge de ce dernier.

Un arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 18 Juillet 200061(*) donne un exemple limpide de ce que peuvent être le préjudice et lien de causalité.

Celle-ci affirme qu'en « soutenant que le préjudice devait être limité à l'aggravation de l'insuffisance d'actif née en raison de leur soutien fautif, les banques méconnaissent le principe selon lequel le préjudice collectif des créanciers est l'impossibilité de voir rembourser leurs créances, ce qui est la conséquence directe de l'insuffisance d'actif. »

La jurisprudence assimilait jusqu'à présent la faute consistant à  faire souscrire  un engagement disproportionné à un fait générateur de responsabilité civile62(*). Non seulement ce fondement était discutable, la faute étant antérieure à la conclusion du contrat, mais il permettait parfois à la caution de « s'enrichir. » Cette expansion est décidément regrettable. Afin de restaurer l'efficacité de la sûreté et rétablir l'équilibre contractuel, le législateur et les juges de la Cour de cassation ont réduit considérablement le domaine de la faute du créancier professionnel en matière de sûretés à des cas résiduels et ont restreint par la même occasion la possibilité offerte à la caution de mettre en oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel.

Aussi par un revirement important, la Cour de cassation devait limiter le jeu du principe de proportionnalité. Désormais, la responsabilité du créancier ne peut plus être recherchée que si la caution démontre « qu'il a eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès de l'exploitation de la société, des informations qu'elles même aurait ignorées. »

Octroyer un crédit est donc bien un acte délicat et sensible. La loi et la jurisprudence ont, par des mécanismes divers, posé des garde-fous à l'extension de la responsabilité civile du banquier.

II°Partie

La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe en recul

Par de nombreux subterfuges, le droit positif permettait aux cautions de ne pas honorer leurs engagements vis-à-vis du fournisseur de crédit. Cette protection excessive des cautions instaurait un déséquilibre contractuel auquel il fallait y remédier.

Pour se délier de leurs obligations (faire droit à la demande du créancier solvens), les cautions poursuivies recouraient aussi bien aux règles de la responsabilité civile qu'à des textes spéciaux (les lois du 31 Décembre 1989 et du 01 Août 2003, article 2037 du Code civil).

Depuis 2002, la Cour de cassation, principalement la Chambre commerciale a opéré un mouvement de reflux. Elle se montre beaucoup plus exigeante que par le passé quant aux conditions qui doivent être réunies pour que les emprunteurs et les cautions puissent engager la responsabilité civile du créancier professionnel. Souvent invoquée, la responsabilité du banquier est aujourd'hui rarement admise. La caution doit démontrer que le banquier aurait eu ou pu avoir sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération financée et entreprise par la société emprunteuse des informations que par suite de circonstances exceptionnelles, la caution ignoraient.

La responsabilité du banquier n'a pas disparu pour autant. Elle ne l'est pratiquement qu'à l'égard des cautions profanes ou lorsque les circonstances exceptionnelles sont réunies.

La décision de la Chambre commerciale du 08 Octobre 2002 constitue la première manifestation du recul de la responsabilité civile du banquier.

La deuxième manifestation de ce recul est d'origine législative. Alors que la loi du 01 Août 2003 renforce les droits de la caution en lui permettant de se prévaloir de la disproportion de la garantie, la loi du 26 Juillet 2005 vient limiter les possibilités offertes à la caution en ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité civile du banquier (section1).

La dernière manifestation de ce recul est relative à l'assouplissement de la sanction (section 2). En effet, le choix de la sanction responsabilité civile ou l'allocation de dommages-intérêts paraît plus favorable et moins lourd de conséquences pour le banquier.

Ces évolutions montrent la volonté et la nécessité de laisser le contrat, régulièrement formé, s'exécuter. Il y a aussi une tendance à rétablir le déséquilibre contractuel persistant au détriment de l'établissement de crédit créancier.

Section 1

La mise en oeuvre difficile de la responsabilité civile du créancier professionnel

Lorsqu'elle est poursuivie par le banquier, la caution pouvait ne pas s'exécuter en invoquant la faute de celui-ci. Depuis 2002, il devient de plus en plus difficile pour celle-ci d'échapper à l'engagement qu'elle a souscrite. La décision Nahoum constitue un obstacle (insurmontable) pour les cautions désireuses d'échapper à leurs engagements.

Par ailleurs, l'un des apports majeurs de cette décision est qu'elle rend difficile et restreint les conditions d'engagement de la responsabilité civile du banquier (I).

La difficulté de la mise en jeu de la responsabilité civile du banquier passe aussi par l'allègement de l'obligation d'information qui pèse sur le banquier (II).

Déjà, dans la décision du 08 Octobre 2002, la Chambre commerciale précise que la preuve du manquement du banquier à son obligation d'information pèse sur la caution et non pas sur le banquier. Et, de manière générale, le principe selon lequel l'obligation d'information pèse sur le banquier connaît un certain nombre de tempéraments.

I
· La restriction des conditions d'engagement de la responsabilité civile du créancier professionnel

La première restriction relative à l'extension de la responsabilité civile du créancier professionnel résulte de la décision du 08 Octobre 2002 (A) dans laquelle la Chambre commerciale subordonne le droit d'agir en responsabilité contre le fournisseur de crédit à des conditions très strictes.

La deuxième restriction concerne la limitation du domaine de la faute (B). En effet, l'analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation montre une volonté de restreindre le domaine de la faute par une évaluation concrète de la situation patrimoniale de la caution.

La troisième restriction est formulée par la loi du 26 Juillet 2005 qui fixe de manière limitative les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile du créancier professionnel(C).

A°) Les manifestations de la jurisprudence relative à l'extension du principe de proportionnalité

Le principe jurisprudentiel de proportionnalité bien établi en matière de cautionnement a, semble t-il, vécu63(*). Tel est le principal enseignement de cet important arrêt rendu par la Chambre commerciale le 08 Octobre 2002.

Il convient de dégager la portée de cet abandon de l'exigence de proportionnalité (1) en tenant notamment compte de la qualité de la caution. Nous verrons que toute l'évolution jurisprudentielle antérieure a été successivement remise en cause (2) par les lois du 01 Août 2003 et du 26 Juillet 2005 qui n'accordent de protections qu'aux seules cautions personnes physiques. A la lecture de la décision du 08 Octobre 2002, on constate que la preuve de l'existence d'une disproportion manifeste pèse sur la caution (3).

1°) Le domaine d'application du principe de proportionnalité

Par la décision en date du 08 Octobre 2002, la Chambre commerciale64(*) vient de mettre fin à sa jurisprudence reconnaissant aux cautions professionnelles le droit d'engager la responsabilité de la banque en cas du non-respect du principe de proportionnalité.

Deux hypothèses ne suscitent pas de difficultés :

a
· La situation du dirigeant caution

La caractéristique commune des cautions intégrées est de connaître ou de pouvoir connaître l'évolution de la situation du débiteur principal et de pouvoir l'infléchir de telle sorte que leur propre intérêt soit sauvegardé. C'est ce que démontrent les circonstances de fait de la présente décision. La caution est réputée, par principe, avoir un degré de connaissance et de compétences identiques à celui du banquier prêteur. Cette décision est à mettre en parallèle avec une autre décision de la chambre commerciale du 26 Mars 2002, qui a considéré qu'un banquier dispensateur de crédit n'engageait pas sa responsabilité pour fourniture de crédit excessif, dès lors qu'il ne disposait pas d'informations ignorées par l'emprunteur65(*). La Chambre commerciale confirme par ces décisions sa jurisprudence visant à écarter la responsabilité de la banque créancière lorsque les emprunteurs contractent à titre professionnel, quelle que puisse être leur expérience ou inexpérience dans les affaires.

A l'inverse, les cautions personnes physiques garantissant un crédit à la consommation au sens du Code de la consommation pourront invoquer le caractère excessif de leur engagement, si les conditions de l'article L. 313-10 du Code de la consommation sont réunies.

b
· La spécificité des cautionnements authentiques

En cas de cautionnement authentique, le devoir de conseil du notaire lui imposera toujours d'attirer l'attention de la caution sur le caractère excessif de son engagement, même si elle a un degré suffisant de compétence66(*).

La décision du 08 Octobre 2002 apparaît donc comme un frein à l'extension de l'exigence de proportionnalité existant dans le droit des contrats. Cette décision mérite une totale approbation car elle effectue, après une période de protection excessive des garants, un rééquilibrage nécessaire dans le droit du cautionnement entre la protection de la caution et l'efficacité de la sûreté tout en limitant les hypothèses où la caution peut agir en responsabilité contre le créancier. Cette décision marque la volonté de la Cour de cassation de responsabiliser les emprunteurs à titre professionnel et les cautions dirigeantes qui doivent être conscientes des conséquences de certains de leurs engagements.

Même si ceux-ci risquent de les conduire à la ruine, ils ne pourront plus faire supporter une partie de leurs dettes au créancier professionnel qui a octroyé le crédit non remboursé. Quelles qu'en soient les conséquences, l'engagement souscrit par le débiteur principal ou par le débiteur accessoire qu'est la caution, devra être exécuté. Il n'est plus question de réduire des engagements excessifs à un montant jugé raisonnable par une utilisation des règles de la responsabilité civile qui ne se justifiaient ni juridiquement, ni pratiquement. Le principe de proportionnalité n'est donc sans doute pas totalement abandonné. Seul son champ d'application se trouve notamment réduit par l'arrêt Nahoum.

Par les lois du 01 Août 2003 et du 26 Juillet 2005, le législateur est venu remettre en cause toute l'évolution jurisprudentielle antérieure.

2°) La remise en cause du principe de proportionnalité

Avant l'entrée en vigueur des lois du 01 Août 2003 et du 26 Juillet 2005, la Chambre commerciale se référait plutôt à la qualité de la caution pour apprécier la disproportion des engagements souscrits.

a
· Le principe de proportionnalité au regard de la qualité de la caution

En matière de proportionnalité, la Chambre commerciale fait une distinction entre la caution non dirigeante et la caution dirigeante.

Pour la Chambre commerciale, le principe de proportionnalité s'applique pleinement à la première mais pour la caution dirigeante, ce principe est réduit à un simple devoir d'information lorsque l'opération va être désastreuse. Or, il est rare qu'un dirigeant, qui participe au processus décisionnel, ne puisse pas apprécier les chances de réussite de l'opération garantie. En revanche, les cautions non dirigeantes sont extérieures au processus de décision, et n'ont donc pas les moyens d'en apprécier les chances de réussite. Elles doivent alors être protégées contre les engagements disproportionnés.

Par ailleurs, la question de l'appréciation de l'excès dans les engagements n'a pas été, à ce jour, résolue. Pour cela, il semble qu'il faut tenir compte de l'ensemble des éléments constituant le patrimoine de la caution, même des sûretés ayant pour l'objet de garantir le paiement de la dette pour laquelle le cautionnement a été consenti.

Dans son célèbre arrêt Macron du 17 Juin 1997, la Chambre commerciale permettait aux cautions, mêmes dirigeants sociaux, d'invoquer l'exigence de proportionnalité entre leurs engagements et leurs capacités financières. Dans cette décision, la Chambre commerciale avait pris en considération non pas la qualité de la caution (Macron était à la fois gérant et avaliste), mais le montant excessif par rapport aux ressources de l'intéressé, un dirigeant qui avait garanti sa société. Elle n'était cependant pas allée jusqu'à en faire une cause directe de nullité ou d'inefficacité, elle a jugé que le banquier qui se faisait consentir un tel cautionnement commettait une faute.

En revanche, dans la décision du 08 Octobre 2002, la Chambre commerciale semble avoir admis que le seul caractère excessif de l'engagement ne suffit pas à engager la responsabilité du créancier et qu'il fallait se placer sur le terrain de l'obligation d'information. Il y aurait donc lieu à établir l'existence d'un dol par réticence portant notamment sur la solvabilité du débiteur principal.

Devant la Chambre commerciale, il devient ainsi clair que les cautions qu'elles soient ou non dirigeantes n'ont plus guère de possibilités de mettre en jeu la responsabilité du créancier. Seules des circonstances exceptionnelles autorisent une telle action. Mais il sera rare que l'établissement de crédit dispose d'informations ignorées de l'emprunteur.

Cette distinction (caution profane caution intégrée) est à nuancer au regard de la position de la première chambre civile qui applique la solution dégagée par la décision Macron à toutes les cautions.

b
· Un principe mis à mal par la loi du 01 Août 2003

Dans les 5 nouveaux articles67(*) du Code de la consommation issus de la loi du 01 Août 2003, il est fait référence à « la personne physique » qui se porte caution. Ces articles ne distinguent pas en fonction de la qualité de la caution.  Finalement, il importe peu que celle-ci soit ou non caution profane ou caution intégrée. Or, en protégeant indifféremment les cautions personnes physiques sans se préoccuper de leurs compétences, la loi du 01 Août 2003 bénéficiera immanquablement à des cautions averties à la bonne foi douteuse. L'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi du 01Août 2003 apparaît comme la consécration législative de l'arrêt Macron et la condamnation de l'arrêt Nahoum puisqu'il permet à la caution personne physique d'obtenir la décharge de son engagement. Aucune distinction n'est donc faite entre les dirigeants sociaux et les autres cautions, l'ensemble de ces cautions pouvant se prévaloir de ce texte. Ce nouveau texte comporte toutefois une limite puisqu'il n'est opposable qu'aux créanciers professionnels.

S'il est évident que les établissements de crédit sont des créanciers professionnels, ce texte peut-il être opposé à d'autres créanciers que des établissements de crédit ?

Dans un arrêt du 10 Mai 2005, la Cour de cassation apporte une réponse en considérant qu'une SCI (Société Civile Immobilière), qualifiée de vendeur professionnel, est un créancier professionnel. Cet arrêt signifie donc que la notion de créancier professionnel ne se limite pas aux seuls établissements de crédit et pourrait être étendue à bien d'autres créanciers conduits à se faire consentir des cautionnements dans le cadre de leur activité professionnelle : vendeurs professionnels faisant crédit à leur acheteur, entreprises exigeant du dirigeant de leur cocontractant de cautionner la bonne exécution des conventions conclues.

Malgré son insertion dans le Code de la consommation, il faut souligner que la loi du 01 Août 2003 veut favoriser la création d'entreprises et surtout protéger les créateurs d'entreprises des abus supposés des établissements de crédit, ce qui incite à se prononcer en faveur de l'application des dispositions nouvelles aux dirigeants sociaux.

c
· Un principe réservé aux seules cautions personnes physiques

Les lois du 29 Juillet 1998 et du 01 Août 2003 ne dispensent leur protection qu'aux seules cautions personnes physiques, à l'exclusion des cautions personnes morales.

Dans le même esprit, la loi du 26 Juillet 2005 limite , dans certains cas, cette protection aux seules cautions personnes physiques n'intervenant pas à titre professionnel, en excluant notamment les dirigeants ayant accordé un cautionnement dans l'exercice de leurs fonctions. En outre, il préconise la consécration législative de l'exigence de proportionnalité du cautionnement, mais dans le cas seulement où la caution est une personne physique agissant à titre non professionnel.

3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion manifeste

La Cour de cassation, du moins l'interprétation de l'arrêt du 08 Octobre 2002 a contrario, ne dénie pas aux cautions dirigeants de sociétés le droit d'agir en responsabilité contre le créancier professionnel. Elle subordonne cette action à des conditions très strictes, ce qui aura pour conséquence de rendre son exercice exceptionnel, alors que le principe de proportionnalité était de plus en plus invoqué par les cautions actionnées par les établissements de crédit. Cette décision du 08 Octobre 2002 impose aux cautions qui souhaiteraient engager la responsabilité du créancier professionnel des preuves particulièrement difficiles à rapporter, ne serait-ce qu'en raison de leur caractère parfois négatif :

elles doivent démontrer la connaissance, par les établissements de crédit prêteurs, de leur situation patrimoniale et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération entreprise par l'emprunteur. L'un des éléments de la démonstration est relatif à la caution et l'autre au crédit octroyé.

Les cautions sont tenues de démontrer que l'établissement de crédit créancier bénéficiait, sur leur situation patrimoniale, d'informations qu'elles même ignoraient. La charge de la preuve pèse désormais sur elles. Cette preuve se dédouble : 

négativement, elles devront démontrer leur ignorance d'un fait et, positivement, la connaissance de ce fait par autrui. Pratiquement, une telle preuve sera quasiment impossible à rapporter. Il faut également que les banques détiennent des informations non connues des cautions sur leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles , en l'état du succès escompté de l'opération entreprise par le débiteur principal.

La notion de succès prévisible d'une opération de crédit est difficile à cerner, ne serait-ce que parce que les circonstances économiques et la situation financière de l'entreprise sont susceptibles de beaucoup évoluer entre la période précontractuelle, la signature de la convention de crédit et la fin de son exécution. Là encore, une double démonstration de la part de la caution sera nécessaire, son ignorance, par elle-même, et sa connaissance par le banquier.

Désormais, les cautions dirigeantes auront maintenant beaucoup plus de mal à se dégager de leurs engagements, à partir du moment où le contrat de cautionnement aura été régulièrement formé. La Cour de cassation calque une nouvelle fois la situation des garants sur celle des débiteurs principaux, lorsque ces derniers bénéficient d'un crédit, dans le sens de leur responsabilisation. Ils sont tenus de respecter leurs engagements. Le cautionnement y regagne en cohérence, car il permet à nouveau de préserver les intérêts du bénéficiaire de la caution.

Dans l'ensemble des arrêts68(*) qui leur ont succédé et qui ont refusé de faire application du principe de proportionnalité, la Cour de cassation a toujours relevé la qualité de dirigeant de la caution comme dans l'arrêt Nahoum lui-même. Ainsi, il a été jugé que la responsabilité de la banque pour octroi abusif de crédit ne pouvait être engagée que si elle disposait d'informations que les cautions, en dépit de leur qualité, ignoraient.

Tandis que la Chambre commerciale mettait la dernière main à l'élaboration d'une jurisprudence nuancée, la loi du 01 Août 2003 est venue remettre en cause toute l'évolution jurisprudentielle antérieure.

En effet, la loi du 01 Août 2003 (article L. 341-4 du Code de la consommation) précise que les droits du créancier professionnel ne seront restaurés que s'il démontre que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation malgré la disproportion initiale de l'engagement. Cette « exception de proportionnalité » confine ou paradoxe : non seulement le créancier professionnel n'est pas le mieux placé pour apporter pareille preuve, mais cette démonstration suppose virtuellement la réussite de l'opération garantie et l'inutilité du recours !

Cependant, les juges sont très réticents à appliquer la loi du 01 Août 2003 aux instances en cours avant le 07 Août 2003, date d'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, dans un arrêt du 22 Octobre 2004, la Cour d'appel de Paris a affirmé son refus de reconnaître à cette loi un effet rétroactif et de ce fait, a fait application de la jurisprudence Nahoum.

B°) Le recul du domaine de la faute du créancier professionnel

Les juridictions admettent aujourd'hui, moins qu'auparavant, les recours intempestifs formés par la caution contre les établissements de crédit. Cette limitation s'inscrit dans un mouvement de responsabilisation des emprunteurs d'une part et, d'incitation des banques à consentir les crédits et à encourager l'investissement, d'autre part. Dès lors, il apparaissait donc nécessaire de créer des conditions propices, de prendre des mesures moins rigides permettant aux établissements de crédit d'apporter leur soutien aux emprunteurs. L'acte ou le comportement qui était constitutif de faute l'est moins aujourd'hui.

a
· La survie des créances non déclarées

La première manifestation de ce recul est d'origine législative et concerne principalement le nouvel article L. 622-26 du Code de commerce issu de la loi du 26 Juillet 2005 qui reprend en substance les dispositions de l'article L. 621-46 relatives au défaut de déclaration de créances. Le droit des procédures collectives reste le test par excellence de l'efficacité des sûretés. La disparition de la malencontreuse extinction des créances non déclarées va fortement contribuer à restaurer l'efficacité du cautionnement.

En effet, aux termes de l'article L. 621-46 du Code de commerce, « les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes. » L'article L. 621-46 instaurait une cause d'extinction des créances et déchargeait automatiquement les cautions. La faute du créancier professionnel consistait alors en une négligence, à un manque de vigilance : le défaut de déclaration des créances emporte extinction et libère, par conséquent, les cautions. Désormais, le nouvel article L. 622-26 du Code de commerce, issu de la loi du 26 Juillet 2005 ne comporte plus la disposition selon laquelle « les créances qui n'ont pas été déclarées et non pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes. »

Se posera nécessairement la question de savoir si le créancier professionnel, bénéficiaire du cautionnement, peut dorénavant s'abstenir impunément de déclarer sa créance. Une réponse négative s'impose, dès lors qu'il cause ainsi un préjudice à la caution, privée de la possibilité d'être subrogée dans les droits du créancier professionnel contre le débiteur défaillant. Si la créance était privilégiée, la règle de l'article 2037 du Code civil s'appliquera avec certitude et permettra à la caution d'être déchargée dans la mesure du préjudice subi, c'est-à-dire du dividende que le fournisseur de crédit aurait perçu s'il avait déclaré sa créance. La solution est à première vue plus incertaine dans le cas d'une créance chirographaire dans la mesure où le droit perdu peut difficilement, dans cette hypothèse, être qualifié de droit préférentiel. Il est généralement admis que la perte ou la diminution du droit de gage général ne permet pas à la caution de se prévaloir du dispositif de l'article 2037 du Code civil.

La deuxième manifestation de ce recul est relative à une appréciation circonstanciée de la situation patrimoniale des associés cautions.

b
· L'évaluation concrète de la situation patrimoniale de la caution

En effet, pour faire droit à la demande des cautions se plaignant de la disproportion de leurs engagements, la Cour d'appel69(*) fait une appréciation concrète de la situation patrimoniale des débiteurs en prenant compte notamment leurs revenus, leurs obligations personnelles importantes en égard à leurs charges de familles. A contrario, la Chambre commerciale70(*) rejette le recours d'une caution dans la mesure ou « son engagement n'était pas manifestement disproportionné à sa situation de célibataire et disposant d'un revenu mensuel suffisant pour honorer son engagement de caution. »

Enfin, selon la Chambre commerciale, « La circonstance que le crédit de trésorerie ait été accordé à une entreprise n'est pas de nature à lui seul à caractériser un comportement fautif de la banque71(*). » En d'autres termes, pour caractériser la faute du créancier professionnel, il faut un ensemble de faits fautifs, sauf si le droit perdu par le créancier est un droit préférentiel ou une créance privilégiée.

Cependant, la faute du créancier professionnel en matière de sûretés n'a pas disparu pour autant. La loi du 26 Juillet 2005 définit de manière limitative les cas où la faute de celui-ci peut-être encore retenue.

C°) La mise en jeu limitée de la responsabilité civile du créancier professionnel

Cette limitation est le fruit de la loi du 26 Juillet 2005. Après la loi du 01 Août 2003, c'est le nouvel article L. 650-172(*) du Code de commerce (issu de la loi du 26 Juillet 2005) qui fixe les nouveaux principes. Désormais, le fournisseur de crédit n'est plus à la merci de la caution. IL fait l'objet de protections particulières auxquelles la caution ne peut pas déroger.

De cette nouvelle disposition, se déduit un principe d'irresponsabilité (1) du créancier professionnel. Pour autant, la responsabilité de l'établissement de crédit n'est pas totale. Les cas de responsabilité sont expressément prévus par le texte (2).

1°) L'irresponsabilité de principe du créancier professionnel

Désormais, tout créancier professionnel qui octroie des concours à une entreprise par une procédure de prévention ou de règlement de ces difficultés n'encourt aucune responsabilité pour les concours consentis. Le principe se veut général puisqu'il s'applique à tout créancier, à tout crédit, et qu'il exonère de toute responsabilité qu'elle soit civile ou pénale.

Cependant, l'irresponsabilité retenue connaît des limites. En effet, l'article L. 650-1 du Code de commerce prévoit trois exceptions pour engager la responsabilité civile du banquier pour soutien abusif.

2°) Les cas d'engagement de la responsabilité civile du créancier du fait des concours consentis

Ces cas sont principalement au nombre de trois :

a
· La fraude

La fraude évoque des comportements relevant du droit pénal ; il s'agit de consentir des crédits ou des avances au débiteur dans un but autre que celui de maintenir l'activité.

Il peut s'agir également de l'octroi de « crédits noirs », c'est-à-dire par exemple l'escompte d'effets de commerces de complaisance ou la double mobilisation de crédits qui permet à l'entreprise de se procurer un crédit artificiel.

En réalité, cette réserve n'apporte rien dans la mesure ou d'office le juge peut toujours relever la fraude.

b
· L'immixtion caractérisée du créancier professionnel

C'est principalement la gestion de fait. Cette gestion suppose, notamment, que la banque contrôle le remboursement du crédit qu'elle a consenti en s'immisçant dans la gestion de la société emprunteuse. Si l'exception se résumait à ce cas de figure, elle demeurerait exceptionnelle dans la mesure où la jurisprudence retient une conception stricte de la gestion de fait. Mais l'immixtion, même caractérisée ne saurait se résumer à la direction de fait. Le texte peut se prêter à diverses interprétations. Le pouvoir du juge peut s'avérer important dans l'appréciation de l'immixtion. Pour pouvoir retenir la responsabilité de la banque, il n'est pas en effet exclu que certains juges du fond adoptent une conception large de cette notion.

Les deux premiers cas visés par le législateur ne sont pas une nouveauté en droit français ; la fraude et la gestion de fait des banques donnent droit à réparation dès lors qu'elles sont constitutives d'un préjudice, lequel résulte de l'accroissement du passif par la prolongation artificielle de l'activité du débiteur, et en conséquence, de l'ouverture tardive de la procédure collective.

C'est cependant le troisième tempérament qui constitue la menace la plus sérieuse pour les établissements de crédit.

c
· La disproportion des garanties

La prise de garanties excessives comme cause de responsabilité est une consécration nouvelle qui laisse présager des débats doctrinaux et une jurisprudence abondante dans la mesure où l'appréciation du caractère excessif des garanties varie selon la date prise en considération (date de la prise des sûretés ou date de leur réalisation).

La lecture des travaux parlementaires montre que dans l'esprit du législateur, le texte ne vise qu'à sanctionner les créanciers professionnels qui ont des pratiques inhabituelles en la matière. Une arme redoutable est ainsi entre les mains du juge. Il s'agit aussi d'une menace à la portée imprévisible car l'appréciation de la disproportion - qui n'a pas à être manifeste - s'avérera souvent un exercice délicat. Le pouvoir conféré au juge du fond laisse augurer de fortes disparités d'appréciation.

Parce que la caution n'est pas débitrice d'une dette qui lui est personnelle, elle n'est pas en relation économique avec le créancier professionnel. Elle ne peut ni connaître le risque garanti ni suivre l'évolution de l'opération garantie aussi utilement qu'elle pourrait le faire si elle participait activement à l'opération. C'est donc à ce titre que les tribunaux, puis la loi, ont imposé au banquier une obligation d'information dont l'évolution varie en fonction des parties en cause.

II
· L'allègement de l'obligation d'information

Pendant fort longtemps, l'information de la caution n'a tenu qu'une place bien modeste au sein du droit du cautionnement qui se résumait, pour l'essentiel, à la prise en compte d'un éventuel dol commis par le fournisseur de crédit. L'obligation d'information du créancier a connu un développement considérable qui se traduit, aujourd'hui par un foisonnement des textes qui est caractéristique d'un engouement législatif récent. Mais, en l'occurrence, l'engouement n'est pas seulement législatif mais aussi jurisprudentiel. S'agissant de la mise en oeuvre de l'obligation d'information de la caution, la jurisprudence a fait preuve de tout le réalisme nécessaire à une application du droit des sûretés qui soit respectueuse à la fois des nécessités économiques et de la sécurité de crédit et qu'en ce domaine, elle a souvent adopté des solutions de nature à renforcer la sécurité offerte au créancier professionnel par l'existence du cautionnement.

la jurisprudence s'est montrée, également, particulièrement soucieuse de la protection de la caution et que, sensible à la disparité existant entre une caution ne disposant parfois que d'une information très limitée et un fournisseur de crédit qui, au contraire, est le plus souvent en situation d'exiger la fourniture de tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin, elle a eu le souci de rééquilibrer leur relation en développant l'obligation d'information mise à la charge de ce dernier. Ce développement n'est pas seulement double dans ses sources, à la fois législatives et jurisprudentielles. Il est, également, double dans ses manifestations puisqu'il s'est traduit, d'une part, par une augmentation du domaine d'application des obligations d'information du fournisseur de crédit et, d'autre part, dans certains cas, par un changement de nature juridique de l'obligation d'information impliquant, de la part du créancier, une vigilance renforcée.

En matière de sûretés, une double obligation pesait sur le créancier professionnel: d'une part, il est tenu de veiller à la proportionnalité de l'engagement de la caution. D'autre part, il est tenu de donner à la caution des informations claires sur la nature et les risques de l'opération. Cette double obligation n'a pas totalement disparu, elle a été allégée dès la jurisprudence Nahoum.

En effet, depuis 2002, l'analyse du droit positif en matière de sûretés montre que c'est sur le terrain de l'obligation d'information que la question doit être réglée : la faute consiste pour la caution à prouver que le fournisseur de crédit aurait retenu des informations vitales pour la réussite de l'opération et qui ne lui auraient pas été communiquées. Il y a indéniablement un assouplissement de la preuve de cette obligation d'information, elle ne pèse pas seulement sur le créancier professionnel. Cependant, il reste de principe que le créancier professionnel reste débiteur de cette obligation envers la caution profane (A). Ce principe s'accompagne, cependant, d'un tempérament (B).

A°) Le principe : Le créancier professionnel, débiteur de l'obligation d'information

C'est la loi bancaire du 01 Mars 1984 et plus particulièrement son article 48 qui a pour la première fois mis à la charge de certains créanciers une obligation d'information des cautions. L'innovation était importante car jusqu'alors il était admis que la caution avait l'obligation de se renseigner sur la portée de son engagement. Ce principe demeure bien aujourd'hui, mais il faut reconnaître que des tempéraments de plus en plus nombreux y sont apportés. Tous les créanciers sont actuellement pratiquement soumis à une obligation d'information, de renseignement ou de conseil.

La mise à la charge des créanciers d'une obligation d'information s'opère cependant dans le plus grand désordre. Il existe au moins huit dispositions figurant dans trois codes différents qui consacrent des obligations d'information. Des dispositions font parfaitement doublon. Loin d'unifier et de simplifier la matière, la loi du 01 Août 2003 n'a fait qu'ajouter à la confusion. Elle énonce un principe qui se veut général mais l'article L. 341-673(*) du Code de la consommation ne remplace aucune disposition antérieure. Il apparaît que l'information peut être double. D'une part, il existe des informations annuelles qui sont dues automatiquement. D'autre part, il existe des informations seulement dues en cas d'incidents de paiements affectant le débiteur principal.

L'article 48 devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier confère une portée limitée à l'obligation d'information imposée aux créanciers. Cependant, la jurisprudence et le législateur ont par la suite contribué à faire de cette obligation d'information l'un des mécanismes fondamentaux de protection des cautions74(*).

La loi du 29 Juillet 1998 est de ce point de vue particulièrement significative75(*). Les cautions d'entreprise ou de consommateurs doivent aujourd'hui être informées. Il faut cependant regretter qu'aucun principe général n'ait été formulé. Toutes les obligations mises à la charge des créanciers se distinguent par leur domaine, leur contenu et leur sanction. Le droit du cautionnement perd donc de plus en plus de sa cohérence.

Au-delà de la confusion et de la juxtaposition des textes, il reste que le fournisseur de crédit est débiteur de cette obligation. Ce principe est particulièrement vrai à l'égard des cautions profanes (1) et il appartient au créancier professionnel de prouver qu'il a rempli cette obligation. La jurisprudence offre, cependant, au banquier un assouplissement des moyens de preuves (2) dans la mise en oeuvre de cette obligation d'information.

1°) A l'égard de la caution profane

Ces cautions sont profanes au sens de non professionnelles. Elles ignorent les subtilités de l'activité et font l'objet d'une protection accrue par les juridictions.

En revanche, le banquier est un professionnel. Par conséquent, il doit apporter à la caution profane toutes les informations relatives au contrat de cautionnement.

Dans cette optique, la responsabilité de la banque sera engagée pour non information d'une situation grave de l'entreprise, la disproportion du crédit ou la disproportion de l'engagement de caution eu égard à ses propres facultés de remboursements.

La première chambre civile76(*) dans un arrêt en date du 12 Juillet 2005 a validé la solution des juges du fond ayant retenu que « la banque avait méconnu ses obligations à l'égard d'emprunteurs profanes en ne vérifiant pas leur capacité financière et en leur accordant un prêt excessif au regard de leurs facultés contributives, manquant ainsi à son devoir de mise en garde. » La Cour de cassation a souligné le caractère profane des emprunteurs, de sorte que la solution eut été différente si ces derniers étaient au contraire avisés. C'est donc la qualité de l'emprunteur (profane ou averti) qui dicte l'intensité de l'obligation de conseil mise à la charge du créancier professionnel.

En cas de contestation, la caution doit démontrer qu'elle remplit les conditions pour avoir droit à l'information. Mais, c'est le créancier professionnel qui a la charge de prouver qu'il a bien exécuté son obligation.

L'information est, cependant, un fait juridique dont la preuve peut se faire par tout moyen.

2°) L'assouplissement des moyens de preuve

C'est une faveur qui est faite au créancier professionnel.

En effet, La cour d'appel laisse libre choix au créancier professionnel des moyens de prouver que celui-ci a accompli son obligation d'informer la caution. Ainsi, le créancier professionnel peut recourir à tout (indices, témoignages, lettres simples) pour justifier sa bonne foi.

Par faveur pour les établissements de crédit, la Cour de cassation devait cependant énoncer dans un arrêt de principe,  « qu'il n'appartient pas à l'établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu les informations envoyées77(*). »

La portée de cette décision est cependant controversée. Il incombe au créancier professionnel de démontrer, par exemple grâce à la production d'un listing, que l'envoi de la lettre à la caution est vraisemblable. Par ailleurs, il appartient à la caution prétendant ne pas avoir été informée de rapporter la preuve contraire. Les juridictions du fond sont ainsi invitées à indiquer les présomptions permettant de douter de l'envoi de la lettre d'information78(*).

Lorsque les parties respectives au contrat sont toutes des professionnelles, alors le créancier professionnel bénéficie d'une exemption de l'obligation d'information.

B°) Le tempérament : la dispense de l'obligation d'information

Les tribunaux ne font pas de distinction entre caution avertie, caution intégrée et caution initiée. Elles ont toute le même degré de connaissance et de compétences. Elles sont des professionnelles.

Il conviendra cependant de distinguer la caution dirigeante de fait (1) de la caution dirigeante de droit (2). La caution qui se prévaut d'un préjudice particulier doit apporter la preuve de la réalité de celui-ci (3).

1°) A l'égard de la caution dirigeante de fait

La caution dirigeante de fait est celle qui n'a pas la qualité et la compétence concernant la gestion de l'entreprise. C'est aussi celle qui s'immisce dans la gestion de l'entreprise. A l'égard de cette caution, il ne pèse sur le créancier professionnel aucune obligation d'information. Elle est présumée avoir une connaissance parfaite de la situation économique et financière de l'entreprise.

2°) Envers la caution dirigeante de droit

La caution dirigeante de droit va être celle qui a la qualité de dirigeant conformément aux statuts de l'entreprise : c'est le dirigeant.

La Cour de cassation considère qu'elle dispose autant d'informations que le banquier sur la nature de l'opération. Les demandes respectives de ces dirigeants ne sont pas pour autant irrecevables, mais elles revêtent un caractère de présomption de co-responsabilité exonérant totalement ou partiellement la banque79(*).

Pour l'immense majorité des entreprises moyennes ou petites, le cautionnement du dirigeant ou du principal associé est le seul moyen de se procurer le crédit indispensable à leur fonctionnement. La Cour de Cassation considère qu'il est mal fondé à se retourner contre la banque alors qu'il est présumé avoir une parfaite connaissance de la situation de l'entreprise et qu'il a profité du financement à titre patrimonial.

Ici, les fautes de la banque en matière de conseil, de manque de prudence ne suffisent pas.

Seuls des cas très exceptionnels peuvent entraîner une condamnation de la banque tels que les informations ignorées du dirigeant sur la situation irrémédiablement compromise de ses clients, l'impossibilité de rembourser selon un prévisionnel erroné particulièrement pour un dirigeant non expérimenté, il en est de même en cas d'immixtion de la banque dans la gestion, où la mauvaise foi de la banque dans les modalités de mise en place du crédit.

Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il peut aussi être fait état de circonstances particulières : soit concernant la faiblesse de la caution (âge et maladie), soit la réticence dolosive, et qu'une démonstration sur le montant excessif du crédit démontrerait que l'absence de connaissances financières du dirigeant apparaît d'autant plus excusable qu'il est évident qu'il ne peut pas être d'un niveau égal au banquier dans son domaine d'expertise.

S'agissant de son caractère profane pour une nouvelle activité (ni spécialiste de la finance, ni issu de la branche d'activité), le dirigeant peut voir sa demande prospérer.

Pour un ancien dirigeant, il conviendra de prouver que c'est l'attitude de la banque qui a aggravé sa situation80(*). De plus, il est évident que les demandes même reconventionnelles associant les mandataires de justice ont plus de chance de prospérer que celles des garants isolés ! Surtout, après liquidation de biens, le mandataire peut seul introduire une action pour soutien abusif, gestion de fait. Pour la caution dirigeante qui a déclaré sa créance, elle fait partie de l'augmentation de passif et la banque qui serait condamnée devrait l'indemniser par compensation.

Il paraît difficile d'exiger de tout dirigeant qu'il dispose des capacités d'analyse financières égales à celles d'un banquier. Il y a un déséquilibre entre le banquier et l'emprunteur quant à l'accès à l'information. Le fournisseur de crédit doit contrôler les ratios d'endettement tels que l'endettement total bancaire et les fonds propres, le financement à court terme des comptes clients. D'autant qu'il apparaît que de par sa formation et son expérience professionnelle, le dirigeant d'une petite et moyenne entreprise (PME) apparaît souvent profane sur un plan financier.

3°) La preuve de l'existence d'un préjudice particulier

Il conviendra d'abord de définir la notion de préjudice particulier avant de préciser son régime probatoire.

a
· La définition du préjudice particulier

C'est principalement la perte par la caution d'une chance de répondre d'une dette moindre en révoquant suffisamment tôt son engagement. Chance qu'elle a perdue par la faute de la banque  qui ne lui a pas rappelé son droit de révocation.

b
· La preuve du préjudice particulier

Elle pèse sur la caution. En effet, dans l'arrêt en date du 04 février 2003, la première chambre civile81(*) relève que la caution  « ne justifiait pas d'une telle faute ayant causé un préjudice autre ou plus important. »

Le recul de la responsabilité civile du banquier se manifeste dans tous les domaines du droit du crédit, même dans le domaine des sanctions.

Section 2

L'assouplissement des sanctions du comportement fautif du créancier professionnel en droit du crédit

Comment peut-on envisager une action du crédité lui-même contre le banquier sachant que c'est lui qui a demandé le crédit, qui a en quelque sorte causé sa propre ruine ?

En cette matière, un arrêt est à citer, il s'agit de l'arrêt Macron aux termes duquel commet une faute le banquier qui reçoit un engagement hors de proportion avec les revenus et patrimoines de la caution. La Chambre commerciale, jugeant la disproportion manifeste, constatait que le créancier avait violé son devoir de loyauté pour avoir accepté un tel cautionnement et accordait en conséquence des dommages-intérêts d'un montant équivalent à la somme réclamée par le créancier.

Par décision du 09 Juillet 2003, la première chambre civile, sur le visa de l'article 1382 du Code civil, estime que le montant du préjudice subi par la caution ne pouvait être équivalent à la totalité de la dette mais seulement « à la mesure excédant les biens que la caution pouvait proposer en garantie. »

Contrairement à plusieurs arrêts de la Chambre commerciale visant les articles 1134 et 1147 du Code civil, la première chambre civile rend sa décision sur le visa de l'article 1382 du même code. Il y a donc encore des incertitudes concernant le fondement de la responsabilité civile du banquier (I).

Par ailleurs, l'analyse du droit positif montre une tendance à un léger assouplissement des sanctions encourues par le créancier professionnel (II) : les juridictions se montrent moins sévères qu'autrefois à l'égard du créancier professionnel quant à la sanction du cautionnement excessif.

I
· Les incertitudes relatives au fondement de la responsabilité civile du créancier

professionnel

En dépit du caractère unilatéral de l'engagement que prend la caution lorsqu'elle garantit un paiement, le principe d'une responsabilité bancaire envers la caution n'est pas discutable.

A l'égard de son client, le débiteur principal, le banquier engage sa responsabilité contractuelle. Ainsi, depuis la décision Nahoum du 08 Octobre 2002 et les deux décisions du 17 Décembre 2003, la Chambre commerciale recours à l'article 1147 du Code civil.

Le fondement de la responsabilité encourue à l'égard de la caution est plus discuté. Il varie suivant la juridiction qui se prononce sur la demande formée par la caution (A).

En revanche, la caution peut se prévaloir d'une responsabilité contractuelle et délictuelle du banquier (B).

Il semble que la responsabilité pénale du banquier soit bien moins mise en jeu que sa responsabilité civile. Néanmoins, il est possible d'envisager une responsabilité pénale du banquier dans le cas où celui-ci serait auteur ou complice d'infractions telles que l'escompte d'effets de complaisance ou encore une complicité de fraude fiscale reste envisageable.

A°) Les différents fondements de la responsabilité civile du créancier professionnel

Ces fondements sont doubles :

la Chambre commerciale recours plutôt à un fondement contractuel (1), alors que la première chambre civile préfère appliquer l'article 1382 Code civil (2).

1°) Le choix d'un fondement contractuel

La faute du créancier ne consiste t-elle pas dans la violation d'une obligation spéciale82(*) que le cautionnement aurait mise à sa charge : le cautionnement est unilatéral. Mais le préjudice subi par la caution ne s'explique que par l'existence de ce contrat. La responsabilité est donc contractuelle. Elle a souvent pour cause la violation par le créancier professionnel d'un devoir de bonne foi dans l'exécution du contrat, qu'aggrave le déséquilibre créé par le cautionnement.

Cependant, l'un des intérêts majeurs de la responsabilité contractuelle fait ici défaut : la possibilité pour les parties d'aménager les conditions et l'étendue de la responsabilité. L'obligation violée par le créancier professionnel est généralement la conséquence d'un « forçage » du contrat : tel le devoir d'information ou l'obligation de ne pas aggraver le sort de la caution, application spéciale de la bonne foi qui doit présider à l'exécution des contrats (article 1134 al 3 du Code civil).

2°) Le recours à l'article 1382 du Code civil

En faveur de la responsabilité délictuelle, la caution est un tiers à la convention de crédit au même titre que les autres créanciers du débiteur principal83(*).

En réalité, la caution dispose d'une double action envers l'établissement de crédit.

B°) La dualité des actions en responsabilité

Le régime de la responsabilité civile du créancier est très complexe. La caution dispose de deux séries d'actions en responsabilité.

1°) L'exercice des droits du débiteur personnel

En effet, la caution va fonder son action sur le contrat de cautionnement. Elle peut agir en responsabilité contre le créancier professionnel, de même qu'elle peut exercer une action en nullité du contrat donnant naissance à l'obligation garantie. La faute du créancier professionnel s'apprécie alors en tenant compte de l'attitude et des compétences de l'emprunteur.

2°) L'exercice d'une action personnelle en responsabilité

Elle agit alors comme tout tiers victime de la faute du banquier.

La caution demande alors réparation du préjudice propre84(*). Par sa faute, le créancier professionnel a augmenté ses chances d'être tenue au titre du cautionnement. Pour apprécier la faute du banquier, il est alors tenu compte des compétences de la caution.

La responsabilité peut dès lors être retenue dans ce second cas alors qu'elle ne pourrait pas l'être dans le premier. Il suffit pour cela que le débiteur principal soit un dirigeant et la caution profane. La banque ne peut plus alors s'exonérer en soutenant que le demandeur avait une parfaite connaissance de la situation financière de l'entreprise débitrice principale.

En dépit de cette dualité des actions, il reste que la thèse dominante concernant le fondement de la responsabilité civile du banquier est contractuelle85(*).

Les créanciers du crédité sont, bien entendu, fondés à exercer une action en responsabilité contre le banquier qui aura dispensé un crédit excessif à l'entreprise débitrice. Crédit sans lequel cette entreprise n'aurait pas eu l'apparence de solvabilité qu'elle avait alors, ce qui aurait certainement évité au créancier professionnel de contracter avec elle. De cette façon, lorsque la responsabilité du banquier est mise en jeu, c'est souvent dans le cadre d'une procédure collective, alors, l'initiative de l'action en responsabilité contre le banquier relèvera du représentant des créanciers.

L'article L. 621-39 du Code de commerce précise que le représentant des créanciers a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers. Encore faut-il que ce dernier agisse avant le plan de cession ou de continuation. Il convient de préciser que le représentant des créanciers défend ici l'intérêt collectif qui n'est pas une addition des intérêts individuels, l'intérêt collectif est une notion qui les transcende. C'est cette notion qui permet au représentant des créanciers de poursuivre le banquier qui est lui-même parmi les créanciers représentés, pour qu'il soit condamné à réparer le préjudice qu'il a causé à l'ensemble.

Néanmoins, rien n'interdit à un créancier professionnel qui subit un préjudice personnel d'exercer à l'encontre du banquier, une action ut singuli. Il faudrait rapporter alors la preuve d'un préjudice personnel.

Le créancier qui accorde un cautionnement excessif alors qu'il connaît la situation irrémédiablement compromise ou obérée de l'entreprise du débiteur principal fait l'objet de sanctions. Ces sanctions ont été, au départ, particulièrement sévères :

jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005, la sanction encourue par le banquier était la compensation ; par la suite, la décharge de la caution ou l'allocation des dommages-intérêts.

Désormais, la loi du 26 Juillet 2005 permet à la caution de demander la nullité des engagements que celle-ci a souscrites.

II
· Un assouplissement des sanctions encourues par le créancier

Cet assouplissement devenait une nécessité car la sanction de la disproportion du cautionnement aboutissait à des situations d'inéquité : l'octroi de dommages-intérêts sanctionnant la responsabilité de la banque aboutissait quelques fois à une réduction des trois quarts de la dette. Cette souplesse conférée par le droit de la responsabilité civile contrastait avec la brutalité des sanctions instaurées par le Code de la consommation.

Un arrêt de la Cour de cassation86(*) avance très clairement que, même en cas de responsabilité retenue à l'encontre du banquier, la sanction de la faute qu'a commis ce dernier ne peut se résoudre qu'en dommages-intérêts ou par la décharge des intérêts dus par la caution, mais en aucun cas, la faute ne peut faire tomber le cautionnement.

Concernant l'assouplissement de la sanction encourue par le banquier en matière de sûretés, celui-ci se manifeste, d'abord, dans le choix de la sanction « responsabilité civile » (A). Puis, pour les cas où la responsabilité d'un banquier est reconnue, la sanction du cautionnement excessif (B) est la décharge de la caution ou l'allocation de dommages-intérêts. Enfin, s'agissant de la sanction de l'inexécution de l'obligation annuelle d'information, la jurisprudence permet à la caution de se prévaloir du principe du cumul (C).

A°) Le choix de la sanction  « responsabilité civile »

Les effets de la sanction responsabilité civile en matière de cautionnement excessif sont moins lourds de conséquences pour le banquier que le recours à la sanction nullité (1) ou le recours à l'application de l'article 2037 du Code civil (2).

1°) La gravité de la sanction-nullité

L'arrêt en date du 29 Juin 2004 constitue une confirmation par la première chambre civile du choix de la sanction-responsabilité plutôt que le recours à la sanction-nullité. Il faut noter toutefois que la Cour de cassation87(*) se contente de préciser que le banquier engage sa « responsabilité civile » sans préciser s'il s'agit d'une responsabilité de nature contractuelle ou délictuelle. Or, la faute du banquier réside dans le fait d'avoir fait souscrire à un particulier un contrat qui n'était pas susceptible d'exécution en raison du caractère excessif de l'engagement qu'il prévoyait. Cette faute peut donc être raisonnablement qualifiée de faute délictuelle puisqu'elle s'est produite avant la signature du contrat, le banquier ayant omis de s'assurer que les capacités financières de la future caution étaient insuffisantes eu égard à l'importance de la somme pouvant éventuellement être due par elle.

Déjà, dans la décision en date du 06 Avril 2004, la première chambre civile n'a pas admis que la Cour d'appel applique la sanction-nullité en cas d'engagement excessif de la caution.

2°) La sévérité de l'article 2037 du Code civil

L'article 1147 du Code civil constitue la sanction de la mauvaise exécution ou de l'inexécution de l'une des parties de ses obligations contractuelles.

Et, en matière de cautionnement, la faute du créancier professionnel est souvent sanctionnée par la Chambre commerciale sur un fondement contractuel. Tandis que l'article 2037 du Code civil permet à la caution de se prévaloir de la faute du créancier professionnel du fait de la perte d'un droit préférentiel qui aurait pu lui être favorable.

La faute est donc au coeur de ces deux textes.

En revanche, la différence apparaît au niveau de la sévérité de la sanction : en application de l'article 1147 du Code civil, le contractant fautif s'expose à une condamnation à des dommages-intérêts sans encourir la déchéance de l'article 2037 du Code civil. Ainsi, à moins que la réparation pécuniaire ne vienne compenser exactement la dette de la caution, le créancier ne perd pas l'entier bénéfice de la garantie. De ce point de vue, l'utilisation de l'article 1147 du Code civil s'avère pour lui un moindre mal.

Lorsque la responsabilité du banquier ne fait aucun doute, la sanction encourue est la décharge de la caution ou les dommages-intérêts. Et, ce fût notamment le cas jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005.

B°) La sanction du cautionnement disproportionné

Jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005, les seules sanctions applicables en matière de cautionnement excessif sont donc soit celles de la décharge de la caution (1), soit celles de la responsabilité du banquier (2). Chacune de ces sanctions permet, soit l'allocation de dommages-intérêts à la caution, soit par une réduction de sa dette, de gommer le caractère disproportionné de la somme exigible par le banquier eu égard aux facultés réelles de la caution.

La loi du 26 Juillet 2005 permet de nouveau à la caution de demander la nullité automatique des garanties qu'elle a souscrites (3).

1°) La décharge de la caution ou les dommages-intérêts

Aux termes de l'article 2037 du Code civil, « la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

La loi punirait le créancier professionnel en l'empêchant de nuire à la caution ; elle le priverait de ses droits, plus sévèrement qu'à l'ordinaire en raison du devoir de bonne foi (article 1134 al3 du Code civil), renforcé par le caractère accessoire. Il ne supportera jamais plus que la perte de ce qu'il aurait dû demander à la caution.

Toute caution peut se prévaloir de cette décharge mais seulement à concurrence des droits dont elle peut se prévaloir, c'est-à-dire en fonction des actions qui peuvent lui être transmises par le créancier professionnel pour se faire rembourser auprès du débiteur principal. De plus, la caution peut ne pas être déchargée totalement, la décharge étant proportionnelle à la gravité de son préjudice. Mais si le banquier prouve que le fait ne lui est pas entièrement imputable ou s'il établit que le droit perdu n'aurait eu aucun intérêt pour la caution, cette dernière ne pourra lui demander que des dommages-intérêts et ne sera pas déchargée de son engagement. Le plus souvent, la décharge de la caution est partielle88(*).

Ce détour est d'ailleurs devenu aujourd'hui inutile, puisque la caution peut invoquer la responsabilité du banquier, par voie d'exception, en réponse à la poursuite de celui-ci : c'est une cause de libération directe.

2°) La responsabilité civile du créancier professionnel

Le recours au droit commun de la responsabilité civile traduit le besoin de protection de la caution et l'insuffisance des règles spéciales. Les conditions du bénéfice de subrogation (article 2037 du Code civil) conduisent les cautions à invoquer, de plus en plus souvent, la responsabilité des banquiers. Les deux moyens sont distincts par leur fondement. En principe, la responsabilité civile a pour objet la réparation du préjudice, ce n'est que par compensation avec sa propre dette que la caution se trouvera libérée. Elle doit donc former une demande reconventionnelle. Mais bien souvent, la caution ne cherche pas à obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention de son adversaire, ce qui constitue une exception, c'est-à-dire une défense au fond, au sens de la procédure civile (article 71 du nouveau Code de procédure civile).

La Cour de cassation décide aujourd'hui que la caution dispose de l'une et l'autre voie, entre lesquelles elle peut choisir89(*).

3°) La nullité automatique des garanties souscrites

L'éventail des sanctions et les moyens de défense mis à la disposition de la caution en matière de sûretés montre d'une part, la volonté de protéger la caution profane face aux établissements de crédit. D'autre part, il y a aussi une volonté des juridictions de laisser le contrat produire ses effets au regard des sanctions prononcées (la décharge partielle de la caution ou l'allocation de dommages-intérêts).

La loi du 26 Juillet 2005 vient mettre à néant toute cette construction jurisprudentielle en offrant à la caution la possibilité de demander la nullité des garanties souscrites : le but visé par le législateur est de sanctionner les établissements de crédit qui pratiqueraient des garanties inhabituelles au regard des règles de l'art.

Par ailleurs, cette nouvelle disposition manque de précision car, le législateur n'a pas fixé le seuil de la disproportion. En outre, elle suscitera des divergences car, pour se prémunir contre la perte de valeurs des actifs dans le temps, les banquiers ont tendance à prendre plus de garanties que ce dont elles auraient strictement besoin : une banque qui prête son concours financier à une entreprise court un risque économique qu'elle facture par le biais de la pratique de taux d'intérêt. Cette prise de risque économique va être limitée par des paramètres juridiques : le caractère radical de la sanction, la nullité.

En réalité, cette loi constitue un léger assouplissement dans la mise en jeu de la responsabilité du banquier dans la mesure où seuls des cas limitativement énumérés peuvent donner lieu à une responsabilité civile de l'établissement de crédit.

En revanche, dans le domaine de la sanction (la nullité automatique), elle constitue une rupture avec le principe actuel de la responsabilité du banquier en matière d'octroi de crédit : l'allocation de dommages-intérêts ou la décharge de la caution à la mesure du préjudice subi semble avoir la préférence des juridictions et des parties plutôt que l'application de la sanction nullité et dont le principal effet est de remettre les parties à l'état initial (anéantissement du contrat).

Le contrat de cautionnement précisera le plus souvent les modalités de sa résiliation. Mais la loi a mis à la charge de certains créanciers professionnels un devoir d'information sur cette faculté de résiliation : lorsque le cautionnement est à durée indéterminée, il pèse sur le banquier une obligation annuelle d'information dont l'inexécution fait encourir des sanctions d'une double nature. Cette sanction a été récemment allégée par la loi du 26 Juillet 2005.

C°) La sanction de l'inexécution de l'obligation annuelle d'information

La délicate question des sanctions pouvant frapper le manquement du créancier professionnel à son obligation annuelle d'information de la caution a été une nouvelle fois soulevée par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 04 Février 2003. Bien qu'il s'agisse d'un arrêt de rejet, celui-ci mérite une analyse particulière car la première chambre civile y adopte une position nouvelle sur la question du cumul des sanctions à l'omission d'information (1).

La loi du 26 Juillet 2005 apporte un allègement au cumul des sanctions dès lors qu'elle permet seulement à la caution de se prévaloir de la seule sanction prévue par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (2) en cas de l'omission de l'information.

1°) Le principe du cumul possible de la sanction légale et de la responsabilité civile de droit commun

Lorsqu'un créancier professionnel a manqué à son obligation annuelle d'information da la caution posée par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, la sanction prévue expressément par la loi est la déchéance des intérêts pour la période de non-information.

La sanction légale exclue-t-elle la sanction fondée sur le droit commun de la responsabilité civile dès lors que la caution rapporte la preuve d'un préjudice particulier ?

Il faut retenir l'interprétation de l'article L. 313-22 qui a servi de modèle. En principe, la sanction est exclusive. Seules des circonstances exceptionnelles tenant à un dol (le dol, dans le droit de la responsabilité, est une faute intentionnelle. Il suppose d'établir la volonté de nuire) ou une faute lourde (la faute lourde est quant à elle une faute grave non intentionnelle. Elle pourrait se déduire du caractère répété de l'omission du créancier professionnel) peuvent justifier l'octroi de dommages-intérêts complémentaires à la caution.

2°) La sanction prévue par le nouvel article 2307 du projet de réforme

Le manquement va être sanctionné par la déchéance des intérêts et accessoires échus durant la période de silence fautif : c'est ce qui résulte du nouvel article 2307 du projet de réforme. L'interprétation stricte de ce nouvel article du projet ne permet donc pas à la caution de se prévaloir d'un préjudice autre que celui qui résulte du seul manquement à l'obligation légale annuelle d'information.

Il n'est cependant pas exclu que les juridictions accordent en sus des dommages-intérêts à la caution dès lors que celle-ci peut rapporter la preuve d'un préjudice particulier découlant du manquement, d'autant que le nouvel article 2307 du projet est une reprise de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier.

Conclusion

Après avoir envisagé dans leur ensemble les critères d'appréciation et les cas de mise en jeu de la responsabilité du fournisseur de crédit, il semble opportun de relever que, sous couvert de la prévention des difficultés des entreprises et de protection du consommateur, un poids colossal pèse sur les épaules du banquier.

L'analyse du droit positif témoigne d'un recul de la responsabilité civile du fournisseur de crédit. Après une longue période de protection excessive de la caution profane, et de la caution de manière générale, il y a une tendance à un rééquilibrage contractuel entre les parties ayant souscrit le contrat.

Il faut présumer que le fournisseur de crédit devra se montrer vigilent et prudent. Du fait de sa qualité et de sa compétence, il doit apporter tout son soutien au débiteur principal. Il ne doit pas non plus compromettre ou mettre en péril par la rupture ou le soutien abusif l'opération entreprise par l'emprunteur au risque de voir sa responsabilité engagée.

Il en est de même pour tout organisme susceptible de prêter des fonds ou accorder des délais de paiement.

D'un point de vue économique, cet état de fait peut justifier la frilosité des banques et des difficultés des jeunes entreprises ayant recours au financement bancaire.

Enfin, cette opération jurisprudentielle tendant à «sur-responsabiliser » le banquier peut trouver sa justification dans une volonté de prévenir les difficultés des entreprises.

BIBLIOGRAPHIE

I. Traités, manuels, ouvrages

1- P. Ancel : Droit des Sûretés, Litec, 4ème éd.

2- M. Cabrillac et C. Mouly : Droit des Sûretés, Litec, 7ème éd.

3- P. Malaurie et L. Aynès : Les sûretés, la publicité foncière, par L. Aynès et P. Crocq, Defrénois 2003.

4- MAZEAUD : Leçons de droit civil, tome 3, 1er volume, Sûretés et publicité foncière, par Y. Picod, 7ème éd, 1999, Montchrestien.

5- P. Simler : Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3ème éd, 2000.

6- S. Piedelièvre : Les Sûretés, Armand Colin 2003.

II. Etudes, rapports

1- D. Caramelli : La réforme du soutien abusif de crédit, petites affiches n° 76.

2- Rapport dit M. Grimaldi : Groupe de travail relatif à la réforme du droit des sûretés, rapport à D. Perben, Ministre de la justice, Garde des Sceaux.

3- Y. Chaput, « Une nouvelle architecture du droit français des procédures dites collectives », J. C. P. G., 16 Novembre 2005 ; D., I., 184.

4- Vers une réforme du droit des sûretés : premières réactions de la Chambre de Commerce et d'industrie de Paris (C. C. I. P.) sur le rapport dit Grimaldi, V. Arnoux - Evrat, J. C. P. E. et Affaires, n° 29, 21 Juillet 2005.

III. Revue Banque et Droit

1- Responsabilité bancaire. Caution.

Revue banque et droit n° 96, Juillet / Août 2004, p. 58.

2- Responsabilité du banquier dispensateur de crédit.

Soutien abusif. Crédit ruineux.

Revue banque et droit n° 93, Janvier / Février 2004, p. 56.

3- Responsabilité du banquier dispensateur de crédit.

Principe de non-immixtion. Concours à une entreprise concurrente.

Revue banque et droit n° 88, Mars / Avril 2003, p. 61.

4- Responsabilité du banquier dispensateur de crédit.

Soutien abusif. Obligation de s'informer.

Revue banque et droit n° 87, Janvier / Février 2003, p. 60.

IV. Articles et chroniques

1- L'obligation de conseil de l'établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur et de sa caution, par D. Legeais, in Mélanges AEDBF- France II, J. P. Mattout et H. de Vauplane, Banque éditeur.

2- L'engagement de caution disproportionné par M. Saint Cene et J. Grillot / Revue de droit bancaire et financier n° 3, Mai / Juin 2000, p. 190.

V. Notes, conclusions et commentaire de jurisprudence

1- D. Legeais, commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 01 Août 2003 relatives à l'initiative économique et sur la ville, J. C. P. E. et Affaires n° 41, 1433.

2- B. Soinne, brèves réflexions sur la nouvelle loi et son application au 01 Janvier 2006 (Loi n° 2005 - 845, 26 Juillet 2005 de sauvegarde des entreprises), Revue des procédures collectives, civiles et commerciales, n° 3 - Septembre 2005.

3- A. Lhospice et M. Meissonnier, La responsabilité du banquier fondée sur l'octroi de crédit excessif, Institut de Droit des Affaires, Université de Droit, d'Economie et de Sciences d'Aix - Marseille, Cahier de recherche n° 3.

4- L. DE Gentili - Picard, Sanctions de l'inexécution de l'obligation d'information annuelle de la caution, J. C. P. G., n° 39, II, 10152.

5- Responsabilité de la banque à l'égard de la caution.

Revue de droit bancaire et financier n° 1, Janvier / Février 2000.

6- Préjudice et lien de causalité en matière de responsabilité bancaire pour octroi de crédit abusif à un groupe de sociétés.

Revue de droit bancaire et financier n° 5, Septembre / Octobre 2000, p. 292.

7- Qu'est-ce qu'un crédit excessif ? par A. Gourio, Revue de droit bancaire et financier n° 1, Janvier / Février 2001, p. 55.

VI. Ouvrages spéciaux

1- C. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire, 5ème éd, Litec, 2002.

2- J. Vezian, La responsabilité du banquier, 3ème éd, 1983.

3- J. L. Rives - Lange et M. Contamine - Raynaud, Précis de droit bancaire, 6ème éd, Dalloz, 1995.

VII. Sites internet

1- http://www.lexiisnexis.com/ collection juris - classeur.

2- Juris - Data.

Table des matières

Sommaire 6

Introduction 10

I° Partie : La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe certain 15

Section 1 : La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son comportement personnel 17

I
· Les faits constitutifs de fautes susceptibles d'engager la responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés 17

A°) La variabilité des comportements du créancier professionnel 18

1°) Les comportements fautifs de commission 18

a
· La prorogation du terme accordée au débiteur principal 19

b
· L'augmentation importante de l'endettement du débiteur principal 19

c
· Le choix de poursuivre telle caution en paiement 19

2°) Les comportements fautifs d'omission 20

a
· Le défaut d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution 20

b
· La faute de négligence du créancier non déclarant en matière de procédure collective 20

B°) La perte des garanties par le fait du créancier 21

1°) L'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation 22

a
· La perte d'un droit préférentiel 22

b
· L'omission fautive de la faculté d'attribution judiciaire du gage 22

2°) L'imputation exclusive de la faute au créancier professionnel 22

II
· Le manquement du créancier professionnel à l'obligation de contracter de bonne foi 24

A°) L'exigence d'un consentement éclairé de la caution 25

1°) Les vices du consentement de la caution 26

a
· Le dol de la caution 26

b
· L'erreur sur la substance même de l'engagement 27

2°) La nécessité d'une protection renforcée du consentement de la caution 28

a
· Le devoir de conseil du créancier professionnel 28

b
· Les obligations d'information et de discernement du créancier professionnel 29

B°) Le cautionnement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution 32

1°) L'émergence du principe de proportionnalité 33

a
· La consécration législative limitée 33

b
· L'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité 34

c
· La faute au regard de la loi du 01 Août 2003 36

2°) L'effectivité du principe de proportionnalité 36

a
· L'appréciation de la disproportion 36

b
· Le moment de la disproportion 37

Section 2 : La responsabilité civile du créancier professionnel du fait de son concours financier 39

I
· La faute du créancier professionnel dans la distribution de crédit au débiteur principal 40

A°) La faute du créancier professionnel, le soutien abusif de crédit 40

1°) La notion de soutien abusif de crédit 40

a
· Les définition et incertitude de la notion 40

b
· La réforme « partielle » du soutien abusif de crédit 42

2°) La faute à l'égard de la caution 42

a
· Le financement inconsidéré accordé au débiteur 42

b
· la qualité de la caution 43

c
· Les influences diverses en matière de procédure collective 43

B°) La faute du créancier professionnel, la rupture abusive de crédit au débiteur 44

1°) La mise en jeu de la responsabilité civile du créancier professionnel 44

2°) En matière de procédure collective 45

II
· Le préjudice subi par la caution et le lien de causalité entre la faute et le préjudice 45

A°) Le préjudice subi par la caution 46

1°) La preuve du préjudice 46

a
· La perte d'une chance 46

b
· L'évaluation du préjudice 46

2°) Un préjudice discutable 47

B°) Le lien de causalité entre la faute et le préjudice 47

II°Partie : La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés, un principe en recul 49

Section 1 : La mise en oeuvre difficile de la responsabilité civile du créancier professionnel 51

I
· La restriction des conditions d'engagement de la responsabilité civile du créancier professionnel 51

A°) Les manifestations de la jurisprudence relative à l'extension du principe de proportionnalité 52

1°) Le domaine d'application du principe de proportionnalité 52

a
· La situation du dirigeant caution 52

b
· La spécificité des cautionnements authentiques 53

2°) La remise en cause du principe de proportionnalité 54

a
· Le principe de proportionnalité au regard de la qualité de la caution 54

b
· Un principe mis à mal par la loi du 01 Août 2003 55

c
· Un principe réservé aux seules cautions personnes physiques 56

3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion manifeste 56

B°) Le recul du domaine de la faute du créancier professionnel 58

a
· La survie des créances non déclarées 58

b
· L'évaluation concrète de la situation patrimoniale de la caution 59

C°) La mise en jeu limité de la responsabilité civile du créancier professionnel 60

1°) L'irresponsabilité de principe du créancier professionnel 60

2°) Les cas d'engagement de la responsabilité civile du créancier du fait des concours consentis 61

a
· La fraude 61

b
· L'immixtion caractérisée du créancier professionnel 61

c
· La disproportion des garanties 62

II
· L'allègement de l'obligation d'information 62

A°) Le principe : Le créancier professionnel, débiteur de l'obligation d'information 64

1°) A l'égard de la caution profane 65

2°) L'assouplissement des moyens de preuve 66

B°) Le tempérament : la dispense de l'obligation d'information 66

1°) A l'égard de la caution dirigeante de fait 67

2°) Envers la caution dirigeante de droit 67

3°) La preuve de l'existence d'un préjudice particulier 68

a
· La définition du préjudice particulier 68

b
· La preuve du préjudice particulier 69

Section 2 : L'assouplissement des sanctions du comportement fautif du créancier professionnel en droit du crédit 70

I
· Les incertitudes relatives au fondement de la responsabilité civile du créancier professionnel 70

A°) Les différents fondements de la responsabilité civile du créancier professionnel 71

1°) Le choix d'un fondement contractuel 71

2°) Le recours à l'article 1382 du Code civil 72

B°) La dualité des actions en responsabilité 72

1°) L'exercice des droits du débiteur personnel 72

2°) L'exercice d'une action personnelle en responsabilité 72

II
· Un assouplissement des sanctions encourues par le créancier 74

A°) Le choix de la sanction  « responsabilité civile » 74

1°) La gravité de la sanction-nullité 74

2°) La sévérité de l'article 2037 du Code civil 75

B°) La sanction du cautionnement disproportionné 76

1°) La décharge de la caution ou les dommages-intérêts 76

2°) La responsabilité civile du créancier professionnel 77

3°) La nullité automatique des garanties souscrites 77

C°) La sanction de l'inexécution de l'obligation annuelle d'information 78

1°) Le principe du cumul possible de la sanction légale et de la responsabilité civile de droit commun 79

2°) La sanction prévue par le nouvel article 2307 du projet de réforme 79

Conclusion 80

Bibliographie 81

Table des matières 84

* 1 « Créancier », « Confiance », « Crédit » : tous ces mots ont une racine commune. Le verbe latin, credere signifie avoir confiance, se fier.

* 2 P. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3ème éd., 2000.

* 3 Ethymologie : du latin Cavere : être sur ses gardes ; d'où caution : précaution ; par suite, garantie. L'utilisation du terme dans un sens technique ne date que de la fin du moyen âge. Les Romains mettaient l'accent sur le caractère personnel de l'engagement plutôt que sur la garantie qu'ils donnaient au créancier, utilisaient les termes : fide promissor puis fidejussor.

Dans le langage courant, et même dans la langue juridique (ex : C. pr. pén., art 130-11°), Caution et Cautionnement désignent parfois tout autre chose : la somme d'argent versée d'avance à titre de garantie au créancier. Il s'agit d'un dépôt de garantie, qui constitue un gage ou une fiducie, sûreté réelle, n'ayant aucun rapport avec le contrat de cautionnement.

* 4 P. Crocq, obs. R. T. D. Civ., 2001, p. 402.

* 5 Sont des garanties personnelles : les lettres d'intention (garantie donnée par une personne morale exprimée sous forme de lettre dans laquelle la personne morale déclare soutenir le débiteur dans l'exécution de son obligation), les garanties autonomes (un garant s'engage alors à payer à un créancier, à première demande de sa part, sans pouvoir lui opposer d'exceptions) et la promesse de porte-fort (Code civil, article 1120).

* 6 Cass. Com., 09 Juin 1980, J. C. P., 1980, IV, p. 319.

* 7 Loi n° 2005-842 du 26 Juillet 2005 de « sauvegarde des entreprises », publiée au J. O du 27 Juillet 2005, p. 12160.

* 8 D. Legeais, « La faute du créancier, moyen de défense de la caution poursuivie », Petites Affiches,

05 Mars 1997, p. 4.

* 9 L'art. 2037 C. civ. est propre au cautionnement. La personne qui invoque le bénéfice de subrogation doit être liée au créancier par un cautionnement, tels la caution personnelle ou la caution réelle, le certificateur de caution (un tiers, qualifié de certificateur de caution, s'engage envers le créancier à payer à la place de la caution, si celle-ci est défaillante. L'obligation que garantit le certificateur n'est pas l'obligation principale, mais celle de la caution) ou la sous-caution (afin de garantir son recours, la caution peut exiger elle-même du débiteur principal qu'il lui fournisse une autre caution. La sous-caution garantit la dette du débiteur principal, mais seulement à l'égard de la caution  « principale » ; celle-ci est donc le créancier pour la sous-caution) et la caution solidaire (offre au créancier professionnel une garantie supplémentaire de paiement).

* 10 Cass. civ.1ère, 06 Octobre 1971, Bull. civ. I, n° 253.

* 11 Cass. com., 02 Juin 2004, note D. Pardoel, Revue Lamy Droit Civil, 01 Janvier 2005.

* 12 Absence d'inscription d'une sûreté réelle ou de renouvellement de l'inscription. Cass.civ.1ère, 09 Mai 1994,

D., 94, IR, p.137 ; le prêteur n'a pas accompli les démarches nécessaires pour inscrire le nantissement sur le fonds de commerce, et en particulier n'a rien fait pour obtenir le consentement du débiteur auquel il n'a délivré aucune sommation.

* 13 Cass. civ. 1ère, 16 Juillet 1998 ; J. C. P. G., II, 10000.

* 14 Cass. com., 23 Octobre 2001, J. C. P. G., II, 10103, note L. De Gentili-Picard.

* 15 Cass. civ.1ère, 08 Juillet 2003: Juris-Data n° 2003 - 019945 ; Cass. com., 13 Mai 2003: J. C. P. G., 2003, I, 174, note M. Cabrillac.

* 16 Cass. Ch. mixte, 10 Juin 2005, J. C. P. G., 2005, II, 10130, note P. Simler.

* 17 Le rapport du groupe de travail, constitué en juillet 2003, relatif à la  «  réforme du Droit des Sûretés », dit rapport Grimaldi, prévoit de refondre les dispositions du Code civil en matière de droit des sûretés personnelles et des sûretés réelles, dans le cadre de la création d'un livre quatrième du Code civil.

Rapport remis à Monsieur D. Perben, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

* 18 Pour un exemple d'hypothèque constituée tardivement sur une péniche : Cass. civ.1ère, 09 Mai 2001 :

J. C. P. E., 2001, 1113.

* 19 Cass. civ. 1ère, 06 Juin 2001: J. C. P. G., 2002, I, 120, note P. Simler.

* 20 Cass. civ. 1ère, 13 Novembre 1996 : D., 1997, somm. 166, note L. Aynès.

* 21 Il convient de se placer au jour du contrat pour apprécier le caractère explicite et non équivoque de la connaissance par la caution de la portée de son engagement : cass. civ. 1ère, 09 Mai 2001 ; Revue de droit bancaire et financier, Juillet - Août 2001.

* 22 Cass. civ. 1ère, 21 Janvier 1981 : Bull. civ. I, n° 187 ; J. C. P., 1989, II, 21363, note D. Legeais.

* 23 Cass. civ.1ère, 11 Février 1986, Bull. civ. I, n° 22 : des faux bilans avaient été produits à la banque. Plus contestable : Cass. com., 08 Décembre 1987, Bull. civ. IV, n° 263 : au moment de l'octroi du prêt et du cautionnement, la banque n'avait pu avoir connaissance du bilan de l'année précédente ni du refus de délivrance du certificat de régularité des comptes ; mais il y avait déjà eu onze protêts !

* 24 Seul un refus de renseignement aurait été fautif de la part de la banque. Cass.civ.1ère, 10 Juin 1987, D., 87.445, note L. Aynès.

* 25 Comp. Cass.civ.1ère, 13 Février 1996, Bull. civ. I, n° 78; D., 96, som., 265, note L. Aynès, et Cass. com., 23 Juin 1998, Bull. civ. IV, n° 208.

* 26 L'erreur sur la substance même de l'engagement a pu ainsi être commise par une caution illettrée et ignare qui aurait confondu l'engagement juridique avec une simple garantie morale. L'espèce concernait des agriculteurs bretons : Cass. civ.1ère, 25 Mai 1964 : Bull. civ. I, n° 269, p. 210.

* 27 Dès lors que l'erreur n'est pas de son fait, la caution peut se prévaloir d'une présentation erronée des pertes en bénéfice dans l'acte de vente de fonds de commerce financé, cass. com., 10 Décembre 2002 : Bull. Joly 2003, p. 413, note P. Scholer.

* 28 Cass. com., 01 Octobre 2002 : D., 2002, AJ, 3076 et 2003, jurisp., 1617, note Y. Picod.

* 29 V. l'octroi abusif de crédit par I. Urbain - Parleani, revue de Droit Bancaire et Financier n° 6, novembre/décembre 2002, p. 365.

* 30 J. L. Coudert et P.H. Magot : « Appréciation par l'expert du comportement du banquier dans la distribution de crédits. » Conférence du 12 Février 1983 présidé par le Doyen Rouger sur « la responsabilité du banquier. »

* 31 Cf. P. Simler, n° 394.

* 32 Com., 07 Avril 1992 ; J. C. P., 1993, II, 22009, note Y. Picod.

* 33 Loi du 01 Mars 1984, n° 84 - 148 sur « La prévention des défaillances d'entreprises » parue au J.O du 02 Mars 1984

Elle met en place des règles de prévention des difficultés par l'information et crée une procédure d'alerte destinéée à porter à la connaissance du chef d'entreprise les risques de défaillance afin que des mesures puissent être prises en temps utile.

* 34 Loi relative à « l'initiative et à l'entreprise individuelle », loi n° 94 - 126 du 11 Février 1994, J.O du 13 Février 1994

* 35 C.A. Versailles, 02 Octobre 1991, R. J. D. A., Mars 1992 n° 263 p. 200.

* 36 Cass. com., 26 Mars 1996, Bull. civ. IV, n° 95.

* 37 Cass. com., 24 Septembre 2002, Bull. Civ. IV, n° 128 p. 136.

* 38 Du latin proportionalitas, de proportio : proportion.

* 39 Loi du 01 Août 2003 sur  « l'initiative économique, dite  Loi Dutreil », loi n° 2003 - 721 publiée au J.O le 05 Août 2003.

* 40 Pour un état de la question, v. Y. Picod,  « Proportionnalité et cautionnement. Le mythe de Sisyphe », Mélanges J. Calais, D., 2003, 843 et s.

* 41 Defrénois 1997, art. 36703, p. 1424, note L. Aynès.

* 42 Loi n° 89 - 1010 du 31 Décembre 1989, Loi V. Neiertz, publiée au J.O du 02 Janvier 1990 ;

P. Delebecque, « Loi sur le surendettement », J. C. P. G., 1990, I, 3457.

* 43 Cass. com., 17 juin 1997 : J. C. P. E., 1997, II, note D. Legeais.

* 44 Cf. V. notre chronique : l'obligation de vigilance des créanciers professionnels à l'égard des cautions personnes physiques imposée par la loi Dutreil, Droit et Procédures, janvier 2004, p. 4.

* 45 Le point de départ du délai de prescription doit être le jour ou la caution est appelée : Cass. civ.1ère, 23.05.2000, Bull. civ. I, n° 155.

* 46 Cass. com., 18.05.2005, Juris-Data n° 2005 - 028473: celle-ci considère que la caution ne peut être actionnée parce qu'à l'époque (au moment où elle s'est portée caution), elle était mère au foyer, n'était ni salariée, ni gérante, n'exerçait aucune activité et ne disposait pas de revenus. Alors qu'au moment où elle est poursuivie, en l'espèce, la caution avait succédé à son mari comme gérante de la société.

* 47 Cf. com., 22 Avril 1980, Bull. civ. IV, n° 163, D., 1981, IR. 22, note Vasseur.

* 48 Cf. com., 01 Février 1994, Bull. civ. IV, n° 39.

* 49 Dans le cadre de son obligation générale « de discernement et de loyauté », la banque doit s'assurer que celui qui engage la société, tout en concédant une garantie personnelle  « a conscience de la portée et des risques financiers qui pourraient résulter de l'octroi de concours. » Faute d'avoir mis en garde le dirigeant caution, elle engagera alors sa responsabilité contractuelle, même si celle-ci doit être atténuée par le « comportement nécessairement fautif et causal » de ce dernier : D. Affaires 1998, 2013, note X. D.

* 50 Cf. P. Ancel, le cautionnement des dettes de l'entreprise, Dalloz, 1990, n° 264 et s.

* 51 Cass. com., 07 Janvier 2003; Petites affiches, 18 Avril 2005, n° 76.

* 52 Cass. com., 01 Janvier 1994, Bull. civ. IV, n° 39.

* 53 Note sous l'arrêt Cass. com., 24 Septembre 2003, arrêt n° 1341, Banque et Droit n° 93, p. 56, janvier/ Février 2004.

* 54 Ni la loi, ni la jurisprudence n'ont donné une définition précise de la disproportion. Les juges apprécieront, bien souvent, la disproportion en fonction des cas d'espèce, au regard de la qualité des parties en présence.

* 55 Cass. com., 24 Janvier 1989: R. T. D. Com., 1990, 270, note J. F. Hael.

* 56 Cass. com., 17 Juillet 1990: Bull. civ. IV, n° 214 (2 arrêts).

* 57 Cass. com., 22 Avril 1980, Bull. civ. IV, n° 163.

* 58 Cass. com., 13 Mai 2003; Cass. civ. 3ème, 04 Décembre 2002, Bull. civ. III, n° 245.

* 59 Cass. civ. 1ère, 09 Juillet 2003, D., 2004, 204, note Y. Picod.

* 60 Cass. com., 13 Février 1996: Rev. Proc. Coll. 1997-1, p. 99, note A. Martin-Serf. Pour rejeter l'action intentée par les cautions en même temps dirigeants, les juridictions retiennent souvent le risque anormal inhérent à la création de toute entreprise et la mauvaise foi des dirigeants qui ont souvent sollicité avec insistance l'obtention de nouveaux crédits.

* 61 Revue de Droit Bancaire et Financier, n° 5 Septembre/Octobre 2000 p. 92.

* 62 La jurisprudence récente se fonde sur les articles 1134 et 1147 C.civ. (Par ex. cass. com., 25 Mars 2003), voire sur ce dernier seulement lorsque la disproportion est écartée (par ex. cass. com., 11 Mars 2003).

* 63 Principe posé par cass. com., 17 Juin 1997, art. 36703, n° 158, p. 1424, obs. L. Aynès.

* 64 Cass. com., 18 Février 2004, Juris - Data n° 2004 - 022540; D. Legeais; in R. T. D. Com. 2004, p. 583.

* 65 Cass. com., 26 Mars 2002, J. C. P. E., 2002, 852, note A. Gourio. Auparavant, la Cour de cassation avait décidé que le prêteur professionnel doit vérifier que le prêt accordé n'est pas excessif compte tenu des capacités de remboursement de l'emprunteur : v. par ex, cass. civ.1ère, 08 Juin 1994, J. C. P. E., 1995, II, 652, note D. Legeais.

* 66 La Cour de cassation est très stricte sur l'application de ce devoir de conseil du notaire en cas de cautionnement authentique. Dans un arrêt du 07 Novembre 2000, la première chambre civile a retenu la responsabilité d'un notaire qui avait accepté de recevoir un cautionnement, pourtant proportionné aux capacités financières de la caution, car il n'avait pas « appelé l'attention (des cautions) sur l'importance et sur les risques des engagements, même proportionnés à leurs facultés, auxquels ils se proposaient de souscrire », Cass.civ.1ère, 07 Novembre 2000, Bull. civ. I, n° 282.

* 67 Ce sont notamment les articles L. 341 - 2 à L. 341- 6 C. conso.

* 68 Cass. com., Sté générale c/ Boutes : en l'espèce, les cautions avaient à la fois les qualités d'actionnaires et de dirigeants de la société. Elles avaient donc nécessairement connaissance de la situation de cette dernière.

* 69 C.A. Papeete, 14 Avril 2005 ; Juris-Data n° 2005-273652.

* 70 Cass. com., 04 Octobre 2005 ; Juris-Data n° 2005-030122.

* 71 Cass. com., 22 Mars 2005, Audience publique du 22.03.2005, n° de pourvoi : 02-20678. Publié au Bulletin.

* 72 Art. L. 650-1 du Code de commerce : « Les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles. »

* 73 « Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 Mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 Décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle- ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. »

* 74 L'inobservation par la banque de son obligation d'information constitue une exception purement personnelle à la caution. Celle-ci peut donc s'en prévaloir alors même que la décision d'admission du créancier ayant déclaré sa créance est passée en force de chose jugée. Cass. com., 22 Avril 1997, R. T. D. Civ., 1998, note M. Brandac.

* 75 D. Legeais, « La réforme du cautionnement par la loi du 29 Juillet 1998 », J. C. P. E., 1998, p. 1724.

* 76 Cass. civ.1ère, 12 Juillet 2005, D. 2005, AJ p. 2276, note Delpech.

* 77 Cass. civ. 1ère, 25 Novembre 1997: J. C. P. E., 1998, p. 1594, note P. Simler.

* 78 Cass. civ. 1ère, 26 Avril 2000: J. C. P. E., 2000, 1657, note P. Simler.

* 79 Cass.com., 03 Mars 1992 et 15 Février 1994.

* 80 Cass.com., 04 Octobre 1994.

* 81 Cass. civ. 1ère, 04 Février 2003, J. C. P. G., II, 10152, note  L. De Gentili- Picard.

* 82 Le créancier professionnel peut cependant prendre des engagements spéciaux envers la caution, sources d'une responsabilité certainement contractuelle : ex : obligation d'informer régulièrement la caution sur la situation du débiteur, de ne pas accorder au débiteur une prorogation sans l'accord de la caution.

* 83 Cass. com., 09.07.2002 : Bull. Joly, novembre 2002, p. 1168, note A. Constantin.

* 84 Lorsque la caution demande ainsi réparation de son préjudice personnel, son action est de nature délictuelle et elle n'a pas à mettre en cause le débiteur principal ou ses représentants : Cass. com., 25.06.1996, J. C. P. E., 1997, II, 900, note D. Legeais.

* 85 Cass. civ.1ère, 06 Avril 2004, Répertoire du Notariat Defrénois 2005, art. 38111, p. 339 - 342.

* 86 Cass. civ.1ère, 06 Avril 2004, Banque et Droit n° 96 Juillet/ Août 2004.

* 87 Civ.1ère, 29 Juin 2004, à paraître au bulletin, numéro encore inconnu.

* 88 Cass. com., 27 Novembre 2001: Juris-Data n° 012025.

* 89Cass. Ch. mixte, 21. 02. 2003, Bull. Ch. mixte, n° 3 ; D., 2003, 829, note V. Avena-Robardet: la caution fait opposition au commandement de payer ; la Cour d'appel rejette cette opposition au motif que la caution ne peut agir en responsabilité pour faute contre le banquier que par voie de demande reconventionnelle ; cassation :  « en statuant ainsi, alors que les demandes reconventionnelles et les moyens de défense sont formés de la même manière à l'encontre des parties à l'instance, la Cour d'appel, qui devait répondre à la demande de Mme X.. quelle qu'en fût la qualification procédurale, a violé » les articles 4, 64, 68 et 71 du NCPC ; Cass. com., 26. 10. 1999, Bull. civ. IV, n° 182.

D. Aff., 98.668 : « en dehors des cas visés par l'art. 2037 C. civ., la faute du créancier ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts à la mesure du préjudice subi. »






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