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L'indicible à porté du regard. Les nouvelles technologies: vers un au-delà de la scène ?

( Télécharger le fichier original )
par Yannick Bressan
Université Paris 3, Sorbonne nouvelle - DES 2003
  

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b) Marionnettes et effigies numériques.

L'exemple cybernétique de Stelarc :

Stelarc est un performer australien contemporain qui explore grâce à la médecine, la robotique ainsi que des systèmes de réalité virtuelle, le corps humain, ses limites et ses extensions. Il tend vers ce qu'il nomme le « post-humain »33

Stelarc nous donne une clef de compréhension de son travail et de ce qu'il appelle le « post-humain » lorsqu'il dit : « Alors que les humains opèrent de plus en plus à des distances éloignées avec des corps de substitution - avec de plus en plus d'images intelligentes et interactives - les images autonomes apportent des possibilités qui donnent une issue inattendue à la symbiose homme machine. Il se pourrait bien que le post-humain se révèle à travers la forme de vie intelligente que sont les images autonomes »34.

Stelarc insiste dans son travail de performer sur un effacement et, paradoxalement, , une amplification de plus en plus radicale de l'humain. Ces expériences vont de la mise en place de greffes technologiques ajoutées à son propre corps (comme dans The third hand.) jusqu'à ingérer des robots micro-miniaturisés pour agir sur notre « population biologique » et assister notre système immunologique. C'est aussi, toujours d'après Stelarc, un « système de surveillance interne ».

C'est dans les recherches de Norbert Wiener sur la cybernétique que l'on trouve probablement les racines de la pensée artistique de Stelarc. Il est à noter, tout de même, que Wiener n'envisageait, ni ne souhaitait, un effacement de l'homme au profit de la machine.

Stelarc travaille dans un processus inverse au souhait de Wiener. Ce dernier
souhaitait construire une machine autonome à l'image de l'homme, Stelarc construit
un homme mécanisé afin de palier à ce qu'il nomme le « corps obsolète». Il nous dit

33 Cf. Stelarc, « Vers le post-humain » in, Nouvelles de danse, danse et nouvelles technologies, n° 40, 41, édition Contredanse, 1999, pp. 80-98.

34 Ibidem p. 81.

encore : « Les stratégies qui conduisent au post-humain ont plus à voir avec l'effacement qu'avec l'affirmation »35. Cette remarque est intéressante à rapprocher de nos réflexions sur la marionnette et le manque que nous avons étudié plus haut. En effet, Stelarc, humain mécanisé, apôtre de la cybernétique inverse, parle de l'effacement. La marionnette parle du manque (voix propre, mouvement autonome). Il est clair que ces deux univers, chacun dans son champ lexical, pose la même question : où est l'homme, qui est là ? (Questionnement de Hamlet). Chacun ici, Stelarc ou la marionnette, parcellise l'homme, le scinde en x morceaux. Il n'est (ce corps) qu'images.

Stelarc synthétise sa pensée sur ces deux questions, elles sont aussi posées par l'emploi du levier marionnette : où est l'homme ? Le corps n'est-il qu'image ? Il nous dit alors : « Après qu'il ait été confronté à l'image de son obsolescence, le corps, traumatisé de se détacher du domaine de la subjectivité, envisage de réexaminer et peut-être de reconcevoir sa structure même »36 . Cette idée de la parcellisation (marionnette, corps, automates...) nous la retrouvons dans une autre expérience contemporaine, déclinée autrement.

L'exemple en réseau (le marionnettiste de l'ailleurs) d'e-toile :

Il ne s'agit plus d'une parcellisation physique du sujet (marionnette, prothèse) et du manipulateur : nous sommes ici, avec e-toile, dans une césure (au sens de coupure) topographique entre le « marionnettiste » et la « marionnette ». Au sujet d'e-toile, nous mettons « marionnettiste » et « marionnette » entre guillemets car ce n'est certes pas en ces termes que le groupe de recherche et de création e-toile qualifie et même envisage les danseurs et les comédiens avec lesquels il travaille. L'étude de la démarche d'e-toile viendra plus loin. Mais nous nous arrêtons un instant sur le travail du groupe et sur leur utilisation du réseau Internet (ou Intranet) dans leurs spectacles car il nous semble avoir une parenté avec le thème étudié dans ce point. e-toile utilise dans la plupart de ses créations le réseau pour adresser des directions au spectacle (Danse ou théâtre) qui se joue face à un public, uniquement sur Internet ou les deux à la fois (Cf. infra page 49 et 58 ). L'interactivité proposée à l'Internaute, dans les spectacles d'e-toile, est d'une certaine façon, à l'image du fil qui actionne un

35 Ibidem p. 80.

36 Ibidem p. 84.

élément scénique, lui impulse une énergie, une direction... Mais l'utilisation du réseau par e-toile ne peut se résumer aussi simplement. Comme pour Stelarc ou Pinocchio, il y a mise en morceaux du corps. Dans ce cas précis, on parlera plutôt de « pixellisation » de corps.

Pour être encore plus précis, nous pouvons déterminer dans nos trois sujets (Pinocchio, Stelarc, e-toile.) trois états de « marionnettisation ». Nous étions avec Pinocchio dans un rapport à la mimêsis, une volonté de s'approcher au plus juste du sujet humain. Avec Stelarc, nous avons vu une volonté de dépasser le sujet / support. Avec e-toile, nous sommes dans un autre rapport, un glissement du sujet représenté et de sa représentation. Le « glissement » dont nous parlons est de l'ordre de l'eidôlôpoiikê, de « l'activité fabricatrice d'image »37.

Il en est de même pour les deux précédents exemples mais, avec e-toile, un écart spatio-temporel est posé entre le « marionnettiste / Internaute » et la « marionnette acteur ou danseur ». En effet, pour synthétiser ces expériences, un artiste est dans une salle (face à un public ou pas) et répond aux injonctions, propositions, ordres... d'une (ou plusieurs) personne(s) située(s) ailleurs, reliée(s) à lui par un réseau Internet ou Intranet qui assiste aux réponses (ou refus) de l'artiste. A partir de ce dispositif se constituera un développement dramaturgique selon des règles fixées au préalable par les metteurs en scène d'e-toile (Cécile Huet, Yannick Bressan).

Chez Pinocchio, le changement d'état de conscience de la marionnette passe par un changement d'état physique (perte de conscience, mort symbolique). Dans les création d'e-toile, le dispositif mis en place propose, induit et oblige à un double changement d'état. Le « marionnettiste / Internaute » doit être à l'écoute et dans le temps de « la marionnette / l'artiste ». Celui-ci est à son tour à l'écoute de cet au-delà de la scène qui influe et va influer sur ses choix et prises de positions.

Nous avons là une sorte de « sur-marionnette numérique », ou pour être plus juste une « sur-marionnette relais entre deux mondes » : la scène et la page web, le réel et le virtuel.

Mais les similitudes ne s'arrêtent pas là avec ce qui nous intéresse ici à savoir, ces créatures qui ne possèdent pas le « souffle de la vie » et qui une fois sur scène nous entraînent par leur simple présence vers un au-delà de la scène.

37 Jean Pierre Vernant, Religions, Histoires, Raisons, éditions Maspéro 1979, p. 106.

Les refus de l'artiste de répondre aux ordres, propositions de l'Internaute ne sont- elles pas là un peu comme le Golem, Frankenstein ou Pinocchio échappant à son créateur ?

L'utilisation de « leviers » à des fins spectaculaires s'est donc clairement déplacée au début du XXe siècle ; d'une nécessité religieuse portée vers les Dieux, il se recentre sur « l'immensité intérieure » de l'homme. La dimension métaphysique, le rapport à la mort ou à l'absence est bien sûr toujours là, mais l'approche de cette question a changé. Elle est à présent (dans les années vingt) tournée vers l'homme, ou plus précisément encore, l'humanoïde, à savoir, un être ressemblant à l'homme.

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