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La protection de l'environnement à l'épreuve des nouveaux Accords de Partenariat Economique (APE) UE - ACP

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par Willy - Nestor CHENDJOU NDEFFO
Université de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2007
  

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Chapitre 2

La suppression des avantages discriminatoires et la régionalisation des relations ACP - UE par les nouveaux APE

La libéralisation justifie et imprègne l'ensemble des nouveaux APE. Elle a permis comme nous l'avons démontré, l'introduction de nombreuses règles libérales inspirées du système conventionnel du GATT/OMC, y compris de celles contribuant à la protection de l'environnement. Pour que ces dernières soient effectives, il a été nécessaire par conséquent, de restructurer (c'est à dire de déterminer des nouveaux objectifs, champs, cadres et règles) les relations ACP-UE. La réorientation des relations commerciales de ces deux entités vers la suppression progressive des avantages non réciproques et anti - concurrentiels a une incidence importante sur le jeu des règles de protection étudiées plus haut (section 1). Ce même mouvement, associé au caractère sous régional voire interétatique des nouveaux APE, a entraîné une réorganisation institutionnelle de la coopération, y compris pour les matières relatives à l'environnement (section 2).

SECTION 1 : La suppression progressive des discriminations comme facteur de libéralisation de la protection de l'environnement

Il faut dire avant tout débat au fond, que le domaine de la protection de l'environnement constitue comme on l'a vu avec l'article XIV b) du GATT, un domaine d'exception. Ce qui signifie que quelle que soit l'ampleur de la libéralisation envisagée, les dispositions relatives aux exceptions générales dans les APE, permettent que l'environnement soit protégé par certaines mesures. A condition toutefois que ces mesures « ne soient pas appliquées d'une manière qui constituerait un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les parties alors que des conditions égales doivent y prévaloir, ou une restriction déguisée affectant les échanges de produits et services et l'établissement » (art. 68 de l'APE CE - Côte d'ivoire). C'est justement cette condition qui est déterminante dans cette section : alors que pendant longtemps, la relation ACP - UE n'attribuait pas d'importance au caractère discriminatoire et anti - concurrentiel de ses règles, elle doit désormais tenir compte des principes de la libéralisation commerciale, à savoir celui du désarmement douanier et celui de non discrimination. Le premier ayant déjà été entamé dans les accords précédent les nouveaux APE, le second est plus d'actualité (paragraphe 1). Cependant, les APE tels que nous les étudions actuellement, ne sont pas encore entièrement accomplis de sorte qu'en l'état actuel du droit positif, le processus de libéralisation est plus programmatoire qu'effectif : de nombreuses règles discriminatoires existent encore s'appuyant soit sur l'intérim que l'accord de Cotonou gère au plan conventionnel, soit sur le principe des responsabilités communes mais différenciées et du traitement spécial et différencié (TSD) (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'institution du principe de non discrimination dans les relations ACP - UE par les nouveaux APE

Les règles appliquées dans le cadre des accords de partenariat ACP - UE jusqu'ici posaient des règles suffisamment discriminatoires pour justifier que la protection de l'environnement se fasse de façon systématique, quasiment « sans autre forme de procès ». Cette possibilité s'appuyait sur un certain nombre de principes contenus entre autres par l'accord de cotonou. Pour mesurer l'ampleur de la libéralisation dont il est question dans cette partie (B), il importe de revenir sur ces principes (A).

A/ Les principes discriminatoires favorisant la protection de l'environnement dans les accords antérieurs aux nouveaux APE

Pour ne pas allonger indéfiniment nos propos nous n'observerons que les accords les plus récents et principalement l'accord de Cotonou et ceux de Lomé. Cela dit, il faut noter que la coopération ACP s'est toujours inscrite dans un esprit de solidarité internationale. Dans ce cadre, les pays de l'actuelle UE s'engageaient à « intensifier en commun leurs efforts en vue du développement économique et du progrès social des États ACP » (par.3 préambule de la première convention de Lomé, 28 février 1975). Une solidarité allant surtout au profit des pays ACP dans la mesure où la différence des niveaux de développement entre eux et les pays européens n'échappe à personne47(*). Cette différence de niveaux de développement est d'ailleurs reconnue et respectée dans les textes du système GATT/OMC, dans le cadre du traitement spécialisé et différencié des pays pauvres et en développement48(*).

1- Des relations bâties sur l'esprit de solidarité au profit des pays ACP

La volonté de venir en aide aux pays ACP imprègne profondément la structure des relations commerciales nouées avec les pays européens. L'objectif de venir en aide est plusieurs fois rappelé dans de nombreux textes comme c'est le cas dans l'article premier de la convention de Lomé de 1975 : « l'objectif de la présente convention est de promouvoir les échanges entre les parties contractantes, en tenant compte de leurs niveaux de développement respectifs et, en particulier, de la nécessité d'assurer des avantages supplémentaires aux échanges commerciaux des États ACP, en vue d'accélérer le rythme de croissance de leur commerce et d'améliorer les conditions d'accès de leurs produits au marché de la Communauté économique européenne ». Pour donner un sens à cet objectif, la convention de Lomé de 1975 organise un régime de préférences déséquilibrées dont les points forts sont :

- en ce qui concerne la coopération commerciale, les chapitres 1 et 2 du titre I de la convention met en place un régime permettant que les produits originaires des pays ACP soient « admis à l'importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d'effet équivalent » (art.2 alinéas 1 et 2). Règle renforcée par le fait que « lorsque des réglementations existantes de la Communauté, prises aux fins de faciliter la circulation des marchandises, ou leur interprétation, leur application, ou la mise en oeuvre de leurs modalités affectent les intérêts d'un ou plusieurs États ACP, des consultations ont lieu à la demande de ces derniers, en vue d'aboutir à une solution satisfaisante » (art. 6-1). D'autant plus que les pays ACP ne sont pas tenus d'accorder des avantages réciproques en la matière aux pays européens (art. 7-2). Par ailleurs, le chapitre 2 (arts. 12 à 15) organise un processus de financement européen de la promotion des produits ACP.

- le titre II de cette convention va plus loin dans l'esprit de solidarité en créant un mécanisme de stabilisation des recettes d'exploitation (STABEX) de certains produits permettant que les pays exportateurs bénéficient de fonds mis à leur disposition (arts.18, 19 et 20) si « pendant l'année précédent l'année d'application, les recettes provenant de l'exportation du ou des produits vers toutes les destinations ont représenté au moins 7,5 % de ses recettes d'exportation de biens totales ; toutefois, pour le sisal, ce pourcentage est de 5 %. Pour les États ACP les moins développés, enclavés ou insulaires visés à l'article 24, le pourcentage est de 2,5% » (art.17).

- le titre IV quant à lui met sur pied la coopération technique et financière qui permet non seulement d'apporter de l'assistance technique aux pays ACP, mais aussi de leur attribuer des fonds dans le cadre du fonds européen de développement (FED).

Tous ces traitements de solidarité seront perpétués par les différents accords qui suivront notamment ceux de Lomé II, III IV et IV bis. D'autres outils de solidarité tels que le système de stabilisation des recettes d'exploitation des ressources minières (SYSMIN), seront expérimentés puis abandonnés. Au moment où intervient l'accord de Cotonou qui ouvre sur les nouveaux APE, nombre de ces éléments demeuraient encore. Par exemple, la coopération pour le financement du développement (partie 4 de l'accord), le soutien et le financement des entreprises locales ACP (arts 21 et suivants) etc. Il faut noter cependant que la relation a quand même évolué : fondée jadis sur la solidarité, elle est aujourd'hui basée « sur un partenariat véritable, stratégique et renforcé »49(*).

Ce que nous retenons ici c'est que le fait que les pays européens ne considéraient pas les Etats ACP comme de véritables égaux -ce qui du reste était et demeure vrai- dans les relations commerciales. Leur solidarité allait dans le sens d'un développement durable et ils n'entendaient pas recevoir d'avantages réciproques de la part des pays ACP. Dans un tel cadre le jeu de mesures unilatérales de protection de l'environnement était facilité au profit des pays ACP tandis que les Etats européens devaient veiller à ce que les leurs ne nuisent pas aux avantages consentis. En dehors de la solidarité internationale, l'autre principe pouvant justifier de telles inégalités est celui du traitement spécial et différencié.

2- Le traitement spécial et différencié des pays ACP

Les règles libérales du système GATT/OMC admettent en général que des dérogations au principe sacro - saint de non discrimination soient admises au bénéfice des pays pauvres et en développement. Ce principe est posé entre autres par la Décision de 1979, relative au traitement différencié et plus favorable, à la réciprocité et à la participation plus complète des pays en voie de développement et la Décision de 1994 sur les mesures en faveur des pays les moins avancés. Ainsi que par les clauses figurant dans le Plan d'action global et intégré de l'OMC en faveur des pays les moins avancés, adopté par la Conférence ministérielle de Singapour le 13 décembre 1996, et dans la Déclaration ministérielle du 20 mai 1998 concernant l'intégration des pays les moins avancés au système commercial.

Il a donné lieu à titre d'exemple, aux articles 15 de l'accord OMC sur l'agriculture, 12 de l'accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et 10 de l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). Ceux-ci prévoient que la situation particulière des pays pauvres et en développement justifie que des exceptions leur soient accordées en cas de besoin pour l'application de certaines mesures. C'est également sur la base du TSD que la décision WT/L/304 du Conseil du commerce des marchandises en date du 17 juin 1999 sus citée a été prise et pose des préférences tarifaires aux pays les moins avancés en violation de l'article I du GATT et jusqu'en 2009.

C'est toujours dans le cadre de l'application de ce principe que l'Union Européenne et les pays ACP ont demandé et obtenu une dérogation aux règles de libre concurrence posées par le GATT, dans le cadre de l'accord de Doha. Le TSD est considéré comme un principe fondamental de la coopération ACP à travers diverses dispositions sus citées et en particulier par l'article 2 de l'accord de Cotonou sur les principes fondamentaux de la coopération : « la différenciation et la régionalisation: les modalités et les priorités de la coopération varient en fonction du niveau de développement du partenaire, de ses besoins, de ses performances et de sa stratégie de développement à long terme. Une importance particulière est accordée à la dimension régionale. Un traitement particulier est accordé aux pays les moins avancés. Il est tenu compte de la vulnérabilité des pays enclavés et insulaires ». Et en ce qui concerne la protection de l'environnement, ce principe qui s'assimile à celui des responsabilités communes mais différenciées pose à l'article 49 de l'accord de Cotonou, que « les exigences et besoins particuliers des États ACP devraient être pris en considération dans la conception et la mise en oeuvre des mesures environnementales ». La libéralisation en cours pourra- t-elle supprimer toutes ces règles ?

B/ La suppression programmée des préférences non-réciproques

Il ressort des éléments que nous venons de présenter plus haut que ce qui est en contradiction avec les règles OMC ce n'est pas tant que l'UE accorde des avantages particuliers aux pays ACP pour la plupart pauvres ou en développement, et donc bénéficiaires du TSD selon les règles OMC. Ce qui fait problème, ce que nous considérons comme discriminatoire, c'est d'abord que ces avantages ne soient accordés qu'aux pays ACP et non aux autres pays pauvres de la planète, ainsi que le fait que ces avantages ne soient pas réciproques. En effet ces deux considérations heurtent de plein fouet les trois principes de base de la non discrimination, à savoir la clause de la nation la plus favorisée, le principe de réciprocité et celui du traitement national :

- la clause de la nation la plus favorisée (NPF) posée par l'article I du GATT est d'application très vaste (échanges, fiscalité intérieure des produits importés etc.). Cette règle veut que Chaque Membre traite tous les autres Membres de manière égale, comme des partenaires commerciaux «les plus favorisés». Si un pays accroît les avantages qu'il accorde à un partenaire commercial par exemple en lui octroyant une concession douanière, il doit appliquer le même «meilleur» traitement à tous les autres membres de l'OMC pour que tous restent «les plus favorisés».

- le principe de réciprocité : un Etat peut faire des concessions à ceux qui lui en font également, mais peut les refuser aux parties qui ne respectent pas leurs propres engagements

- le principe du traitement national ou de la non discrimination entre produits étrangers et produits nationaux (art. III, par.4 du GATT) : « Les produits du territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale. »

Conçus pour adapter progressivement la coopération ACP à ces exigences, les APE ont posé des règles allant déjà dans le sens du respect de ces règles à plusieurs égards50(*). Conséquemment, la protection de l'environnement qui s'organisera ici désormais devra s'exercer de façon à ce que les parties ne créées pas d'obstacles injustifiés au commerce : si ces obligations étaient jadis occultées par l'esprit de solidarité qui unissait l'Europe aux ACP, elle sont désormais à observer dans leur intégralité. Du moins en principe, lorsque l'on sait que l'état actuel d'avancement des ratifications de nouveaux APE interdit tout triomphalisme.

* 47 Par. 5, préambule de la première convention de Lomé.

* 48 cf. par exemple, par.2 préambule de l'accord instituant l'OMC, par. 5 du préambule et art. 15 de l'accord OMC sur l'agriculture etc.

* 49 Préambule de l'accord de Cotonou.

* 50 Cf. préambules des divers APE, arts. 19 APE CE - Côte d'ivoire, 23 de l'APE CE - Fidji et PNG et 5-1 a) de son annexe I sur les droits de douanes relatifs aux produits originaires de la zone pacifique ; 22-3, 36 de l'APE CE - SADC et 5 a) b) et c) de son annexe II relatif aux droits de douanes appliqués aux produits de la région SADC autres que l'Afrique du sud; 27, 68, 69, 70, 77 et 79 de l'APE CE - CARIFORUM ; etc.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe