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Les compétences du juge étatique dans l'arbitrage OHADA

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par Francis NGUEGUIM LEKEDJI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2007
  

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§ II : L'OBJET DE L'INTERVENTION JUDICIAIRE

Il s'agit ici de déterminer les difficultés que le juge étatique peut résoudre. En France par exemple, notamment dans l'arbitrage commercial international, le juge étatique refuse de se prononcer sur la compétence du tribunal arbitral ; il refuse aussi et surtout de s'immiscer dans l'organisation et le fonctionnement d'un arbitrage, dès l'instant où il constate que le tribunal arbitral a été constitué77(*).

La solution est fournie en droit OHADA par les articles 5, 7 alinéa 3 et 8 AU.A. Ces articles reprennent une évolution consacrée en France. En effet, les difficultés auxquelles le juge français pourvoyait des solutions concernaient essentiellement la constitution initiale du tribunal arbitral. Mais la jurisprudence y a admis par la suite l'extension du domaine d'intervention du juge aux difficultés ultérieures qui affecteraient le tribunal arbitral précédemment constitué.

Cette tendance a été reprise par l'AU.A dont les dispositions précédemment citées précisent à la fois le rôle du juge étatique pour le règlement des difficultés de constitution initiale du tribunal arbitral (A), et celles pouvant affecter ultérieurement la composition dudit tribunal (B).

A- LE REGLEMENT DES DIFFICULTES INITIALES DE CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL

Le principe demeure celui de la primauté de la volonté des parties dans la désignation des arbitres. Ainsi, s'il s'agit d'un arbitre unique, les parties se mettent d'accord pour le désigner ; s'il s'agit d'un tribunal composé de trois arbitres, chacun désigne un arbitre et les deux autres désignent le troisième, ou celui-ci est désigné selon d'autres modalités prévues par les parties ou par le règlement d'arbitrage choisi. C'est la situation idéale où tout se passe bien.

Force est de reconnaître cependant que tel n'est pas toujours le cas. En effet, il peut surgir plusieurs difficultés dans cette phase. Ainsi, le défendeur refuse de désigner un arbitre alors même que le demandeur à l'arbitrage s'est attelé à cette tâche dans sa demande introductive d'instance. C'est aussi le cas des deux parties ou des deux premiers arbitres qui ne s'entendent pas pour désigner l'arbitre unique ou le troisième arbitre.

Dans ces hypothèses, les règles légales de désignation des arbitres doivent être mises en oeuvre. L'article 5 autorise la saisine du juge étatique par la partie la plus diligente afin que l'obstacle soit levé.

Concrètement, en cas d'arbitrage à trois arbitres, l'article 5 alinéa 2a AU.A prévoie que si l'une des parties « ne nomme pas un arbitre dans le délai de trente jours à compter de la réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée par le juge compétent dans l'État partie ». Le juge camerounais a déjà résolu pareille difficulté en désignant un arbitre78(*).

Il reste néanmoins des problèmes non expressément résolus par l'AU.A, notamment celui de la « clause blanche », et celui de la désignation indirecte des arbitres par un tiers préconstitué. Que faire lorsque ces difficultés surviennent?

La clause blanche est celle qui prévoie tout simplement le recours à l'arbitrage, mais ne fixe aucune modalité quant à la désignation des arbitres, encore moins leur nombre. Il nous semble que le juge étatique devra entendre les parties à la suite de quoi il pourra fixer le nombre d'arbitres et leur désignation par les parties. Mais, il est déjà arrivé dans un cas extrême que le juge étatique désigne les arbitres lui-même79(*). Cette pratique nous semble heurter de façon claire le principe de la liberté des parties dans la désignation des arbitres. Elle est, par conséquent, sujette à annulation lors de l'exercice d'un éventuel recours contre la sentence qui en résulterait.

S'agissant de la difficulté de désignation des arbitres par un tiers préconstitué ou par un centre chargé d'organiser l'arbitrage, le problème se pose lorsque ce tiers n'est pas désigné avec la plus grande précision possible. Tel a été le cas en France dans une affaire dont la clause compromissoire conclue entre les deux parties domiciliées à l'étranger soumettait leurs différends à « la chambre de commerce officielle à Paris », or une telle chambre n'existe pas à Paris. Pour résoudre cette difficulté, le Président du TGI de Paris décida alors que « s'il n'existe pas, à Paris, une « chambre de commerce officielle », la chambre de commerce internationale, organisme de droit privé, constitue manifestement le centre d'arbitrage reconnu à Paris par la pratique des relations internationales, tant en France qu'à l'étranger, pour organiser les procédures de règlement des différends par la voie arbitrale, quelles que soient la nature du litige, la nationalité des parties en cause ou la loi applicable »80(*).

Il s'agit là d'une solution heureuse qui montre en même temps comment le juge étatique de l'espace OHADA pourrait agir dans le cadre de sa collaboration à la mise en place initiale du tribunal arbitral ; ou quand il s'agira de résoudre les difficultés ultérieures affectant ce tribunal.

B- LE REGLEMENT DES DIFFICULTES ULTERIEURES AFFECTANT LA CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL

La compétence du juge étatique à intervenir pour résoudre les difficultés ultérieures de composition du tribunal arbitral a été reconnue par la jurisprudence française en ces termes : « La disposition de l'article 1493 alinéa 2 NCPC ne limite pas l'intervention du juge étatique pour l'exercice de sa mission « d'assistance technique » et de « coopération judiciaire » à l'arbitrage, aux seules opérations de constitution du tribunal arbitral ab initio, mais lui donne aussi pouvoir de régler, dans le respect de la volonté commune des parties, une difficulté relative à un événement postérieur affectant la constitution du tribunal arbitral ne permettant plus à ce dernier de poursuivre l'exercice des prérogatives attachées au pouvoir de juger »81(*).

L'AU.A consacre expressément cette possibilité en identifiant le domaine de ces difficultés. Il s'agit de la récusation de l'arbitre, de l'incapacité, du décès, de la démission ou de la révocation de l'arbitre82(*). En réalité, les principales difficultés qui retiendront notre attention concernent la récusation (1) et le remplacement d'un arbitre (2).

1- La récusation de l'arbitre

La récusation est le fait de refuser, par soupçon de partialité, un juge ou un arbitre. Elle a presque toujours pour motif leur indépendance et leur impartialité. Disons plus exactement que lorsque l'une des parties soupçonne l'arbitre de manquer ces qualités essentielles à toute mission de juger.

L'indépendance et l'impartialité sont des notions difficiles à cerner parce qu'elles se recoupent partiellement. On peut néanmoins dire que l'impartialité est une notion beaucoup plus psychologique qui désigne un état d'esprit alors que l'indépendance est une notion véritablement objective. L'indépendance recouvre des situations objectives d'absence de relations entre une partie et un arbitre83(*). Ces relations peuvent être d'affaire ou de la vie civile. La preuve du défaut d'indépendance ou de l'impartialité de l'arbitre appartient à la partie qui l'invoque.

L'exigence de l'indépendance est reprise par la plupart des textes modernes sur l'arbitrage. C'est le cas du règlement d'arbitrage du Centre international pour le règlement des litiges relatifs aux investissements (CIRDI) qui, en plus des qualités telles que la compétence reconnue en matière juridique et une haute considération morale, dispose que les personnes désignées pour figurer sur les listes des arbitres doivent offrir toute garantie d'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions84(*). La sanction du défaut d'indépendance passe par la procédure de récusation dont le succès entraîne le remplacement de l'arbitre concerné.

2- Le remplacement de l'arbitre

Les causes du remplacement sont multiples. Il s'agit tout d'abord de la récusation. En effet, lorsque la procédure de récusation réussit, l'arbitre récusé doit être remplacé conformément à la volonté des parties, ou à défaut par le juge étatique compétent dans l'État partie.

Il en est de même en cas de décès de l'arbitre, de son incapacité, de sa révocation ou de sa démission. En plus, un arbitre peut également être remplacé s'il est empêché, « de jure ou de facto », d'accomplir sa mission, ou s'il ne remplit pas ses fonctions de manière convenable85(*). Le règlement CCJA envisage une pareille hypothèse. Dans ce cas, les parties et les arbitres, y compris l'arbitre concerné sont invités à formuler leurs observations. Si l'arbitre à remplacer est un arbitre désigné par l'une des parties, celle-ci est invitée à donner son avis sans que la CCJA n'en soit liée86(*).

Une fois que le tribunal a été reconstitué après la survenance d'une des circonstances sus mentionnée, celui-ci décide dans quelle mesure poursuivre la procédure notamment l'instance arbitrale proprement dite dans laquelle le juge étatique peut également exercer des compétences.

* 77TGI Paris, réf., 3 juin 1985.

* 78TPI de Yaoundé, ordonnance no 388 du 23 novembre 1999. Cité par P.G. Pougoué et alliés, op. cit., note de bas de page no 390, p. 176.

* 79Ph. Fouchard et alliés, op. cit., no 859.

* 80TGI Paris, ordonnance du 13 décembre 1988, Rev. arb. 1990. 521.

* 81TGI Paris, ordonnance du 12 juillet 1989, aff. de la Belle Créole, Rev. arb., 1990. 176, note Ph. Kahn.

* 82Article 8 AU.A.

* 83P. Meyer, commentaire A.U.A, in J. Issa-Sayegh et alliés, op. cit. p. 112.

* 84Article 14 alinéa 1 du règlement d'arbitrage CIRDI.

* 85B. Martor et alliés, Le droit uniforme africain des affaires...,op. cit., no 1223.

* 86Article 4.4 Règlement d'arbitrage CCJA.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon