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Les compétences du juge étatique dans l'arbitrage OHADA

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par Francis NGUEGUIM LEKEDJI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2007
  

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§ II : LES CONDITIONS ET LA PORTEE DE L'INTERVENTION DU JUGE ETATIQUE

L'article 13 alinéa 4 AU.A dispose que : « (...) l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction, en cas d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra s'exécuter dans un État non partie à l'OHADA, ordonne des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un examen au fond du litige, pour lequel seul le tribunal arbitral est compétent ». Ce texte reconnaît expressément la compétence du juge étatique à prononcer des mesures provisoires. Il fixe les conditions de cette compétence (A). Il convient alors d'en analyser la portée (B).

A- LES CONDITIONS DU PRONONCE DES MESURES PROVISOIRES ET CONSERVATOIRES PAR LE JUGE ETATIQUE

L'article 13 alinéa 4 AU.A identifie trois conditions du prononcé des mesures provisoires et conservatoires par le juge étatique. Il s'agit de l'urgence (1), de l'exécution de la mesure dans un État non membre de l'OHADA (2), et de l'absence de préjudice au fond (3).

1-L'exigence de l'urgence motivée et reconnue

La notion d'urgence s'avère difficile à définir compte tenu des fluctuations dont elle peut faire l'objet. Le Lexique la définit comme une « circonstance de fait permettant de demander au juge une décision, par la procédure de référé ou par la procédure à jour fixe »96(*).

En réalité, Le lexique caractérise plus la notion qu'elle ne la définit. Et de fait, l'urgence est généralement invoquée par le demandeur, mais il appartient en dernier ressort au juge de dire si la situation peut être qualifiée d'urgente ou pas, et d'en tirer les conséquences. A cet effet, la jurisprudence pose que «  l'urgence existe chaque fois que le retard menace un intérêt légitime; elle existe également quand tout retard est de nature à créer un préjudice irréparable à une des parties, eu égard notamment au fait que le recours à la procédure ordinaire entraînerait, compte tenu des délais, un préjudice grave»97(*).

Si ces conditions sont remplies, l'urgence s`avère donc fondée. Elle justifiera ainsi une exécution provisoire du jugement, une autorisation de signifier un acte ou d'exécuter en dehors des heures légales et des jours ouvrables

Le pouvoir d'analyser la situation d' « urgence reconnue et motivée » et d'octroyer la mesure demandée appartient concurremment au juge étatique et aux arbitres. Mais, nous pensons que la compétence exclusive des arbitres devrait être privilégiée si le tribunal arbitral a déjà été saisi de l'affaire98(*), cela éviterait une possible divergence de position entre le juge étatique et le tribunal arbitral. On ne peut néanmoins occulter l'avantage que la mesure a, à être prise aussi par le juge étatique. Celle-ci est exécutable à la seule condition que la formule exécutoire y soit apposée. Il y là un gain en temps.

La jurisprudence de l'espace OHADA abonde d'exemples d'intervention du juge étatique en cas d'urgence pour prendre une mesure provisoire en matière d'arbitrage.

D'abord la jurisprudence ivoirienne avec l'arrêt no 484 de la Cour d'appel d'Abidjan99(*). Il s'agissait ici de la désignation d'un expert pour apprécier la capacité de production d'une chaudière (objet du contrat entre la société Wanson et SERIC) qui ne donnait pas les résultats escomptés dans le contrat d'achat. Le juge ivoirien s'était déclaré compétent et avait désigné l'expert parce que « la mesure sollicitée (...) est une mesure de pure information et (...) ne préjudicie nullement au principal ».

La jurisprudence camerounaise n'a cependant pas suivi promptement cette ligne de conduite puisque dans une pareille situation, le juge s'est déclaré incompétent et a refusé de désigner un séquestre au motif qu'il existait une clause d'arbitrage entre les parties100(*). Il s'agissait d'une position contestable même si on pourrait aussi comprendre qu'à cette date, l'AU.A n'avait pas déjà été adopté. La même position a d'ailleurs été réitérée101(*) avant d'être, heureusement, corrigée plus tard102(*).

2- L'exécution de la mesure dans un Etat non membre de l'OHADA

L'AU.A est l'une des rares lois modernes sur l'arbitrage qui prescrit la compétence du juge étatique pour le prononcé des mesures provisoires lorsque la mesure doit être exécutée dans un État non membre de l'OHADA. Dans ce cas, la nécessité de l'urgence ne s'impose plus. Autrement dit, qu'il y ait ou pas urgence, seul le juge étatique est compétent dans ce cas.

Cette disposition paraît assez surprenante compte tenu du fait que l'arbitrage est de nos jours un mode presque universel de règlement des différends, et que dans chaque système, on reconnaît à l'arbitre le pouvoir de prononcer des mesures provisoires et conservatoires. Par conséquent, il aurait été préférable que, même dans un pareil cas, l'A.U.A consacre, une fois de plus, la compétence concurrente des arbitres et du juge étatique surtout qu'il n'y a pas en l'espèce de préjudice au fond de l'affaire.

3- L'absence de préjudice au fond

Il s'agit de la condition primordiale de l'intervention du juge étatique, car le recours à l'arbitrage suppose en principe son incompétence. Celui-ci n'intervient qu'à titre exceptionnel, et, sa compétence doit, à ce titre, être limitée.

Ainsi, le fait pour le juge étatique d'accorder une provision sur une créance litigieuse pose problème parce que cela suppose que la créance soit fondée en son principe de sorte que la décision qui vide le fond du litige ne viendra plus que fixer le montant total dû. Ce qui ne ressort pas véritablement de la compétence du juge étatique. Les décisions citées plus haut en font d'ailleurs une condition essentielle du prononcé des mesures provisoires et conservatoires103(*).

Dans tous les cas, il faut dire que l'intervention judiciaire n'est pas absolue. Sa portée est limitée.

B- LA PORTEE LIMITEE DE L'INTERVENTION JUDICIAIRE

La compétence du juge étatique pour l'octroi des mesures provisoires et conservatoires n'est plus discutée. Mais il s'agit d'une compétence concurrente limitée parce que, en dehors de l'octroi des mesures de coercition pour lesquelles le juge étatique a l'exclusivité des compétences104(*), celle sur les mesures provisoires et conservatoires peut être aménagée par les parties

En effet, l'article 13 alinéa 4 AU.A accorde au juge étatique le pouvoir de prononcer, à la demande d'une partie, une mesure provisoire ou conservatoire. Cependant, il ne s'agit pas d'une règle obligatoire. Par conséquent, conformément à la liberté dont disposent les parties pour régler la procédure arbitrale, elles peuvent aménager la question à leur guise.

C'est ainsi qu'elles peuvent prévoir qui des arbitres ou du juge étatique prendrait les mesures provisoires et conservatoires. Elles peuvent exclure soit la compétence des arbitres, soit celle du juge étatique pour l'octroi de telles mesures.

La jurisprudence française reconnaît implicitement un pareil pouvoir aux parties en ces termes : « le pouvoir du juge étatique d'ordonner des mesures conservatoires (...) ne pouvait être écarté que par une convention expresse des parties ou par une convention implicite résultant de l'adoption d'un règlement d'arbitrage qui comporterait une telle renonciation »105(*).

En cas de silence, on suppose alors qu'elles reconnaissent à ces deux organes la compétence concurrente.

Au total, l'octroi des mesures provisoires et conservatoires est une prérogative importante que le juge étatique peut exercer pendant l'instance arbitrale en concurrence avec les arbitres. D'autres compétences de cette nature sont également prévues.

* 96Lexique, op.cit. pp. 586- 587.

* 97Cour d'appel de Niamey, arrêt no 142 du 24 décembre 2003, aff. Société Toutelec Niger c/ Charles Hountondji, in www.ohada.com/ Ohadata J-04-75.

* 98P. Meyer, op. cit., no 310.

* 99Cour d'appel d'Abidjan, chambre civile et commerciale, aff. Société Wanson c/ Société d'études et de réalisation pour l'industrie caféière et cacaoyère, dite SERIC, 15 juillet 1997. In Rev. cam. arb. No 01, Avril- Mai- Juin 1998, pp. 10- 12. Note G. Kenfack Douajni ; dans le même sens, V. Cour d'appel de Niamey, in www.ohada.com/ Ohadata J-04-75 précité, p.33 en note de bas de page.

* 100TPI de Douala, ordonnance de référé no 40 du 14 octobre 1998, aff. Société Allation Poperty inc c/ Sirpi Alustel Construction et société Elf Serepca. Rev. Cam. Arb, no 04, Janvier- Février- Mars 1999. pp. 13- 15.

* 101Cour d'appel du Littoral, arrêt no 39/REF du 08 Janvier 1997, aff. Société Reemtsma Cigaretten Fabriken c/ Sitabac.

* 102Cour d'appel du Littoral, arrêt no 81/ REF du 15 Mai 2000, aff. Société SOCIAA S.A c/ BAD & Me Guy EFON. Rev. Cam. Arb. No 12, Janvier- Février- Mars 2001. Note G. Kenfack Douajni.

* 103V. aussi Cour suprême de Cote- d'Ivoire, arrêt no 317/197 du 04 décembre 1997, aff. TSA c/ Premoto, Rev. Cam. Arb., no 05, avril-mai-juin 1999, p.16, et www.ohada.com/Ohadata J-02-84.

* 104V. chapitre I de la deuxième partie de ce travail.

* 105Cass. 1ère civ. 18 novembre 1986. JDI, 1987. 125. note E. Gaillard.

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