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Le traitement pénal de la récidive

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par Eloi Adama
Université de Ngaoundéré - Master 2 droit pénal et sciences criminelles 2009
  

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INTRODUCTION

« Le récidiviste est d'abord apparu comme l'homme à éliminer, puis il est devenu un individu dangereux pour la société qu'il fallait écarter le plus longtemps possible. Plus récemment encore, grâce aux progrès de la médecine, on s'est attaché à l'aspect psychologique du problème »1(*).

Ces propos de Céline Jacques résument les différents modes contemporains de traitement de la récidive. Le terme traitement selon l'encyclopédie libre et collaborative wilkitionary désigne une opération que l'on fait subir à une chose ou à une personne, une manière d'agir envers quelqu'un, de traiter un sujet, un ensemble de soins qu'exige un état pathologique. Il est pour Pierre Couvrat, la façon de se comporter à l'égard d'une personne et de mettre en oeuvre une opération.2(*). Jean Pinatel quant à lui, estime que « Traiter les délinquants, c'est mettre en oeuvre une cure psycho-morale ayant pour but de remodeler leur système de valeurs, dans les conditions de sécurité exigées par leur dangerosité individuelle et s'efforcer d'améliorer par un travail de rééducation leurs possibilités d'adaptation sociale »3(*). Parmi les expressions utilisées en corrélation avec le traitement, notamment, rééducation, resocialisation et réinsertion, seule la dernière correspond le mieux au sens du traitement car réinsérer dans la société un délinquant, tel est le but du traitement criminologique.

Selon l'étymologie, la récidive signifie rechute, du latin recidere. En droit pénal, il ne s'agit pas d'une simple rechute mais d'une rechute après une condamnation pénale devenue définitive et se produisant dans un délai déterminé. Est par exemple récidiviste au sens de l'article 88 du code pénal camerounais, sauf en ce qui concerne les peines perpétuelles, celui qui, après avoir été condamné pour crime ou délit commet une nouvelle infraction qualifiée crime ou délit dans un délai qui commence à courir à compter de la date de la condamnation devenue définitive et qui expire cinq ans après l'exécution de la peine prononcée ou sa prescription. Est également récidiviste, toujours selon cet article, celui qui, après avoir été condamnée pour contravention, commet une nouvelle contravention dans un délai qui commence à courir à compter de la date de la condamnation devenue définitive et qui expire douze mois après l'exécution de la peine prononcée ou sa prescription.

La récidive désigne ainsi le fait d'un individu qui a encouru une condamnation définitive à une peine pour une certaine infraction et qui en commet une autre, soit de même nature (récidive spéciale), soit de nature différente (récidive générale). Cette notion, particulièrement étudiée par les positivistes, renvoie à la dangerosité des individus, ainsi qu'à la délinquance d'habitude. Elle peut être criminelle, délictuelle ou contraventionnelle. Pour Bouzat et Pinatel 4(*)« Le concept de récidivisme englobe : la récidive naturelle ou générale qui est la délinquance à répétition intervenant en dehors de toute condamnation, la récidive sociale qui suppose une condamnation antérieure, la récidive légale telle qu'elle est définie par le code (...), la récidive pénitentiaire définie par le séjour antérieur en prison et la récidive persistante ou multirécidiviste ». Cependant, cette notion de récidive mérite d'être nettement distinguée des notions voisines comme la réitération d'infractions et le concours réel d'infractions.

Il y a réitération d'infractions pénales lorsqu'une personne physique ou morale déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale. La première infraction doit être un crime ou un délit. Comme pour la récidive, il faut que la première infraction ait donné lieu à une condamnation définitive. Si la première infraction n'a pas donné lieu à une condamnation définitive, il y aura concours réel d'infractions. Le juge usera alors de son libre pouvoir d'appréciation pour augmenter le quantum de la peine, ou, inversement, pour le diminuer, voire pour prononcer la confusion des peines, s'il l'estime nécessaire

La réitération n'intervient que lorsque les conditions de la récidive ne sont pas remplies. Contrairement à ce que laisse penser le terme « réitération », il ne s'agit pas de la commission d'une même infraction, ou d'une infraction du même groupe d'infractions au regard de la récidive, mais de la commission de n'importe quelle autre infraction hors les cas de récidive en cause, c'est-à-dire de crime à crime, de crime à délit, de délit à crime, ou de délit à délit.

Elle existe lors de la commission de n'importe quelle infraction ne constituant pas le second terme d'un des cas de récidive, ce qui recouvre, premièrement, les cas de commission d'une contravention après une condamnation pour délit ou pour crime, mais le juge n'a ici aucun pouvoir d'appréciation pour fixer le quantum de la peine. La réitération existe également lorsque la récidive est temporaire ou spéciale et que la seconde infraction ne réunit pas les conditions pour constituer le second terme d'un cas de récidive. Si les conditions de la réitération sont réunies, le juge ne peut plus user de son pouvoir de libre appréciation de la peine à infliger au délinquant. L'état de réitération a également pour effet d'exclure la confusion des peines et le cumul plafonné des peines pour les infractions en concours.

Il y a concours d'infractions lorsqu'il existe plusieurs infractions pénales distinctes commises par le même auteur, successivement ou simultanément, liées ou non entre elles et non séparées par une condamnation pénale définitive. C'est dire que le concours d'infractions encore appelé cumul réel d'infractions suppose la commission d'une infraction par une personne avant sa condamnation définitive pour une autre infraction. Cette situation peut résulter soit du fait que le délinquant a pu se soustraire aux poursuites, soit qu'il a commis des infractions successives dans un délai bref et n'a pas pu être jugé. En d'autres termes, le concours d'infractions intervient lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. On parle également de concours d'infractions lorsqu'un individu a commis un ou plusieurs actes différents avant que le premier ait donné lieu à une condamnation définitive. Peu importe que ces actes aient été commis quasi-simultanément ou à des moments différents. Il peut aussi avoir concours d'infractions lorsqu'un individu commet un seul acte visé par plusieurs textes. Il s'agit d'un acte unique qui tombe sous le coup de deux textes différents.

La récidive intéresse l'efficacité du système pénal dans son ensemble, et singulièrement la capacité du traitement pénal à prévenir une rechute des individus déjà condamnés. Elle apparaît ainsi comme une manière d'imposer à ceux qui ont commis une infraction d'une certaine gravité une conduite irréprochable.

L'histoire du droit pénal est en grande partie celle de la répression de la récidive. Il faut relever que sous l'Ancien Régime français les sanctions applicables aux récidivistes étaient cruelles mais à l'époque, elles ne se distinguaient pas fondamentalement des cruautés ordinaires. Les anciennes coutumes en vigueur avant les grandes ordonnances royales, prévoyaient par exemple en matière de vol à la première fois, on n'encourait qu'une amende et le fouet. A la deuxième condamnation, on pratiquait l'essorillement c'est-à-dire qu'on coupait une oreille au délinquant. A la troisième fois, il n'y avait pas de rémission: Le voleur était définitivement essorillé puis pendu. Les coutumes variaient évidemment beaucoup d'une région à l'autre mais la sévérité était partout, même si elle prenait des formes légèrement différentes selon le sadisme des législateurs et des praticiens.

En matière de blasphème, une ordonnance de Louis XII de 1511 prévoyait 7 échelons de punition: une amende modérée, une amende doublée, triplée, quadruplée, l'emprisonnement en cas d'insolvabilité. A la cinquième condamnation c'était le carcan. La sixième fois, la lèvre supérieure était coupée «de sorte que les dents apparaissent». La huitième fois, c'était la lèvre inférieure et enfin la dernière fois, on perçait la langue. Pour la plupart des infractions, en réalité, la peine de mort était prononcée très rapidement, dès la première récidive.

Les ordonnances royales ont renforcé et systématisé cette sévérité pour les récidivistes. Les prévôts des maréchaux avaient la charge de juger ces derniers. En 1724 une déclaration royale sur le vol prévoyant qu'au premier vol une lettre «V» (comme vol) devait être marquée sur l'épaule est publiée. Lorsqu' une nouvelle infraction était ensuite commise (vol ou autre), le délinquant était envoyé aux galères ou en maison de force pour les femmes.

Une loi du 23 floréal an X (13 mai 1801) avait prévu que la lettre «R» soit marquée sur l'épaule gauche des condamnés récidivistes de crime à crime. « L'efficacité était nulle mais cette stigmatisation apparente apaisait facilement l'opinion publique. La flétrissure persistait mais la récidive aussi. Le détenu restait  une bête qu'on pouvait marquer comme faisant partie du cheptel des êtres malfaisants, pour qu'on le repère immédiatement ».5(*) Le code pénal français de 1810 n'est cependant pas revenu sur cette mesure emblématique. Le régime applicable à la récidive était lourd: le code avait prévu une récidive criminelle et correctionnelle perpétuelle.

La relégation demeurait la sanction la plus connue en matière de lutte contre la récidive. Elle a été introduite en France par une loi du 27 mai 1885 après de longs débats. Elle avait pour objectif majeur d'éloigner le plus longtemps possible les récidivistes de la métropole. Déjà dans le premier et éphémère code pénal de 1791, la déportation des criminels récidivistes avait été prévue mais elle n'avait pu être appliquée faute de moyens. Cette loi partait de l'idée que les récidivistes  étaient incorrigibles ou irrécupérables et qu'il fallait les éliminer, ou du moins les éloigner. Selon les théories positivistes de l'époque, le délinquant était un microbe social qu'il fallait traiter. La loi du 30 mai 1854 au début du Second Empire avait certes fermé les bagnes mais les avait remplacés par l'exécution de travaux forcés dans un territoire d'outre-mer, notamment en Nouvelle Calédonie. Toutes ces mesures ont été adoptées sous l'influence de la doctrine.

En effet, F.J Gall (1728-1828)6(*) s'est intéressé au cerveau humain, notamment aux localisations cérébrales par la phrénologie entendue comme la science qui étudie le crâne. Il a découvert que l'homme avait des tendances et des penchants qui le prédisposaient au crime en faisant une distinction entre le crime résultant directement du penchant auquel celui-ci n'a pu résister et celui dans lequel ce penchant fait défaut et dont les seules circonstances de l'infraction ont entraîné la commission de l'infraction déplorée. Dans le premier cas de figure, estimait-il, la récidive était un risque à ne pas prendre à la légère car sa possibilité de se matérialiser était très élevée. Pour protéger la société du récidiviste, il fallait simplement soumettre celui-ci à une longue peine d'emprisonnement.

Cesare Lombroso (1835-1909)7(*), médecin de formation puis professeur de psychiatrie clinique et d'anthropologie criminelle est une figure de proue de l'école positiviste italienne. Il a élaboré à partir de ses recherches sur l'anatomie des crânes de criminels, la théorie dite de l'homme criminel ou du criminel né qui est un être irrécupérable, une erreur de la nature vouée à la disparition. Pour cet auteur, le délinquant est un homme en voie de régression vers le stade atavique, c'est-à-dire un retour en arrière jusqu'à un stade primitif. C'est un individu qui a subi un arrêt dans l'évolution conduisant à '' l'honnête homme' 'et dont il faut mettre hors d'état de nuire.

Enrico Ferri (1856-1928)8(*), professeur de droit pénal et homme politique italien a développé le concept de la sociologie criminelle qu'il a fondé sur la distinction entre le crime comme fait individuel et le crime comme phénomène social. A partir des facteurs anthropologiques, physiques ou sociaux, il a mis sur pied cinq catégories de criminels : les criminels nés, les criminels fous, les criminels d'habitude, les criminels d'occasion et les criminels passionnels. Pour cet auteur, les récidivistes sont des criminels d'habitude c'est-à-dire ceux qui sont ancrés dans un processus de criminalité permanente en raison de différents facteurs sociaux comme le chômage, la précarité, la misère. Par ses recherches, il a remis en cause les fondements de la responsabilité pénale en écartant l'idée d'un libre arbitre, d'une faute pour privilégier celle du risque qui pèse sur la société. Les peines selon ce dernier doivent disparaître pour laisser place à des mesures de défense sociale, notamment des substituts pénaux visant purement et simplement l'élimination du délinquant car «L'armée du crime est faite essentiellement de récidivistes ».9(*)

Les questions que pose la récidive sont nombreuses et ardues. Sous-jacent à ces indications, Il convient de se demander quelle est la méthode la plus efficace pour lutter contre la récidive des délinquants. Est-ce la voie de la répression ou celle de la prévention ? Quelle pénalité d'élimination sociale faut-il adopter ? D'un autre point de vue, les sanctions imposées aux délinquants sont-elles de nature à éradiquer ou du moins à réduire la récidive ?

D'ores et déjà, faut-il le souligner, le traitement de la récidive a le mérite de poser le problème de l'efficacité du système pénal contre la dangerosité, l'insécurité et précisément la capacité à prévenir une rechute des individus déjà condamnés mais aussi celui des enjeux contemporains du traitement pénal réservé à ce fléau. Ce thème a également le mérite de susciter le débat sur la délicate recherche d'un équilibre entre la protection nécessaire de la société et l'objectif de réinsertion des délinquants récidivistes, d'être un indicateur permettant d'évaluer le jeu entre politiques pénales et politiques sociales relatives à la récidive. Enfin, étudier le traitement de la récidive, c'est globalement s'intéresser aux intérêts juridiques qu'attache le droit pénal à la distinction entre les criminels qui sont encore dangereux lorsqu'ils sortent de prison et ceux qui semblent ne l'avoir jamais été.

La récidive est un des plus graves problèmes de politique criminelle. La question qu'elle pose n'est évidemment pas qu'un problème de répression même si elle nécessite toujours une sanction pénale. La résumer à la façon la plus dure de punir un récidiviste têtu qui ne comprendrait rien aux avertissements qu'on lui prodigue est une injure à l'esprit. Ainsi, s'il apparaît que la répression est le principal mode de traitement de la récidive (Première partie), force est de constater que de nouvelles formes de traitement de ce fléau se sont développées (Deuxième partie).

* 1 Céline (J.), le droit de la récidive, Mémoire de master droit recherche, mention droit pénal, publié le 29 novembre 2006 disponible sur le site http://edoctorale74.univ-lille2.fr, P.17.

* 2 Couvrat (P.), le suivi-socio judiciaire, une peine pas comme les autres, RSC 1999, P.376.

* 3 Pinatel (J), La société criminogène, Ed. Calman-Levy, 1971, P.206.

* 4 Bouzat (P.), Pinatel (J.), Traité de droit pénal et de criminologie Tome III, no 84, cité par Céline Jacques, P.14.

* 5 Portelli (S.), mobiliser l'intelligence et non la peur, texte disponible à l'adresse suivante : www.betapolitique.fr, P.9.

* 6 Gall (JF.), Histoire de la criminalité française, sous la direction de Mucchielli (L.), L'harmattan, Paris , 1994, P.535.

* 7 Lombroso (C.), L'homme criminel, Alcan , Paris 1887, texte disponible à l'adresse suivante : http://visualiser.bnf.fr

* 8 Ferri (E.), la sociologie criminelle, Dalloz 3e Ed

* 9 Locard (E.), L'identification des récidivistes, La Bibliothèque de criminologie, Paris 1909, cité par Céline Jacques, P.11.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo