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Problématique de la mise en oeuvre de la décentralisation financière en République Démocratique du Congo

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par Jacques Nkongolo Musungula
Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Maà®trise en Sciences Economiques (Economie et Finances Publiques) 2007
  

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2.1.2. Déficit de solidarité financière entre l'Etat central et les provinces d'une part et, entre les provinces et les entités territoriales décentralisées

La solidarité financière qui doit marquer les rapports entre les échelons territoriaux du pouvoir étatique est largement déficitaire et contribue à l'enlisement de la décentralisation.

Ce déficit s'explique par la non-actualisation de la législation financière et le faible niveau de rétrocession en faveur des provinces, d'une part, et par l'absence de péréquation et l'exacerbation des déséquilibres économiques internes, d'autre part.

2.1.2.1. Non-actualisation de la législation financière et faible niveau de rétrocession

Nous pouvons, d'entrée de jeu, noter qu'en 1987 déjà, l'ordonnance n° 87/004 du 10 janvier 1987 modifiant et complétant la loi financière n°83/003 du 23 février 1983 stigmatisait dans son exposé des motifs la persistance des difficultés rencontrées dans l'élaboration de cette dernière. Il s'agit principalement de la non-répartition des compétences en matière financière alors qu'un délai légal de deux ans était accordé pour ce faire.

Aussi, le législateur va-t-il par cette ordonnance de 1987 « accorder un nouveau délai de deux ans au Conseil Exécutif (...) pour prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires (...) et allouer des subventions d'équilibre aux budgets des Entités Administratives Décentralisées (...) lorsqu'ils sont votés en déséquilibre (...) et que l'intervention du pouvoir central est sollicitée et dûment justifiée » 53.

En d'autres termes, un moratoire de 7 ans ayant pris effet à compter de 1982 venait d'être explicitement reconnu au Gouvernement pour ajuster l'ordre réglementaire à l'obligation d'autosuffisance financière à laquelle les entités décentralisées étaient soumises.

En 2009, soit 27 ans après l'entrée en vigueur de la réforme décentralisatrice, le même phénomène de non-respect du cadre légal et réglementaire se répète et persiste.

Pour preuve, la loi financière en vigueur en RDC est encore celle de 1983, alors que depuis 2006, il est constitutionnellement stipulé que les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes et qu'à ce titre un nouveau cadre légal suivi d'un dispositif réglementaire approprié devraient désormais organiser la conduite financière des provinces et des ETD ainsi que les rapports entre ces différentes entités et le pouvoir central.

En effet, la loi organique sur les finances publiques devrait permettre d'organiser les lois des finances, les budgets des provinces et des ETD en définissant les principes généraux de gestion des finances publiques et d'encadrement de la politique budgétaire. « Elle devrait permettre de tenir compte des dispositions de la Constitution en envisageant toutes les perspectives d'une gestion moderne des finances publiques » 54(54).

Cette inadéquation entre le cadre juridique et institutionnel et la réalité ne peut que favoriser l'opacité des rapports financiers entre le pouvoir central et les provinces et, en même temps, anéantir tout effort d'autonomisation financière des provinces et des ETD.

53 Exposé des motifs de la loi financière n°83/003 du 23 février 1983 telle que modifiée et complétée par l'ordonnance n° 87/004 du 10 janvier 1987

Une autre illustration du non-respect des textes en vigueur et/ou des arrangements institutionnels se trouve être la non-effectivité de la rétrocession de la quotité des recettes à caractère national reconnues aux provinces dans les conditions prévues par la loi.

Les informations que contiennent les tableaux II.1 et II.2 ci-dessous nous montrent qu'en dépit de la modicité des recettes de la fiscalité provinciale et locale, le pouvoir central n'a pas procédé à la rétrocession de la quote-part due aux provinces (ex-Régions) pendant plusieurs années et ce, en violation des textes instituant la décentralisation.

Tableau II.1 : Recettes budgétaires des Régions et de l'Etat (en Zaire-monnaie)

Année

Régions

Etat

% Régions

1

1987

2 481 243 076

106 000 000 000

2,34

2

1990

22 398 616 095

584 258 430 000

3,83

TOTAL

 

24 879 859 171

690 258 430 000

3,60

Accroissement

1990/1987 (%)

 

902,72

551,19

 

Source : Comité Central du MPR-Parti Etat ; données tirées de Epee (G) ; 1992 ; op.cit. ; P351 ; compte tenu de l'instabilité de la monnaie et de l'hyperinflation de l'époque, nous n'avons pas jugé indiqué de reconvertir en francs congolais ou en dollars américains les masses budgétaires de ce tableau, le plus important étant le rapport en % entre les recettes des Régions et celles du pouvoir central.

Ce tableau indique que les recettes propres aux provinces (ex-Régions) sont insignifiantes par rapport à celles du Pouvoir Central : elles n'en représentent que 2,34% en 1987 et 3,60% seulement en 1990 même si elles ont connu au cours de la même période un rythme de croissance plus rapide soit 902,72% pour elles contre 551,19% pour l'Etat.

Cette illustration d'un faible niveau de « décentralisation fiscale » 55(55) est profondément explicative de l'enlisement de la réforme décentralisatrice et de son inefficacité.

En outre, le tableau II.2 ci-dessous indique que les provinces n'ont pu bénéficier pendant plusieurs années de la quote-part leur reconnue par les textes en vigueur au titre de rétrocession, alors que ladite quote-part à rétrocéder n'atteignait même pas les 0,4% des recettes globales de l'Etat.

Tableau II.2 : Recettes perçues et recettes rétrocédées par le Pouvoir Central pour le compte des entités décentralisées de 1984 à 1987 (en Zaire-monnaie)

Année

Recettes totales

Quote-part revenant aux Régions

% Quote-part à

rétrocéder

Recettes rétrocédées

1984

24 857 663 480,00

47 471 320,00

0,19

0

1985

43 149 139 987,00

61 540 362,00

0,14

0

1986

49 716 146 674,00

178 947 328,00

0,36

0

1987

106 000 000 000,00

228 087 557,00

0,22

0

TOTAL

223 722 950 141,00

516 046 567,00

0,23

0

Source : Comité Central du MPR-parti Etat ; données tirées de Epee (G) et Otemikongo (M) ; 1992 ; op.cit. ; P351

L'instabilité politique et sécuritaire dans laquelle le pays a été plongé du début des années 1990 jusqu'à la veille des élections de 2006 nous porte à avoir la conviction que rien ne pouvait, au cours de cette période trouble, arrêter fondamentalement ce comportement répréhensible du pouvoir central.

55 Yatta, F. (2006), op.cit. ; PP 31-32

A ce sujet, le tableau II.3 ci-dessous nous renseigne, faute d'informations fiables sur la part des provinces dans les budgets 2006, 2007, 2008 et 2009, que les prévisions budgétaires pour 2010 portent à 6,84% seulement le niveau de décentralisation fiscale alors qu'en France, par exemple, ce rapport est de 40% même si celui de la RDC est légèrement supérieur à la moyenne des pays de l'UEMOA qui s'est située autour de 4,38% en moyenne de 1999 à 2004 avec comme points extrêmes 1,57% pour le Mali contre 6,10% pour le Sénégal 56(56).

Tableau II.3: Part des provinces dans les recettes budgétaires globales de l'Etat pour l'exercice 2010 (en milliards de FC)

ANNEE

BUDGET DE L'ETAT

PART DES PROVINCES

% PART PROVINCES

2010

4.488

307

6,84

Source : Allocation du Premier Ministre à l'occasion de la présentation du projet du budget de l'Etat pour l'exercice 2010 devant l'Assemblée Nationale, Kinshasa, octobre 2009.

Cette projection d'un bas niveau de décentralisation fiscale en 2010 n'est pas de nature à soutenir l'émancipation financière des provinces et entités territoriales décentralisées dans la mesure où elle contraste avec les gains projetés pour la même année dans le cadre de la revisitation des contrats miniers et de l'amélioration de la viabilité de la dette à travers l'atteinte du point d'achèvement.

Cette dernière pourrait permettre à la RDC d'« accéder (dès juin 2010) aux ressources additionnelles estimées à plus de 500 millions de dollars américains, en sus des économies qui seront générées par l'annulation de 90% du stock de la dette extérieure »57. Dans le même ordre d'idées, nous nous souviendrons qu'en octobre 2006 déjà, le Gouvernement de Transition avait décidé souverainement de soustraire les recettes de la Direction des Grandes Entreprises (DGE) du panier des recettes à rétrocéder aux provinces et ETD et ce, contrairement aux prescrits de la Constitution.

56 Yatta, F. (2006); op.cit. ; P. 32

57 Muzito, A. (2009), Allocution à l'occasion de la présentation du projet du budget de l'Etat pour l'exercice 2010 devant l'Assemblée Nationale; Kinshasa, octobre 2009

Même si cette mesure avait été prise en son temps pour venir en appui au Programme Relais de Consolidation visant le resserrement des dépenses et l'encadrement efficient des actions de recettes pour corriger les dérapages budgétaires constatés pendant toute l'année 2006, cela revenait à vider de son contenu l'idée de la rétrocession des recettes à caractère national étant donné que les recettes des grandes entreprises représentent les 70% des recettes de la Direction Générale des Impôts58. Par ailleurs, l'affectation par le pouvoir central des recettes des pétroliers producteurs au service de la dette réduit davantage les opportunités de financement du développement local à partir de la base.

En outre, bien que le budget de l'Etat pour l'exercice 2008 ait pris en compte la décentralisation financière sur base de la formule consensuelle du Forum National de la Décentralisation, « les données sur l'exécution dudit budget montrent qu'en réalité, la rétrocession totale n'a représenté que 10,5% des recettes nationales »59. De plus, le Gouvernement Central ayant opté pour un retour à l'ancienne pratique de la répartition de la rétrocession sur base des critères arbitraires, la situation de la décentralisation financière s'est même aggravée en 2009.

En effet, les interprétations contradictoires de la rétrocession dite « de 40% » aux provinces ne cessent de défrayer la chronique et alimentent davantage le doute sur les chances de son application effective alors qu'elle constitue la principale ressource financière de la décentralisation.

Les discussions les plus courantes aujourd'hui sont celles qui opposent les provinces les plus nanties (Bas-Congo, Katanga et Kinshasa), lesquelles tiennent à tout prix à une retenue à la source de « 40% » des recettes à caractère national, au reste de provinces qui, elles, estiment qu'il s'agit de 40% des recettes produites dans l'ensemble du pays et qu'il conviendrait de rétrocéder équitablement à toutes les provinces. Pour appuyer leur prise de position, ces provinces soutiennent, entre autres arguments, que les recettes à caractère national réalisées à Kinshasa ne sont pas la traduction exacte des performances économiques de la capitale qui fiscalise les diamants des deux Kasaï, le bois de l'Equateur et le pétrole du Bas-Congo...

58 Banque Mondiale, (2009), Note sur le Découpage, op.cit. P .29 59Ibid; P. 25

Une autre pomme de discorde concerne les transactions douanières dans la mesure où elles profiteraient plus aux provinces-portes d'entrée alors que ces dernières ne sont nécessairement ni uniques consommatrices finales des marchandises importées ni seules productrices des biens exportés60.

A ces difficultés non résolues s'ajoute l'absence de péréquation et l'exacerbation des déséquilibres entre provinces et à l'intérieur de ces dernières.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand