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De l'immunité pénale des vols commis entre parents et allies en droit rwandais

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par Richard KAYIBANDA
Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2008
  

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Section IV. Les répercussions de l'immunité familiale

L'impunité couvrant les vols commis par certains membres de famille au préjudice de leurs parents ou alliés n'est pas sans répercussions. A ce propos, il nous paraît intéressant de souligner que cette immunité peut, tout d'abord, inciter aux actes antisociaux. Ensuite, elle entraîne une fragilisation du droit de propriété dont disposent certains membres de la famille. Enfin, elle affecte, bien que légèrement, l'action civile intentée à raison de l'infraction née du vol immunisé.

§1. Incitation aux actes immoraux et anti-sociaux

Comme vu supra, le législateur rwandais a instituée l'immunité pour certains vols commis dans le cadre de la famille aussi bien pour des raisons d'ordre patrimonial que d'ordre moral. En effet, il a été inspiré par la volonté de ne pas envenimer encore davantage, par les poursuites pénales, une situation familiale déjà perturbée.

Cependant, de concert avec M.-L. RASSAT, il n'en demeure pas moins que cette immunité peut parvenir à faire échapper à la répression des actes moralement et socialement graves223.

Pour être plus concret, prenons par exemple le cas d'un mari qui a quitté son foyer et qui revient, par après, pour soustraire frauduleusement les biens qui devraient servir à la survie de la famille et qui va les gaspiller avec un concubin. Dans ce cas, le mari n'encourt aucune poursuite pénale. Cette immunité peut l'inciter à faire de tels actes sans aucune

crainte. Ici la fonction de prévention générale de la peine, c'est-à-dire la fonction de freiner, voire d'empêcher l'accomplissement de comportements jugés indésirables par la dissuasion et l'intimidation des contrevenants potentiels224et vidée de son importance.

Il est déplorable, aussi, que l'action civile qui reste ouverte puisse aboutir à rien quand le mari aura tout consommé. En plus, au cas où il s'avère nécessaire de recourir à l'exécution forcée au moment où le mari est débouté elle se ferait toujours au détriment de la même famille.

Ainsi, cette assurance de l'impunité risque, comme le souligne R. KINT d'inciter à des actes de ce genre qui, à l'évidence, ne tiennent nullement compte de la protection à accorder à la famille225. Et la famille dans ce cas, ne peut bénéficier de la protection de la loi pénale alors que, comme vu supra, le vol couvert par l'immunité peut porter sur les objets indispensables à la vie quotidienne de la victime.

§2. Fragilisation du droit de propriété

L'article 9 de la constitution dispose que toute personne a droit à la propriété privée, individuelle ou collective et qu'elle est inviolable et qu'il ne peut y être porté atteinte que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnisation226.

Ce texte serait purement théorique si le législateur n'avait pas pris des mesures adéquates de répression à l'encontre des auteurs des infractions éventuelles contre les propriétés. Lesdites infractions constituent des atteintes dirigées contre les biens des personnes tant physiques que morales. C'est ainsi que le code pénal réprime les différentes infractions contre les biens telles que le vol, l'escroquerie, la destruction des objets pour ne mentionner que ceux-ci.

224 M. VAN DE KERCHOVE, «Les fonctions de la sanction pénale entre droit et philosophie»en ligne sur « http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=INSO_127_0022 », consulté le 02/07/2008.

225 R. KINT, op. cit., p. 127.

226 Art. 29 de la Constitution du 4 Juin 2003 telle que révisée à ce jour, J.O.R.R. no spécial du 04/06/2003.

Néanmoins, il convient de déplorer, d'autre part, que le législateur ait immunisé purement et simplement certaines atteintes contre les biens commises par certaines personnes au préjudice de leurs parents ou alliés. En l'occurrence si le vol a été commis par une personne couverte par l'immunité, la victime n'a aucune possibilité de demander qu'une poursuite pénale soit engagée contre l'auteur ; d'où la première se trouve forcée en quelque sorte au pardon même quand telle n'est pas sa volonté ou n'est pas de l'intérêt de la famille.

Dans cet état des choses, l'assurance de l'impunité peut conduire à la fragilisation du droit de propriété dans le cercle familial. Pourtant, la propriété est l'une des valeurs sociales dignes d'une attention particulière dont le droit pénal a pour tâche d'assurer la protection et nécessitant en toute logique son intervention pour garantir leur respect227. Dès lors, les biens de certains membres de la famille sont exposés à la merci de leurs parents ou alliés qui, assurés de l'absence d'une éventuelle poursuite pénale, se soucient peu des motifs qui ont poussé le législateur à instaurer l'immunité.

Peut être pourrait-on objecter en disant que les réparations civiles restent possibles pour la victime ; mais ici encore il faut garder à l'esprit que certains biens fongibles comme l'argent seront facilement disposés par le coupable alors que ce droit appartient exclusivement et absolument au propriétaire sauf en cas des restrictions prévues par la loi228.

Il convient, alors, de se demander si les buts on ne peut plus bien-fondés que le législateur a visés ne pouvaient être atteint d'une autre façon qui donne plus de protection aux biens de la victime notamment la possibilité d'une poursuite éventuelle. En l'occurrence le système de la plainte préalable229 pourrait, comme l'affirme R. KINT, permettre d'arriver à ces buts sans toutefois exclure la possibilité des poursuites pénales quand tel est le souhait de la victime230qui dispose d'un droit de propriété inviolable sur le bien que la loi pénale devrait bel et bien protéger.

227 L. DE GRAEVE, Essai sur le concept de punir en droit interne, Thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean Moulin-Lyon III, 2006 en ligne sur « http://thesesbrain.univlyon3.fr/sdx/theses/notice.xsp?=lyon3.2006.degraeve I-principal&id doc=lyon3.2006.degraeve I&isid=lyon3.2006.degraeve I&base=documents&dn=1 », consulté le 02/07/2008.

228 Art. 14 CCL II.

229 La plainte préalable est la manifestation de volonté de la personne préjudiciée, au sens de l'action de responsabilité pénale du coupable adressée aux autorités judiciaires, condition pour la mise en mouvement de l'action pénale par celles-ci. ; Voy. Maître Angelica CHIRILA, «Le concept et l'importance de la plainte préalable » en ligne sur « http://www.juridica-danubius.ro/continut/arhiva/A15.pdf », consulté le 05/03/2009.

230 R. KINT, op. cit., p. 127 et M. L. RASSAT, supra, note 31, 5è éd., p. 246.

52
§3. Difficulté de preuve en cas d'action civile en réparation

La victime de l'infraction couverte par l'immunité ne perd pas son droit à réparation pour le préjudice que lui a causé l'infraction car l'immunité n'est pas élisive de responsabilité civile. Toutefois, comme l'infraction à l'origine du préjudice ne peut donner lieu à des poursuites pénales, cette action ne peut être intentée que devant le juge civil231. Ainsi, la juridiction répressive qui constate que le fait dont elle est saisi constitue un vol commis par des personnes couvertes par l'immunité, fait dépourvu dès lors des sanctions pénales, ne peut retenir la connaissance de l'action civile232.

Le préjudice à la base de l'action en réparation devant le juge civil doit être prouvé selon les règles de droit civil. Dans cette situation, il n'est plus aisé à la victime d'apporter les preuves comme il en serait le cas si cette dernière s'était constituée partie civile.

En effet, quand l'action civile est portée devant le juge pénal en même temps que l'action publique elle offre aux victimes le bénéfice d'une seule instance aux nombreux avantages dont celui du bénéfice des preuves apportées par les autorités judiciaires233.

Dans le cas contraire, H. BEKAERT affirme que les modes civils de preuve sont impuissants à constater des faits de cette nature qui, malgré l'absence de peine, restent des délits souvent complexes, que seules les perquisitions, des confrontations permettent de découvrir234.

La victime qui veut réclamer les dommages intérêts aura à prouver non seulement le lien de causalité entre l'infraction et le préjudice subi, mais aussi le fait même constitutif de faute (l'infraction). Ce qui ne sera pas facile du moment où l'infraction n'est pas poursuivie. Mais si l'infraction était poursuivie et l'auteur condamné la victime n'aurait qu'à demander les dommages intérêts en prouvant tout simplement le préjudice subi et le lien entre ce dernier et l'infraction déjà constatée par le juge.

231 J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op. cit., p. 249.

232 C. RAYMOND, op. cit., p. 164.

233 L. DE GRAEVE, Essai sur le concept de punir en droit interne, Thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean Moulin-Lyon III, 2006 en ligne sur « http://thesesbrain.univlyon3.fr/sdx/theses/notice.xsp?=lyon3.2006.degraeve I-principal&id doc=lyon3.2006.degraeve I&isid=lyon3.2006.degraeve I&base=documents&dn=1 », consulté le 02/07/2008.

234 H. BEKAERT, op. cit., p. 80.

53
CONCLUSION GENERALE

Au bout de ce travail d'une telle envergure, force est de conclure que le législateur rwandais a prévu une immunité sui generis pour des vols commis au préjudice du conjoint, du parent ou de l'allié de l'auteur au degré prévu. Etant introduite pour des raisons d'intérêts familiaux, l'immunité est personnelle au seul auteur de l'infraction lié à la victime par des liens de parenté ou d'alliance au degré prévu. Dès lors, les vols commis dans le cadre de la famille ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales mais n'excluent toutefois pas les réparations civiles qui restent possibles.

Des raisons à la base de cette immunité se trouvent dans le patrimoine familial et la paix familiale. Néanmoins, le fondement de cette cause d'impunité dans une sorte de copropriété n'est plus satisfaisant dans l'état actuel des textes législatifs puisque même les époux qui, avec leurs enfants, constituent la famille nucléaire, peuvent avoir un régime de séparation des biens de façon que l'on ne puisse prétendre à l'éventuelle erreur sur la chose d'autrui.

Pourtant, la paix familiale reste toujours à protéger en évitant, autant que possible, des troubles éventuels. Néanmoins, le système de l'immunité que la loi a prévu à l'égard des auteurs du vol au préjudice de certains membres de la famille à cette fin ne laisse pas moins à désirer. En évitant les poursuites, la situation peut aller de mal en pis au lieu de se stabiliser. En effet, certains bénéficiaires de l'immunité, assurés par l'absence d'une éventuelle poursuite sur le plan pénal, peuvent abuser de cette dernière pour des objectifs autres que ceux visés par le législateur.

Ainsi, nous recommandons que notre législateur puisse remplacer le régime de l'immunité par le système de la plainte préalable qui peut permettre d'atteindre les objectifs qu'il a visés en instaurant l'immunité sans priver la victime voire la famille de la possibilité d'apprécier l'éventualité des poursuites pénales. Ceci renforcerait, la protection de la propriété familiale par le droit pénal sans pour autant semer des troubles au sein de la famille et permettrait d'éviter les répercussions de l'immunité que nous avons évoquées.

de l'un d'eux. Mais pendant l'instance en divorce ou pendant la séparation de corps les époux sont animés par des sentiments de haine et la crainte d'un divorce éventuel pouvant pousser l'un ou l'autre époux à soustraire frauduleusement les biens de l'autre.

Nous recommandons alors, que le législateur exclue l'immunité pendant l'instance en divorce et pendant la séparation de corps. En plus, les vols commis par un veuf ou une veuve quant aux choses qui avaient appartenu à l'époux décédé devraient être exclus du bénéfice de l'immunité car ils portent atteinte aux intérêts des héritiers de ce dernier surtout quand ils ne sont pas des descendants de l'époux survivant.

En outre, sont couverts par l'immunité les vols qui portent sur tout objet appartenant à la personne à l'égard de laquelle l'immunité est prévue ; ainsi s'il préjudicie un tiers son auteur ne peut plus invoquer le bénéfice de l'immunité. Cependant, cette situation de faire échapper à la répression tous les vols commis entre parents ou allié sans prévoir aucune exception met certaines victimes de ces vols dans une situation fort déplorable. C'est notamment lorsque ces vols portent sur les objets essentiels à la vie quotidienne de la victime.

Par ici même, nous attirons l'attention de notre législateur sur la nécessité d'intervenir pour mettre des limites quant à ce qui concerne les objets sur lesquels portent le vols couverts par l'immunité familiale. La loi doit de lege ferenda exclure du bénéfice de l'immunité certains vols dont notamment ceux portant sur les objets indispensables à la vie quotidienne de l'une des personnes victimes de l'infraction. Sinon, l'équilibre de la famille que le législateur a entendu protéger se trouverait au contraire compromis davantage.

Nous espérons, par ce travail, avoir apporté notre pierre, mais nous sommes encore loin d'épuiser la matière malgré les intérêts on ne peut plus multiples que présente le travail. Ainsi par voie de proposition nous voudrions, par cette même occasion, appeler les futurs chercheurs à prendre le relais et aborder les points qui n'ont pas fait objet de notre recherche notamment l'immunité pour l'escroquerie et l'abus de confiance dans le dessein d'ameliorer notre système juridique.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon