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Politique fiscale et informalités économiques au Niger

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par Moussa Sahirou Tchida
Institut universitaire d'études en développement de Genève - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2005
  

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Introduction

La problématique du financement du développement dans les pays du Sud en proie a une pauvreté endémique et croissante, s'articule dans une large mesure autour de l'aide publique au développement, a l'annulation de la dette, a l'ouverture du marché du Nord aux produits du Sud au nom d'une certaine idée du commerce dit « équitable » ou a l'adoption d'une sorte de « plan Marchal » pour l'Afrique. Le concentré des résolutions mondiales pour le financement du développement dans les pays comme le Niger, est largement exposé dans le consensus de Monterrey a travers les six axes prioritaires dégagés par la Conférence en vue d'accélérer la croissance et le développement dans les pays pauvres. A l'issue de cette Conférence qui a suscité quelques espoirs, les Chefs d'Etat et de gouvernement présents, déclarérent entre autres, "afin que le XXle siecle soit le siecle du développement pour tous, notre premiere démarche consistera a mobiliser et utiliser plus efficacement les ressources financieres et a réunir les conditions économiques nationales et internationales requises pour atteindre les objectifs de développement de la communauté internationale, notamment ceux énoncés dans la Déclaration du Millénaire, pour éliminer la pauvreté, améliorer la situation sociale et élever le niveau de vie, et protéger l'environnement."4

Malgré cet engagement solennel et l'unanimité créée autour des résolutions et les promesses fermes faites aux pays pauvres dans le cadre de la réalisation des objectifs du millénaire, le doute est déjà permis, car a l'allure oil vont les choses, rien ne changera d'ici l'échéance de 2015. A y regarder de trés prés, force est de constater que toutes ces idées, ces initiatives et ces bonnes intentions, constituent des solutions exogénes, c'est-à-dire qu'elles mettent en avant des ressources devant provenir de l'extérieur. Les ambitieux objectifs du millénaire, tout comme les stratégies de réduction de la pauvreté sont des programmes dont la base de financement est fondamentalement les ressources attendues des partenaires bilatéraux et multilatéraux. En effet, tout se passe comme si la pauvreté dans laquelle végétent la plupart des pays en voie du développement ne permettrait pas de mobiliser de l'intérieur, un quelconque volume de ressources. Les pays concernés eux-mêmes semblent être convaincus de cet état de fait qu'ils ne concentrent leurs efforts que dans une quête effrénée d'appuis financiers extérieurs.

Ainsi, les offensives diplomatiques des pays africains au sud du Sahara, se résument dans la plupart des cas aux missions des ministres en charge des finances dans les pays du Nord, du Golf et auprés d'institutions financiéres internationales. C'est dire que les premiers

o argentiers » de ces pays concentrent plus leurs efforts dans la recherche des financements extérieurs qu'a mettre en oeuvre des réformes économiques et financiéres courageuses, responsables et conséquentes en vue d'une forte mobilisation des ressources internes d'ordre fiscal et ou assimilé. La croyance fondée sur le fait que seule une masse importante des ressources extérieures pourrait juguler la pauvreté et garantir les conditions optimales d'un développement national, conduit les gouvernants des pays africains a négliger voire ignorer les sources potentielles des recettes internes. Une chose est de mobiliser les ressources extérieures en termes d'emprunts ou de dons, l'autre chose est de pouvoir les utiliser a bon escient et surtout de mettre en oeuvre une politique rigoureuse de leur capitalisation.

Pourtant, si certains pays en voie de développement ne connaissent pas encore la prospérité tant attendue, cela n'est nullement imputable a une absence de ressources. Le cas de certains pays d'Afrique, comme le Congo Kinshasa, le Nigeria ou le Gabon, le témoigne en raison de leur potentiel en ressources naturelles et miniéres, sans compter le volume des dettes contractées. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les pays européens ayant bénéficié du plan Marchal ont su, grace entre autres, a une politique financiére, économique et sociale clairvoyante, un appareil administratif adéquat, créer les conditions de leur développement dans un temps relativement limité. Aujourd'hui, la faiblesse structurelle de l'administration nigérienne par exemple et l'absence d'une vision économique clairement définie ne peuvent permettre a ce pays ayant bénéficié tout récemment de l'annulation totale de sa dette auprés du G8 de capitaliser ces ressources et d'en tirer le meilleur profit en court, moyen et long terme.

L'insuffisante maitrise des agrégats macro-économiques et le manque de rigueur dans la politique budgétaire sont des handicaps majeurs pour des pays comme le Niger. Cela nous amene a soutenir l'hypothése selon laquelle, le développement économique et financier tant clamé et revé par et pour les pays du Sud en général et africains en particulier, ne saurait se réaliser exclusivement a partir des ressources extérieures sans mettre un accent tout particulier sur les ressources internes mobilisables. Au premier plan de ces ressources, nous visons les ressources fiscales et assimilées en termes de prélévements directs ou indirects sur les revenus et les biens de consommation courante ou de luxe. Cependant, il y a lieu de préciser que nous ne prétendons pas que les ressources internes doivent remplacer ou peuvent remplacer quasiment les ressources externes, mais qu'elles doivent etre prioritairement recherchées. Il est indéniable que même dans les pays les plus riches, les recettes fiscales, a elles seules, ne sont jamais suffisantes pour faire face aux besoins croissants de fonctionnement,

d'investissement et d'appuis sociaux courants et conjoncturels sans faire recours a des emprunts.

En Afrique subsaharienne et notamment dans les pays de la zone franc, il est observé depuis la fin des années 1980 une tendance a la baisse des prélevements publics nonobstant les efforts qui sont faits et qui sont entrain de l'être. Cette tendance a la baisse serait « imputable non a des facteurs structurels[...] mais aux politiques de mobilisation fiscale »5. Cependant, cette évolution négative d'ensemble ne doit pas occulter les progres que réalisent certains pays comme le Niger et ce depuis 2001 pour accroitre leurs ressources budgétaires sans pour autant atteindre le niveau requis au sein de l'UEMOA. C'est dire tout de même que des progres sont possibles pour peu que les pouvoirs publics le veuillent bien et se donnent les moyens de réaliser les objectifs qu'ils se fixent. Néanmoins, la problématique fiscale sauraitelle se limiter a une simple appréciation statistique, économique ou économétrique ? La réponse ne pourrait être que négative, car derriere des chiffres qui rendent compte des prévisions fiscales, de leur réalisation, se cachent aussi d'autres considérations d'ordre politique, juridique, historique, anthropologique ou social dont il faut en tenir compte.

En effet, la question mérite d'être posée sur la part de toutes ces considérations dans la perception, la compréhension et l'acceptation d'une quelconque politique fiscale ou sur le concept même de l'impot. La problématique de la fiscalité peut ainsi se résumer a travers un certain nombre de questionnements relatifs a la légitimité dont jouissent l'Etat et ses démembrements pour prélever l'impot, au degré d'appropriation des affaires publiques par les citoyens, au sentiment d'appartenance de toutes les communautés a l'Etat-Nation en construction, au mode de vie, d'organisation interne et de croyance de certains groupes sociaux, sans oublier l'environnement juridique réglementant les diverses activités marchandes et productives des citoyens. C'est dire que l'acceptation ou le refus de payer l'imp,t dépendent de conditions historiques d'émergence de l'Etat-Nation, du mode d'accession au pouvoir politique et de sa gestion, du type de politique économique et financiere mis en oeuvre, des rapports de force entre les différentes catégories sociales ainsi que du degré de sentiment d'appartenance de chaque communauté a une même sphere territoriale, administrative et politique. Tout ceci fait que les prévisions fiscales fondées sur des calculs les plus logiquement et savamment rationnelles d'un point de vue économique et financier, peuvent ne pas se réaliser des lors que les acteurs économiques ne parlent pas un même langage, n'inscrivent pas leur logique économique dans le même schéma. Ainsi, les

5 Gérard CHAMBAS, Afrique au Sud du Sahara : Mobiliser des ressources fiscales pour le developpement, Economica, Paris, 2004, p.20

informalités économiques qui caractérisent une grande partie des activités commerciales et financiéres dans nos pays, sont révélatrices de cet état de fait.

Par informalités économiques nous entendons toute forme d'activité productive et marchande « non enregistrée (au sens statistique ou au registre de commerce) et/ou dépourvue de comptabilité formelle écrite, exercée a titre d'emploi principal ou secondaire, par une personne en tant que patron ou a son propre compte »6. En outre, les informalités économiques au-dela du domaine artisanal, agricole, du commerce de détails et autres qui sont les plus classés dans cette catégorie, se rapportent aussi et dans une certaine proportion, a des domaines considérés comme les plus formels. A titre d'exemple, dans quelle catégorie pouvons-nous classer une station d'essence formellement enregistrée, tenant une comptabilité et sensée s'approvisionner auprés d'une centrale nationale d'approvisionnement, mais qui contourne nuitamment cette procédure pour se ravitailler au marché noir avec du carburant frauduleusement importé et appliquant un tarif officiel ? Aussi, que dire d'un Cabinet d'avocats dont le compte bancaire est confondu avec celui du patron, ne disposant d'aucune comptabilité et oil le personnel, majoritairement composé de stagiaires, ne recoit que des pécules au gré du chef ? N'est-il pas alors assez réductif de limiter les informalités économiques aux activités traditionnelles jusque la communément considérées comme relevant de ce qui est qualifié de « secteur informel » ?

Dans le cas précis de ce travail, l'intérêt de mettre l'accent sur les informalités économiques réside dans le fait qu'elles constituent un ensemble de pratiques et procédures permettant a leurs prometteurs d'échapper totalement ou en partie a toute imposition. Toutefois, les informalités économiques ne sont pas forcément et dans tous les cas des actes délibérés et savamment développés pour échapper a toute forme d'imposition. Autrement dit, derriere des actes pouvant etre assimilés a de l'incivisme fiscal, se cachent parfois des faiblesses juridiques et administratives, des formes de protestation ou de rejet de l'ordre étatique ou tout simplement d'un déficit de communication sur les tenants et aboutissants de l'impOt. C'est dire donc que l'incivisme fiscal pourrait s'expliquer en partie par cette impression qu'ont les contribuables que l'imp,t n'est ni équitable, ni juste du point de vue de la base sur laquelle il est prélevé. D'ou la nécessité pour les pouvoirs publics de proner une

6 Prosper Backiny-Yetna, « La mesure d'un phénomene multiforme », Dossier Afristat, p.31, visualisé sur www.afristat.org/Afristat/Publications/pdf/concepts.pdf.fr.

politique fiscale adaptée au contexte national et qui permettra de résoudre cette double équation qui stipule que « trop d'impôt tue l'impôt[...] Mais trop peu d'impôt tue l'Etat.. »7.

Pour situer l'objet de ce mémoire qui met en rapport la fiscalité et les informalités économiques au Niger, nous dirons qu'il s'agit en somme, de mettre en relief la nécessité pour ce pays de replacer la question fiscale au centre des débats sur la problématique du financement de son développement ou de la réduction de la pauvreté tout simplement. L'intérêt de ce theme semble évident dans le contexte actuel oil des profondes transformations politiques, économiques et sociales s'opérent aussi bien au plan national qu'international. C'est le cas notamment du processus de démocratisation et de décentralisation, des nouvelles orientations en matiére de coopération internationale, du commerce mondial, etc. L'enjeu essentiel est de voir en quoi la politique fiscale actuelle, dans un contexte de pratiques informelles généralisées en matiére économique et financiére, du processus d'intégration économique régionale et de libéralisation des échanges, peut-elle permettre au Niger de se procurer l'essentiel des ressources dont il aura besoin, ne serait-ce que pour assurer le bon fonctionnement de son administration.

Pour ce faire, nous nous proposons d'articuler notre travail autour de quatre(4) axes fondamentaux dont le premier jettera le pont entre la fiscalité et la construction de l'EtatNation, en deuxieme point nous aborderons sous un angle historique l'évolution comparée de la fiscalité en France et au Niger, en un troisieme moment, nous aborderons les contraintes du systeme fiscal nigérien et en dernier point, nous passerons en revue quelques mesures fiscales adoptées par le Niger pour améliorer ses recettes publiques et quelques stratégies s'inscrivant dans la même logique. Cette réflexion se veut dynamique et interdisciplinaire, en ce sens qu'elle mettra en rapport des considérations d'ordre économique, politique, socioculturel et anthropologique sur fond d'implications historiques du processus d'étatisation.

7 CONTAMIN B., «La libéralisation douanière de la Côte-d'ivoire : Une politique sous conditions » Fiscalité, Développement et Mondialisation, Jean-Marc Gastellu/Jean-Yves Moisseron et Guy Pourcet, Ed. Maison Neuve & Larousse, Paris, 1999 pp. 207-216.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein