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Genre et lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi. Essai d'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme Lushoise à  travers le microcrédit.

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par Modeste DIKASA ENGONDO
Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010
  

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1.5. La modélisation: genre et lutte contre la pauvreté

Afin de mieux cerner l'incidence du concept de genre sur l'efficacité de la lutte contre la pauvreté, il nous semble utile, dans un premier temps, de rappeler brièvement les évolutions des concepts concernant la pauvreté et la manière dont l'on considère la femme dans la lutte contre la pauvreté.

Pendant de très nombreuses années, à l'instar des institutions de Bretton Woods, l'approche de la pauvreté est surtout restée monétaire et se basait essentiellement sur le critère du revenu : était pauvre celui qui avait un revenu inférieur à un dollar américain par jour (en valeur de 1985). Si cette approximation peut avoir une certaine utilité, notamment pour des comparaisons internationales, elle s'avérait toutefois trop réductrice pour capter les multiples dimensions de la réalité des vies des êtres humains concernés.

Avec le Rapport Mondial sur le Développement Humain du PNUD en 1990, le concept de développement humain a eu très rapidement des répercussions sur l'approche de la pauvreté. Celle-ci se caractérise non plus uniquement par le faible niveau de revenu ou de consommation, mais également par un faible niveau d'instruction, par une santé précaire et un vieillissement précoce. L'édition de 1997 de ce rapport introduit en outre le concept de "pauvreté humaine", tout en soulignant que l'indicateur élaboré à cette occasion(1) ne saisit pas la totalité des aspects de ce concept. La pauvreté y est alors désormais considérée comme "la négation des opportunités et des possibilités de choix les plus essentielles au développement humain - longévité, santé, créativité, mais aussi conditions de vie décentes, dignité, respect de soi-même et des autres, accès à tout ce qui donne sa valeur à la vie" (PNUD, 1998).

L'économiste Armatya SEN est l'un des penseurs qui a le plus fortement influencé cette évolution du concept. Selon lui, la pauvreté est avant tout une privation des capacités élémentaires même si "cette définition ne vise en aucune manière à nier

(1) L'IPH ou Indicateur de Pauvreté Humaine.

l'évidence : un revenu faible constitue bien une des causes essentielles de la pauvreté, pour la raison, au moins, que l'absence de ressources est la principale source de privation des capacités d'un individu" (SEN, 2000). Ce théoricien de la pauvreté a également développé le concept de capital social qu'il envisage comme un phénomène inhérent aux interactions sociales, c'est-à-dire à la structure des relations entre les personnes, qu'il s'agisse de relations intragroupes, intergroupes ou environnementales. Le capital social d'un agent (de l'individu à l'Etat) apparaît ainsi comme une ressource sociale dont la faiblesse est l'une des caractéristiques de la pauvreté. Il est issu des interactions culturelles et/ou structurelles, avec d'autres agents capables de générer des externalités durables qui changent leur situation économique. On retrouve ici le principe des économies d'échelle, qui induit des diminutions des coüts individuels et donc un gain d'efficience.

L'autre évolution remarquable du concept de pauvreté a été le passage vers une vision plus dynamique du phénomène. Un tel élargissement peut être illustré à travers l'exemple de la pauvreté monétaire. Les ménages ou les individus considérés comme "pauvres" ne se situent désormais plus simplement à un niveau stable, en dessous du seuil de la pauvreté, et la lutte contre la pauvreté ne peut plus se réduire à l'idée de rehausser ce niveau au-dessus de ce seuil. Des analyses plus fines ont en effet démontré que le revenu est sujet à des fluctuations importantes et que la pauvreté se traduit aussi par une incapacité de maintenir un niveau de bien-être spécifié. C'est en effet l'absence de stabilité qui caractérise ces situations de pauvreté et qui rend les individus ou les ménages très vulnérables.

Cette complexité du concept de pauvreté a récemment été confirmée par une large enquête menée par la Banque Mondiale et destinée à montrer la pauvreté telle que la ressentent les plus démunis. Les statistiques obtenues expriment ainsi des facettes multiples de la pauvreté ayant surtout trait à des formes d'impuissance et de

mal-être. Un des aspects évoqués par les femmes concerne par exemple les relations conflictuelles et inégales avec l'autre sexe(1).

De 1975 à 1985, la "Décennie de la Femme" a eu le mérite de focaliser l'attention de l'ensemble des pays sur la condition féminine. En témoigne la forte augmentation du nombre d'analyses, d'études et de publications sur les femmes du tiers monde, concernant notamment la division sexuelle du travail et l'impact des projets de développement sur les femmes. Les résultats de ces études et leurs répercussions ont alors sorti les femmes des "niches sociales" du développement en leur reconnaissant un rôle productif.

Cette période a ainsi vu naître l'approche Intégration des Femmes dans le Développement (IFD) qui tentait d'intégrer les femmes dans le processus de développement existant, afin de le rendre plus efficient et efficace. A travers des projets pour femmes, ou des projets intégrants des volets "femmes", cette approche visait à accroître la productivité et le revenu des femmes. On essayait donc de surmonter la pauvreté en agissant sur la faiblesse des ressources et des compétences, sans pour autant s'adresser aux causes de cette faiblesse. Cette approche a été remise en question progressivement, principalement pour deux raisons : en premier lieu, parce que les tentatives de considérer les femmes d'une manière isolée se sont avérées finalement peu opérationnelles, en deuxième lieu, parce que ce type d'approche n'a pas pu surmonter le fait que le modèle de développement ne reconnaissait pas aux femmes de place égale avec les hommes.

L'approche "genre" qui succède à l'approche IFD vers les années 1990, tente de pallier cette dernière lacune. Elle met ainsi l'accent sur les relations inégales de pouvoir comme facteur majeur conditionnant la situation des femmes. Le terme "genre" fait ici désormais référence à la construction sociale des rôles féminins ou masculins qui ne sont donc pas seulement définis par le caractère biologique du sexe mais comme le résultat des conditions de production et de reproduction propres à chaque société et en

(1) NARAYAN, D, « Silence et impuissance : le lot des pauvres », in Finances et Développement, FMI, Washington, vol. 37, n° 4, 2000

constante évolution. "Les genres ont une base culturelle ; ils sont définis par la société qui en détermine les activités, les statuts, les caractéristiques psychologiques, culturelles et démographiques, dont le point de départ est la différence sexuelle, mais qui ne peuvent pas se résumer ou se justifier par cette seule différence sexuelle"(1).

De plus en plus fréquemment, les chercheurs intègrent cet aspect genre dans l'analyse de la pauvreté(2). Le cadre d'analyse se complexifie et construit une vision plus large des causes. A titre d'exemple, on peut citer la distinction entre intérêts pratiques et intérêts stratégiques des femmes(3). Alors que les intérêts pratiques concernent surtout la satisfaction des besoins fondamentaux et l'accès à une source de revenu stable, les intérêts stratégiques remettent en question la position de la femme dans la société. En effet, des analyses selon le genre montrent que des aspects tels que le contrôle masculin de la force de travail des femmes ou encore leur accès limité au pouvoir politique et à des ressources à forte valeur sociale et économique sont à l'origine de leur accès limité à une source de revenu. Ces résultats ont de toute évidence des répercussions sur les politiques de lutte contre la pauvreté. D'un point de vue opérationnel, il s'agit d'identifier en même temps les besoins pratiques et les intérêts stratégiques des femmes afin qu'elles puissent sortir durablement de leur condition de pauvreté.

Les enjeux stratégiques se retrouvent ainsi dans le concept d'autonomisation de la femme que certains auteurs comme JACQUET(4) désignent par l'empowerment. L'autonomisation correspond à l'acquisition d'un droit à la parole et à la reconnaissance sociale. Ce concept fait ainsi référence à la nature des structures décisionnelles dans des contextes particuliers : qui prend les décisions ? Par quels processus sont-elles prises ? Comment ce processus peut-il être modifié ? Le terme

(1) HOFMANN, E et cie, L?approche genre dans la lutte contre la pauvreté ; l?exemple de la microfinance , Paris, Presses Universitaires de Bordeaux III, 2003, P .4

(2) LACHAUD, J.P, Pauvreté, ménages et genre en Afrique subsaharienne, CED, Série de recherche 3, Université Montesquieu, Bordeaux IV, 1999, p.56

(3) HOFMANN, Op. Cit, P.4

(4) JACQUET, I, Développement au masculin, féminin -- le genre, outil d?un nouveau concept, Paris, L?Harmattan, 1995, p.75

autonomisation ou empowerment décrit donc un processus vers l'égalité entre les hommes et les femmes.

Les acteurs de la mondialisation, notamment la Banque Mondiale et les organismes liés à l'ONU, font de plus en plus référence au concept de genre. Ils insistent sur la contribution nécessaire des programmes de développement à l'autonomisation des femmes, comme le prouve le dernier rapport de l'UNIFEM(1). Plus précisément, l'intégration des rapports de genre dans des programmes ou projets de développement signifie que ces derniers visent une modification des rapports de genre en faveur des femmes ; en d'autres termes, ils ont l'objectif de contribuer à l'autonomisation de celles-ci, par l'amélioration du bien être : accès plus large à la microfinance permet aux femmes d'augmenter le bien être de leur foyer et par cela d'améliorer leur statut au sein du ménage et de la communauté. Ceci leur donne une plus grande confiance en elles, une part plus grande dans les dépenses de consommation, on suppose que l'autonomisation des femmes et la réduction de la pauvreté se renforcent mutuellement et de façon inévitable.

Ce n'est pas un hasard si l'évolution des approches par rapport aux femmes dans le contexte du développement s'est produite parallèlement à l'évolution du concept de la pauvreté. SEN a en effet fortement insisté sur l'importance de la fonction d'agent ("agency") des femmes, en ces termes : "Elles ne sont plus les destinataires passives d'une réforme affectant leur statut, mais les actrices du changement, les initiatrices dynamiques de transformations sociales, visant à modifier l'existence des hommes aussi bien que la leur"(2). DUBOIS applique son cadre d'analyse de la pauvreté à dimensions multiples pour vérifier si les politiques de lutte contre la pauvreté prennent en compte les "inégalités sexuées"(3). Quant aux diverses formes d'impuissance qui caractérisent la pauvreté, il est évident qu'elles ne concernent pas uniquement les conditions de vie des femmes pauvres. Or, en plus des discriminations ou des

(1) UNIFEM, The progress of women, empowerment and economic, 2000

(2) SEN, A, Un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, 2000, p.87

(3) DUBOIS, J-L ; Comment les politiques de lutte contre la pauvreté peuvent-elles prendre en compte les inégalités sexuées ? In Rapports de genre et questions de population, dossiers et recherches, n°85, INED, Paris, 2000

conditions défavorables qui touchent également les hommes (dues à l'ethnie, l'age, la classe, la caste, etc.), les femmes pâtissent des relations inégales avec les hommes.

Le concept autonomisation, associé à cette étude, ne prétend pas pour autant que les femmes forment un groupe homogène face aux rapports de genre. Les différences restent énormes entre la condition de femmes de différentes classes à l'intérieur d'une seule société, aussi bien qu'entre femmes de différentes cultures. Il s'agit plutôt d'analyser dans chaque contexte culturel ce que l'autonomisation peut signifier pour un groupe donné. Ceci est crucial dans le domaine de la lutte contre la pauvreté : l'augmentation durable des revenus contrôlés par les femmes peut représenter un indicateur d'autonomisation (parmi d'autres), si elle est la manifestation visible d'une série de changements plus fondamentaux et structurels. Ces derniers se trouvent aux niveaux de l'accès et du contrôle des ressources ainsi que du partage des responsabilités et ils se situent au coeur des rapports de genre.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway