WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Genre et lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi. Essai d'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme Lushoise à  travers le microcrédit.

( Télécharger le fichier original )
par Modeste DIKASA ENGONDO
Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.6. Expériences du microcrédit

2.6.1. Dans le monde

L'expérience du microcrédit peut être mieux conçue à la suite d'une brève explication du dualisme du système de financement(1) et de son histoire. Ce dualisme résulte de la constatation de l'objet du secteur financier consistant à mettre en relation les agents à excédents de capitaux avec les agents à besoin de capitaux. Les banques et le marché financier jouent parfaitement ce rôle. Selon la logique marchande un certain nombre d'agents économiques sont exclus d'office du système qui ne s'intéresse pas à eux. Exclus du système de financement formel, ils recourent donc dans la majorité des cas à un autre système de financement coûteux(2) dit « informel ». Dans ces deux systèmes de financement, les choses ne se passent pas de la même façon.

Le secteur formel est normalement financé par les banques. Les banques, qui font commerce de l'argent et qui sont donc en quête de rentabilité, peuvent parfaitement refuser le crédit en raison de l'absence du droit au crédit. Les emprunteurs dont la situation financière est très modeste et qui ne peuvent pas répondre aux critères de sélection des banques, n'ont pas d'accès au financement. Pendant ce temps, les populations locales manquent d'argent pour développer des activités qui sont souvent informelles, certes, mais qui sont génératrices de revenus. Exclues du financement classique, elles sont tributaires du secteur de financement informel.

(1) OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro crédit dans le financement du développement, Thèse de doctorat à l?Université de Nice, 15/12/2004, p.27 et 60-80

(2) E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p. 139-149.

Force est de constater le rôle limité des banques. Soit elles sont peu présentes dans les campagnes, soit elles sont peu sollicitées parce que leurs services ne sont pas adaptés aux besoins des populations locales. Le secteur informel facilite alors l'accès au crédit, mais du point de vue du financement, ne fonctionne pas selon les normes et les mécanismes du secteur formel. A côté de l'usurier proprement dit, on peut emprunter à la famille ou à des amis. On peut aussi se regrouper pour se prêter et s'emprunter les uns aux autres, le «Likelemba » ou « kinkurimba » dans le contexte congolais. Le développement du secteur informel est dû à l'impossibilité des banques d'étendre leurs activités au segment de la clientèle visée par le secteur informel. Il s'agit bien d'un secteur de financement puisqu'il permet aux personnes exclues du système bancaire classique d'avoir accès au crédit. Il est informel du fait qu'il n'est pas soumis au cadre juridique. Ce secteur informel n'existe qu'en marge du secteur formel qu'il ne prétend pas remplacer. Il est par ailleurs complémentaire à ce dernier. Malgré cette constatation, on trouve que dans des pays en voie de développement, tels que le Cambodge, le secteur informel de financement est plus étendu que le secteur classique des banques. Il a été très pratiqué parce qu'il s'inscrit naturellement dans la vie de tous les jours.

Dans le secteur informel, les relations entre les débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles résultant du lien de proximité, ce qui conditionne sa plus grande efficacité. Comme les personnes se connaissent bien, l'information sur la solvabilité des unes et l'insolvabilité des autres est suffisante. Il y a peu de risque de non remboursement. Bien qu'il présente cet aspect positif, le secteur informel de financement comporte, par ailleurs, des inconvénients pour l'emprunteur qui doit payer des coûts de crédit très élevés. Conscients de ce problème, les gouvernements et les Organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en place des programmes de crédit rural. Mais le résultat était décevant notamment en ce qui concerne l'offre très limitée de crédit aux pauvres. C'est dans cette optique que l'idée de microcrédit a été accueillie avec enthousiasme. Il s'agit d'une innovation importante qui a transformé la manière d'envisager l'octroi du crédit.

La logique financière tient les personnes démunies à l'écart du circuit bancaire parce qu'elles sont fragiles. Les besoins de ces populations ne sont pas couverts par le circuit classique. Cette exclusion financière constitue un obstacle important pour les personnes désireuses de créer leurs activités indépendantes et donc de trouver leur citoyenneté économique. C'est précisément cet obstacle et le souhait de faire de ces personnes des acteurs économiques comme les autres que le microcrédit se propose de surmonter. La compréhension du développement du concept de microcrédit réside dans son histoire.

On a l'impression que tout a commencé en février 1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du microcrédit, sous le patronage de l'exPrésident Bill Clinton, qui a eut pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus pauvres de la terre de là à 2005. En réalité, même si on ne parle du microcrédit que depuis ces dernières années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue. L'histoire de microcrédit remonte aux années 1 840(1). F. W. Raiffeisen lança en 1848(2), en Rhénanie, la première coopérative de crédit pour lutter contre l'usure qui surchargeait les paysans contrairement aux Monts-de-Piété(3) remontant au Moyen-âge en 1462. La première raison de cette coopérative était la prise en compte des pratiques usuraires. Ici comme ailleurs, les paysans empruntent, en argent ou en nature, surtout dans les mois qui précèdent la récolte, d'un commerçant, d'un prêteur professionnel, à des taux exorbitants pouvant atteindre 50 à 100% pour une durée qui n'importe pas mais qui est toujours courte. La coopérative avait pour premier but d'offrir des cautions mutuelles aux banques afin que ses membres puissent évoluer vers la collecte de l'épargne pour pouvoir prêter directement à leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes les banques mutualistes d'Europe.

(1) Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie financière, Paris, 2006, p. 153

(2) Laurent LHERIAU, Précis de réglementation de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro finance, Paris, AFD, 2005, p. 19-22.

(3) Pour une histoire des Monts-de-Piété et du Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de

Paris : http://www.creditmunicipal.fr/.

Cent ans après la première coopérative d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen, le monde redécouvert dans les années 1970. Il est donc difficile d'en accorder la paternité au professeur Yunus.

La conception du microcrédit ainsi redécouverte s'est manifestée avec la création de la Grameen Bank(1), une banque rurale bénéficiant d'un statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible famine, un professeur d'Université, Mohamed Yunus, a eu l'idée d'accorder de petits crédits à quelques groupes de femmes pauvres pour les aider à développer une activité qui leur procure un modeste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%, le crédit commence à être remboursé dès la deuxième semaine par celle qui a emprunté. Ces femmes travaillent en groupes de cinq personnes « comme les cinq doigts de la main » avec la caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes ne rembourse pas à l'échéance, le groupe doit le faire à sa place. Sinon, elle est privée de tout autre crédit postérieur. Lorsque le premier crédit sera remboursé, une autre femme pourra emprunter à son tour, et ainsi de suite. Quand toutes auront emprunté et remboursé, elles pourront emprunter un peu plus. Cette formule est basée sur un groupe dont les membres se connaissent bien.

La méthode de Grameen Bank s'adaptait parfaitement à la situation des zones rurales du Bangladesh. Il montre donc que les pauvres et notamment les femmes de paysans sans terre sont « un bon risque bancaire », c'est-à-dire que les pauvres, n'ayant pas d'autres alternatives, font tout pour rembourser correctement leur crédit, si on sait s'adapter à leurs conditions (petits crédits avec des montants progressant régulièrement si le remboursement s'effectue intégralement, etc.). Cette façon de faire le crédit a été reprise aussi bien dans beaucoup de pays du Sud que dans des pays du Nord. Le microcrédit se développe rapidement et constitue désormais l'une des préoccupations de la communauté internationale qui proclame la mise en place d'un « système financier ouvert à tous ». Il fait aussi partie de la politique de l'Union européenne qui a, à travers la Commission européenne, adopté des mesures politiques pour promouvoir l'utilisation du microcrédit en Europe à des fins d'inclusion sociale. En

(1) Le site officiel de la Grameen Bank (en anglais) : www.grameen-info.org.

2003, un réseau européen de microfinance qui regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses s'intéresse particulièrement au microcrédit.

Grâce à son immense succès, le modèle Grameen Bank a été imité par plusieurs pays. Aujourd'hui, l'idée de microcrédit est une préoccupation internationale et s'est étendue dans d'autres pays en Europe notamment en France. Contrairement aux pays du sud, cette adoption a été très lente.

Le microcrédit appliqué au Bangladesh a été reproduit aussi bien en France qu'au Cambodge. Il est très important de remarquer que reproduire la Grameen Bank ne consiste pas à reprendre in extenso le modèle, à tenir compte des caractéristiques du milieu et de l'adapter au contexte du pays. Il s'agit tout simplement de revenir à son essence, à son objectif, à son formidable esprit d'initiative et d'innovation. Le cas de France illustre cette observation, le microcrédit est importé en France dans un contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il est importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout dans le cadre du programme de développement.

Si la France est un pays fortement bancarisé, 80% des ménages français ont recours pour tout paiement supérieur à 100 euros à des moyens de paiement, une partie de la population, estimée à près de cinq millions d'habitants(1), reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie importante de la population n'a pas accès au crédit. Or, l'accès au crédit est un moyen déterminant de la citoyenneté économique. Le marché français de microcrédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux besoins. Désormais, le microcrédit piétine en France. La crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de lutte contre l'exclusion financière.

La dynamique française du microcrédit qui conjugue la mise à la disposition d'un financement et d'un accompagnement personnalisé a déjà prouvé son

(1) Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux riches, Paris, JC Lattès, 2005, p. 142

efficacité à travers des structures comme l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)(1), France Active, France Initiative Réseau et le Réseau Entreprendre(2). En France, avant la création de l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y avait aucune association de microcrédit ou de lutte contre l'exclusion financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les établissements de crédit en partageant avec ces derniers les risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De nouvelles formes de mécénat ont été mises en place(3). Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de 1984, elle peut désormais emprunter pour reprêter à ses clients directement. Cet amendement encourage le développement du microcrédit.

En raison de la montée en puissance du microcrédit en France, le gouvernement veut bâtir une politique publique pour lutter contre l'exclusion financière et mobiliser les grandes banques. Le lancement du Fonds de cohésion sociale (FCS) créé par la loi Borloo du 18 janvier 2005 à l'occasion de la Semaine du microcrédit montre bien cette politique. Cette loi crée une nouvelle typologie du microcrédit, dite microcrédit social. La naissance en France du microcrédit social, appelé par certains, des « prêts à la consommation sociaux(4)» est une avancée, modeste mais incontestable dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le débat sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les particuliers, bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont déjà, par définition, en situation financière très difficile. Cette invention suppose en plus de revoir la définition du microcrédit. Le lancement de la

(1) L'Association pour le droit à l'initiative économique est une association qui a été créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle est exercé conformément à la disposition dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du microcrédit, créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a accordé 6740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne répondant qu'à environ 10% des demandes.

(2) Ces organismes sont des organismes de finance solidaire. La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement destinés à soutenir la création ou le développement d'activités socialement utiles, à partir des instruments de l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n'est plus une utopie, Paris, édition Autrement, 2007, p.192.

(3) Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et microcrédit : vers de nouvelles formes de mécénat », Banque, juin 2005, p. 27-28.

(4) Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006

Semaine du microcrédit en avril 2005 constitue bien une promotion du microcrédit en France.

Le même souci de lutter contre l'exclusion financière a été expérimenté au Cambodge. En effet, le système bancaire cambodgien a été réduit à néant à l'époque des Khmers rouges (1975-1979). 90% de la population n'a pas accès au prêt classique(1). Aucune banque de développement n'existait à la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années 90 après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé à proposer des services de microcrédit aux populations démunies des zones rurales, dans le cadre du programme de développement. La plus importante ONG spécialisée dans le financement de proximité est l'Association des agences de développement économique local, mieux connue sous l'acronyme anglais ACLEDA(2), qui a été créée en 1993 avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de développement). Elle est devenue une banque spécialisée en 2000. Il est à noter que le microcrédit mené par les ONG dans les années 90 n'était pas réglementé puisqu'il était appliqué avant l'adoption même de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui, le microcrédit est affiché comme une priorité du gouvernement.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite