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Genre et lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi. Essai d'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme Lushoise à  travers le microcrédit.

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par Modeste DIKASA ENGONDO
Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010
  

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CHAPITRE I : GENERALITES CONCEPTO- THEORIQUES

1.1. Introduction

Citant Georges Gurvitch, le professeur BUSHABU PIEME KUETE dans sa thèse sur la famille et urbanité à Lubumbashi note que l'adéquation du langage scientifique au réel n'est pas une question qui se situe en dehors de l'histoire, mais qui épouse une évolution dialectique variant selon le milieu de culture(1). C'est que les concepts, les mots que, nous scientifiques, utilisons doivent être non seulement saisis dans leur évolution, mais aussi peuvent avoir plusieurs significations suivant les milieux et suivant les cultures. C'est ainsi qu'ils doivent être soigneusement interprétés en tant qu'outils et produits sociaux.

Pour sa part, Gaspàr Fajth, Chef de l'Unité d'analyse économique et de Politique Sociale à l'UNICEF dit que la façon de définir un concept détermine comment nous allons l'aborder ; le concept détermine l'action, la façon dont un canon va projeter la balle en direction de sa cible. La conceptualisation est essentielle à l'élaboration des politiques. Les concepts, en effet, définissent la façon dont les données sont compilées et/ou analysées, et posent les principes directeurs de l'action et du débat sur la politique sociale, mais aussi de la promotion, du contrôle et du suivi des politiques(2).

Voila pourquoi nous pensons qu'avant d'aborder cette étude sur le genre et lutte contre la pauvreté, il est nécessaire de commencer par restituer aux concepts principaux de notre sujet leurs significations premières, donc par la définition des concepts de base. Toutefois, comme pour beaucoup d'autres concepts sociologiques qui sont encore loin de gagner l'unanimité des chercheurs en sciences sociales, nous n'avons pas ici la prétention de croire que celles que nous donnons rencontrent déjà la

(1) BUSHABU PIEMA KUETE, Famille et urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en Sociologie, Lubumbashi, UNILU, 1994, p, 32.

(2) Gaspàr Fajth, La pauvreté des enfants en perspective, http://www.unicef- cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf

préoccupation de tous. Néanmoins elles nous chemineront vers l'atteinte de nos objectifs de recherche tant sur le plan conceptuel que sur le plan empirique.

1.2. L'approche conceptuelle et théorique du genre

D'après le rapport de la Banque Mondiale sur les politiques de développements Genre et développement économique, le concept genre fait référence à des manières d'être particulières, à des comportements imposés par la société ainsi qu'à des attentes spécifiques associées à chaque sexe. Les hommes et les femmes sont différents sur le plan biologique. Les femmes peuvent donner naissance à des enfants et les nourrir au sein, ce que les hommes ne peuvent pas faire. Pris donc dans ce sens, le concept Genre prend une dimension sociale qui établit dans une large mesure l'harmonisation, la complémentarité, la chance, l'intégration, la participation et la valorisation d'un individu dans la société.

La notion du genre se réfère à l'interprétation socioculturelle de l'identité masculine et féminine. Elle recherche l'équilibre et l'harmonie des rapports sociaux entre l'homme et la femme dans la société. Donc il ne s'agit pas des différences biologiques, mais des différences établies par la société. Les professions exercées par les hommes et les femmes, la répartition des tâches ménagères, les rôles assumés par les hommes et les femmes, les comportements qu'on attend d'eux. Ceci dénote qu'il existe entre les hommes et les femmes des différences de deux natures : Biologique et Sociale.

Le sexe se réfère aux différences biologiques qui sont universelles tandis que le genre fait référence aux différences sociales qui sont acquises et qui varient dans le temps et dans l'espace.

Les femmes sont certes seules à mettre au monde les enfants, mais la biologie ne détermine pas qui élèvera les enfants. De ce fait, la femme qui donne naissance aux enfants, est une donnée biologique, mais que ce soit alors elle qui reste

à la maison pour soigner un enfant malade, garder la maison, préparer la nourriture, faire la lessive, etc, est un comportement imposé par la société.

Les activités de la femme qui contribuent dans une large mesure au bon fonctionnement de la communauté sont la plupart invisibles et ne sont guère valorisées, voire complètement méconnues : le rôle des femmes dans l'éducation des enfants ; les soins prodigués aux enfants et aux vieux, l'approvisionnement en eau, en énergie et en nourriture, leur participation à la vie sociale et culturelle. Cette immense contribution n'est pas prise en compte dans le calcul du produit national brut mais est considérée comme un réservoir inépuisable, acquis une fois pour toutes.

Le but de l'approche genre est de contribuer au changement des rapports de force entre l'homme et la femme. Pour cela, la femme doit acquérir davantage de pouvoir au niveau tant économique que social et politique, et tant comme individu que comme groupe afin d'avoir plus de contrôle sur sa propre vie et sur la vie quotidienne de la communauté et de la société. Le genre se rapporte à un fait social et culturel susceptible de changement, influencés par certains facteurs comme l'âge, les us et coutumes, la religion, le statut économique, la classe, etc.

L'analyse de relation selon le genre dans une société montre ainsi qu'il y a une différence dans les besoins spécifiques de l'homme et de la femme et que la femme représente un groupe discriminé et défavorisé par rapport aux hommes. L'adoption de l'approche genre exprime la volonté de concrétiser l'égalité entre l'homme et la femme. L'intégration de cette approche permet d'évaluer les incidences, à la faveur de la femme comme de l'homme, de toute action envisagée, notamment la législation, les politiques ou les programmes, et dans tous les secteurs et à tous les niveaux.

Il s'agit d'une stratégie visant à incorporer les préoccupations et les expériences tant chez les femmes que chez les hommes dans l'élaboration, la mise en oeuvre, la surveillance et l'évaluation des politiques et des programmes dans tous les domaines (politique, économique et social) de manière à ce que les femmes et les

hommes bénéficient d'avantages égaux et que l'inégalité ne puisse se perpétuer. L'objectif visé est d'atteindre l'égalité entre les sexes, des profits, des tâches et des responsabilités : les hommes et la société dans son ensemble aussi.

Joan SCOTT dans « Genre: une catégorie utile d'analyse historique » publié dans le premier cahier Genre et développement, intitulé « Genre, un outil nécessaire, introduction à une problématique » écrivait que ceux qui se proposent de codifier les sens des mots luttent pour une cause perdue car les mots, comme les idées et les choses, sont faits pour signifier, ont une histoire. Ni les professeurs d'Oxford ni l'Académie française n'ont été entièrement capables d'endiguer le flot, de capter et fixer des sens dégagés du jeu de l'invention et de l'imagination humaine.(1) Notre objectif, dans cette section est loin de s'attarder sur la signification du concept genre mais de chercher à découvrir l'étendue des rôles sexuels et du symbolisme sexuel dans différentes sociétés et périodes, de trouver quel était leur sens et comment ils fonctionnaient pour maintenir l'ordre social et pour le changer. L'usage du genre dans beaucoup de littératures scientifiques d'aujourd'hui implique un éventail aussi bien de positions théoriques que de références descriptives des rapports entre les sexes. Mais dans leur majorité, les tentatives de théorisation du genre ne sont pas sorties des cadres traditionnels des sciences sociales : elles utilisent des formulations éprouvées qui proposent des explications causales universelles. Ces théories eurent, dans le meilleur des cas, un caractère limité parce qu'elles ont tendance à inclure des généralisations réductrices ou trop simples ; celles-ci minent non seulement la complexité du sens que propose l'histoire, comme discipline, de la causalité sociale, mais aussi l'engagement féministe dans l'élaboration des analyses qui mènent au changement.

Les approches utilisées par la plupart des historiens se divisent en deux catégories distinctes. La première est essentiellement descriptive ; c'est-à-dire qu'elle se réfère à l'existence des phénomènes ou des réalités sans interpréter, expliquer ou

(1) Joan SCOTT, Genre: une catégorie utile d?analyse historique in Genre, un outil nécessaire, introduction à une problématique , Paris, L?Harmattan, 2000, p 41

attribuer une causalité. Le deuxième usage est d'ordre causal ; il élabore des théories sur la nature des phénomènes et des réalités, en cherchant à comprendre comment et pourquoi ceux-ci prennent les formes qu'ils ont.

Dans son usage récent le plus simple, « Genre » est synonyme de « femmes ». De livres et articles de toutes sortes qui avaient comme sujet l'histoire des femmes ont, pendant les dernières années, substituées dans leurs titres le terme de « genre » à celui de « femmes ». Dans certains cas, même si cet usage se réfère vaguement à certains concepts, il vise en fait à faire reconnaître ce champ de recherches. Dans ces circonstances, l'usage du terme de « genre » vise à indiquer l'érudition et le sérieux d'un travail, car le « genre » a une connotation plus objective et neutre que « femmes ».

Le « genre » semble s'intégrer dans la terminologie scientifique des Sciences Sociales et donc, se dissocier de la politique prétendue tapageuse du féminisme. Dans cet usage, le terme de « genre » n'implique pas nécessairement une prise de position sur l'inégalité ou le pouvoir, pas plus qu'il ne désigne la partie lésée et jusqu'à présent invisible. Alors que le terme « histoire des femmes » révèle sa position politique en affirmant que les femmes sont des sujets historiques valables, le « genre » inclut les femmes, sans les nommer, et paraît ainsi ne pas constituer de menace critique. Cet usage de « genre » est un aspect de ce qu'on pourrait appeler la recherche d'une légitimité institutionnelle par les études féministes, dans les années 1980.

Mais ce n'est qu'un aspect. « Genre » en tant que substitut pour « femmes » est également utilisé pour suggérer que l'information au sujet des femmes est nécessairement information sur les hommes, que l'un implique l'étude de l'autre. Cet usage insiste sur le fait que le monde des femmes fait partie du monde des hommes, qu'il est créé dans et par ce monde. Cet usage rejette la validité interprétative de l'idée des sphères séparées et soutient qu'étudier les femmes de manière isolée perpétue le mythe qu'une sphère, l'expérience d'un sexe, n'a que très peu ou rien à faire avec l'autre sexe. De plus, le genre est également utilisé pour désigner des rapports sociaux

entre les sexes. Son usage rejette explicitement des explications biologiques, comme celles qui trouvent un dénominateur commun, pour diverses formes de subordination, dans le fait que les femmes ont des enfants et que les hommes ont une force musculaire supérieure. Le genre devient plutôt une manière d'indiquer des « constructions sociales » - la création entièrement sociale des idées sur les rôles propres aux hommes et aux femmes. C'est une manière de se référer aux origines exclusivement sociales des identités subjectives des hommes et des femmes. Le genre est selon cette définition une catégorie sociale imposée sur un corps sexué. Avec la prolifération des études des sexes et de la sexualité, le genre est devenu un mot particulièrement utile, car il offre un moyen de distinguer la pratique sexuelle des rôles sexuels assignés aux femmes et aux hommes. Bien que les chercheurs reconnaissent le rapport entre le sexe et ce que les sociologues de la famille ont appelé les « rôles sexuels » ; ces chercheurs ne posent pas entre les deux un lien simple ou direct. L'usage de « genre » met l'accent sur tout un système de relations qui peut inclure le sexe, mais il n'est pas directement déterminé par le sexe ni ne détermine directement la sexualité. C'est dans ce sens que nous reconnaissons avec Jeanne Bisililliat et Christine Verschuur que le « Genre » s'inscrit dans une analyse des rapports sociaux et reconnait que les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein des différentes instances de la société sont responsable d'une distribution inégale des ressources, des responsabilités et du pouvoir entre femme et homme.(1)

Dans l'analyse des théories sur le genre, on se retrouve moins embarrassé par la fixation exclusive sur des questions relatives au sujet et par la tendance à réifier, comme la dimension principale du genre, l'antagonisme subjectivement produit entre hommes et femmes. Qui plus est si la manière dont le sujet est construit reste ouverte, la théorie tend à universaliser les catégories et le rapport entre féminin et masculin. En fait le problème de l'antagonisme sexuel, qui tend à confondre le genre à une lutte de classe plutôt que celui de la redéfinition des rapports sociaux est souvent envisagé sur deux aspects essentiels : - premièrement, le genre projette une certaine dimension

(1) Jeanne BISILLIAT et Christine VERSCHUUR, Le Genre : un outil nécessaire, introduction à une Problématique, Paris, L?Harmattan, 2000, p.9

éternelle, même quand elle est bien historicisée, comme chez Sally Alexander, qui soutient que l'antagonisme entre les sexes est un aspect inévitable de l'acquisition de l'identité sexuelle~Si l'antagonisme est toujours latent, il est possible que l'histoire ne puisse pas offrir une solution, mais seulement la reformulation et réorganisation permanente de la symbolisation de la différence, de la division sexuelle du travail.(1)

Quoi qu'il en soit, la formulation de Sally Alexander contribue à fixer l'opposition binaire masculin-féminin comme le seul rapport possible et comme un aspect permanent de la condition humaine. Elle perpétue, plutôt qu'elle ne met en cause ce à quoi Denise Riley se réfère comme à l'insupportable allure d'éternité de la polarité sexuelle. Celle-ci indique que le caractère historiquement construit de l'opposition (entre le masculin et le féminin) produit comme un de ses effets cet air justement invariable et monotone d'opposition hommes/femmes(2) . C'est précisément cette opposition, dans tout son ennui et toute sa monotonie, qui est mise en avant par le travail de Carol Gilligan. Il a expliqué les différents modes de développement moral des garçons et des filles, en termes de différences d'expériences, de réalité vécue. Il n'est pas surprenant que des historiens des femmes aient repris ses idées et les aient utilisées pour expliquer les « voix différentes » que leur travail leur avait permis d'entendre.(3)

Le problème que pose cet aspect de la théorie du genre est le glissement qui s'opère souvent dans l'attribution de la causalité : l'argumentation commence par une affirmation du type l'expérience des femmes les amène à faire des choix moraux qui dépendent des contextes et des relations pour arriver à dire que les femmes pensent et choisissent ce chemin parce qu'elles sont femmes. Cette façon de voir les choses s'inscrit en opposition flagrante avec la conception plus complexe et historicisée du genre. Car en insistant toujours sur des différences fixées l'on renforcerait le type de pensée que nous combattons dans ce travail.

(1) Alexander, S, «Women, class and sexual difference, p.135» in Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, p. 53

(2) Denise Riley, cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, p.53

(3) Carol Gilligan, cité dans Cahiers Genre et développement, N°1, 2000, P. 53

- Deuxièmement, le genre rejette l'idée du caractère fixé et permanent de l'opposition binaire, d'une historisation et d'une déconstruction authentiques des termes de la différence sexuelle. Car nous devons devenir plus attentifs aux distinctions entre notre vocabulaire d'analyse et le matériel que nous voulons analyser. Nous devons trouver des moyens de soumettre sans cesse nos catégories à la critique, nos analyses à l'autocritique. Ce qui signifie qu'analyser dans son contexte la manière dont opère toute opposition binaire, renversant et déplaçant sa construction hiérarchique au lieu de l'accepter comme réelle, comme allant de soi ou comme étant dans la nature des choses. L'histoire de la pensée émancipatrice de la femme est une histoire du refus de la construction hiérarchique entre masculin et féminin, ce qui fut compris comme une tentative de renversement ou de déplacer ses fonctions.

Les préoccupations théoriques du genre comme catégorie d'analyse n'ont émergé qu'à la fin du 20e siècle. Elles sont absentes de la majeure partie des théories sociales formulées depuis le 17e jusqu'au début du 20e siècle. En fait, certaines de ces théories ont bâti leur logique sur des analogies avec l'opposition masculin/féminin, d'autres ont reconnu une question féminine, d'autres encore se sont préoccupées de la formation de l'identité sexuelle subjective, mais sans avoir pensé à envisager le genre comme système de rapports sociaux. Le genre doit faire partie d'une tentative entreprise par les féministes contemporaines pour revendiquer un certain terrain de définition, pour insister sur l'inaptitude des théories existantes à expliquer les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes. C'est ainsi que le genre prend la forme d'une évolution, des modèles scientifiques ou de débats théoriques comme le soulignent l'anthropologue Clifford Geertz. Donc au lieu de chercher des origines uniques, pour expliquer comment le changement a lieu dans le cadre des rapports sociaux, nous devons par contre concevoir des processus tellement liés entre eux qu'ils ne sauraient être séparés. Que nous choisissions des problèmes concrets à étudier, et ces problèmes constituent des débuts, ou des prises sur des processus complexes. Ce sont les processus qu'il faut sans cesse avoir en tête. Il faut nous demander plus souvent comment les choses se sont passées pour découvrir pourquoi elles se sont passées ; selon la formulation de Michelle Rosaldo, nous devons rechercher non pas

une causalité générale et universelle, mais une explication significative : je vois maintenant que la place de la femme dans la vie sociale humaine n'est pas directement le produit de ce qu'elle fait, mais du sens qu'acquièrent ses activités à travers l'interaction sociale concrète.(1) Pour faire surgir le sens, nous avons besoin de traiter le sujet individuel aussi bien que l'organisation sociale et d'articuler la nature de leur interrelation, car tous deux ont une importance cruciale pour comprendre comment fonctionne le genre, comment survient le changement. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'analyse du genre dans la lutte contre la pauvreté par l'autonomisation de la femme katangaise à travers le microcrédit.

La théorisation du genre dans cet aspect de l'autonomisation de la femme soulève les rapports de pouvoir. Ce serait même mieux de dire que le genre est un champ au sein duquel ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé. Le genre n'est pas le seul champ, mais semble avoir constitué un moyen persistant et récurrent de rendre efficace la signification du pouvoir. Le sociologue français Pierre Bourdieu a écrit sur la manière dont la division du monde, fondée sur des références à des différences biologiques, celles qui se référent à la division sexuelle du travail, de la procréation et de la reproduction opère comme la plus fondée des illusions collectives. Etablis comme un ensemble objectif de références, les concepts de genre structurent la perception et l'organisation concrète et symbolique de toute la vie sociale.(2) Dans la mesure où ces références établissent les distributions de pouvoir, contrôle ou confère un accès différentiel aux ressources matérielles et symboliques, le genre devient impliqué dans la conception et la construction du pouvoir lui-même. L'anthropologue français Maurice Godeber l'a formulé en ces termes : ce n'est pas la sexualité qui fantasme dans la société mais plutôt la société qui fantasme dans la sexualité, le corps. Les différences entre les corps qui naissent de leur sexe, sont constamment sollicitées de témoigner

(1) Michel Zimbalist Rosaldo, «The uses and abuses of Anthropology: Reflections on Feminism and Cross Cultural Understanding », Signs, 5(Spring 1980), P400, Cité par Joan Scott, «Le Genre de l?histoire» in Cahiers du GRIF, Paris, Printemps 1988, pp 125-153.

(2) Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Ed. De Minuit, 1980, p.246-247

des rapports sociaux et de réalités qui n'ont rien à voir avec la sexualité. Non seulement témoigner pour - c'est-à-dire légitimer.(1)

La fonction de légitimation du genre fonctionne de plusieurs manières, et dans toutes les sociétés. Bourdieu, par exemple, a montré comment, dans certaines cultures, l'exploitation agricole était organisée selon des concepts de temps et de saison qui reposaient sur des définitions de l'opposition entre masculin et féminin. Nathalie Davis a, pour sa part, montré comment des concepts du masculin et du féminin étaient liés à des perceptions et des critiques des règles de l'ordre social dans la première période de la France moderne.(2) Nous tâcherons de ne pas baser notre analyse sur les interprétations fondées sur l'idée que les langages conceptuels emploient la différenciation pour établir le sens ou sur le fait de croire que la différenciation sexuelle est une façon principale de signifier la différenciation, mais surtout d'envisager le genre comme un moyen de décoder le sens et de comprendre les rapports complexes entre diverses formes d'interaction humaine dans la lutte contre la pauvreté.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote