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L'interprétation des clauses anti-abus contenues dans les conventions fiscales bilatérales

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par Till JOUAUX
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Droit Privé Général 2010
  

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Partie 1 :

Les règles dirigeant l'interprétation des clauses anti-abus.

La solution de toute interprétation juridique, c'est à dire la signification exacte d'une norme et de sa portée, est tributaire en premier lieu de l'organe chargé de cette opération. Ce conditionnement en matière de convention fiscale est d'autant plus prégnant que bien souvent ce sont des États cocontractants qu'émanent ces interprètes, États dont les administrations fiscales seront partie à toute procédure concernant l'application ou non des bénéfices conventionnels à un contribuable.

Chaque interprète selon sa place institutionnelle, selon les règles auxquelles il doit se soumettre, aura une latitude plus ou moins grande quant à l'interprétation des normes qu'on lui soumettra et si sa tâche est encadrée, il rendra une interprétation en fonction des méthodes auxquelles il obéit.

C'est la raison pour laquelle il convient de s'intéresser aux procédures existantes afin de déterminer le ou les organes compétents pour l'interprétation des clauses anti-abus conventionnelles (Titre 1) ; une fois que ceux-ci sont identifiés, il est possible de se pencher sur les méthodes qu'ils appliquent (Titre 2).

Titre 1 - Les procédures d'interprétation possibles, ou règles de forme

Par « procédures possibles » on entend les règles institutionnelles qui peuvent être fixées afin de déterminer les interprètes des clauses anti-abus et plus généralement des conventions fiscales de lutte contre la double imposition qui les contiennent. Alors que de longue date des auteurs ont défendu l'idéal d'une interprétation supra-nationale libérée des intérêts financiers étatiques, la solution actuelle privilégie une interprétation de ces dispositions directement par leurs auteurs, les États eux mêmes, ce qui a pu poser un certain nombre de problèmes.

Chapitre 1 - L'idéale interprétation supra-nationale

L'intérêt principal de ce type d'interprétation est que celle-ci est unique, qu'elle ne varie pas selon le pays dans lequel elle est demandée et qu'ainsi la norme conventionnelle se trouve n'avoir qu'une signification précise et une portée délimitée, indépendamment de l'État contractant où le bénéfice de la convention est recherché par un contribuable. De cette manière elle évite également la pratique du forum shopping ou la recherche par le contribuable du tribunal ayant l'interprétation la plus accommodante. En théorie deux solutions sont possibles pour atteindre cet objectif, l'institution d'une juridiction fiscale internationale ou l'interprétation conjointe par les États contractants, mais seule cette dernière est pour le moment utilisée.

Section 1 - L'absence d'une juridiction internationale

Appelée des voeux de nombre d'auteurs 34, la création d'une juridiction fiscale internationale en charge de l'application et du règlement des conflits d'interprétation des normes fiscales conventionnelles ou l'octroi de ces compétences à une organisation

34 Par exemple : IFA, Cinquième Congrès international de droit fiscal et financier, Revue internationale de droit comparé, 1951, Vol. 3, n° 4 , p. 669 à 671; M. CHRÉTIEN, L'interprétation des traités bilatéraux sur

la double imposition : méthodes et procédures, JCP, 1960, p. I, 1561, p. 9 et D. GUTMANN, Tax Treaty Interpretation in France, p. 102. In : M. LANG Ed., Tax treaty interpretation, Pays-Bas, Kluwer Law International, coll. Eucotax, 2001.

internationale préexistante n'est restée qu'au stade des balbutiements.

Pourtant, l'intérêt d'une telle procédure serait grand pour l'uniformisation des solutions concernant le sens et la portée des clauses anti-abus. En effet, les divergences de solutions quant à la signification à apporter à telle ou telle clause conventionnelle procèdent de plusieurs facteurs, pouvant être limités grâce à l'instauration d'une telle règle de compétence : bilinguisme, conceptions juridiques particulières, lacunes des dispositions du traité et formulations équivoques participent à l'émergence de ces divergences, notamment sous l'influence des intérêts fiscaux particuliers de chaque État. Cette juridiction pourrait rendre des jugements s'imposant aux parties, administrations fiscales d'une part et contribuables de l'autre, en toute impartialité puisque placée au dessus du cadre des institutions nationales, tout en unifiant la jurisprudence, dans la limite du respect des dispositions conventionnelles particulières à chaque accord bilatéral.

À terme, cela pourrait conduire à une signification de chaque clause commune à un certain nombre d'États et à une acception universelle pour chaque type de clauses anti-abus. Les définitions de la résidence ou du bénéficiaire effectif deviendraient notionnelles ce qui ferait gagner en cohérence au système et en pratique, les opérateurs du commerce international verraient leur tâche facilitée par la garantie d'une sécurité juridique accrue et d'une politique de lutte contre le chalandage fiscal claire et prévisible.

Cependant la volonté des gouvernements de maintenir la souveraineté fiscale des États en la matière a freiné cette aspiration en un système unifié. Cette volonté se traduit par le refus de reconnaître compétence à un organe placé au dessus des États pour régler les conflits entre eux et leurs contribuables, nés de l'interprétation des conventions fiscales qu'ils négocient et adoptent.

Néanmoins, il est à noter que par le passé quelques tentatives en ce sens virent le jour et qu'on a pu attribuer à un tribunal arbitral la tâche de déterminer le sens de dispositions conventionnelles. Ce fut notamment le cas en 1923, à l'occasion d'un conflit entre la France et l'Espagne concernant l'application ou non d'un impôt français sur les bénéfices de guerre aux ressortissants espagnols résidents en France. Le président de la Confédération helvétique de l'époque fut choisi comme arbitre afin de rendre une interprétation impartiale du traité conclu entre les deux pays le 7 janvier 1862 35. Il est d'ailleurs possible que cette solution soit amenée à se renouveler car depuis 2007, l'OCDE, qui cependant ne souhaite pas endosser le rôle de juridiction fiscale internationale, montre un intérêt particulier pour ce type de règlement des

35 D. GUTMANN, Tax Treaty Interpretation in France, p. 102. In : M. LANG Ed., Tax treaty interpretation, Pays-Bas, Kluwer Law International, coll. Eucotax, 2001.

différends fiscaux, principalement en cas d'échec des moyens traditionnels puisqu'elle a inscrit cette possibilité dans son modèle de convention fiscale 36.

Il est également à noter que dans le cadre communautaire se développe un contentieux fiscal, porté devant la Cour de justice de l'Union européenne. Bien que pour le moment la Cour ne se prononce pas sur l'application individuelle de l'impôt 37, il est possible que son rôle en la matière aille grandissant si les États membres consentent à poursuivre l'intégration communautaire, en confiant à la Cour de justice une fonction arbitrale contraignante ainsi que le suggère la Commission européenne 38.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984