WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'interprétation des clauses anti-abus contenues dans les conventions fiscales bilatérales

( Télécharger le fichier original )
par Till JOUAUX
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Droit Privé Général 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 2 - L'interprétation unilatérale française

Les conventions fiscales bilatérales de lutte contre la double imposition sont, comme il vient de l'être rappelé, des normes juridiques ayant force exécutoire dans l'ordre juridique interne français et une autorité supérieure à celle des Lois, sous réserve de réciprocité.

Ce principe de supériorité, commun à tout les traités, est ici associé à celui spécifique aux conventions fiscales de subsidiarité. Ce mécanisme particulier fait qu'elles ne fondent pas directement un impôt mais qu'elles prévalent sur une loi fiscale prévoyant une imposition qu'elles interdisent (en l'attribuant à l'autre État partie), écartant ainsi la Loi qui méconnait les dispositions conventionnelles.

Il convient d'effectuer ce contrôle de conventionnalité de la Loi lorsque le contribuable s'estimant victime d'une double imposition juridique invoque des dispositions d'effet direct du traité devant une juridiction de l'État qui entend l'imposer 44, ce qui explique le « nationalisme » de l'interprétation. Pour dégager le sens d'une convention avant de la comparer aux dispositions fiscales nationales, il est nécessaire d'en interpréter les termes imprécis. Cette interprétation en France est dévolue aux juges, bien que pendant un temps elle ait été réalisée par le gouvernement, posant ainsi des problèmes d'impartialité.

44 Le Conseil d'État admet la recevabilité des demandes fondées sur l'inconventionnalité de dispositions internes depuis 1952 : CE Ass., 30 mai 1952, dame Kirkwood.

Section 1 - L'interprétation gouvernementale et ses critiques

L'interprétation des dispositions fiscales conventionnelles par le gouvernement français a longtemps eu cours, mais de manière plus ou moins systématique selon que le litige relevait de la compétence du juge administratif ou du juge judiciaire 45.

Lorsque le juge judiciaire avait à connaître d'un litige nécessitant une interprétation conventionnelle, il s'estimait compétent pour effectuer celle-ci, sauf le cas où était mise en jeu une question de droit public international 46 ; dans cette situation uniquement, il revenait au ministre des affaires étrangères d'apporter la solution générale à la situation et au juge d'appliquer la solution préconisée. Depuis 1995 cette exception d'incompétence du juge judiciaire en matière d'ordre public international ne vaut plus 47, il est désormais pleinement compétent pour appliquer comme pour interpréter une convention fiscale internationale.

Lorsque le litige relevait de la compétence du Conseil d'État, le juge administratif devait surseoir à statuer et renvoyer impérativement pour interprétation au Ministre, avant d'appliquer la décision ministérielle. Progressivement la Haute juridiction s'est affranchie de la tutelle du chef de la diplomatie française, d'abord en élaborant la théorie de l'acte clair, puis en s'estimant pleinement compétente pour traiter des problèmes d'interprétation.

La théorie de l'acte clair consistait à considérer comme suffisamment précise une clause conventionnelle, afin que nulle interprétation et donc nul renvoi au ministre ne soient nécessaires à son application. Mais le Conseil d'État déterminant lui même le degré de clarté de ces textes, il lui était loisible en pratique d'apporter sa part d'interprétation aux dispositions, qu'il estimait pourtant suffisamment claires et certaines, afin que le recours au ministre puisse être évité.

Puis par la décision d'assemblée GISTI du 29 juin 1990 48, le Conseil d'État s'est totalement affranchi de l'autorité du ministre en matière d'interprétation conventionnelle, le recours au renvoi préjudiciel devenant facultatif et à la discrétion du juge, désormais compétent pour effectuer l'interprétation de toute disposition conventionnelle.

De manière générale, toute question relative à l'interprétation des traités internationaux

45 L'article L 199 du Livre des Procédures Fiscales détermine le partage de compétences entre Juridictions administratives et judiciaires.

46 Cass., 24 juin 1839, Fox, Bumbury et consorts c. duc de Richmond (Dalloz 1839, 1re partie, p. 257).

47 Cass. civ. I, 19 décembre 1995, Banque africaine de développement, N° de pourvoi 93-20424.

48 CE Ass., 29 juin 1990, GISTI (Rec. CE., p. 171, GAJA).

relevait du ministre des Affaires étrangères 49, chargé d'éclairer les tribunaux sur le sens que les États contractants avaient entendu donner aux termes litigieux. Cette compétence de principe se justifie par la relation privilégiée du ministre avec ses homologues étrangers, lui permettant ainsi de solliciter le point de vue de l'autre État partie afin d'aboutir à une interprétation conjointe lorsqu'il l'estime nécessaire 50. En matière fiscale cependant, la technicité des dispositions nécessitant parfois le point de vue de spécialistes nationaux, c'est à l'administration fiscale que le ministre normalement compétent confiait la tâche de répondre au problème posé.

Cependant, celle-ci est nécessairement partie au litige contre le contribuable et c'est la raison pour laquelle la question de l'impartialité de ce type d 'interprétation a été soulevée, avant de mettre fin à cette compétence gouvernementale. En 1951 déjà, on relevait le problème que cette situation d'une administration fiscale « juge et partie » posait à l'égard de l'équité 51.

Au delà de cette valeur morale, ce sont également des problèmes de droit qui se posaient : cette prééminence de la solution donnée par le gouvernement sous forme d'acte administratif sur le traité international méconnaissait la hiérarchie des normes reconnue par les constitutions françaises successives, mais constituait de plus un déni de justice par interférence du pouvoir exécutif dans une décision judiciaire. Ce sont ces raisons qui ont conduit le Conseil d'État à se libérer de l'obligation de renvoi préjudiciel qui lui était faite en la matière 52.

D'ailleurs, peu de temps après ce revirement, la France se vit condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, pour une affaire antérieure dans laquelle le Conseil d'État avait effectué ce renvoi et s'était estimé lié par l'interprétation du ministre 53. Dans cet arrêt, la Cour de Strasbourg s'est fondée sur l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à un procès équitable, à travers la composante de l'impartialité et de l'indépendance du juge. Elle a relevé que l'intervention du ministre dans la fonction du juge était « sans équivalent dans les autres États membres du Conseil de l'Europe » 54 et que le Conseil d'État ne méritait pas, en l'espèce, l'appellation de tribunal indépendant et de pleine

49 Cass., Crim., 22 janvier 1963, Aschbacher et Lertola (Bull, crim., 1963, p. 62, R.D.P. 1963, p. 1230) et CE., 25 janvier 1963, Costa (Rec. CE., 1963, p. 47) et 13 novembre 1963, Crédit mobilier indochinois (Rec. CE., 1963, p. 800).

50 Voir supra Chapitre I, Section II.

51 M. CHRÉTIEN, L'application et l'interprétation des clauses fiscales des traités internationaux par les tribunaux français, Revue critique de droit international privé, 1951, p. 59.

52 Voir supra n° 48.

53 CEDH, 24 novembre 1994, Beaumartin c. France, série A n°296-B censurant un arrêt du Conseil d'État du 27 janvier 1989.

54 Idem.

juridiction. Elle a néanmoins pris acte du revirement jurisprudentiel français en la matière, confirmant la nouvelle solution de manière implicite.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"