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L'interprétation des clauses anti-abus contenues dans les conventions fiscales bilatérales

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par Till JOUAUX
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Droit Privé Général 2010
  

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Section 2 - L'interprétation juridictionnelle française

En France c'est donc le juge qui est chargé de l'application mais également de l'éventuelle interprétation préalable des conventions fiscales de lutte contre la double imposition en cas de procédure contentieuse. Le recours à l'avis du ministre est désormais facultatif et ne lie pas les juridictions.

La compétence du juge en la matière signifie non seulement qu'il est le seul à pouvoir désormais révéler le sens et la portée des termes obscurs contenus dans les conventions, mais également qu'il est tenu de le faire, sans quoi il se rendrait coupable de déni de justice 55. Au delà de cette incrimination, le tribunal qui refuserait d'interpréter une disposition conventionnelle quand cela serait nécessaire, encourt la cassation. L'interprétation étant une question de droit, l'opportunité d'interpréter ainsi que le résultat obtenu relève du contrôle des juridictions supérieures, Cour de cassation ou Conseil d'État.

Lorsqu'un contribuable s'estime imposé à tort sur le fondement d'une disposition nationale qu'il considère non conforme à des mesures conventionnelles, il dispose de la faculté de former un recours contentieux devant le juge français, tendant à faire reconnaître la méconnaissance du traité par l'administration fiscale qui entend l'imposer. Conformément au principe de subsidiarité des conventions fiscales, le juge saisi devra, avant de contrôler la conventionnalité de la mesure contestée et de sa base légale, regarder si le droit interne ne suffit pas à éliminer la double imposition alléguée 56. Si ce n'est pas le cas il devra, aux fins de résolution du litige, révéler la signification de chacune des normes, tout d'abord pour voir si il y a conflit entre les deux, puis pour déterminer la disposition qui prévaut au cas d'espèce.

L'interprétation des clauses anti-abus conventionnelles devant le juge français est donc désormais purement juridique ; elle ne s'attache qu'à des considérations de Droit et non plus d'opportunité politique ou diplomatique, bien qu'en pratique la jurisprudence fasse preuve

55 Art. 4 du Code civil et 434-7-1 du Code pénal.

56 « Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. » CE. Ass., 28 juin 2002, Sté Schneider Electric (n° 232 276).

d'une modération qui semble prendre en compte les intérêts économiques des opérations du commerce international 57.

En France, bien que les procédures d'interprétation se soient homogénéisées avec la fin du recours au ministre des Affaires étrangères, le contentieux fiscal international n'en est pas pour autant confié à une seule juridiction. Le contribuable désirant effectuer un recours contentieux doit donc identifier celle qui est compétente, judiciaire ou administrative, afin de faire droit à sa demande.

Cette répartition de compétence complexe est prévue à l'article L 199 du Livre des procédures fiscales, qui dispose que « en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif » et que « en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions , le tribunal compétent est le tribunal de grande instance ».

Les réclamations portant sur les impôts directs et les prélèvements parafiscaux assimilés ainsi que sur les taxes sur le chiffre d'affaires (taxe sur la valeur ajoutée) relèvent de la compétence des tribunaux administratifs. Les impôts directs sont ceux qui sont payés et supportés par la même personne, il y a ainsi identité entre le redevable et le contribuable. Les impôts sur le revenu, sur les sociétés, ou encore de solidarité sur la fortune ainsi que la taxe d'habitation et la contribution sociale généralisée en font partie.

Les réclamations portant sur les impôts et prélèvements indirects à l'exception de la TVA sont donc de la compétence des tribunaux civils (ce sont les tribunaux de grande instance qui statuent en premier ressort). Les impôts indirects sont ceux qui sont versés à l'État par des personnes mais supportés financièrement par d'autres, c'est le cas de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, des droits de succession, de donation et d'enregistrement.

En pratique, la majorité des litiges en la matière relève des tribunaux administratifs 58 et ceci pour deux raisons. Tout d'abord les conventions de lutte contre la double imposition concernent le plus souvent les impôts directs : impôt sur le revenu et sur la fortune. Les

57 J N. THOMAS, Le contrôle fiscal des opérations internationales, Paris, L'Harmattan, coll. Finances Publiques, 2004, p.276.

58 P. DEROUIN, L'application et l'interprétation des conventions fiscales internationales par les tribunaux français, Revue de Jurisprudence fiscale, 1979/12, p. 402.

impôts indirects, eux, font moins souvent l'objet de tels traités : droits sur les donations, sur les successions et d'enregistrements 59. Ensuite, la matière des impôts indirects, amputée de la TVA, ne constitue qu'à peine 10% des recettes fiscales nettes perçues par l'État 60.

Le contribuable doit donc identifier le type d'imposition auquel il est soumis et qu'il entend contester en vertu d'une convention de lutte contre la double-imposition, afin de former son recours efficacement devant l'un ou l'autre des ordres juridictionnels, tribunal administratif ou tribunal de grande instance.

Comme un même traité peut concerner plusieurs types d'imposition différents, l'interprétation d'une clause anti-abus générale, c'est-à-dire délimitant le champ d'application d'une convention (par exemple la clause de résidence qualifiée), pourra être effectuée par les deux ordres de juridiction, selon que la disposition spécifique en cause soit relative à l'un ou l'autre des types d'impôt, et aboutir à des solutions divergentes.

En effet l'interprétation autonome du juge interne signifie non seulement que le juge interprète selon les règles de son pays, mais également qu'il obéit aux procédures et méthodes propres à sa juridiction. Il est vrai que les différences de procédure entre les deux ordres se sont estompées lors de l'abandon du recours à l'avis du ministre pour interprétation, mais il n'en demeure pas moins que des différences de méthodes existent, notamment du fait de la signification discordante que peut avoir un même terme pour le juge administratif ou le juge judiciaire.

C'est la raison pour laquelle, après avoir déterminer les organes compétents, il convient de s'intéresser aux méthodes mises en oeuvre par ceux-ci lors de l'interprétation des clauses anti-abus conventionnelles.

59 Ainsi il existe 108 conventions visant l'impôt sur le revenu et 55 visant l'impôt sur la fortune, contre 36 visant les droits de successions, 16 pour les droits d'enregistrement et 12 pour les droits sur les donations. Source : DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, Instruction du 16 avril 2010 (BOI 14 A-1-10 n° 45 du 27 avril 2010).

60 9,2 % pour 2008.

Titre 2 - Les méthodes de l'interprétation juridictionnelle française, ou principes de fond

Les juges français sont désormais pleinement compétents pour interpréter les conventions fiscales internationales et donc leurs clauses anti-abus. Ils sont également en mesure de faire prévaloir celles-ci sur la Loi, et non plus seulement sur les actes administratifs, depuis 1975 pour la Cour de cassation 61 et 1989 pour le Conseil d'État 62. Ce contrôle de conventionnalité qui leur est dévolu permet de faire respecter la hiérarchie des normes telle qu'elle ressort de la lecture de l'article 55 de la Constitution.

Comme il n'existe pas de principes généraux d'interprétation du droit fiscal conventionnel, le juge, afin de dégager le sens et la portée des clauses anti-abus, se réfère à plusieurs instruments normatifs, de valeur variable, pour guider son raisonnement. Ce sont ces outils qui seront ici étudiés, avant de voir comment le juge les utilise.

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